L’Aiglon - Edmond Rostand - E-Book

L’Aiglon E-Book

Edmond Rostand

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Beschreibung

"L’Aiglon" d’Edmond Rostand est un drame en six actes et en vers, représenté pour la première fois au Théâtre Sarah-Bernhardt, le 15 mars 1900.

L’action débute  en septembre 1830, au palais de Schoenbrünn en Autriche. L’Aiglon est le fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche, appelé à sa naissance roi de Rome et maintenant duc de Reichstadt. Il a été élevé à la cour de son grand-père autrichien, l’Empereur Frantz, après l’abdication de Napoléon en 1815. L’Aiglon a 19 ans.  Autour de lui, et malgré la vigilance du Prince de Metternich, des alliances se nouent, des complots s’organisent pour le ramener en France afin qu’il succède à son père. Mais le spectre héroïque de Napoléon hante et écrase le jeune homme, idéaliste et rêveur. Il a une santé fragile et ne se sent pas prêt : il craint de ne pas être à la hauteur. Quand il est enfin convaincu par Flambeau, un ancien grognard de l’armée napoléonienne, de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris...

Les 6 actes ont des titres symboliques : Les ailes qui poussent – Les ailes qui battent –Les ailes qui s’ouvrent – Les ailes meurtries – Les ailes brisées – Les ailes fermées.

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table des matières

L’AIGLON

L’Aiglon

PERSONNAGES

I PREMIER ACTE

1 SCENE PREMIERE

2 SCENE II

3 SCENE III

4 SCENE IV

5 SCENE V

6 SCENE VI

7 SCENE VII

8 SCENE VIII

9 SCENE IX

10 SCENE X

11 SCENE XI

12 SCENE XII

13 SCENE XIII

14 SCENE XIV

II DEUXIEME ACTE

1 SCENE I

2 SCENE II

3 SCENE III

4 SCENE IV

5 SCENE V

6 SCENE VI

7 SCENE VII

8 SCENE VIII

9 SCENE IX

10 SCENE X

11 SCENE XI

12 SCENE XII

III TROISIEME ACTE

1 SCENE PREMIERE

2 SCENE II

3 SCENE III

4 SCENE IV

5 SCENE V

6 SCENE VI

7 SCENE VII

8 SCENE VIII

9 SCENE IX

10 SCENE X

IV QUATRIEME ACTE

1 SCENE PREMIERE

2 SCENE II

3 SCENE III

4 SCENE IV

5 SCENE V

6 SCENE VI

7 SCENE VII

8 SCENE VIII

9 SCENE IX

10 SCENE X

11 SCENE XI

12 SCENE XII

13 SCENE XIII

14 SCENE XIV

V CINQUIEME ACTE

1 SCENE PREMIERE

2 SCENE II

3 SCENE III

4 SCENE IV

5 SCENE V

VI SIXIEME ACTE

1 SCENE PREMIERE

2 SCENE II

3 SCENE III

L’AIGLON

Edmond Rostand

L’Aiglon

DRAME EN SIX ACTES, EN VERS On ne peut se figurer l’impression produite… par la mort du jeune Napoléon… J’ai même vu pleurer de jeunes républicains. HENRI HEINE.

A MON FILS MAURICE, ET A LA MEMOIRE DE SON HEROIQUE ARRIERE-GRAND-PERE MAURICE, COMTE GERARD, MARECHAL DE FRANCE.

Grand Dieu! ce n’est pas une causeQue j’attaque ou que je défends...Et ceci n’est pas autre choseQue l’histoire d’un pauvre enfant.

