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Le marché intérieur, héritier du marché commun qui a longtemps symbolisé la Communauté européenne, reste une des principales réalisations de l’Union européenne.
Ce quatrième volume de la grande matière « Marché intérieur » du Commentaire J. Mégret porte sur deux thèmes différents mais complémentaires, une introduction au marché intérieur, d’une part, et une étude de la libre circulation des marchandises, d’autre part.
Cette analyse économique, réalisée par l'Institut d'études européennes et divisée en deux grandes parties, souligne que le marché intérieur ne se limite pas aux quatre libertés qui le composent et qu’il ne doit pas être envisagé uniquement comme un espace de libre circulation mais aussi comme un ensemble normatif encadrant les libertés.
EXTRAIT
Le marché intérieur constitue aujourd’hui encore la principale réalisation de l’Union européenne1. Il forme le socle de la construction européenne et représente le creuset à l’intérieur duquel se déploient les activités de l’Union européenne. Héritier du marché commun, auquel on assimilait volontiers la Communauté européenne dans ses origines premières, le marché intérieur représente aujourd’hui un ensemble de plus de cinq cents millions de personnes, à l’intérieur duquel selon le vœu des pères fondateurs de l’Union européenne, la libre circulation des personnes et des marchandises ainsi que des autres facteurs de production, est assurée conformément aux dispositions des traités. C’est probablement le domaine du droit de l’Union qui fait le plus consensus entre les Etats membres. Même les plus minimalistes de la construction européenne s’y retrouvent, dans la mesure où le libre-échange ou la liberté des échanges est censée produire des effets économiques favorables pour tous les partenaires. ontrairement à certaines idées reçues, le marché intérieur n’est pas figé. Il évolue constamment dans le sens d’une sophistication croissante et doit se protéger régulièrement contre les tentatives de retour en arrière des Etats et même d’opérateurs publics et privés, désireux de réintroduire de nouvelles entraves. Le marché intérieur constitue donc une création permanente, qui doit aussi se fixer à échéance régulière de nouveaux objectifs, comme ce fut le cas à l’occasion du vingtième anniversaire de son « ouverture » (chapitre I). Ainsi conçu, le marché intérieur doit non seulement être entendu comme une espace au sens territorial ou géographique du terme mais aussi comme une somme, un ensemble normatif encadrant les libertés fondamentales de circulation et qui bénéficie aux opérateurs économiques européens effectuant cependant des échanges principalement entre les Etats membres (chapitre II).
À PROPOS DE L'AUTEUR
Autour de
Claude Blumann, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris II), coordonnateur de la grande matière « Marché intérieur » et du présent volume, l’ouvrage réunit des spécialistes confirmés de la matière :
Brunessen Bertrand, professeure à l’Université de Rennes I,
Loïc Grard, professeur à l’Université de Bordeaux,
Fabienne Peraldi-Leneuf, professeure à l’Université Paris Sud,
Yves Petit, professeur à l’Université de Lorraine, et
Christophe Soulard, conseiller à la Cour de cassation.
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Seitenzahl: 1346
Veröffentlichungsjahr: 2019
Collection fondée par Jacques Mégret
Comité de rédaction
Marianne Dony (directeur), Emmanuelle Bribosia (secrétaire de rédaction), Claude Blumann, Jacques Bourgeois, Laurence Idot, Jean-Paul Jacqué, Henry Labayle, Fabrice Picod
E D I T I O N S D E L ’ U N I V E R S I T E D E B R U X E L L E S
Commentaire J. Mégret
3e édition entièrement refondue et mise à jour
Marché intérieur
SOUS LA COORDINATION DE CLAUDE BLUMANN
Introduction au marché intérieur Libre circulation des marchandises
CLAUDE BLUMANN (DIR.), BRUNESSEN BERTRAND, LOIC GRARD, FABIENNE PERALDI-LENEUF, YVES PETIT, CHRISTOPHE SOULARD
Le coordonnateur de la grande matière « Marché intérieur » est Claude Blumann, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris II).
Les auteurs du présent volume sont :
Claude Blumann, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris II), pour le livre I, Introduction au marché intérieur, et le chapitre I, Le régime général, du titre I, Les restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent, de la partie II, Entraves non pécuniaires, du livre II, Libre circulation des marchandises ;
Brunessen Bertrand, professeure à l’Université de Rennes I, pour le chapitre II, Les justifications des entraves aux échanges du titre I, Les restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent, de la partie II, Entraves non pécuniaires, du livre II, Libre circulation des marchandises ;
Loïc Grard, professeur à l’Université de Bordeaux, pour le titre II, Monopoles nationaux, de la partie II, Entraves non pécuniaires, du livre II, Libre circulation des marchandises ;
Fabienne Peraldi-Leneuf, professeure à l’Université Paris Sud, pour la partie III, Les dispositifs d’encadrement, de surveillance et de contrôle de la libre circulation des marchandises, du livre II, Libre circulation des marchandises ;
Yves Petit, professeur à l’Université de Lorraine, pour le titre II, Taxes d’effet équivalent et impositions intérieures, de la partie I, Entraves pécuniaires, du livre II, Libre circulation des marchandises ;
Christophe Soulard, conseiller à la Cour de cassation, pour le titre I, L’Union douanière et les droits de douane, de la partie I, Entraves pécuniaires, du livre II, Libre circulation des marchandises.
Les opinions exprimées dans le présent ouvrage n’engagent que les auteurs et non les institutions pour lesquelles ils travaillent.
E D I T I O N S D E L ’ U N I V E R S I T E D E B R U X E L L E S
Commentaire J. Mégret
3e édition entièrement refondue et mise à jour
Marché intérieur
SOUS LA COORDINATION DE CLAUDE BLUMANN
Introduction au marché intérieur Libre circulation des marchandises
CLAUDE BLUMANN (DIR.), BRUNESSEN BERTRAND, LOIC GRARD, FABIENNE PERALDI-LENEUF, YVES PETIT, CHRISTOPHE SOULARD
Troisième édition DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE Contrôle des aides d’Etat, 2007. Contrôle des concentrations, 2009.
MARCHE INTERIEUR Libre circulation des personnes et des capitaux. Rapprochement des législations, 2006. Environnement et marché intérieur, 2010. Politique agricole commune et politique commune de la pêche, 2011.
POLITIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES Intégration des marchés financiers, 2007. L’Union européenne et sa monnaie, 2009. Politique fiscale, 2012.
RELATIONS EXTERIEURES Politique commerciale commune, 2014. L’Union européenne comme acteur international, 2015.
E-ISBN 978-2-8004-1684-7 D/2015/0171/4 © 2015 by Editions de l’Université de Bruxelles Avenue Paul Héger, 26 - 1000 Bruxelles (Belgique)[email protected]
Sur l’auteur
Autour de Claude Blumann, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris II), coordonnateur de la grande matière « Marché intérieur » et du présent volume, l’ouvrage réunit des spécialistes confirmés de la matière : Brunessen Bertrand, professeure à l’Université de Rennes I, Loïc Grard, professeur à l’Université de Bordeaux, Fabienne Peraldi-Leneuf, professeure à l’Université Paris Sud, Yves Petit, professeur à l’Université de Lorraine, et Christophe Soulard, conseiller à la Cour de cassation.
