Vilaine petite grenouille - Iris Rivaldi - E-Book

Vilaine petite grenouille E-Book

Iris Rivaldi

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Beschreibung

Cette fois, un meurtre commis près du site archéologique de Gisacum conduit le commissaire principal Paul Berger, dit le Grogneux, jusqu'à Évreux. Notre ronchon mais néanmoins sympathique policier va devoir se frotter à un univers étrange auquel il devra vite s'adapter. C'est ainsi qu'il se croira au beau milieu d'un nouveau jeu en réseaux pour le moins troublant. Va-t-il se laisser mener par la moustache face à de jeunes lascars qui jouent trop bien leur rôle ? Sera-t-il le dindon d'une sinistre farce ? Il suffit de connaître son background de policier hors pair pour le savoir de taille à affronter les plus redoutables adversaires. Chaque volume de la série des aventures du commissaire Paul Berger relate une histoire inédite qui peut être lue individuellement.

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Ce récit est une fiction, toute ressemblance avec des personnages ou des situations existants ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

À Jean-Pierre

L’automne est déjà arrivé

Les feuilles jaunies tourbillonnent

Sous les souffles attisés

Alors que l’orage tonne.

Je ne peux me résoudre

À abandonner l’affaire

Même sous ces grondements de l’air

Et les multiples impacts de foudre.

Dans le torrent,

Emporté, comme un fétu de paille je suis,

Je reste sous la pluie ,

Mais ne peux être réduit à cela, nom de nom.

Dans la même série :

- Tome 1 - Le Grogneux, là où tout a commencé...

- Tome 2 - Le Grogneux rempile

- Tome 3 - Le Grogneux face à l’inexplicable

- Tome 4 - La mare au faon

Et le tome 5 à présent, intitulé Vilaine petite grenouille, que vous avez sous les yeux.

Les commissaires de police :

- Le commissaire principal Paul Berger ayant hérité du surnom adéquat.

- Alex Varn : le commissaire d’Évreux.

- Fabien : le commissaire de Sernon.

Autres personnages :

- L’étonnante Émilie

- Mamie Lucie : la savante grand-mère d’Émilie.

- Julie Lagarde : un lieutenant de police.

- Jean Franchetti : un technicien en chef du service local de la police technique affecté au commissariat de Sernon.

Sommaire

Premières observations

Un monde à part

L’affaire se corse

Tous coupables ?

Le maillon faible ?

Sale temps pour la grenouille

La reconstitution

Descente au studio de conception

L’entourage ?

Ruins Search

Une figurine

Qui joue au con ?

Alex

La menace

Qui est le joueur ?

Toujours rien

Horreur !

Ana Julia

C’est reparti

Premières observations

Il était 16 heures 30 quand j’étais dans le jardin, occupé à emmitoufler mes arbustes sous un voile protecteur en prévision des rigueurs hivernales quand j’entendis claquer la porte du couloir.

— C’est moi chéri, j’ai acheté le journal ! On parle de l’affaire du Vieil-Évreux.

— Tu es bien pressée chérie, je ne vois mes collègues que demain.

— En attendant, je voulais savoir ce qu’ils racontent. Attends, je te lis… Voilà, j’y suis, j’ai trouvé l’article, tu m’écoutes ? s’égosilla Émilie toute fébrile, après avoir retourné le canard dans tous les sens en quête de la bonne page, le froissant copieusement en manquant de le déchirer.

— Je suis tout ouïe, vas-y.

— « Il était 17 heures 30, ce jeudi, quand quelques randonneurs en promenade sur le chemin isolé proche du site archéologique de Gisacum, une ville gallo-romaine située près du village du Vieil-Évreux, ont trouvé le corps sans vie d’un jeune homme, le dos appuyé contre un muret, un smartphone sur les genoux. Même si les circonstances de la mort n’ont pas encore été élucidées, selon les enquêteurs, tout laisse penser à un meurtre et que l’individu jouait à un jeu en réseaux sur une application au moment du drame. »

— C’est tout les journaleux ça… il faut toujours qu’ils embrouillent les esprits. On n’a pas encore avancé dans l’enquête qu’ils donnent déjà la clé du mystère et pourquoi pas le nom de l’assassin tant qu’on y est ! On en saura plus demain, ma chérie. Mais si on m’a appelé à l’aide, c’est que l’affaire est ardue. La police ne doit pas avoir de piste.