PERSONNAGES

FRANZ, DUC DE REICHSTADT SERAPHIN FLAMBEAU LE PRINCE DE METTERNICH L’EMPEREUR FRANZ LE MARECHAL MARMONT LE TAILLEUR FREDERIC DE GENTZ L’ATTACHE FRANÇAIS LE CHEVALIER DE PROKESCH-OSTEN TIBURCE DE LORGET LE COMTE DE DIETRICHSTEIN, précepteur du duc . LE BARON D’OBENAUS LE COMTE DE BOMBELLES LE GENERAL HARTMANN LE DOCTEUR LE COMTE DE SEDLINSKY , Directeur de la Police UN GARDE-NOBLE LORD COWLEY, ambassadeur d’Angleterre THALBERG FURSTENBERG MONTENEGRO UN SERGENT DU REGIMENT DU DUC LE CAPITAINE FORESTI UN VIEUX PAYSAN LE VICOMTE D’OTRANTE PIONNET GOUBEAUX MORCHAIN BOROKOWSKI LE VALET DE CHAMBRE DU DUC L’HUISSIER UN MONTAGNARD UN TYROLIEN UN FERMIER LE PRELAT MARIE-LOUISE, Duchesse de Parme LA COMTESSE CAMERATA THERESE DE LORGET, soeur de Tiburce L’ARCHIDUCHESSE FANNY ELSSLER LA GRANDE MAITRESSE PRINCESSE GRAZALCOWITCH QUELQUES BELLES DAMES DE LA COUR LADY COWLEY LES DEMOISELLES D’HONNEUR DE MARIE-LOUISE UNE VIEILLE PAYSANNE

La famille impériale La Maison militaire du duc Gardes de l’Empereur : Arcières, Gardes-nobles, Trabans, etc. Masques et Dominos Polichinelles, Mezzetins, Bergères, etc. Paysans et paysannes Le Régiment du Duc.

1830 1832

I PREMIER ACTE

LES AILES QUI POUSSENT

A Baden, près de Vienne, en 1830. Le salon de la villa qu’occupe Marie-Louise. Vaste pièce au milieu de laquelle s’élève la montgolfière de cristal d’un lustre empire. Boiseries claires, murs peints à fresque, d’un vert pompéien. Frise de sphinx courant autour du plafond. A gauche, deux portes. Celle du premier plan est celle de la chambre de Marie-Louise. Celle du second plan ouvre sur les appartements des dames d’honneur. – A droite, au premier plan, une autre porte : au second plan, dans une niche, un énorme poêle de faïence, lourdement historié. — Au fond, entre deux fenêtres, une large porte-fenêtre, par laquelle on aperçoit les balustres d’un perron formant balcon, qui descend dans le jardin. Vue sur le parc de Baden : tilleuls et sapins, profondes allées, lanternes suspendues à des potences en arceaux. Magnifique journée des premiers jours de septembre. On a apporté dans cette banale villa de location un précieux mobilier. A gauche, près de la fenêtre, une belle psyché en citronnier chargée de bronzes ; au premier plan une vaste table d’acajou, couverte de papiers ; contre le mur, une table étagère à dessus de laque, garnie de livres. – A droite, vers le fond, un petit piano Erard de l’époque, une harpe ; plus bas, une chaise longue Récamier auprès d’un grand guéridon. Fauteuils et tabourets en X. Beaucoup de fleurs dans des vases. Au mur, gravures encadrées représentant les membres de la famille impériale d’Autriche ; portraits de l’Empereur François, du duc de Reichstadt enfant, etc. Au lever du rideau, au fond du salon, un groupe de femmes très élégantes. Deux d’entre elles, assises au piano, dos au public, jouent à quatre mains. — Une autre est à la harpe. On déchiffre. Rires ; interruptions. Un laquais introduit, par le perron, une jeune fille de mine modeste, qu’accompagne un officier de cavalerie autrichienne, un merveilleux hussard bleu et argent. Les deux nouveaux venus, voyant qu’on ne les remarque pas, restent un moment debout dans un coin du salon. – A ce moment, par la porte de droite, entre le comte de Bombelles, attiré par la musique. Il se dirige vers le piano, en battant la mesure. Mais il aperçoit la jeune fille, s’arrête, sourit, va vivement à elle.

1 SCENE PREMIERE

THERESE, TIBURCE, BOMBELLES, MARIE-LOUISE, LES DAMES D’HONNEUR. LES DAMES, au clavecin, parlant toutesà la fois, et riant commedes folles. Elle manque tous les bémols. – C’est un scandale ! — Je prends la basse. – Un, deux ! – Harpe ! – La… la !… – Pédale !