À propos du livre
Ce quatrième volume de la grande matière « Marché intérieur » du Commentaire J. Mégret porte sur deux thèmes différents mais complémentaires, une introduction au marché intérieur, d’une part, et une étude de la libre circulation des marchandises, d’autre part. L’introduction au marché intérieur aurait pu figurer en tête de tous les volumes de la grande matière mais il a semblé que le recul des trois premiers volumes permettait d’avoir une vue plus claire de la situation, surtout après avoir franchi le cap des vingt ans du grand marché intérieur, lancé par la Commission dans son célèbre livre blanc de 1985 et presque définitivement achevé en 1992. Le marché intérieur, héritier du marché commun qui a longtemps symbolisé la Communauté européenne, reste une des principales réalisations de l’Union européenne ; il en forme le socle, sur lequel se sont greffées toutes les avancées ultérieures. Le livre I de l’ouvrage permet d’en avoir une vue synthétique et d’approcher les quatre grandes libertés traditionnelles dans une vision d’ensemble, coordonnée et synthétique, et dans une perspective dynamique. Le marché intérieur constitue une création permanente, dont la réalisation complète nécessite des efforts continus. L’analyse s’efforce de souligner que le marché intérieur ne se limite pas aux quatre libertés qui en forment les composantes et qu’il ne doit pas être envisagé uniquement comme un espace de libre circulation mais aussi comme un ensemble normatif encadrant les libertés et visant à en assurer le bon fonctionnement et la pérennité. La libre circulation des marchandises constitue l’objet du livre II de l’ouvrage, le plus important quantitativement. La libre circulation des marchandises attire peut-être aujourd’hui moins les regards, notamment de la doctrine, que les questions liées aux personnes mais il n’en demeure pas moins qu’elle conserve une place prépondérante au sein des grandes libertés. Non seulement, elle figure toujours en tête de la présentation effectuée par les traités, mais, en dépit des progrès effectués par les autres libertés, elle garde encore une longueur d’avance en ce qui concerne les techniques juridiques qui en permettent la mise en oeuvre. Son objectif principal est de lutter contre toutes les entraves susceptibles de freiner le libre mouvement des échanges intracommunautaires de marchandises. A cet égard, un constat s’impose : les droits de douane et restrictions quantitatives qui étaient, lors de l’entrée en vigueur du traité de Rome, les obstacles les plus importants et les plus visibles aux échanges ont non seulement disparu mais ne constituent plus des concepts juridiques importants. Ce sont les « équivalents » – taxes et mesures – qui ont progressivement occupé les devants de la scène. Le livre II est structuré en trois parties : la première est consacrée aux entraves dites pécuniaires, qui recouvrent deux composantes : l’union douanière et les droits de douane, d’une part (titre I) ; les taxes d’effet équivalent et impositions intérieures, d’autre part (titre II). La deuxième partie porte sur les entraves non pécuniaires sur lesquelles les contentieux s’avèrent très importants et qui prennent des configurations de plus en plus sophistiquées. Cette partie englobe tout à la fois les restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent, incluant une analyse des dérogations devenues justifications (titre I), et les monopoles nationaux de caractère commercial (titre II). Enfin, l’ouvrage prend acte qu’il ne suffit pas de lutter contre les entraves, il s’agit aussi de les prévenir. A cet égard, l’Union a développé un important arsenal de mesures classiques pour certaines et plus contemporaines pour d’autres, permettant d’agir en amont, qui sont examinées dans la troisième partie.
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Table des matières
AVANT-PROPOS
Livre I - Introduction au marché intérieur
Chapitre I - Le développement du marché intérieur
I - Du marché commun au marché intérieur
1 - Le marché commun
2 - Le marché intérieur
§1 - Le livre blanc de la Commission
§2 - Concrétisation du marché intérieur par l’Acte unique européen
§3 - Dispositions actuelles
§4 - Réalisation du marché intérieur
II - Les outils du marché intérieur
1 - Les notions d’harmonisation et de reconnaissance mutuelle
2 - Le recours à l’harmonisation et à la reconnaissance mutuelle
3 - Procédures d’harmonisation et de reconnaissance mutuelle
§1 - Procédures « spontanées »
§2 - Procédures provoquées
Chapitre II - Le champ d’application du marché intérieur
I - Le champ d’application géographique (ratione loci)
II - Le champ d’application matériel (ratione materiae)
1 - Le domaine respectif des quatres libertés
2 - Notion de marchandise
§1 - Approche générale
§2 - Cas particuliers
III - Le champ d’application personnel (ratione personae)
1 - Problématique
2 - Situation purement interne et libre circulation des marchandises
§1 - Situation purement interne et taxe d’effet équivalent
§2 - Situation purement interne et mesure d’effet équivalent
3 - Situation purement interne et libre circulation des personnes
§1 - L’impact de la citoyenneté européenne
§2 - Libre circulation des travailleurs
Chapitre III - Principes de base régissant les activités économiques au sein du marché intérieur
I - Le libre exercice des activités professionnelles
1 - Un principe d’origine jurisprudentielle
2 - Apport de la charte des droits fondamentaux de l’Union
§1 - Contenu des articles 15 et 16 de la charte
§2 - Quelques applications jurisprudentielles
II - Egalité de traitement et non-discrimination
1 - Discriminations prohibées ab initio
§1 - Présentation générale
§2 - Application au marché intérieur
2 - Formes de discrimination appréhendées ultérieurement
§1 - Discrimination en fonction de l’âge
§2 - Autres discriminations (exemples)
§3 - Apport de la charte des droits fondamentaux
Livre II - Libre circulation des marchandises
Introduction
Partie I - Entraves pécuniaires
Titre I - L’Union douanière et les droits de douane
Chapitre I - Le cadre général
I - Le cadre international
1 - L’Organisation mondiale du commerce
2 - Licéité des droits de douane
3 - Notion et exemples d’unions douanières et de zones de libre-échange
4 - Conditions de validité des unions douanières et des zones de libre-échange
5 - L’Organisation mondiale des douanes
II - Le cadre européen
1 - Dispositions du traité relatives à la compétence internationale de l’Union
2 - Dispositions du traité relatives à la réglementation douanière de l’union
3 - Le code des douanes communautaire
§1 - Naissance du code des douanes communautaire
§2 - Inadaptation du code des douanes communautaire
4 - Adoption du code des douanes modernisé
5 - Remplacement du code des douanes modernisé par le code des douanes de l’Union
6 - Structure du code des douanes de l’Union
7 - Principales modifications apportées par le code des douanes de l’Union
8 - Champ d’application de la réglementation douanière
§1 - Champ d’application territorial
§2 - Champ d’application matériel
9 - Rôle des Etats membres
§1 - Recouvrement des droits de douane
§2 - Contrôle des opérations et poursuite des infractions
§3 - Risques de disparité
10 - Coopération douanière
§1 - Dispositions du traité relatives à la coopération douanière
§2 - Coopération au sein de l’Union européenne
§3 - Coopération avec des Etats tiers
Chapitre II - Les règles de fond applicables aux marchandises destinées à rester sur le territoire de l’Union
I - Le classement tarifaire
1 - Fonction et structure de la nomenclature combinée
§1 - Généralités
§2 - Mode de classification
§3 - Libellé des positions et sous-positions
§4 - Notes de section, de chapitre et de position
2 - Interprétation de la nomenclature combinée
§1 - Règles d’interprétation
§2 - Notes explicatives
a) Notes explicatives du système harmonisé
b) Notes explicatives de la nomenclature combinée
§3 - Règlements et avis de classement
§4 - Renseignements tarifaires contraignants
a) Mode de délivrance
b) Transmission à la Commission
c) Effets
II - Détermination de l’origine
1 - Généralités
§1 - Intérêt de la question
§2 - Origine et provenance
§3 - Origine de droit commun et origine préférentielle
a) Système des préférences généralisées (SPG)
b) Franchises
c) Régimes préférentiels conventionnels
§4 - Textes applicables
§5 - Renseignements contraignants
2 - Détermination de l’origine non préférentielle
§1 - Règles présidant à la détermination de l’origine
a) Marchandises entièrement obtenues dans un seul pays
b) Marchandises obtenues dans plusieurs pays
§2 - Preuve de l’origine non préférentielle
3 - Détermination de l’origine préférentielle
§1 - Règles présidant à la détermination de l’origine
a) Marchandises obtenues dans un seul pays
b) Marchandises obtenues dans plusieurs pays
§2 - Preuve de l’origine préférentielle
a) Enjeu de la question
b) Coopération administrative
c) Répartition des compétences
d) Incertitudes jurisprudentielles
III - Détermination de la valeur en douane
1 - Considérations générales
2 - Règles présidant à la détermination de la valeur
§1 - Recherche du prix de base
a) Méthode ordinaire
b) Méthodes de substitution
§2 - Opérations accessoires
a) Cas où la valeur de base a été établie sur le fondement d’une méthode subsidiaire
b) Cas où la valeur de base a été établie sur le fondement de la méthode de la valeur transactionnelle
Chapitre III - Les règles de fond applicables aux marchandises destinées à ne pas rester sur le territoire de l’Union
I - Généralités
II - Les différents régimes économiques et suspensifs
