La mare au faon - Iris Rivaldi - E-Book

La mare au faon E-Book

Iris Rivaldi

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Beschreibung

Un autre rendez-vous avec le commissaire principal Paul Berger, chargé de mener une nouvelle enquête avec ses habituels compagnons d'aventures du commissariat d'une petite ville de province qui pourrait être la vôtre. Ce flic assez atypique, désormais connu de tous comme le Grogneux, savoure une retraite bien méritée au soleil d'Italie, au bord du lac Majeur. Sa tendre épouse barbote dans un décor de carte postale quand son portable sonne : "Allô Paul, il faut que tu rentres de toute urgence, on a besoin de toi." Appelé par le devoir, le voilà de nouveau fidèle au poste de police pour aider son jeune collègue et commissaire Fabien. Face à une énigme pour le moins inextricable, notre fin limier à la longue expérience va faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas se laisser doubler par un sadique manipulateur. Une course contre la montre s'engage alors pour arrêter ce bourreau à l'esprit tordu. Chaque tome de la série relate une aventure inédite et peut être lu indépendamment.

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Une nouvelle aventure du Grogneux

Vous avez sous les yeux une fiction, donc toute ressemblance avec des personnes, des événements et des lieux existants serait, comme de juste, une prodigieuse coïncidence.

Merci à Jean-Pierre

Le Grogneux est appelé à la rescousse

Pour résoudre une énigme qui flanque la frousse

Et, qui plus est, tient ses ex-collègues en échec.

Mais face à pareil bourbier, restera-t-il le bec

Dans la fange d’une eau où assoiffé

Le faon vient s’abreuver ?

Et quand ce jeune cervidé sent arriver un gêneur,

Il s’enfuit de peur.

Romans de la série déjà publiés, sous forme papier ou numérique, chez différents éditeurs :

- Le Grogneux – tome 1

- Le Grogneux rempile – tome 2

- Le Grogneux face à l’inexplicable – tome 3

- Vilaine petite grenouille – tome 5

Ce quatrième livre, La mare au faon, vogue sur la même onde… Chaque volume relate une aventure inédite et peut être lu indépendamment.

Les policiers du commissariat de Sernon :

- Paul Berger : un commissaire principal ayant hérité d’un surnom qui lui va comme un gant

- Fabien, le commissaire, remplaçant de Paul Berger

- Le capitaine Louis Gorre : son adjoint

- Julie Lagarde : un lieutenant de police

- Julien Caricol : autre lieutenant de police

- Jean Franchetti : un technicien en chef du service local de la police technique affecté au commissariat

- Georges : le gardien de la paix devenu OPJ

Autres personnages :

- L’étonnante Émilie

- Mamie Lucie : la savante grand-mère d’Émilie

- Aline et Joaquim : l’épouse et le fils de Louis

- Emilio : le père de Jean

- Caterina : l’amie d’enfance de Jean

Sommaire

Macabre découverte

Quoi encore !

Tu sais chérie...

De retour

Sacrée Émilie

Mon enquête commence

Le temps presse

En forêt

Le monument

La traque

L’autre victime

Disparu ?

Grand-mère Lucie

La menace

Nouvelle audition

Coup de théâtre

Nouvelle victime

Le subterfuge

Alors ?

De quoi se réjouir ?

Danger !

Le jour suivant

En soirée

Visite aux parents

Réflexions

Macabre découverte

— Merguez reviens ! Au pied ! Obéis un peu, où tu vas comme ça ?

Malgré les ordres, le teckel s’engouffra dans un épais buisson et disparut totalement à la vue de sa maîtresse, qui le suivit néanmoins jusqu’à un point d’eau croupie. Affolée, la vieille dame hurla.

Peu de temps après, la police arriva sur les lieux.

***

À la surface de cette satanée mare, de ces eaux saumâtres, les cailloux ne font pas de ricochets mais les cris d’horreur, oui !

Aujourd’hui, le lieutenant de police Julie Lagarde intervient dans la forêt de Touy alors que Jean photographie des empreintes inscrites dans l’épais terreau charbonneux d’une berge peu abrupte du marais. Cette partie marécageuse des bois échappe habituellement au regard des promeneurs qui arpentent l’allée principale bordée de buissons. Pas cette fois.