BOMBELLES, à Thérèse . C’est vous ?

THERESE Bonjour, Monsieur de Bombelles.

UNE DAME, au clavecin. Mi… sol…

THERESE J’entre comme lectrice aujourd’hui.

UNE AUTRE DAME, au clavecin. Le bémol !

THERESE Et grâce à vous. Merci.

BOMBELLES C’est tout simple, Thérèse Vous êtes ma parente et vous êtes Française.

THERESE, lui présentant l’officier. Tiburce.

BOMBELLES Ah ! votre frère ! Il lui tend la main, et montrant un fauteuilà Thérèse. Asseyez-vous un peu.

THERESE Oh ! – je suis très émue !

BOMBELLES, souriant. Et de quoi donc, mon Dieu ?

THERESE Mais d’approcher tout ce qui reste sur la terre de l’Empereur !

BOMBELLES, s’asseyant auprès d’elle. Vraiment ? C’est de cela, ma chère ?

TIBURCE, d’un ton agacé . Les nôtres détestaient Bonaparte jadis !

THERESE Je sais… Mais voir…

TIBURCE, un peu dédaigneux. Sa veuve !…

THERESE, à Bombelles. Et peut-être… son fils ?

BOMBELLES Sûrement.

THERESE Ce serait n’avoir pas plus, je pense, D’âme… que de lecture, et n’être pas de France, Et n’avoir pas mon âge, enfin, que de pouvoir Ne pas trembler, Monsieur, au moment de les voir. Est-elle belle ?

BOMBELLES Qui ?

THERESE La duchesse de Parme !

BOMBELLES, surpris. Mais…

THERESE, vivement . Elle est malheureuse, et c’est un bien grand charme !

BOMBELLES Mais je ne comprends pas ! Vous l’avez vue ?

THERESE Oh ! non !

TIBURCE Non ! on nous introduit à peine en ce salon.

BOMBELLES, souriant. Oui, mais…

TIBURCE, lorgnant du côté des musiciennes. Nous avons craint de déranger ces dames, Dont le rire ajoutait au clavecin des gammes !

THERESE J’attends Sa Majesté, là, dans mon coin.

BOMBELLES, se levant. Comment ? Mais c’est elle qui fait la basse en ce moment !

THERESE, se levant, saisie. L’Imp…

BOMBELLES Je vais l’avertir.

Il va vers le piano et parle basà une des dames qui jouent.

MARIE-LOUISE, se retournant . Ah ! c’est cette petite ? Histoire très touchante… oui… vous me l’avez dite… Un frère qui…

BOMBELLES Fils d’émigré, reste émigré.

TIBURCE, s’avançant, d’un ton dégagé. L’uniforme autrichien est assez de mon gré : Puis, il y a la chasse au renard, que j’adore.

MARIE-LOUISE, à Thérèse. Le voilà, ce mauvais garnement qui dévore Tout le peu qui vous reste !

THERESE, voulant excuser Tiburce. Oh ! mon frère…

MARIE-LOUISE Un vaurien, Qui vous ruina ! Mais vous l’excusez, c’est très bien. Thérèse de Lorget, je vous trouve charmante.

Elle lui prend les mains et la fait asseoir près d’elle sur la chaiselongue. Bombelles et Tiburce se retirent, en causant, vers lefond.

Vous voilà donc parmi ces dames. Je me vante D’être assez agréable… un peu triste depuis… — Hélas !

Silence.

THERESE, émue. Je suis troublée au point que je ne puis Exprimer…

MARIE-LOUISE, s’essuyant les yeux. Oui, ce fut une bien grande perte ! On a trop peu connu cette belle âme !

THERESE, frémissante. Oh ! certes !

MARIE-LOUISE, se retournant,à Bombelles. Je viens d’écrire pour qu’on garde son cheval !

A Thérèse.

Depuis la mort du général…

THERESE, étonnée. Du général ?

MARIE-LOUISE, s’essuyant les yeux. Il conservait ce titre.