1 - Entrepôt douanier
2 - Admission temporaire
3 - Régimes de perfectionnement et de transformation sous douane
4 - Régimes de transit
5 - Zones franches et entrepôts francs
6 - Exportation et réexportation
Chapitre IV - Les procédures de dédouanement
I - Personnes habilitées
1 - Principe
2 - Représentation directe et indirecte
3 - Commissionnaires en douane
4 - Restrictions
5 - Statut d’opérateur économique agréé
§1 - Avantages attachés au statut
§2 - Conditions d’obtention du statut
§3 - Procédure de délivrance
§4 - Le statut d’opérateur économique agréé dans le code des douanes de l’Union
II - Lieu d’accomplissement des formalités
III - Déclaration sommaire
IV - Surveillance et conduite en douane
V - Présentation en douane
1 - La déclaration par écrit : procédure normale
2 - Procédures simplifiées
3 - Déclaration par procédé informatique
4 - Déclaration verbale
5 - Déclaration par tout autre acte
VI - Suite de la déclaration en douane
1 - Acceptation de la déclaration
2 - Rectification et invalidation de la déclaration
3 - Vérification de la déclaration
4 - Suites de la vérification
§1 - Prise en compte des résultats de la vérification
§2 - Mainlevée des marchandises
VII - Contrôle a posteriori de la déclaration
Chapitre V - La dette douanière
I - Naissance de la dette douanière
1 - Fait générateur de la dette douanière
§1 - Principe en matière d’importations
§2 - Notion d’introduction irrégulière dans le territoire douanier
§3 - Marchandises détruites ou perdues
§4 - Dette à l’exportation
§5 - Marchandises exclues du commerce licite
2 - Moment où la dette douanière prend naissance
3 - Lieu de naissance de la dette
4 - Moment à prendre en considération pour la détermination du montant de la dette
5 - Personnes tenues au paiement de la dette
II - Recouvrement de la dette
1 - Détermination du droit applicable
2 - Prise en compte de la dette
3 - Modalités de paiement
§1 - Principe du paiement au comptant
§2 - Dérogations
a) Report de paiement
b) Paiement des droits par obligations cautionnées
4 - Cas de non-recouvrement
§1 - Variété des situations
§2 - Le cas particulier de l’article 220, par. 2, b, du code des douanes communautaire
a) Application aux régimes préférentiels
b) Application en dehors de régimes préférentiels
c) Exigence de bonne foi
III - Extinction de la dette
1 - Disparition du fait générateur
2 - Remise des droits
IV - Remboursement des droits
Titre II - Taxes d’effet équivalent et impositions intérieures
Chapitre I - Elimination et interdiction des droits de douane et taxes d’effet équivalent
I - Interdiction des droits de douane et taxes d’effet équivalent
1 - Caractères de l’interdiction
2 - Portée de l’interdiction
II - Champ d’application de l’interdiction des droits de douane et taxes d’effet équivalent
1 - Interdiction des droits de douane à l’importation et à l’exportation
2 - Interdiction des taxes d’effet équivalent à l’importation et à l’exportation
3 - Interdiction des droits de douane à caractère fiscal
III - Modalités de l’élimination et de l’interdiction des droits de douane et taxes d’effet équivalent
1 - La clause de standstill
2 - Les périodes de transition
3 - L’effet direct
Chapitre II - Qualification de taxe d’effet équivalant à un droit de douane
I - Une définition jurisprudentielle en deux temps
1 - La définition de l’arrêt Pain d’épice de 1962
2 - La définition des deux arrêts du 1er juillet 1969
II - Les critères de qualification des taxes d’effet équivalent
1 - L’objet de la taxe : une charge pécuniaire
2 - Les appellations de la taxe : l’indifférence des qualifications nationales
3 - Le fait générateur de la taxe : le franchissement de la frontière
§1 - Une frontière étatique
§2 - Une frontière infra-étatique
a) La jurisprudence de la Cour de justice
b) L’analyse critique de la jurisprudence de la Cour de justice
4 - Le caractère unilatéral de la taxe et l’interprétation extensive de la notion d’Etat
III - Exceptions à la qualification de taxes d’effet équivalent
1 - La rémunération pour service rendu aux opérateurs économiques
2 - Une redevance fondée sur le droit de l’Union européenne
3 - Une redevance relevant d’un système général d’impositions intérieures
§1 - Les champs d’application respectifs des taxes d’effet équivalent et des impositions intérieures et leurs vicissitudes
§2 - La requalification des impositions intérieures en taxes d’effet équivalent
Chapitre III - Le remboursement des taxes indûment perçues
I - Fondement du droit à répétition de l’indu
II - Mise en œuvre du droit à répétition de l’indu
1 - Une mise en œuvre dans le cadre national
§1 - L’autonomie institutionnelle et procédurale
§2 - L’encadrement de l’autonomie institutionnelle et procédurale
2 - Une limite : répercussion du montant de la taxe et enrichissement sans cause
3 - La limitation dans le temps : répétition de l’indu et sécurité juridique
Partie II - Entraves non pécuniaires
Titre I - Les restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent
Chapitre I - Le régime général
I - Evolution générale
1 - Dispositions des traités
§1 - Dispositions originaires
§2 - Apport de l’Acte unique européen
§3 - Le traité de Lisbonne
2 - Effet direct et invocabilité
§1 - L’effet direct vertical
§2 - L’effet direct horizontal
II - Le champ d’application des articles 34 et 35
1 - Le champ d’application matériel
§1 - Impact de l’harmonisation des législations nationales
§2 - Mesures d’effet équivalent et autres notions restrictives des échanges de marchandises
a) Entraves techniques
b) Taxes d’effet équivalent et impositions intérieures
c) Monopoles nationaux de caractère commercial
d) Aides d’Etat
2 - Champ d’application personnel
§1 - L’origine étatique de la mesure d’effet équivalent
§2 - L’Union européenne, à l’origine de mesures d’effet équivalent
§3 - L’origine privée des mesures d’effet équivalent
III - La notion de mesure d’effet équivalent
1 - Définitions initiales
§1 - Définition des termes utilisés par les articles 34 et 35 TFUE
§2 - Interprétation donnée par la Commission
2 - L’objet commercial, critère de la mesure d’effet équivalent
§1 - De Dassonville à Keck et Mithouard
§2 - Keck et Mithouard et ses suites
3 - Le critère de l’effet restrictif : l’entrave aux échanges
§1 - Localisation de l’entrave
§2 - Incidence de Keck et Mithouard
4 - Clarifications récentes
§1 - Renouvellement des critères classiques et critère de l’accès
§2 - Illustrations des critères renouvelés
5 - Les mesures d’effet équivalent à l’exportation
§1 - Spécificité des mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives à l’exportation
§2 - Evolution possible de la jurisprudence
IV - Typologie des mesures d’effet équivalent
1 - Les mesures discriminatoires à l’encontre des produits importés
§1 - Sujétions spéciales aux importations
§2 - Contrôles injustifiés
§3 - Règles spécifiques de production et de commercialisation à l’importation
§4 - Avantages aux produits nationaux
2 - Les mesures relatives aux conditions auxquelles doivent répondre les produits
§1 - Normes techniques de fabrication
§2 - Normes de mise en marché
a) Dénomination et marquage
b) Conditionnement
c) Etiquetage
§3 - Contrôles et autorisations diverses
3 - Autres mesures entravant l’accès au marché d’un Etat membre des produits originaires d’autres Etats membres
§1 - Normes de commercialisation et modalités de vente
a) Techniques particulières de vente
b) Publicité
c) Réglementation en matière de prix
§2 - Réglementations restrictives de l’accès au marché
Chapitre II - Les justifications des entraves aux échanges
I - La multiplication des catégories de justifications
1 - Justifications « spontanées » contrôlées a posteriori par le juge
§1 - La dichotomie traditionnelle entre dérogations textuelles et jurisprudentielles
a) Les dérogations textuelles
b) Les dérogations jurisprudentielles
§2 - Les ambiguïtés conceptuelles entre les catégories de justifications
a) La fragilisation des catégories
b) La porosité des catégories
2 - Les justifications « formalisées » contrôlées a priori par la Commission
§1 - Les mesures dérogatoires fondées sur l’article 114 TFUE
a) La dualité des mesures dérogatoires
b) Les conditions d’admission des mesures de sauvegarde
§2 - Les dérogations fondées sur les actes de droit dérivé
II - L’alignement du régime des justifications
1 - La convergence des conditions générales
§1 - Les conditions préalables
a) Le lien avec l’harmonisation européenne
b) Une justification non économique
§2 - Le contrôle de proportionnalité
a) Les modalités classiques du contrôle
b) La modulation du contrôle
2 - Le maintien incertain de conditions spécifiques
§1 - Les conditions prétoriennes applicables aux justifications jurisprudentielles
a) L’application des exigences impératives aux seules mesures indistinctement applicables
b) La mise en balance des libertés fondamentales
§2 - Les conditions spécifiques à l’application des justifications de l’article 36 TFUE
a) L’interprétation stricte des exceptions prévues par le traité
b) L’interdiction des discriminations arbitraires et des restrictions déguisées
Titre II - Monopoles nationaux
Chapitre I - Le droit dédié aux monopoles
I - Le périmètre de l’article 37 TFUE
II - La portée de l’article 37 TFUE
1 - Supprimer la discrimination, mais pas le monopole
2 - Monopole d’importation ou d’exportation
3 - Distribution sous monopole d’Etat
4 - Distribution réservée à certains détaillants
III - La justification de certains monopoles restreignant la libre mobilité des marchandises
1 - Une règle de raison au sein de l’article 37 ?