— Alors Jean, tu as trouvé quelque chose ? demande-t-elle à l’expert du commissariat de Sernon.

— Non, à part des traces de pattes…

— Rien d’anormal, apparemment. Il y a de ça un mois, je faisais mon footing sur ce chemin le long de la mare et j’ai surpris un petit faon qui s’y désaltérait, à l’endroit de cette eau sombre que tu es en train de mitrailler. Quand il m’a entendue, il a décampé sans chercher à faire connaissance. Je ne savais pas qu’il y avait du gibier par ici.

— Y a de quoi pourtant, on trouve beaucoup de cervidés. L’autre jour en revenant de Beauval, c’était tôt le matin et j’étais dans ma voiture, sur un des champs alentour, j’ai aperçu de superbes biches. Par contre, je n’ai pas vu de cerfs, mais on en trouve sûrement.

— Bon, où est le cadavre ?

— Nulle part. Une promeneuse a simplement découvert une main qui flottait sur l’eau ou plutôt qui stagnait dans la boue. Vu la finesse des doigts, le membre tranché serait celui d’une femme et détail bizarre, il tient fermement un vestige de rubalise sur laquelle est inscrit police ; enfin j’imagine car ne subsistent plus que quatre lettres : P, O, L et I, articule Jean.

— Passe-moi donc le sachet transparent… Voyons voir… En effet, tu supposes bien, c’est reconnaissable, c’est bien un ruban de balisage. Qui a donné l’alarme ?

— Cette dame âgée là-bas. Elle promenait son chien et l’avait détaché pour le laisser gambader à sa guise. À un moment donné, il a disparu derrière les feuillages. Elle l’a appelé plusieurs fois mais il n’est pas revenu, alors qu’il est très obéissant d’habitude. Elle s’est approchée et l’a vu renifler sa trouvaille. D’après ses déclarations à Georges, elle ignorait jusqu’à l’existence d’une mare à cet endroit. Quand la femme a remis le mousqueton de la laisse au collier du chien, elle a d’abord cru que la chose était un petit rongeur mort. Mais en y regardant de plus près, elle a vu le ruban et s’est dit que c’était plutôt intrigant. Elle a donc ameuté le commissariat.

— Bon, je vais prévenir notre bon commissaire Fabien.

— Qu’il avertisse aussi le proc, cette main appartient à une pauvre femme, va savoir ce qu’elle est devenue. On devra assécher la mare pour approfondir la question. Si tu veux participer, Julie, il faut chausser des bottes. Si tu n’en as pas, je crois qu’il en reste une ou deux paires dans la camionnette de la police technique, à l’entrée de l’allée. Tu ne peux pas rester en baskets même si elles sont noires.

— OK, je vais m’équiper. Tu as trouvé des empreintes exploitables ?

— Je ne crois pas, j’ai vu que le bout des doigts avait été brûlé à l’acide. Ce fumier a tout prévu. Même la recherche d’ADN ne mènera à rien, si elle n’est pas dans le fichier.

— Bon merci Jean, je m’en vais chercher des bottes.

Quoi encore !

Quelques jours plus tard, sur les bords du lac Majeur, à Maccagno. Le temps est clément en cette fin septembre ; l’été s’attarde, l’automne n’est pas pressé de prendre la relève. La chaleur répond présente. Je suis assis sur une chaise en pitchpin devant une table ronde du même matériau dans ce petit bar qui ressemble plus à un chalet savoyard qu’à un mas provençal. Quoi de plus naturel, dans ce décor grandiose de moyenne montagne, non loin de la frontière suisse, me diriez-vous, si j’avais l’avantage de vous connaître. Je regarde ma tendre et douce épouse, alanguie au bord de ces eaux claires. En ce début d’après-midi prometteur, elle vient de rafraîchir son corps parfait jusqu’à la taille et sort de l’onde telle Vénus. Il est une heure moins le quart. Cecilia, la serveuse au teint olivâtre affiche un bronzage cuivré, après tout un été de service à cuire au soleil d’Italie. Elle dresse le couvert sur quelques tables en vue du déjeuner des baigneurs, le plus souvent étrangers. En effet, beaucoup d’Allemands monopolisent les lieux croisant parfois quelques Japonaises à socquettes et ombrelle. Tandis que mon hôtesse s’approche de moi, la sonnerie de mon portable vient tout saboter.