THERESE Ah ! je comprends !

MARIE-LOUISE … Je pleure !

THERESE, avec sentiment. Ce titre n’est-il pas sa gloire la meilleure ?

MARIE-LOUISE On ne peut pas savoir d’abord tout ce qu’on perd : J’ai tout perdu, perdant le général Neipperg !

THERESE, stupéfaite. Neipperg ?

MARIE-LOUISE Je suis venue à Baden me distraire. C’est bien. Tout près de Vienne. Une heure. – Ah ! Dieu ! ma chère, J’ai les nerfs !… On prétend, depuis que j’ai maigri, Que je ressemble à la duchesse de Berry. Vitrolles m’a dit ça. Maintenant je me frise Comme elle. – Pourquoi Dieu ne m’a-t-il pas reprise ?

Regardant autour d’elle.

C’est petit, mais ce n’est pas mal, cette villa. — Metternich est notre hôte en passant. – Il est là. Il part ce soir. – La vie à Baden n’est pas triste. Nous avons les Sandor, et Thalberg, le pianiste. On fait chanter, en espagnol, Montenegro ; Puis Fontana nous hurle un air de Figaro ; L’archiduchesse vient avec l’ambassadrice D’Angleterre ; et l’on sort en landau… Mais tout glisse Sur mon chagrin ! – Ah ! Si ce pauvre général !… – Est-ce que vous comptez ce soir venir au bal ?

THERESE, qui la regarde avec une stupéfaction croissante.

Mais…

MARIE-LOUISE, impétueusement. Chez les Meyendorf, Strauss arrive de Vienne. — Bombelles, n’est-ce pas, il faudra qu’elle vienne ?

THERESE Pourrai-je demander à Votre Majesté Des nouvelles du duc de Reichstadt ?

MARIE-LOUISE Sa santé Est bonne. Il tousse un peu… Mais l’air est si suave A Baden !… Un jeune homme ! Il touche à l’heure grave : Les débuts dans le monde ! – Et quand je pense, ô ciel ! Que le voilà déjà lieutenant-colonel ! Mais croiriez-vous – pour moi c’est un chagrin énorme ! – Que je n’ai jamais pu le voir en uniforme !

Entrent deux Messieurs portant des boîtes vitrées. Avec un cri dejoie.

Ah ! c’est pour lui, tenez !

2 SCENE II

LES MEMES, LE DOCTEURet son fils, portant delongues boîtes vitrées, puis METTERNICH. LE DOCTEUR, saluant. Oui. Les collections.

MARIE-LOUISE Déposez-les, docteur !

BOMBELLES Qu’est-ce ?

MARIE-LOUISE Des papillons.

THERESE Des papillons ?

MARIE-LOUISE J’étais chez ce vieillard aimable, Le médecin des eaux. Ayant sur une table, Vu ces collections que son fils achevait, J’ai soupiré tout haut «Ah ! Si le mien pouvait S’intéresser à ça, lui que rien n’intéresse !… »

LE DOCTEUR Alors, j’ai dit à Sa Majesté la Duchesse « Mais on ne sait jamais. Pourquoi pas ? Essayons ! » Et j’apporte mes papillons

THERESE, à part. Des papillons !

MARIE-LOUISE, soupirant, au docteur. S’il s’arrachait à ses tristesses solitaires Pour s’occuper un peu de vos…

LE DOCTEUR Lépidoptères.

MARIE-LOUISE Laissez-les-nous, et revenez. Il est sorti.

Le docteur et son fils sortent après avoir disposé les collections surla table. Marie-Louise se retournant vers Thérèse.

Vous, venez, que je vous présente à Scarampi. C’est la grande maîtresse.

Apercevant Metternich qui entreà droite.

Ah ! Metternich !… Cher prince. Le salon est à vous.

METTERNICH Il fallait que j’y vinsse, Ayant à recevoir cet envoyé…

MARIE-LOUISE Je sais.

METTERNICH … Du général Belliard, l’ambassadeur français, Et le conseiller Gentz, et quelques estafettes.