2 - Justification du fait d’une mission relevant d’un service d’intérêt économique général
Chapitre II - Les monopoles, au-delà du droit qui leur est dédié
I - L’illégalité de certains droits exclusifs d’importation et de commercialisation
II - Vente de détail réservée à des distributeurs autorisés : présomption de validité
III - Article 34 ou 37 TFUE ?
IV - Mesures accompagnant les monopoles de distribution
Partie III - Les dispositifs d’encadrement, de surveillance et de contrôle de la libre circulation des marchandises
Chapitre I - Dispositifs de prévention des obstacles techniques aux échanges de marchandises
I - Le dispositif général de prévention : la notification des réglementations techniques et des normes (la directive 98/34)
1 - Un outil de coopération procédurale innovant
§1 - Le principe de la notification
§2 - Les procédures spécifiques « règles techniques » et « normes »
2 - Un outil de coopération transparent et efficace
§1 - L’étendue de l’obligation de notifier, ses dérogations, ses sanctions
a) L’obligation de notifier
b) Les exceptions
c) La sanction pour non-notification
§2 - Un champ d’application très large : l’interprétation des notions de règles techniques et de normes techniques
a) La notion de règle technique
b) La notion de norme technique
3 - L’intégration de la procédure 98/34 dans la politique « mieux légiférer »
§1 - La contribution à la qualité de la législation
§2 - La promotion des normes européennes
II - La prévention des obstacles aux échanges dans les secteurs non harmonisés
1 - L’institutionnalisation progressive de la « reconnaissance mutuelle »
2 - Le « mécanisme d’intervention rapide » mis en place par le règlement « fraises » 2679/98
III - Dans les secteurs harmonisés : vers une « nouvelle approche » en matière d’harmonisation technique et de normalisation
1 - Les principes généraux de l’harmonisation législative
§1 - Le sens de l’harmonisation
§2 - Les méthodes d’harmonisation : « l’ancienne approche »
§3 - Les procédures visant à l’harmonisation des législations nationales
a) La procédure de l’article 115 TFUE
b) La procédure de l’article 114 du traité FUE
2 - La nouvelle approche
§1 - La relance de l’harmonisation et la nouvelle approche
§2 - Les modalités de la nouvelle approche : l’harmonisation des exigences de sécurité ou de protection de l’environnement ou d’autres intérêts publics
§3 - L’harmonisation des normes techniques
a) Les mandats de normalisation
b) La procédure d’élaboration des normes
§4 - La présomption de conformité aux exigences essentielles, vecteur de la libre circulation
§5 - La réforme de la normalisation européenne
Chapitre II - Dispositifs de surveillance du marché au bénéfice de la sécurité des produits : l’encadrement spécifique aux secteurs harmonisés
I - Le marquage « CE », garantie de la conformité des produits à la législation de l’Union
II - L’évaluation de la conformité des produits aux normes et réglementations
1 - Les objectifs de l’évaluation de conformité : de l’approche globaleau nouveau cadre législatif de 2008
2 - Les principes relatifs aux organismes notifiés
3 - Les principes relatifs à l’accréditation
Chapitre III - Dispositifs de sécurité générale des produits et de protection des consommateurs communs aux secteurs harmonisés et non harmonisés
I - La responsabilité du fait des produits défectueux (directive 85/374 du 25 juillet 1985)
1 - Dans le secteur industriel
2 - Dans le secteur agroalimentaire
II - La sécurité générale des produits
1 - Les principes de la sécurité générale des produits
§1 - Le champ d’application de l’obligation générale de sécurité
§2 - Définition de l’obligation générale de sécurité
a) La présomption de sécurité
b) L’évaluation de conformité
§3 - Le recours aux normes européennes pour les produits non harmonisés
a) Alignement sur le règlement 1025/2012
b) Le rôle de la Commission européenne et le renforcement de la co-régulation
§4 - La redéfinition et la clarification des responsabilités des fabricants, des importateurs et des distributeurs
§5 - Les obligations des Etats liées à l’obligation de sécurité
2 - Les outils de la surveillance des marchés et du contrôle des produits par et dans les Etats membres
§1 - Les instruments de l’Union relatifs à la surveillance des marchés : les systèmes RAPEX et ICSMS
§2 - La mise en œuvre de la surveillance du marché : coopération des autoritésnationales de surveillance du marché
§3 - Le contrôle des produits par les Etats membres sur leur territoire : le retraitrapide du marché de tout produit non sûr ou non conforme
3 - Dispositifs de surveillance et de contrôle des produits alimentaires et agroalimentaires
§1 - L’évaluation des risques : l’autorité européenne de sécurité des aliments
§2 - La gestion des risques : prévention et répartition du risque alimentaire
Bibliographie sélective
Index alphabétique des matières
Index chronologique de la jurisprudence
Liste des abréviations, acronymes et sigles
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Avant-propos
Le présent ouvrage constitue le quatrième volume de la grande matière « Marché intérieur ». Il fait suite à la libre circulation des personnes et des capitaux ainsi que l’harmonisation des législations nationales (premier volume paru en 2006), au marché intérieur et la protection de l’environnement (deuxième volume paru en 2010) ainsi qu’à la politique agricole commune et la politique commune de la pêche (troisième volume paru en 2011).
Cet ouvrage comporte deux parties distinctes – deux livres distincts – pour reprendre la classification générale dudit ouvrage. La première constitue en réalité une introduction générale au marché intérieur, donc à la grande matière du même nom. Même si cette présentation a lieu au milieu du gué, elle a paru nécessaire pour positionner les différentes libertés de circulation mais aussi et surtout pour montrer que le marché intérieur ne se réduisait pas à ces quatre libertés si fondamentales, anciennes mais toujours renouvelées. L’idée est donc de souligner la spécificité, l’autonomie du marché intérieur par rapport à ses composantes.
La seconde partie – ou second livre – porte sur ce qui fut longtemps le plus beau fleuron du marché commun et même du marché intérieur : la libre circulation des marchandises. Celle-ci constitue en effet le socle sur lequel s’est fondée non seulement la construction européenne, mais aussi les autres libertés. Celles-ci ont été longtemps à la traîne de leur homologue, qui figure au demeurant en tête de l’énumération classique de ces libertés telle qu’elle résulte aujourd’hui de l’article 26, par. 2, TFUE. Le traité constitutionnel, plus sensible aux préoccupations du moment, avait bien tenté de modifier cet ordre de présentation en plaçant en tête de liste la libre circulation des personnes, mais celui de Lisbonne a préféré en rester aux hiérarchies bien établies.