— On en profitera pour visiter le site, ça m’a l’air intéressant.

— Ah, je te reconnais bien là. Mais tu n’es pas la seule à avoir eu cette idée, les curieux se déplacent en masse depuis cette macabre découverte et si on ajoute à ça la discrétion innée de la presse… alors, on frôle l’invasion. Ça te donnera une nouvelle occasion de sortir ta science, tu vas encore briller par ta culture alors qu’à côté de toi, j’ai l’air d’une terre en friche, en d’autres termes, un ignare...

— Allons bon ! Ne commence avec tes ronchonneries, toi aussi, à ta façon, tu es cultivé. Seulement moi, j’emmagasine un tas de références, ce qui me permet, à l’occasion, de la ramener en société. Toi, tu restes davantage sur ton quant-à-soi, tu as toujours préféré la pudeur au grand déballage, analysa diplomatiquement ma douce petite chérie.

— Exact, je n’encombre pas mon disque dur d’une connaissance somme toute inutile.

— Mais je dois bien avouer n’y connaître que dalle en archéologie, admit Émilie avant de bifurquer sur une note qui ne manqua pas de me réjouir :

— Bon chéri, je vais préparer le repas, en espérant que cela te redonnera le sourire de manger quelque chose de bon. J’avais prévu un curry de chou-fleur, c’est un légume d’octobre justement, ce sera délicieux.

— Ah tu sais parler à l’homme ! Viens là un peu que je te bisoute.

— Me voilà... Tiens au fait, ce soir, ils passent un bon film à la télé, j’ai hâte de me blottir dans tes bras, mon amour adoré.

— Ah bon ? C’est quoi ce film, mon cœur ?

— « L’homme qui aimait les femmes ».

— Quel beau programme ! Moi, j’adore surtout ma femme car elle ne cesse de me surprendre.

— Je suis quand même un tantinet prévisible au sujet de ce que j’attends de toi...

— Que je t’aime, que je t’aime… Rassure-toi, je ne vais pas chanter, le temps est déjà à l’orage, je ne voudrais pas provoquer les foudres célestes. Eh oui, je sais bien à quoi est occupé le plus clair de mon emploi du temps, ce qui n’est pas fait pour me déplaire !

La soirée se passa donc selon les plans d’Émilie, qui se serrait tout contre moi. La chaleur de son corps me faisait un bien fou. Avec elle, je me sentais si vivant. Le film qui datait un peu, était un bon film. Je buvais les paroles de cet acteur comme des petites infusions de bonheur, une sorte de camomille de l’âme.

Quand sonna l’heure du coucher, Émilie enfila sa nuisette rose qui laissait tout deviner de ses formes voluptueuses. J’étais plein d’amour pour elle. Avant de me grimper dessus en une élégante pirouette, elle me fit un sourire malicieux...

Le lendemain, une journée chargée s’ouvrait à moi. Émilie qui tenait à m’accompagner à Évreux m’avait dit qu’elle m’attendrait pendant que je serais au commissariat. En effet, avant d’éclairer mes collègues ébroïciens de mon expertise, il me fallait prendre connaissance du dossier.

Comme ce matin-là le trafic était surchargé, on mit un temps infini (pour moi, l’attente dure toujours trop longtemps) pour rejoindre les lieux. On passa l’Iton, le cours d’eau qui traverse la ville, puis on arriva enfin. Pour tromper agréablement l’attente, Émilie se plongea dans la lecture d’un livre. Elle tenait à relire Le Chat de Simenon. Pour ma part, j’avais vu le film avec Gabin et Signoret, lequel m’avait d’ailleurs remué par son réalisme, tant était palpable la tension haineuse permanente chez ce vieux couple usé par la vie mais qui, dans le fond, ne pouvait pas se passer l’un de l’autre.