A un laquais qu’il vient de sonner, et qui paraît au fond sur leperron.

Monsieur de Gentz, d’abord.

A Marie-Louise.

Vous me permettez ?

MARIE-LOUISE Faites ! Elle sort avec Thérèse. Tiburce et Bombelles les suivent. – Gentzparaît au fond, introduit par le laquais. Trèsélégant. Figure devieux viveur fatigué. Les poches pleines de bonbonnières et deflacons, il est toujours en train de mâchonner un bonbon ou derespirer un parfum.

3 SCENE III

METTERNICH, GENTZ, puis un officier françaisattachéàl’ambassade de France. METTERNICH Bonjour, Gentz.

Il s’assied devant le guéridonà droite et se metà signer, toutencausant, les papiers que Gentz tire d’un grand portefeuille.

Vous savez que je rentre aujourd’hui. L’empereur me rappelle à Vienne.

GENTZ Ah ?

METTERNICH Quel ennui ! Vienne en cette saison !

GENTZ Vide comme ma poche !

METTERNICH Oh ! ça, ce n’est pas vrai, car, soit dit sans reproche, Le gouvernement russe a dû…

Il fait, du bout des doigts, le geste de glisser de l’argent.

GENTZ, avec une indignation comique. Moi ?

METTERNICH Soyez franc : Vous venez de vous vendre encore.

GENTZ, très tranquillement, croquant un bonbon. Au plus offrant.

METTERNICH Mais pourquoi cet argent ?

GENTZ, respirant un flacon de parfum. Pour faire la débauche.

METTERNICH Et vous passez pour mon bras droit !

GENTZ Votre main gauche Doit ignorer ce que votre droite reçoit.

METTERNICH, apercevant les bonbonnières et les flacons. Des bonbons ! des parfums ! Oh !

GENTZ Cela va de soi. J’ai de l’argent : bonbons, parfums. Je les adore. Je suis un vieil enfant faisandé.

METTERNICH, haussant lesépaules. Pose encore, Fanfaron du mépris de soi-même !

Brusquement.

Et Fanny ?

GENTZ Elssler ?… Ne m’aime pas. Oh je n’ai pas fini D’être grotesque.

Montrant un portrait du duc de Reichstadt.

C’est le duc dont elle est folle. Je suis un paravent qui souffre, – et se console En songeant qu’après tout il vaut mieux, pour l’Etat, Que le duc soit distrait. Je fais donc le bêta J’escorte la danseuse en ville, à la campagne. Elle veut que, ce soir, ici, je l’accompagne Pour surprendre le duc.

METTERNICH, qui pendant ce temps continueà donner dessignatures. Vous me scandalisez !

GENTZ Ce soir la mère sort. Il y a bal.

Il lui tend une lettre prise dans son portefeuille.

Lisez. C’est du fils de Fouché.

METTERNICH, lisant. « Vingt août, mil huit cent trente… »

GENTZ Il s’offre à transformer…

METTERNICH, souriant. Bon vicomte d’Otrante !

GENTZ … Notre duc de Reichstadt en Napoléon Deux.

METTERNICH, parcourant la lettre. Des noms de partisans…

GENTZ Oui.

METTERNICH Se souvenir d’eux.

Il lui rend la lettre.

Notez !

GENTZ Nous refusons ?

METTERNICH Sans tuer l’espérance ! Ah ! mais c’est qu’il me sert à diriger la France, Mon petit colonel ! Car de sa boîte – cric ! – Je le sors aussitôt qu’oubliant Metternich On penche à gauche, et – crac ! — dès qu’on revient à droite, Je rentre mon petit colonel dans sa boîte.

GENTZ, amusé. Quand peut-on voir jouer le ressort ?

METTERNICH Pas plus tard Qu’à l’instant.

Il sonne, un laquais paraît.

L’envoyé du général Belliard !

Le laquais introduit un officier français en grande tenue.

Bonjour, Monsieur. Voici les papiers.

Il lui tend des documents.