Il est vrai qu’aujourd’hui, les questions liées aux personnes, grâce notamment à l’apport de la citoyenneté européenne et au concours des droits fondamentaux de l’Union, attirent plus le regard et notamment celui de la doctrine. Mais il faut savoir résister aux effets de mode et ne pas tomber dans le travers qui consisterait à penser que la libre circulation des marchandises a perdu de son attractivité dans le cadre des libertés fondamentales de circulation et d’intérêt sur le plan scientifique. Ce serait une grossière erreur, tant il est vrai que la construction européenne constitue une chaîne dans laquelle les chaînons les plus anciens sont en même temps les plus solides et probablement les plus résistants. ← 7 | 8 →
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LIVRE I
Introduction au marché intérieur
1. Le marché intérieur constitue aujourd’hui encore la principale réalisation de l’Union européenne1. Il forme le socle de la construction européenne et représente le creuset à l’intérieur duquel se déploient les activités de l’Union européenne. Héritier du marché commun, auquel on assimilait volontiers la Communauté européenne dans ses origines premières, le marché intérieur représente aujourd’hui un ensemble de plus de cinq cents millions de personnes, à l’intérieur duquel selon le vœu des pères fondateurs de l’Union européenne, la libre circulation des personnes et des marchandises ainsi que des autres facteurs de production, est assurée conformément aux dispositions des traités.
C’est probablement le domaine du droit de l’Union qui fait le plus consensus entre les Etats membres. Même les plus minimalistes de la construction européenne s’y retrouvent, dans la mesure où le libre-échange ou la liberté des échanges est censée produire des effets économiques favorables pour tous les partenaires.
2. Contrairement à certaines idées reçues, le marché intérieur n’est pas figé. Il évolue constamment dans le sens d’une sophistication croissante et doit se protéger régulièrement contre les tentatives de retour en arrière des Etats et même d’opérateurs publics et privés, désireux de réintroduire de nouvelles entraves. Le marché intérieur constitue donc une création permanente, qui doit aussi se fixer à échéance régulière de nouveaux objectifs, comme ce fut le cas à l’occasion du vingtième anniversaire de son « ouverture » (chapitre I). ← 9 | 10 →
Ainsi conçu, le marché intérieur doit non seulement être entendu comme une espace au sens territorial ou géographique du terme mais aussi comme une somme, un ensemble normatif encadrant les libertés fondamentales de circulation et qui bénéficie aux opérateurs économiques européens effectuant cependant des échanges principalement entre les Etats membres (chapitre II).
A l’intérieur du droit du marché intérieur, un certain nombre de principes généraux émergent et entendent régir les activités économiques qui s’y déploient. Ces principes, comme ceux de liberté ou de non-discrimination dépassent au demeurant le cadre purement économique et ont vocation à acquérir aujourd’hui la qualité de droits fondamentaux (chapitre III).
1Pour des ouvrages de base sur le sujet : A. MATTERA, Le Marché unique européen : ses règles, son fonctionnement, 2e éd., Paris, Jupiter, 1990 ; E. GAILLARD, D. CARREAU, W. LEE, Le marché unique européen, Paris, Pedone, Etudes internationales, 1989 ; J. MOLINIER et N. DE GROVE-VALDEYRON, Droit du marché intérieur, 3e éd., Paris, LGDJ, 2011 ; V. MICHEL (dir.), 1992-2012 : 20 ans du marché intérieur : le marché intérieur entre réalité et utopie, Bruxelles, Bruylant, 2014. Voy. aussi E. DUBOUT et A. MAITROT DE LA MOTTE (dir.), L’unité des libertés de circulation, in varietate concordia, Bruxelles, Bruylant, 2013 ; L. AZOULAI (dir.), L’entrave en droit du marché intérieur, Bruxelles, Bruylant, 2011 ; P. VAN OMMESLAGHE et V. PIESSEVAUX, « Marché intérieur », Répertoire de droit européen, Paris, Dalloz, 1992. Adde les ouvrages généraux de droit matériel de l’Union européenne : C. BLUMANN et L. DUBOUIS, Droit matériel de l’Union européenne, 6e éd., Paris, Montchrestien, 2012 ; M. FALLON, Droit matériel général de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2002 ; C. BOUTAYEB, Droit matériel de l’Union européenne, Libertés de mouvement, espace de concurrence et secteur public, 3e éd., Paris, LGDJ, 2014.
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Chapitre ILe développement du marché intérieur
3. L’expression « marché intérieur » est relativement récente. Elle remonte à l’Acte unique européen et s’inscrit dans le grand projet de la Commission de relancer un marché commun, plutôt empêtré dans ses difficultés de mise en œuvre et incapable de réaliser l’idéal des pionniers de la construction européenne d’un espace de libre circulation sans entraves en Europe. Les articles 8A et 8B, issus de l’Acte unique européen, envisagent la mise en place d’un marché intérieur, mais ne font pas disparaître les dispositions initiales du traité CEE consacrées au marché commun. Il faudra attendre le traité de Lisbonne, soit plus de vingt ans après, pour que le marché intérieur se substitue en totalité au marché commun (I). Mais qu’il s’agisse du marché commun ou du marché intérieur, celui-ci n’est pas une simple donnée de fait. Comme dans l’ordre interne, la liberté, qu’elle soit politique ou économique, ne va pas de soi et il importe d’adopter un certain nombre de normes ou de comportements pour que celle-ci voie le jour et puisse ensuite se maintenir et s’épanouir. A cette fin, les traités ont prévu plusieurs instruments ou outils qui sont ceux de l’harmonisation et de la reconnaissance mutuelle (II).
I Du marché commun au marché intérieur
1 Le marché commun
4. Cette notion ou plutôt cet objectif est relativement nouveau dans les relations économiques internationales1. En effet, en droit international économique, lorsque des Etats veulent se rapprocher ou se regrouper, ils disposent de deux modalités : la zone de libre-échange et l’union douanière. La zone de libre échange est la formule minimale puisque les Etats membres s’engagent à faire disparaître les droits de douane (et le cas échéant d’autres entraves restrictives) dans leurs échanges mutuels mais conservent leur liberté vis-à-vis des tiers. Dans le cas de l’Union douanière, l’engagement porte non seulement sur l’élimination des entraves internes mais également sur l’établissement d’un tarif extérieur ou douanier commun. Il y a donc une « communautarisation » des relations douanières extérieures qui postule souvent en conséquence une politique commerciale commune, ce qui est le cas dans la Communauté européenne, même initiale, qui avait d’emblée prévu que le commerce ← 11 | 12 → extérieur serait globalement une compétence exclusive de la Communauté (ex-article 113 CEE).
5. Le marché commun va plus loin que l’union douanière. Outre son aspect symbolique déjà évoqué qui l’identifie de facto à l’Europe en construction, son domaine s’étend au-delà de la libre circulation des marchandises, à laquelle se limitent généralement les dispositifs précités, jusqu’à l’ensemble des facteurs de production, soit aux services, aux capitaux et aux personnes – le régime dit des quatre libertés. Mais il semble aussi qu’il englobe des législations ou des normes qui peuvent avoir une incidence directe sur son établissement ou son fonctionnement (ex-article 100 CEE), voire aussi un certain nombre de politiques communes prévues par le traité (politique sociale) ou issues de la pratique des institutions et formalisées par la procédure dite d’adaptation figurant alors à l’ex-article 235 CEE.
En réalité, ces difficultés d’identification d’un domaine proviennent du traité lui-même qui s’est bien gardé d’en donner une définition mais qui, au travers de ses dispositions matérielles, laisse entendre que ce marché commun constitue une entité en soi, qui dépasse l’ensemble de ses composantes – libertés de circulation et autres.
6. Plusieurs dispositions du traité CEE d’origine attestent de cette dichotomie. Ainsi, l’article 2 qui expose les missions de la Communauté indique que celles-ci sont atteintes par « l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des Etats membres ». Or, ce qui relève du marché commun et ce qui relève du rapprochement des politiques économiques n’est pas précisé.