« Bon sang, j’aurais dû lui couper le sifflet à celui-là ! Pourquoi ne l’ai-je donc pas éteint ?! Quel casse-pieds peut bien avoir le mauvais goût de troubler la quiétude de mon voyage de noces ? »

J’hésite une seconde avant de me décider. J’entends :

— C’est toi Paul ?

— Qui diable est à l’appareil ? je tonne.

— Ne grogne pas, je te connais, tu sais. C’est moi Fabien, ton collègue, enfin je veux dire ton ancien collègue. Comment ça va ? Ça se passe bien la retraite... ?

— Jusqu’à à peine une minute, ça se passait on ne peut mieux...

— Toujours aussi râleur, je vois.

— Là où je me dore la pilule, personne ne connaît le Grogneux, j’étais loin de penser qu’on me poursuivrait jusqu’ici. J’espère qu’il n’y a pas de problèmes avec ma retraite car je dépense, je dépense et je dépense encore. Le P.I.B. de l’Italie a dû remonter en flèche ! Ah ah ! C’est pour ça que tu m’appelles ? que je lance dans un sursaut de bonne humeur.

— Rassure-toi, tu peux continuer tes folies, ce n’est pas la raison de mon coup de bigo.

— Alors quoi, y a le feu à ma baraque ? Un cambriolage ? Satanés truands, y peuvent pas m’oublier un peu.

— Non, rien de tout ça. Il y a juste que, ben, j’ai besoin de toi...

— Alors là, si je m’attendais... Bon je t’écoute, accouche !

— Euh, voilà, je sais que ce ne sont plus tes affaires désormais en tant que retraité, mais ta grande expérience me sera utile. Je suis dans l’impasse, sérieux, je n’ai encore rien vu de pareil.

— Surtout avec ta longue carrière...

— Rhooo ça va, c’est pas le moment de se moquer, j’ai un gros blème là, quelqu’un joue avec nos nerfs. Et pour couronner le tout, je suis la risée de la presse locale. La dernière manchette titrait : La police dépassée par l’affaire de la mare au faon. Oui, maintenant, figure-toi qu’on a une affaire Mare au Faon sur le dos.

Je crois mal comprendre et m’enquiers :

— Quand tu dis fond, ça veut dire quoi au juste ?

Fabien enchaîne.

— C’est Julie qui l’a appelée comme ça. Tout le monde s’en est emparé et en particulier ces maudits fouille-merde de journaleux. Tu sais le faon, le petit de la biche.

— Ah d’accord, je saisis mieux… Enfin que veux-tu que je te dise ? Je me doutais bien que, tôt ou tard, tu toucherais le fond avec toute la charge de travail au commissariat. En plus, je t’ai aussi laissé la presse en héritage. Y sont pas près de te lâcher tous ces marchands de salades. Je suis passé par là, je compatis.

— Quoi ?

— Rien, rien, continue Fabien.

— Voilà j’ai prévenu la direction, après avoir signé leur papelard, tu pourras m’épauler. Je ne pouvais pas abandonner un fin limier au désert d’une vie normale, ordinaire si tu préfères.

« À la bonne heure ! » pensé-je.

— Le cadavre, c’est qui ? Des indices, de quoi se faire une idée… fais-je intéressé.

— En fait, il n’y a aucun cadavre mais simplement une main de femme tranchée qui tient un morceau de rubalise estampillée police. C’est tout.

— Je sais que je suis bon, Émilie me le serine assez, mais ce que tu me chantes là, c’est plutôt maigrelet. Pourquoi affirmes-tu que l’assassin nargue tes services ?

— D’abord avec ce bout de ruban, ensuite tu verras sur place, ses intentions ne laissent planer aucun doute, son but est de nous faire tourner en bourrique. Tu dois m’aider à résoudre sa charade ou plutôt son jeu de piste. On a affaire à un foutu manipulateur. J’en perds mon latin, même si j’ai jamais franchement possédé aucun latin...