En principe, Nous avons reconnu le roi Louis-Philippe. Mais ne donnez pas trop dans le quatre-vingt-neuf, Ou bien nous briserions la coquille d’un oeuf…

L’ATTACHE, immédiatement effrayé. Est-ce une allusion au prince François-Charles ?

METTERNICH Duc de Reichstadt ?… Je n’admets pas, moi qui vous parle, Que son père ait jamais régné !

L’ATTACHE, avec une générosité ironique. Moi, je l’admets.

METTERNICH Je ne ferai donc rien pour le duc. Mais… mais…

L’ATTACHE Mais ?

METTERNICH, se renversant dans son fauteuil. Mais si la liberté chez vous devient trop grande, Si vous vous permettez la moindre propagande, Mais si vous laissez trop Monsieur Royer-Collard Venir devant le roi déplier son foulard ; Si votre royauté fait trop la République Nous pourrons – n’étant pas d’une humeur angélique ! Nous souvenir que Franz est notre petit-fils

L’ATTACHE, vivement. Nous ne laisserons pas rougir nos lys.

METTERNICH, gracieux. Vos lys, S’ils savent rester blancs, ignoreront l’abeille.

L’ATTACHE, se rapprochant et baissant la voix. On craint que malgré vous l’espoir du duc s’éveille.

METTERNICH Non.

L’ATTACHE Les événements ?

METTERNICH Je les lui filtre.

L’ATTACHE Quoi ? Ignore-t-il qu’en France on a changé de roi ?

METTERNICH Oh ! non ! Mais le détail qu’il ne sait pas encore, C’est qu’on a rétabli le drapeau tricolore. Il sera toujours temps…

L’ATTACHE Cela pourrait, c’est vrai, L’enivrer !

METTERNICH Oh ! le duc n’est jamais enivré.

L’ATTACHE, un peu inquiet. Je trouve qu’à Baden sa garde est moins sévère.

METTERNICH, très tranquille. Oh ! ici, rien à craindre il est avec sa mère.

L’ATTACHE Comment ?

METTERNICH Quel policier aurait plus d’intérêt Qu’elle à le surveiller ? Tout complot troublerait Son beau calme.

L’ATTACHE Ce calme est peut-être une embûche ! Elle ne doit penser qu’à l’aiglon !…

La porte des appartements de Marie-Louise s’ouvre.

MARIE-LOUISE, entrant en coup de vent, avec un cri dedésespoir. Ma perruche !

4 SCENE IV

LES MEMES, MARIE-LOUISE, un instant , et LES DAMES D’HONNEUR qui la suivent affolées, puis BOMBELLES et TIBURCE. L’ATTACHE Hein ?

MARIE-LOUISE, à Metternich. Margharitina, prince, qui s’envola !

METTERNICH, désolé . Oh !

MARIE-LOUISE Margharitina ! Ma perruche !

Elle remonte vers le perron. Les dames d’honneur se dispersent dansle parcà la poursuite de l’oiseau.

METTERNICH, froidement,à l’attaché qui le regarde avecstupeur. Voilà.

L’ATTACHE, remontant vers Marie-Louise et faisant l’empressé. Si Son Altesse veut que je cherche ?

MARIE-LOUISE, s’arrête, le toise, et sèchement. Non !

Elle rentre dans son appartement après l’avoir foudroyé du regard.La porte claque.

L’ATTACHE, de plus en plus ahuri,à Metternich. Qu’est-ce ?

METTERNICH, réprimant un sourire. On dit « Sa Majesté » ; vous dites « Son Altesse » !

L’ATTACHE L’empereur n’ayant pas régné, « Sa Majesté » Ne peut rester à la Duchesse !

METTERNICH C’est resté.

L’ATTACHE Alors, voilà pourquoi ce regard de colère ?

METTERNICH C’est une question toute.. protocolaire

L’ATTACHE salue pour prendre congé; puis, avant de sortir,demande Est-ce que l’ambassade, à partir d’aujourd’hui, Peut prendre la cocarde aux trois couleurs ?

