Itinéraire de Napoléon Ier de Smorgoni à Paris - Paul-Charles-Amable Baron de Bourgoing - E-Book

Itinéraire de Napoléon Ier de Smorgoni à Paris E-Book

Paul-Charles-Amable Baron de Bourgoing

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Extrait : "Smorgoni est une petite ville lithuanienne du palatinat de Wilna, devenue célèbre aujourd'hui, parce que c'est de là que l'empereur Napoléon quitta l'armée pour se rendre à Paris, où sa présence était devenue nécessaire. La pensée politique dut l'emporter dans cette grave circonstance sur les considérations qui auraient pu le retenir à la tête de ses troupes."

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● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Le 5 décembre 1812, l’empereur Napoléon partit d’une ville de l’empire russe, pour se rendre à Paris et y organiser promptement une nouvelle armée. J’ai assisté à ce départ si diversement apprécié, et je puis, comme témoin oculaire, en décrire toutes les circonstances.

L’élite de nos écrivains a consacré de longues années à la recherche des informations les plus étendues, pour raconter avec impartialité toutes les phases des brillants succès et des revers d’un règne glorieux. Mais à côté de ces consciencieux travaux, peuvent encore se placer quelques relations particulières plus détaillées et plus précises. Près de cinquante années se sont écoulées depuis la retraite de 1812 ; et les derniers témoins de cet immense désastre, s’ils ont encore à éclaircir quelques points douteux, doivent se hâter de raconter ce qu’ils savent de faits importants et demeurés inconnus.

Les premières scènes de ce récit sont seules extraites des Mémoires inédits que j’ai écrits sur les évènements militaires et politiques dont je fus le témoin. Quant à la relation du voyage, jour par jour, dans toute son étendue, depuis les plaines glacées de la Russie, à travers une nuée de cavaliers ennemis, jusqu’aux grilles des Tuileries, je la dois à un Polonais, alors officier d’ordonnance de l’Empereur, le brave comte Dunin Wonsowicz, l’un des compagnons de voyage désignés, dans un moment si grave, par l’estime et la confiance de Napoléon. Cet officier a bien voulu, tout récemment, me communiquer ce qu’il avait écrit à ce sujet peu de temps après l’évènement.

La tardive publication dont l’un de mes anciens frères d’armes de Moscou veut bien me permettre de devenir l’organe, est appelée, par l’authenticité et la nouveauté des détails qu’elle contient, à combler une véritable lacune dans l’histoire de la guerre de 1812.

CHAPITRE ILe départ – Les trois voitures – Le traîneau précurseur – L’escorte

Smorgoni est une petite ville lithuanienne du palatinat de Wilna, devenue célèbre aujourd’hui, parce que c’est de là que l’empereur Napoléon quitta l’armée pour se rendre à Paris, où sa présence était devenue nécessaire. La pensée politique dut l’emporter dans cette grave circonstance sur les considérations qui auraient pu le retenir à la tête de ses troupes. Ce qui importait le plus dans l’intérêt même du salut de notre armée, c’était de se montrer vivant et redoutable encore, malgré ce revers.

Il fallait se présenter à l’Allemagne déjà chancelante dans ses dispositions, et en partie dégoûtée de son alliance avec l’Empereur ; il fallait, sans tarder et de nouveau, lui faire subir l’ascendant de sa présence. Il fallait faire connaître à la France inquiète et sourdement agitée, il fallait apprendre aux amis douteux, aussi bien qu’aux ennemis secrets, que Napoléon n’avait point succombé dans le terrible désastre qui venait de frapper ses légions.

La dispersion des régiments était complète dans les premiers jours de décembre 1812, une partie de nos corps d’élite campait encore le soir par fractions de bataillons ou de pelotons graduellement diminués ; mais pendant la journée, la majorité de cette multitude de soldats, français et alliés, marchait sans ordre ni discipline. Depuis quelques jours, cependant, nous étions entrés dans les régions lithuaniennes, où le dénuement était un peu moins affreux que dans les contrées que nous avions traversées en partant de Moscou.

Le 5 décembre, nous venions d’arriver, après une marche pénible, sur la place de Smorgoni où se trouvait la maison devenue quartier-général de l’Empereur. Nos généraux avaient conservé leurs chevaux, mais la plupart de leurs aides de camp en étaient réduits à faire la route à pied. Ces états-majors cheminaient péniblement ; on partait ensemble le matin, mais on était bientôt échelonné sur la route selon l’inégalité des forces de chacun ; toutefois, on se réunissait autant que possible le soir ; l’affection mutuelle semblait redoubler par ces misères croissantes supportées en commun.