Avec ses teintes grège, je trouvais à mon goût la façade de l’hôtel de police. Les différentes fenêtres du rez-de-chaussée présentaient des barreaux et les étages étaient pourvus de stores brun foncé. À Sernon, l’absence de tels équipements se faisait cruellement sentir quand le soleil cognait. Contrairement à certaines idées reçues, la chose arrive aussi en Normandie.

Le commissaire, un certain Alex Varn, m’accueillit chaleureusement dans son vaste bureau du premier étage. Ne s’embarrassant pas de chichis, il me tutoya direct. Il m’offrit un café ristretto ; un mot qu’employait sans arrêt Émilie en Italie, qui ne sacrifiait à sa dose de caféine que là-bas et encore sous sa forme de nectar, sinon niente. C’était bien là le rare snobisme qu’elle s’autorisait. « Hors de question de boire du café dans un saladier ! » se moquait ma connaisseuse quand, pour garder mes neurones en éveil, elle me voyait parfois m’enquiller l’un derrière l’autre des mugs de kawa. Un lieutenant nous apporta donc un breuvage raffiné pendant que je compulsais les pièces du dossier. J’étais surtout pressé de me rendre sur les lieux et, en refermant le classeur, je demandais qu’on les visite sans délai.

— Partons vite ! Le temps n’attend pas.

Avant de descendre pour rejoindre les voitures, j’informais mon collègue que ma femme était en bas. Celui-ci esquissa un sourire franc pour me dire qu’elle aurait pu rentrer, que ça ne posait pas de problème. Il n’entendit pas mon ouf de soulagement intérieur car j’appréhendais un peu sa réaction.

— On m’a dit que ta femme avait été d’une aide précieuse pour résoudre les énigmes, et là, on est devant un casse-tête, on n’a aucune piste sérieuse en vue. Le juge instructeur me talonne avec son obsession des résultats. Or cette mort reste un mystère.

— Tu permets que je prenne ma voiture ? demandai-je.

— Bien sûr et je vous accompagne, comme ça, je montrerai le chemin. De toute façon, c’est simple, il faut repartir vers la B.A 105, tu as dû arriver par là ?

— En effet, on est passé devant une grande base aérienne.

Devant ma bonne vieille 203, la moue dubitative d’Alex dissimulait mal sa stupéfaction mais il se garda néanmoins de tout commentaire. Il serra la main d’Émilie, puis s’installa avec moult difficultés à l’arrière en cherchant à se frayer un passage dans les affaires qu’Émilie avait soigneusement omis de ranger. Ma charmante épouse ne pouvait certes pas prévoir que le patron d’Évreux viendrait poser son séant à l’arrière du véhicule. Un peu gêné aux entournures, je ne voyais pas quoi faire hormis me réfugier dans un silence pesant mais très vite, l’atmosphère se détendit. Émilie avait le don pour apaiser les situations délicates, sa beauté faisait le reste. Alex discutait en toute simplicité, au point de nous faire prendre une mauvaise direction. On arriva plus d’une demi-heure après, puis il invita Émilie à nous suivre :

— Le regard non professionnel de ta femme peut nous être utile, ajouta le commissaire avec un sourire bienveillant.

Façon de dire qu’Émilie était adoptée. Professionnel ou pas, tout regard est bon à prendre quand on erre dans le désert. Ça nous facilitera les journées, puisqu’elle comptait bien m’accompagner partout. Un instant, je pensais à Columbo, qui au panthéon de mes icônes policières figure en bonne place, non loin du commissaire Bourrel. Contrairement au fameux lieutenant, qui devait tant à sa tendre moitié, je ne me contentais pas d’en parler, moi, je l’emmenais partout. Les temps changent décidément...

Alex nous fit un rapide topo sur la disposition des lieux qui, dans le monde antique, servaient de sanctuaire : thermes, théâtre, temple... Rien n’était trop beau pour l’incarnation faite dieux de la beauté, des arts et des lettres et on ne reculait apparemment devant aucun faste pour les honorer. Les panneaux explicatifs nous donnaient quelques détails complémentaires d’ordre intime en ces temps reculés. En effet, à force de se poupouiller presque nus dans de l’eau chaude, ce n’est pas un hasard si aujourd’hui l’orgie va aux Romains de l’Antiquité comme la sardine à l’huile. Et je suis d’ailleurs bien placé pour savoir que l’exaltation continue des sens conduit forcément à quelques dérapages. Ceux dans lesquels Émilie a pris l’habitude de m’entraîner sont toutefois bien sages en comparaison.