METTERNICH, avec un soupir. Mais oui… Puisqu’on est d’accord…

Aussitôt l’attaché jette sans rien dire la cocarde blanche de sonchapeau et la remplace par une tricolore qu’il sort de sa poche.Metternich se lève en disant:

Oh !… sans perdre une seconde

Bruits de grelots au dehors.

Qu’est-ce ?

GENTZ, qui est sur le balcon. L’archiduchesse arrive avec du monde Les Meyendorf, Cowley, Thalberg !…

Bombelles, qui, au bruit des grelots, est vivement entré par lagauche, suivi de Tiburce.

Recevons-les !

Au moment ou il se précipite vers la porte, l’archiduchesse paraîtsur le perron, entourée d’un flot d’élégants et d’élégantes en costumede ville d’eau. – Des Grévedon et des Deveria. – Robes claires.Ombrelles. Grands chapeaux. - Un petit archiduc, de cinqà six ans,en uniforme de hussard, une minuscule pelisse sur l’épaule; deuxpetites archiduchesses dans ces extraordinaires robes de petites fillesde l’époque. –Tumulte de voix et de rires. – Tourbillon defrivolités.

5 SCENE V

LES MEMES, L’ARCHIDUCHESSE, DES BELLES DAMES, DES BEAUX MESSIEURS, LORD et LADY COWLEY, THALBERG, SANDOR, MONTENEGRO, etc; puis THERESE, SCARAMPI, UNE DAME D’HONNEUR.

L’ARCHIDUCHESSE, à Bombelles, Metternich, Gentz, Tiburce quis’avancent cérémonieusement.

Non ! c’est une villa, ce n’est pas un palais ! Pas de façons !

Le salon est envahi. A un jeune homme.

Thalberg ! vite, ma tarentelle !

Thalberg se met au piano et joue. A Metternich, gaiement. Sa Majesté ma belle-soeur, où donc est-elle ?

UNE DAME Nous venions l’enlever en passant !

UNE AUTRE Nous allons Courir en char à bancs à travers les vallons ; C’est Sandor qui conduit !

UNE VOIX D’HOMME, continuant une conversation commencée. Il faut, dans son cratère, Lui renfoncer sa lave !

L’ARCHIDUCHESSE, se tournant vers le groupe des causeurs. Oh ! voulez-vous vous taire !

A Metternich, en riant.

Ces Messieurs ont parlé tout le temps de volcan !

BOMBELLES Ce volcan, quel est-il ?

UNE DAME, à une autre, parlant chiffons. Cet hiver, l’astrakan ?

Elles chuchotent.

SANDOR, répondantà Bombelles. Mais le libéralisme !

BOMBELLES Ah !…

LORD COWLEY Ou plutôt la France !

METTERNICH, à l’attaché français, d’un air sévère. Vous l’entendez ?

UNE DAME, à un jeune homme qu’elle entraîne par te bras vers leclavecin. Montenegro, votre romance ! Tout bas, rien que pour moi !…

MONTENEGRO, que Thalberg accompagne, chantant toutbas. « …Corazon… »

Il continue très doucement.

UNE AUTRE DAME, à Gentz.

Gentz, bonjour !

Elle fouille dans son réticule.

J’ai des bonbons pour vous.

Elle lui donne une petite boite.

GENTZ Vous êtes un amour !

UNE AUTRE, même jeu. Un parfum de Paris !

Elle tire un petit flacon et le lui donne.

METTERNICH, qui a vu le flacon, vivementà Gentz.

Arrachez l’étiquette ! Eau du duc de Reichstadt !

GENTZ, respirant le parfum. Ça sent la violette !

Metternich, lui arrachant le flacon et le grattant avec des ciseauxpris sur la table. Si le duc survenait, il verrait qu’à Paris…

UNE VOIX, dans le groupe d’hommes au fond. Elle redresse encor la tête !

LADY COWLEY Nos maris Parlent de l’hydre !

LORD COWLEY Il faut qu’elle soit étouffée !

L’ARCHIDUCHESSE, riant. C’est un volcan… ou bien c’est une hydre !