Si l’on doit interpréter cette disposition par référence au seul article 145 qui donne compétence au Conseil pour assurer la coordination des politiques économiques générales des Etats membres, le marché commun occuperait toute la place restante, ce qui conduirait à y englober les politiques communes instituées par le traité. Mais sans aller jusque-là, et si l’on intègre à cette seconde mission ce que le traité dénommait la politique économique et la politique sociale (troisième partie, titres II et III), resterait néanmoins à rattacher au marché commun la substance du titre I, qui englobe les règles de concurrence, les dispositions fiscales et le rapprochement des législations, ce qui montre que même dans cette perspective plus restrictive, le marché commun va bien au-delà des seules libertés de circulation.
D’ailleurs, les dispositions sur l’agriculture (deuxième partie, titre II) soulignent au demeurant bien que marché commun, marché commun agricole et politique agricole commune sont des éléments étroitement liés et coordonnés. Dans le même sens, l’article 3 du traité qui énumère les domaines d’action de la Communauté, ce qui deviendra plus tard les compétences de l’Union, s’il fait clairement apparaître la réalisation des libertés de circulation (points a à c), n’inclut pas l’établissement ou le fonctionnement du marché commun, ce qui signifie en bonne logique que ce marché commun se réalise au travers de ses différentes composantes, mais en même temps qu’il s’en détache. ← 12 | 13 →
7. Le traité constitutionnel, à plusieurs décennies de distance, a repris cette conception dans la mesure où il présentait le marché intérieur comme un tout (partie III, titre III, chapitre I) dans lequel venaient se fondre les libertés de circulation (sections 2 à 4), mais aussi les règles de concurrence (section 5) et les dispositions fiscales (section 6) ainsi que des dispositions communes (section 7) principalement dédiées à l’harmonisation des législations.
Cette vision des choses possède sa logique, en ce qu’elle regroupe sous une même rubrique un certain nombre d’actions qui relèvent de ce que l’on a appelé pendant une certaine époque l’intégration négative, par opposition à l’intégration positive formée des politiques communautaires. Elle présente l’inconvénient de réunir de manière quelque peu contrainte les libertés de circulation et la concurrence, alors même que ces deux domaines paraissent assez différents tant dans leur esprit que dans les règles qui président à leur fonctionnement2.
Le traité de Lisbonne adopte une position plus prudente puisque la concurrence, la fiscalité et l’harmonisation des législations sont nettement dissociées du marché intérieur. Cependant, il consacre à ce dernier un titre entier – le titre I de la troisième partie – comprenant seulement deux articles (26 et 27 TFUE), tandis que les libertés de circulation font l’objet d’un traitement séparé (titre II, libre circulation des marchandises ; titre III, l’agriculture ; titre IV, libre circulation des personnes, services et capitaux), une dissociation qui confirme bien l’autonomie du marché intérieur qui ne se réduit pas aux seules quatre libertés traditionnelles.
Cette présentation, si elle souligne l’autonomie du concept de marché intérieur, reste cependant en partie insatisfaisante en ce qu’elle laisse à penser que ce dernier se situe sur un pied d’égalité avec les libertés de circulation, alors qu’en réalité, il les englobe tout en les dépassant et en intégrant en son sein en particulier l’harmonisation des législations qui, selon les termes de l’article 114 TFUE, vise à réaliser les objectifs de l’article 26 donc du marché intérieur3.
8. En réalité, toutes les difficultés initiales liées à la difficile délimitation du marché commun tenaient à l’absence de définition. L’ex-article 8 CEE, localisé dans les principes de la Communauté (première partie) alors que les libertés prenaient place dans une deuxième partie intitulée les fondements de la Communauté, se bornait en effet à indiquer que « le marché commun est progressivement établi au cours d’une période de transition de douze années ».
S’ensuivait le calendrier de cette période dite de transition, elle-même subdivisée en trois sous-périodes de quatre ans. Il y avait là une parfaite illustration des principes de progressivité et d’effet d’entraînement à la base de la construction européenne. En conséquence de quoi, l’article 8 énonçait toute une série d’actions à entreprendre durant chacune des sous-périodes, le passage de l’une à l’autre devant être conditionné par des résultats et des votes au sein du Conseil. Le même article prévoyait aussi ← 13 | 14 → des possibilités de prolongation ou de raccourcissement, avec même l’éventualité de recourir à une instance d’arbitrage en cas de désaccord entre les Etats membres.
Il est connu que les dispositions permettant d’assurer la mise en place des libertés de circulation n’ont pu être adoptées en totalité durant la période de transition. Si la réalisation de la libre circulation des marchandises, du moins sous l’angle des droits de douane et restrictions quantitatives ainsi que l’établissement du tarif douanier commun, a pu aboutir pour l’essentiel, il en est allé tout autrement pour les autres libertés. La Cour, dans le célèbre arrêt Reyners4, a cependant permis de débloquer la situation en reconnaissant l’effet direct de l’ex-article 52 CEE sur le droit d’établissement. Dans une formule toute empreinte de sagesse, elle a indiqué que « en effet, après l’expiration de la période de transition, les directives prévues par le chapitre relatif au droit d’établissement sont devenues superflues pour la mise en œuvre de la règle du traitement national, celle-ci étant désormais consacrée, avec effet direct, par le traité lui-même ; que, pour autant, ces directives n’ont cependant pas perdu tout intérêt, puisqu’elles conservent un champ d’application important dans le domaine des mesures destinées à favoriser l’exercice effectif du droit de libre établissement ».
9. Cette jurisprudence a permis à la Cour de se montrer ultérieurement plus précise sur la définition du marché commun. Dans un arrêt Schul du 5 mai 19825, elle a indiqué que « la notion de marché commun telle que la Cour l’a dégagée dans une jurisprudence constante, vise à l’élimination de toutes les entraves aux échanges intracommunautaires en vue de la fusion des marchés nationaux dans un marché unique réalisant des conditions aussi proches que possible de celles d’un véritable marché intérieur »6.
Cette définition s’avère riche d’enseignement dans la mesure où elle confirme bien que le marché commun ne se limite pas aux seules libertés de circulation, mais qu’il vise à faire disparaître toutes les entraves dans les échanges entre les Etats membres. Elle montre également que, pour la Cour, la terminologie ne présente qu’un intérêt relatif puisqu’elle n’hésite pas à tenir quasiment pour synonymes les trois expressions de marché commun, marché unique et marché intérieur. Ce qui compte avant tout, c’est la fusion des marchés nationaux dans un ensemble unique qui, vu tant de l’intérieur que de l’extérieur, s’apparente à un seul marché, un grand marché européen se substituant en quelque sorte aux marchés nationaux. On peut voir là d’ailleurs la base de la jurisprudence visant à réduire au strict minimum les situations purement intérieures7, en ce qu’elles ont pour objet ou pour effet de maintenir le cloisonnement des marchés, et donc à s’opposer à la réalisation d’un seul marché européen. ← 14 | 15 →
2 Le marché intérieur
§1 Le livre blanc de la Commission
10. C’est le non-aboutissement du marché commun, non seulement en 1970 à l’expiration de la période de transition mais encore dans les années ultérieures, qui explique l’émergence de ce nouveau projet8. La nouvelle commission présidée par Jacques Delors s’est fixé comme objectif principal de relancer la construction européenne et notamment un marché commun languissant. L’ambition était de faire disparaître toutes les entraves résiduelles à la libre circulation.
Celles-ci ont été classées en trois catégories : les barrières physiques, les barrières techniques et les barrières fiscales. Les premières sont constituées principalement par les contrôles douaniers et policiers subsistants tant sur les marchandises que sur les personnes. Les secondes résultent des disparités entre les législations nationales pour tout ce qui concerne les normes ou réglementations en matière de production, fabrication, distribution, commercialisation des produits et les barrières fiscales découlent en priorité des distorsions affectant les taux de TVA et les accises.