Puis on s’éloigna un peu du parking, de la boutique-musée, du centre d’interprétation archéologique pour prendre un chemin qui se divisait en fourche afin de rejoindre le jardin archéologique. Ensuite, en retrait de la visite touristique, on arpenta un chemin de terre où les tracteurs avaient tracé leur sillon. On longea une immense étendue aride plantée d’herbes hautes desséchées qui se déployaient à perte de vue jusqu’aux bosquets touffus qu’on devinait au loin. Dès 30 degrés, comme l’affirment les journaux du coin, la Normandie déclenche officiellement son plan canicule et, après les fortes chaleurs de l’été, le paysage avait en effet pris des couleurs de savane. Au beau milieu, se dressait un petit muret de pierre en phase complète avec le décor, qu’on aurait même pu prendre pour des ruines.

— C’est là qu’on a trouvé le jeune homme de 24 ans, il y a plus de quinze jours, nous montra Alex d’un geste vigoureux du bras. Quand les randonneurs l’ont découvert, ils le croyaient en train de jouer, concentré sur son smartphone encore connecté. Ils étaient loin de penser qu’il était mort dans la position où il se trouvait. C’est juste parce qu’une femme du groupe s’est approchée pour lui demander s’ils étaient dans la bonne direction, qu’elle a aperçu une fléchette de sarbacane plantée à l’arrière de son cou. Le médecin légiste a conclu à une mort provoquée par de la batrachotoxine, également dénommée « poison de la grenouille. »

— Ah je connais ! ma grand-mère m’en a parlé, s’écria Émilie, ce qui surprit tout le monde, mais ma petite femme était comme ça, surprenante. Et de poursuivre aussitôt : « elle a longtemps vécu en forêt amazonienne où les Indiens enduisent leurs flèches avec les sécrétions sous-cutanées de petites grenouilles, du genre Dendrobatidae, si je me souviens bien. »

— Oui en effet, notre Lucie en connaît un rayon sur tout ce qui touche la forêt vierge d’Amérique du Sud. D’ailleurs elle pourra nous être d’un grand secours. Je devrai quérir quelques infos auprès d’elle. En tout cas, l’assassin, lui aussi, connaît très bien ce venin.

Dans cette campagne lumineuse, il m’était loisible de dévisager Alex, un type de taille moyenne d’environ trente-cinq ans, à peine plus grand que moi avec des cheveux roux coupés en brosse ; sa peau claire était d’ailleurs parsemée de taches de rousseur. Il émanait de lui une certaine douceur, une sorte de réserve presque timide, surtout devant Émilie. A priori aucune parcelle d’autorité ne filtrait de sa personne, était-il marié, en couple ou adepte des rencontres sporadiques ? Je brûlais d’avoir des réponses comme dans un interrogatoire. Pourquoi cette curiosité m’assaillait-elle à ce moment précis ? De toute façon, j’aurais fini par savoir même s’il semblait avare d’informations sur sa vie personnelle.

Je posais la question rituelle :

— Nos experts ont-ils relevé des indices sur la victime ou dans les environs ?

— Non, absolument rien Paul... Ah, j’oubliais... si, juste une petite perle colorée et percée. Peut-être s’est-elle détachée d’un habit ?

— Celui du criminel ?

— Ça se pourrait bien, comme tu peux le voir, l’endroit n’est pas très fréquenté. Peu de gens traînent par ici, à l’écart des ruines. Ce n’est même pas un chemin de randonnée balisé.

— Où a-t-elle été trouvée ?

— Là, me montra-t-il, parmi de hautes herbes couchées à une dizaine de mètres du muret. Le meurtrier devait se planquer. C’est de cet endroit qu’il a décoché sa flèche mortelle. Cela a dû entraîner la paralysie de la victime suivie de sa mort rapide.