UNE DAME D’HONNEUR DE MARIE-LOUISE, suivie par undomestique qui porte sur un plateau de grands verres de café au laitglacé. Ein Kaffee ?

Un autre domestique a posé sur la table un plateau de rafraîchissementsbière, champagne, etc.

L’ARCHIDUCHESSE, assise,à une jeune femme. Dis-nous des vers, Olga.

GENTZ Si vous lui demandiez De l’Henri Heine ?

TOUTES LES FEMMES Oui ! oui !

OLGA, se levant pour déclamer. Quoi ? – «Les Deux Grenadiers »

METTERNICH, vivement. Oh ! non !

SCARAMPI, sortant de l’appartement de Marie-Louise. Sa Majesté vient dans une minute.

PLUSIEURS VOIX Scarampi !

Salutations. Rires. Conversations et froufrous

LA VOIX DE SANDOR, au fond, dans un groupe. Nous irons jusqu’à la Krainerhütte, Et ces dames prendront sur l’herbe leurs ébats !

METTERNICH, à Gentz, qui parcourt un journal pris sur latable. Gentz, qu’est-ce que tu lis, dans ton coin ?

GENTZ Les Débats.

LORD COWLEW, nonchalamment. La politique ?

GENTZ Les théâtres.

L’ARCHIDUCHESSE Bien futile

GENTZ Savez-vous ce qu’on va jouer au Vaudeville ?

METTERNICH Non.

GENTZ Bonaparte.

METTERNICH, avec indifférence. Ah ! ah !

GENTZ Aux Nouveautés ?

METTERNICH Mais non !

GENTZ Bonaparte . – Aux Variétés ?… – Napoléon. Le Luxembourg promet : Quatorze ans de sa vie. Le Gymnase reprend : Le Retour de Russie. Qu’est-ce que la Gaîté jouera cette saison ? Le Cocher de Napoléon. – La Malmaison. Un jeune auteur vient de terminer : Sainte-Hélene. La Porte-Saint-Martin commence à mettre en scène Napoléon

LORD COWLEY, vexoté. C’est une mode !

TIBURCE, haussant lesépaules. Une fureur !

GENTZ A l’Ambigu : Murat ; au Cirque : l’Empereur.

SANDOR, pincé. Une mode !

BOMBELLES, dédaigneux. Une mode !

GENTZ Une mode, je pense, Qu’on verra revenir de temps en temps en France.

UNE DAME, lisant le journal par-dessus l’épaule de Gentz avec sonface-à-main. On veut faire rentrer les cendres !

METTERNICH, sec. Le phénix Peut en renaître, – mais pas l’aigle !

TIBURCE Quel grand X Que l’avenir de cette France !

METTERNICH, supérieur. Non, jeune homme. Moi, je sais.

UNE DAME Parlez donc, prophète qu’on renomme !

L’ARCHIDUCHESSE, faisant le geste de l’encenser. Ses arrêts sont coulés en bronze !

GENTZ, entre ses dents. Ou bien en zinc !

LORD COWLEY Qui sera le sauveur de la France ?

METTERNICH Henri V.

Avec un geste de pitié.

Le reste, mode !

THERESE, debout, dans un coin, doucement. C’est un nom qu’il est commode De donner quelquefois, à la gloire, la mode !

METTERNICH, se versant un verre de champagne. Tant que l’on ne criera d’ailleurs qu’à l’Odéon, Je crois qu’il n’y a pas…

UN GRAND CRI, au dehors. Vive Napoléon !

Tout le monde se lève. – Panique. – Lord Cowley s’étrangle dansson café glacé. – Les femmes, affolées, courent dans tous lessens.

TOUT LE MONDE, prêtà fuir. Hein ? – A Baden ! – Comment ? – Ici ?

METTERNICH C’est ridicule ! N’ayez pas peur !

LORD COWLEY, furieux. Si tout le monde se bouscule Parce qu’on crie un nom !

GENTZ, criant gravement. Il est mort !

On se rassure.

TIBURCE quiétait sur le balcon, redescendant. Ce n’est rien

METTERNICH Mais quoi ?

TIBURCE C’est un soldat autrichien.