J’avais alors vingt ans et le grade de sous-lieutenant adjudant-major dans la jeune garde ; j’étais attaché, comme officier d’ordonnance et comme interprète, au général de division comte Delaborde, qui commandait une division des tirailleurs et voltigeurs, à laquelle était joint le contingent de Hesse-Darmstadt.

Ce jour-là, le général entra chez l’Empereur avec le duc de Trévise, chef de notre corps d’armée ; tous deux en ressortirent peu de temps après. Ils avaient sans doute déjà reçu l’avis d’un départ, ou du moins ils l’avaient pressenti ; mais aucune trace d’inquiétude ne se montrait sur leur visage. Ces deux hommes, dont je vénère et chéris la mémoire, étaient de ceux qu’aucun revers, qu’aucune souffrance ne découragent, qu’aucune prévision n’intimide.

Le duc de Trévise, illustré déjà par la victoire d’Ocaña, en Espagne, et par la conquête de d’électorat de Hanovre, avait, dans cette campagne de Moscou, donné de nouvelles preuves de son courage impassible. À Lutzen, son corps d’armée contribua puissamment à la victoire ; toute sa vie offrit un constant modèle d’honneur et de fidélité.

Le général Delaborde, en raison des infirmités contractées à la guerre, paraissait beaucoup plus âgé qu’il ne l’était en effet. Vers la fin de la campagne de Russie, il ne pouvait monter à cheval que soutenu par ses aides de camp, mais il était doué d’un cœur intrépide et d’une ardeur entraînante. Une fois à la tête de ses colonnes d’attaque, je le vois encore en souvenir, le contraste d’un dos voûté, d’un visage vénérable et de tout le feu de la jeunesse, électrisait sa division, dont il était adoré. Il avait débuté dans la carrière des armes parmi nos héroïques volontaires de 1792. Son abord était un peu brusque, et son langage avait parfois une tournure soldatesque qu’il lui donnait à dessein, car il était instruit et même lettré : je l’ai vu converser en très bon latin avec des moines polonais, les trinitaires d’Antokol, de Wilna.

En sortant de la maison qu’occupait l’Empereur, et autour de laquelle on remarquait une grande activité, le duc de Trévise et le général Delaborde s’entretinrent quelque temps avant de se séparer ; le maréchal annonça un ordre important qui serait donné dans la soirée aux principaux chefs de l’armée. J’entendis aussi le général prononcer ces paroles : « Il va se passer un fait bien inattendu, mais, selon moi, nécessaire ; résignons-nous et ne nous décourageons pas. »

Nous vîmes passer en ce moment un certain nombre de petits chevaux polonais conduits par des paysans ; il est probable qu’ils étaient achetés pour les voitures de l’Empereur. Ces chevaux, trouvés dans le pays, étaient en bien meilleur état qu’aucun de ceux qui avaient subi avec nous les fatigues et les privations de la retraite.

Voici de quelle façon je fus témoin du départ de l’Empereur. On avait décidé qu’il aurait lieu la nuit, et les personnes indispensables avaient seules été prévenues. Traverser ce pays, où les batteurs d’estrade de l’armée ennemie s’étaient déjà répandus, semblait, aux plus hardis, une entreprise pleine de périls que la prudence conseillait de tenir secrète.

Je vis partir les voitures qui emportaient l’Empereur, marchant naguère encore à la tête de soldats innombrables. C’était un fait très grave pour chacun de nous ; mais, comme il arrive souvent, les témoins du dernier acte de ce drame funeste n’en furent pas aussi frappés que ceux qui lisaient, à distance, le détail de nos maux. Pour mon compte, j’avais alors toute l’insouciance, l’abnégation personnelle et le dévouement absolu de mes jeunes contemporains ; quelques vétérans seuls murmuraient en ce moment ; quant à nous, ce départ ne nous causa ni surprise, ni inquiétude, et il ne me laissa d’autre souvenir que celui du spectacle curieux d’un grand évènement historique.

Nous venions d’entrer dans l’izba ou petite maison de bois que nous devions occuper cette nuit-là, pour nous remettre en marche dès les premiers rayons du jour. Arrivé dans ce modeste réduit, le général me parla d’une façon qui ne se ressentait nullement de la triste gravité des circonstances.