— Peux-tu me laisser quelques jours ? C’est le voyage de noces qu’on attendait tant Émilie et moi. Je vais devoir la préparer… Enfin, tu comprends… ce n’est jamais simple avec une femme. Moi, je suis partant, je commençais à me lasser du clapotis de l’eau. Et puis, il fait trop chaud. Par-dessus le marché… sur le marché d’hier, deux Siciliens m’ont entubé en beauté en me vendant à prix d’or leurs spécialités. Ils ont dû se prendre pour le renard et le chat de la fable et, pensant trouver leur Pinocchio, paf ! ils ont plumé le pigeon. Bref, je voulais faire une surprise à Émilie avec des pâtisseries mais ils m’ont vu venir de loin les lascars avec ma tête de touriste. On a dégusté lentement chaque bouchée de leurs cannoli et de leurs cestini di mandorle, vu la pitance de premier choix… Bon, je me console en pensant au P.I.B. italien… mais j’ai horreur d’être filouté.

— Malheureusement, il te faut sauter dans le premier vol. Je t’attends, le commissariat t’attend. L’affaire fait grand bruit à Sernon, la ville tout entière est en émoi. Tout le monde a peur...

Tu sais chérie...

En un sens, en dépit des circonstances dramatiques qui le motivaient, l’appel au secours de Fabien m’avait réjoui car j’aimais qu’on ait besoin de moi. Mon flair de policier était toujours vif, aux aguets même. Mais voilà, comment expliquer l’interruption de nos vacances à vie pour retourner à Sernon séance tenante. Lucie ? Oui Lucie, la grand-mère d’Émilie, c’était ça la solution. Son immersion chez les Indiens d’Amazonie et l’enseignement qu’elle en avait tiré en font la sagesse faite femme. C’est bien elle qui m’avait dit : « Tu es policier dans l’âme. Ton instinct de flic ne te quittera jamais. » Émilie l’adore et boit ses mots comme du petit-lait. Je vais m’en tirer en arguant des prédictions de son aïeule bien-aimée. D’ailleurs, je crois même pouvoir la solliciter car elle n’est pas repartie pour l’Amérique du Sud. Je suis donc sûr que ma tendre chérie approuvera ma décision de rentrer. Enfin espérons-le.

Après son immersion dans les eaux calmes du lac, Émilie me rejoignit à table. Elle avait déployé son immense drap de plage constellé d’étoiles de mer dorées pour se sécher alors que Cecilia dressait notre couvert.

Elle me regarda intensément et je compris qu’elle avait noté un changement en moi.

— Tu sembles nerveux mon amour, qu’y a-t-il ? J’ai été trop longue, c’est ça ? Tu as sûrement faim. Pardonne-moi, je t’ai trop fait attendre mais l’eau était si bonne, je n’ai pas vu le temps passer.

Comme il est sensible mon petit bout de chou. Depuis qu’on vivait ensemble, Émilie avait maintes fois prouvé me connaître mieux que moi-même. Elle savait que la bonne chère, chez moi, n’était pas sujet à plaisanterie et, à présent, elle percevait d’instinct l’impact de l’appel de Fabien, qui m’avait en effet quelque peu remué.

— Non mon amour, ce n’est pas toi…

— Alors dis-moi à quoi tu penses ? Tu m’as l’air préoccupé.

Poussé dans mes retranchements, j’envisageais deux possibilités. La première : fuir, esquiver. La seconde : affronter les événements. N’importe quel homme aurait éludé la question, en cherchant peut-être même à mentir sur les bords. Moi, j’avais toujours opté pour la franchise. La serveuse apporta une coupelle de tomates séchées accompagnée d’un Marsala maison à l’amande amère, parfait pour ouvrir l’appétit. Émilie refusa d’un geste de la main son Spritz quotidien mais s’attaqua à un bout de tomate fripée tout en me fixant ; signe évident qu’elle attendait une explication.

— Euhh, ben… Alors voilà ! Fabien vient de m’appeler.

— Pour une surprise ! Et qu’est-ce qu’il te veut ? Tu as mis les voiles depuis quinze jours et on ne peut déjà plus se passer de toi.

— Je sais, je ne veux pas gâcher notre voyage de noces, excuse-moi ma chérie.