Le projet s’avérait particulièrement ambitieux en raison notamment de son caractère global, alors même que le traitement juridique de ces différentes entraves postulait le recours à des bases juridiques très différentes et au demeurant pas très faciles à mettre en œuvre en raison de l’exigence d’unanimité notamment pour les dispositions fiscales (ex-article 99 CEE) et l’harmonisation des législations (ex-article 100 CEE). S’agissant de la libre circulation des personnes, les procédures pouvaient sembler plus aisées, puisque la majorité qualifiée suffisait pour de nombreuses mesures concernant le droit d’établissement (ex-article 54 CEE) et les services (ex-article 63 CEE). En tout état de cause, continuait à régner le compromis de Luxembourg et, à défaut d’espace judiciaire européen, les compétences de la Communauté en matière de circulation des personnes restaient encore très limitées.
11. En dépit de la forte médiatisation de ce projet et de l’engagement à ses côtés d’une grande partie des milieux professionnels et économiques voire de l’opinion publique, on pouvait se demander s’il aurait beaucoup plus de chances que son prédécesseur qui n’avait pas permis de sortir de l’apathie générale de la construction européenne dans les années soixante. Il prévoyait certes un échéancier des réalisations avec comme objectif final et comme terme une « ouverture totale » des frontières à l’horizon 1992 mais, en cela, il ne faisait que copier son prédécesseur. Néanmoins, un certain nombre d’atouts ont permis d’envisager une issue plus favorable.
Tout d’abord, outre un calendrier précis confirmé ensuite par l’Acte unique européen (ex-articles 100A et 100B CEE), le chiffrage du nombre de mesures envisagées. Initialement, le chiffre de 300 mesures – destiné à frapper les imaginations – avait été avancé, ramené ensuite à 376. ← 15 | 16 →
En deuxième lieu, le projet s’inspirait du principe du moins légiférant, ce qui constituait le cœur de la nouvelle approche. Dans les sociétés avancées que représentent les pays européens, il y a tout lieu de penser que les législations économiques sont assez proches les unes des autres. Dans ces conditions, nul besoin de légiférer. Il suffit de constater l’équivalence de ces législations et d’en assurer ensuite la reconnaissance mutuelle, ce qui leur donnera en conséquence un label de libre circulation. Lorsque cela ne suffit pas et qu’un besoin de réglementation se fait malgré tout sentir, il importe la plupart du temps de renvoyer à des organismes professionnels, des organismes de normalisation qui édicteront des règles souples plus ou moins contraignantes et susceptibles de s’appliquer pour tous les secteurs économiques concernés. Dans l’hypothèse où il faut franchir un cran supplémentaire et faire appel aux pouvoirs publics, alors le législateur (européen) doit s’en tenir à des règles très générales limitées d’ailleurs à quelques préoccupations d’intérêt public en matière de santé publique, de sécurité publique, de protection de l’environnement et des consommateurs.
En filigrane également, se posait la question du processus décisionnel. La Commission entendait jouer un rôle plus important en matière d’exécution par le biais d’une codification des procédures de comitologie et en voyant confirmée sa qualité d’exécutif de droit commun9.
En outre, et surtout, il convenait de dépasser le compromis de Luxembourg, source de toutes les paralysies au sein du Conseil, alors seul législateur, en engageant une réforme d’envergure visant d’une part à délaisser ce droit de veto innommé et d’autre part à élargir les domaines de vote à la majorité qualifiée, alors purement théorique au demeurant.
Enfin, pour atténuer les aspects par trop libéraux du vaste projet de marché unique européen, la Commission proposait l’instauration de politiques nouvelles, dites politiques d’accompagnement, à la césure de l’économique, du social, voire du sociétal, en matière d’environnement et de recherche mais aussi une politique de cohésion économique et sociale en vue de remédier aux déséquilibres régionaux au sein de l’Union et plus globalement à l’ensemble des déséquilibres.
§2 Consécration du marché intérieur par l’Acte unique européen
12. S’inspirant très étroitement du livre blanc de la Commission, l’Acte unique européen10 donne naissance juridiquement au marché intérieur en l’insérant dans le traité CEE aux articles 8A à 8C, puis 100A et 100B. Reprenant le modèle de l’article 8 CEE, l’article 8A commence par indiquer que le marché intérieur doit être établi « progressivement » au cours d’une période expirant le 31 décembre 1992. Mais, dans l’alinéa 2, il va beaucoup plus loin en définissant le marché intérieur comme « un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, ← 16 | 17 → des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du présent traité ».
Cette définition permettait de donner enfin une vision synthétique des quatre célèbres libertés de circulation reconnues dès 1957. Le choix du terme « espace » semble assez bienvenu dans la mesure où l’Union européenne, ne dispose pas à proprement parler d’un territoire. Néanmoins ce terme paraît trop réducteur dès lors qu’il semble vouloir limiter ce marché intérieur à un cadre purement géographique, neutre et sans incidences en tant que tel sur les échanges qui se déroulent en son sein.
Selon Claire-Françoise Durand11, cette formule pouvait conduire à deux interprétations : une interprétation minimaliste en vertu de laquelle la compétence de la Communauté se limiterait à faire disparaître les entraves directes aux libertés de circulation et une interprétation maximaliste consistant à reconnaître aux institutions un pouvoir de réglementation destiné à créer les conditions d’un marché unique. Nul doute aujourd’hui que cette seconde interprétation l’a emporté, eu égard à la densité des réglementations de toute nature adoptées par l’Union qui amènent au demeurant à une très forte diminution des situations purement intérieures pouvant justifier le maintien de réglementations nationales spécifiques, autres que d’application des normes européennes.
13. L’évocation de la disparition des frontières intérieures – même si le terme frontières doit être pris dans son sens économique – permettait de symboliser le projet européen en soulignant qui plus est son caractère dynamique. Mais il reste que l’abolition des frontières intérieures demeure toute relative dans la mesure où les contrôles policiers subsistent dès lors que l’Union européenne ne dispose pas d’une compétence juridique pour s’y attaquer. Il est certain que la libre circulation des personnes est ressortie grandie de cette définition, dans la mesure où elle devrait bénéficier comme son homologue des marchandises de l’allègement des contrôles de toute nature qui sont exercés aux frontières. Néanmoins, une bonne partie de ces contrôles portant sur la recherche et la poursuite d’infractions pénales, la Communauté ne disposait pas de compétences en ces domaines, même en sollicitant très fortement la procédure d’adaptation de l’ex-article 235 CEE. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, en 1985, parallèlement au livre blanc de la Commission, seront conclus les accords de Schengen, alors entre cinq Etats membres seulement, destinés très précisément à faire disparaître l’ensemble des contrôles aux frontières.
14. Certains commentateurs ont relevé la relative timidité des termes employés, car ces libertés ne sont pas absolues, elles reposent essentiellement sur le traité et restent encadrées par celui-ci, c’est-à-dire par toutes les restrictions et limitations qu’il comporte. ← 17 | 18 →
Cette limite doit cependant être appréciée dans son contexte, celui du milieu des années quatre-vingt, de plus en plus marquées par une opposition entre certains Etats membres désireux d’aller de l’avant et d’autres plus réticents. Ainsi s’explique que, lors des étapes suivantes visant à renforcer la libre circulation des personnes, avec notamment l’apparition du troisième pilier de l’Union puis sa communautarisation progressive, une rupture se produira menant à faire de « l’espace Schengen » une illustration de la différenciation ou de l’Europe à géométrie variable. Mais, pour sa part, la Cour donnera toujours une interprétation dynamique des libertés de circulation dans le cadre du marché intérieur, y voyant des libertés fondamentales susceptibles de tenir en échec certains droits fondamentaux, lorsque les critères de « proportionnalité » et de « balance des intérêts sont présents ».
15. Reste qu’avec l’Acte unique, les Etats membres ont souhaité éviter tout débordement et toute utilisation intempestive de cette forte réitération des libertés de circulation. C’est la raison pour laquelle l’article 8A n’est pas destiné à faire naître des droits dans le chef des particuliers. Il se borne à inviter les Etats membres et le législateur communautaire à prendre avant la date symbolique du 31 décembre 1992 les mesures nécessaires pour faire tomber toutes les barrières subsistantes. Une déclaration additionnelle à l’Acte unique européen – la déclaration n° 3 – précise bien que « la fixation de la date du 31 décembre 1992 ne crée pas d’effets juridiques automatiques ». Pour preuve, l’ex-article 100B CEE (abrogé par le traité d’Amsterdam), prévoyait qu’au cours de l’année 1992, un recensement serait opéré avec les Etats membres en vue de faire disparaître, dans la mesure du possible, les entraves résiduelles.