— Alors que se passe-t-il, Paul ? Cela doit être important pour qu’il t’appelle ici. Un problème à la maison ? La nôtre, je veux dire, pas la Maison avec un grand M.

— J’avais compris mais non, fort heureusement.

— Attends ! Laisse-moi deviner… Voyons, un flic t’appelle en vacances, loin de France, loin de Sernon… il a besoin de toi, c’est ça ? J’ai raison ou j’ai raison ?

— Ah, tu es douée, mon ange. Vraiment, tu m’épates et je ne dis pas ça parce qu’on est en Italie… Et, comme à ton habitude, en effet, tu as raison.

Un geste brusque fit tomber mon couteau sur la terrasse en bois teinté. En me penchant pour le récupérer, Émilie m’arrêta.

— Laisse Cecilia s’en charger, elle va t’en apporter un autre. Dis-moi ce que Fabien a dit, j’ai hâte de l’apprendre.

— Bon, je vois que tu n’es pas fâchée, alors je t’explique.

Je me sentais comme le conteur près de la cheminée devant un parterre d’en-faons. La chaleur y était pour beaucoup dans cette impression. Ce midi l’astre du jour cognait déjà dur et ses rayons me tapaient en pleine figure. Je poussais ma chaise en quête d’un peu de fraîcheur ombragée. La ramure des conifères laissait filtrer de perfides UVA qu’il était plus prudent d’éviter.

— Alors ? J’attends chéri.

— C’est agréable d’être à l’ombre, n’est-ce pas ? pas ça.

— Oui, oui, cesse de me faire rissoler, tu sais que je n’aime

— Fabien a un gros problème pour une enquête, il a même parlé d’une affaire qui fait la une de la presse locale. On a découvert une main de femme tranchée dans une mare de la forêt de Touy.

— Quelle horreur Paul !

— Oui, je sais… alors il veut que je vienne l’aider. Tu me connais, j’ai résolu pas mal d’enquêtes grâce à mon flair mais là, c’est coton car il y a très peu d’indices. L’assassin semble jouer avec la police.

— Mais chéri, une main détachée d’un corps, cela ne veut pas dire qu’il y a un assassin. Le membre peut provenir du cadavre d’une morgue par exemple. J’ai déjà vu ça dans un reportage sur le bizutage en fac de médecine, des crétins d’étudiants s’amusaient à faire des farces… et dire que ça se croit intelligents, alors que de pauvres gens croient faire œuvre utile en léguant leur corps à la science… Ah, elle est belle la science ! Ou alors la femme n’est pas morte et elle est retenue prisonnière par un sadique. Il faut donc te grouiller pour la retrouver…

— Je n’avais pas réfléchi à tout cela, mon amour. Mon cerveau est en vacances. Voilà des pistes à ne pas écarter. Fabien est plutôt parti sur un crime.

— Bon je cours faire les bagages, on rentre tout de suite, tu dois sauver cette femme.

De retour

On prit prestissimo le chemin du retour. Dieu sait que je n’aime pas prendre l’avion. Je me demande toujours comment il réussit à s’accrocher au ciel en narguant la gravité, évitant ainsi de tomber comme une pierre. C’est pourquoi je stresse au décollage comme à l’atterrissage mais quand il y a des trous d’air, des turbulences, alors là, c’est le bouquet. Je peux dire que rien ne m’aura été épargné pendant cette traversée. Mon estomac s’en rappelle encore. Je crois bien avoir serré la main d’Émilie jusqu’à lui broyer les os pendant tout le vol. Quand la porte s’est ouverte, je respirais enfin.

Arrivés à Beauvais, on retrouva avec bonheur notre increvable Peugeot 203 stationnée sur le parking, laquelle n’avait heureusement pas souffert de notre absence. J’envoyais un SMS à Fabien pour le prévenir et il me répondit dans la foulée qu’il m’attendait au commissariat, même s’il était tard.

Vers dix-huit heures trente, on était chez nous. Je laissais Émilie vaquer à son rangement. Elle me fit un gros bisou moite tout en recoiffant mes cheveux hirsutes de la paume de sa main.

— J’en ai pas pour longtemps, chérie, je reviens vite. Je m’en vais regarder l’affaire de près, suite à quoi je pourrai commencer à réfléchir.

Quelques minutes plus tard, sur le parking du commissariat, je claquais la portière sans oublier de fermer à clef. « On n’est jamais trop prudent. Les voleurs rôdent partout. » Je grimpais les marches du grand escalier au pas de charge. La porte du bureau de Fabien était restée ouverte et tout semblait tranquille. J’entrais.

— Salut mon Paul ? Te voilà enfin.

Fabien, affalé dans mon ex-beau fauteuil rotatif en moleskine noir, avait l’air bien las avec ses traits tirés et un je-ne-sais-quoi qui tenait du coup de vieux prématuré. « Les responsabilités, la paperasse », en conclus-je.

— Oh ça va bien, cool, hein ?! J’ai fait fissa fissa, tu sais. Au sujet de l’affaire, Émilie a soulevé un point essentiel, la femme n’est peut-être pas morte en fin de compte.

— Oui, on y a pensé, mais comment le coupable pouvait-il se douter qu’on trouverait la main dans le marais aussi vite ? Il aurait pu se passer des semaines, voire des mois ou plus avant qu’elle ne soit découverte. Alors ?

— Oui, je sais... ou plutôt je ne sais pas... ou bien le fêlé guettait dans le coin pour savoir si son appât allait fonctionner, avec les tordus de ce genre, aucune hypothèse n’est à exclure.

— C’est vrai, c’est une possibilité, mon Paul. Bon, je te montre ce qu’on a. Pas grand-chose au finish. Pas de traces, aucune empreinte, par contre on a retrouvé dans la vase tout un attirail d’objets plus farfelus les uns que les autres et des détritus en tout genre. La liste est là et elle est longue. Toutefois rien ne permet de remonter au taré et à sa victime. L’ADN ne permet pas d’identifier la femme et dans le coin, on n’a pas non plus de personne disparue.

— Je vois, tu es dans la mouise. Il était temps que j’arrive. Enfin, je vais tâcher de t’aider. À deux cerveaux, on réfléchit mieux. Et un troisième ne serait pas de trop, qu’en pense Louis ?

— Il n’est pas plus avancé que moi, il erre dans l’obscurité lui aussi. Le procureur n’est pas content, la direction non plus. Au fait, j’ai des papiers à te faire signer, après quoi désormais, tu viens en renfort. On est toujours ric-rac dans la Maison.

— Bon je signe. As-tu envisagé que la personne qui a trouvé la main puisse être mêlée de près ou de loin à l’amputation ?

— Tu veux parler d’une complicité ? Ça m’étonnerait fort, on l’a longuement interrogée. C’est une petite grand-mère bien tranquille, le genre mémère à son chienchien. D’ailleurs elle promenait la bête le jour de la découverte, c’est le brave toutou qui, à distance, a reniflé l’odeur du sang. Sans lui, cette main aurait tranquillement continué à servir de compost au marécage. C’est donc par le plus grand des hasards qu’il a découvert cette horreur.

— Émilie dit toujours que le hasard n’existe pas, je le crois aussi.

— S’il n’y a pas de hasard, alors quoi ?

— L’ignorance ou alors, dans certains cas, la manipulation. Admettons que le boucher était dans les environs, comment a-t-il pu faire en sorte que quelqu’un découvre le morceau de chair ? Il s’est peut-être arrangé pour ; comme il existe des répulsifs pour les chiens et les chats, il a réussi à trouver une substance qui produit l’effet inverse. Il faut que tu demandes à nos experts d’approfondir cette piste rapidement.

— J’appelle Jean tout de suite en espérant qu’il ait le matériel d’analyse.

— Sinon fais venir les gars de la Scientifique.

— C’est comme si c’était fait.

— Très bien. Je te pique le dossier et je te le ramène demain à la première heure. Dans l’immédiat, je dois tout réactualiser dans ma tête et me remettre de mon voyage. Passé de l’état de retraité végétatif à flic actif, c’est pas tous les jours… À plus, Fabien.

— Oui, vas-y Paul, excuse-moi. Cette histoire me chamboule.

— C’est ce dossier-là ?

— Oui, il n’est pas encore très épais.