16. Outre la définition du marché intérieur et la présentation d’un calendrier, l’Acte unique a prévu également des dispositions correctives. La première, figurant à l’ex-article 8C CEE, est une invitation adressée à la Commission, lors de la formulation de ses propositions en vue de la réalisation du marché intérieur, de tenir « compte de l’ampleur de l’effort que certaines économies présentant des différences de développement devront supporter au cours au cours de la période d’établissement du marché intérieur » et de proposer les dispositions appropriées. Il s’agit d’une règle de bon sens qui se justifiait notamment par l’élargissement récent – à l’époque – de la Communauté à des Etats membres (Grèce, Espagne, Portugal) dont le niveau économique s’avérait globalement en retrait par rapport à la moyenne des anciens Etats membres.
Cette disposition comporte cependant sa propre limite en ce qu’il est également prévu que, lorsque ces mesures correctives prennent la forme de dérogations, « elles doivent avoir un caractère temporaire et apporter le moins de perturbations possibles au fonctionnement du marché commun ».
Autre contrepartie à d’éventuels assouplissements, l’ex-article 100A, par. 3, CEE prévoit qu’en matière de santé, sécurité, protection de l’environnement et des consommateurs, la Commission doit prendre pour base de ses propositions un niveau de protection élevé. ← 18 | 19 →
Au total, compte tenu de ces indications contradictoires, la Commission dispose d’une marge de manœuvre très large et son pouvoir de proposition paraît assez peu entamé, d’autant plus que l’ex-article 8B, par. 2, précise bien que le Conseil, sur proposition de la Commission doit veiller à assurer « un progrès équilibré dans l’ensemble des secteurs concernés ».
§3 Dispositions actuelles
17. Les révisions successives des traités vont conduire à « délocaliser » tant le marché commun que le marché intérieur, mais sans grand bouleversement de fond.
18. Ainsi, le traité de Maastricht, instituant l’union économique et monétaire, a déplacé le marché commun de l’article 8 CE à l’article 7, mais sans rien y changer. En revanche, le toilettage et la modernisation des textes opérés par le traité d’Amsterdam ont entraîné l’abrogation de cet article 7 devenu obsolète depuis la fin de la période de transition. Néanmoins, les autres dispositions consacrées au marché commun ont subsisté, de même que le terme lui-même là où il se trouve utilisé. On a alors assisté à une coexistence, sans grande rationalité, du marché commun et du marché intérieur, qui lui prenait place principalement aux articles 14 et 15 CE.
19. Le traité constitutionnel se proposait de donner au marché intérieur une place beaucoup plus importante dans le texte de base. Celui-ci se voyait dédier tout le chapitre 1 du titre III (politiques et actions internes) de sa troisième partie (articles III-130 à III-176). Les quatre libertés fondamentales étaient présentées et développées à l’intérieur de cet ensemble, de même que les règles de concurrence et celles concernant l’harmonisation des législations nationales. L’élément le plus nouveau résidait dans la présentation des quatre libertés classiques. Traditionnellement, les marchandises figurent en tête, ce qui s’explique par le contexte des années cinquante où l’objectif prioritaire et majeur de la construction européenne est de réaliser l’union douanière, laquelle met avant tout en exergue la libre circulation des marchandises. Avec le traité constitutionnel, les personnes et même les services passaient en tête.
Ce n’est pas un changement anodin. Il prend acte de l’évolution tant des objectifs que des mentalités en ce sens que le traité constitutionnel entend promouvoir la personne, l’individu dans le droit de l’Union européenne. Il visait aussi à rapprocher l’Europe de ses citoyens, ce dont attestent de nombreuses autres innovations du traité constitutionnel dont en particulier l’intégration de la charte des droits fondamentaux de l’Union dans le corps de la Constitution et en conséquence l’attribution d’une pleine valeur juridique à cet instrument.
20. Le traité de Lisbonne n’a pas repris ces vastes ambitions. Certes, le marché commun disparaît et le marché intérieur sort du relatif anonymat dans lequel l’avait placé le traité CE. Il obtient même un titre entier : le titre I de la troisième partie du TFUE. Mais ce titre n’englobe plus les libertés de circulation – ce qui paraît contestable compte tenu de la définition même du marché intérieur – et il se réduit à deux articles (26 et 27 TFUE). Signe de l’abandon dans ce domaine aussi de toute référence constitutionnelle et d’une volonté de changement a minima, les marchandises demeurent en tête de la présentation des quatre libertés. ← 19 | 20 →
La définition du marché intérieur ne subit aucune modification de fond. La clause du développement équilibré de l’ensemble des secteurs concernés (article 26, par. 3, TFUE) demeure inchangée, de même que celle de la prise en compte des difficultés que pourraient rencontrer certains Etats membres pour se hisser aux normes de l’Union (article 27 TFUE)12. Dans ce dernier cas néanmoins, on peut relever quelques variations dont il paraît difficile de dire si elles sont purement sémantiques ou si elles ont des incidences sur le fond.
Ainsi, alors que l’ex-article 15 CE évoquait les efforts que ces Etats membres devaient supporter « au cours de la période d’établissement du marché intérieur », l’article 27 TFUE se borne à mentionner les efforts à supporter « pour l’établissement du marché intérieur ». Ce changement peut bien sûr s’expliquer par l’achèvement depuis 1992 de la « période » d’établissement. Mais cela pourrait impliquer que la clause corrective pourrait jouer sans limitation de durée. Cette interprétation doit cependant tenir compte de l’article 26, par. 1, TFUE, qui distingue nettement l’établissement du fonctionnement du marché intérieur. En conséquence, la clause pourrait jouer sans limitation de durée mais uniquement s’il s’agit de l’établissement du marché intérieur. Ceci inclurait la modification des normes de base déjà établies, mais aussi l’adoption de nouvelles normes. En effet, le marché intérieur n’est pas figé et il postule des évolutions et adaptations constantes de la réglementation. En revanche, la clause corrective ne pourrait pas jouer pour le seul fonctionnement du marché intérieur.
Cette restriction n’est pas évidente si l’on se réfère à l’article 114 TFUE, relatif à la procédure d’harmonisation des législations en vue de la réalisation du marché intérieur, qui distingue aussi l’établissement du fonctionnement du marché intérieur, mais sans faire apparaître de différences matérielles ou procédurales. Dans ces conditions, à supposer même que la clause corrective de l’article 26 ne s’applique que pour l’établissement du marché intérieur, les clauses de sauvegarde et dérogations de l’article 114 (par. 4 à 10)13 pourraient être activées pour faire face à des problèmes de fonctionnement.
§4 Réalisation du marché intérieur
21. Selon les termes de l’ex-article 14, par. 1, CE, le marché intérieur devait être réalisé progressivement au cours d’une période expirant le 31 décembre 1992. La Commission présidée par Jacques Delors misait sur le facteur temps et l’effet d’entraînement pour réaliser son ambitieux projet, reprenant ainsi les recettes qui avaient bien réussi pour la mise en place de l’Union douanière et de la PAC dans les années soixante. Au final, la Commission devait présenter 282 propositions de règlements ou directives, soumises pour la plupart à la procédure de coopération. Chaque année, la Commission a publié des rapports sur l’état d’avancement du marché intérieur. Durant l’année 1992, comme prévu par l’ex-article 100B, la Commission a procédé au recensement avec chaque Etat membre des dispositions non soumises à une procédure d’harmonisation ← 20 | 21 → des législations. Aux termes du paragraphe 2 de cet article, le Conseil était en droit de décider de l’équivalence et de la reconnaissance d’une législation d’un Etat membre dans un autre Etat membre. Plus modestement, dans une résolution du 7 décembre 1992 portant « sur les moyens d’assurer le bon fonctionnement du marché unique »14, le Conseil a surtout pris acte des résultats obtenus et pris l’engagement d’examiner en priorité les initiatives appropriées que la Commission déciderait de présenter dans le but d’assurer le fonctionnement sans heurts du marché unique et d’examiner tous les ans le fonctionnement du marché unique.
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