L’Anaphylaxie - Charles Richet - E-Book

L’Anaphylaxie E-Book

Charles Richet

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  • Herausgeber: EHS
  • Kategorie: Fachliteratur
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2022
Beschreibung

L’Anaphylaxie signifie le contraire de la protection (phylaxie). C’est le mot que j’ai créé pour désigner la curieuse propriété que possèdent certains poisons d’augmenter, au lieu de diminuer, la sensibilité de l’organisme à leur action.

Le premier mémoire où une description méthodique du phénomène essentiel ait été donnée date du 15 février 1902. Ce travail établissait ceci, qui est la base même de L’Anaphylaxie, qu’une substance, insuffisante à tuer ou même à rendre malade un animal normal, détermine des accidents foudroyants et mortels chez un animal qui, longtemps auparavant, avait reçu cette même substance.

Nous avons, dès ce premier travail, pu prouver que l’accumulation ne peut être invoquée comme cause ; car, au bout de 3, 4 ou 5 jours, il n’y a pas d’anaphylaxie : il faut attendre au moins deux ou trois semaines pour qu’elle apparaisse.

Ces deux éléments : sensibilité plus grande à un poison par l’injection antérieure de ce même poison, et période d’incubation nécessaire pour que cet état de sensibilité plus grande se produise, constituent les deux conditions essentielles et suffisantes de L’Anaphylaxie...

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L’Anaphylaxie.

L’Anaphylaxie

Chapitre I. HISTORIQUE.

L’anaphylaxie signifie le contraire de la protection (phylaxie). C’est le mot que j’ai créé en 1902 pour désigner la curieuse propriété que possèdent certains poisons d’augmenter, au lieu de diminuer, la sensibilité de l’organisme à leur action.

Le premier mémoire où une description méthodique du phénomène essentiel ait été donnée date du 15 février 1902. Ce travail établissait ceci, qui est la base même de l’anaphylaxie, qu’une substance, insuffisante à tuer ou même à rendre malade un animal normal, détermine des accidents foudroyants et mortels chez un animal qui, longtemps auparavant, avait reçu cette même substance{1}.

Nous avons, dès ce premier travail, pu prouver que l’accumulation ne peut être invoquée comme cause ; car, au bout de 3, 4 ou 5 jours, il n’y a pas d’anaphylaxie : il faut attendre au moins deux ou trois semaines pour qu’elle apparaisse.

Ces deux éléments : sensibilité plus grande à un poison par l’injection antérieure de ce même poison, et période d’incubation nécessaire pour que cet état de sensibilité plus grande se produise, constituent les deux conditions essentielles et suffisantes de l’anaphylaxie.

On verra plus loin à quel point ce phénomène est intense et facile à vérifier. Il n’est donc pas étonnant qu’on retrouve, épars dans divers travaux de physiologie et de pathologie expérimentales, des faits se rapportant à l’anaphylaxie, observés avant que la constatation formelle du phénomène ait été établie.

En 1839, Magendie avait remarqué que des lapins ayant bien supporté une première injection d’albumine, ne pouvaient, quelques jours après, supporter l’injection d’une dose semblable. Flexner, en 1894, aurait constaté que des lapins ayant subi sans accident une première injection de sérum de chien, meurent lorsque, quelques jours ou quelques semaines après, on leur injecte une dose égale ou même inférieure.

Mais c’est surtout dans les expériences mémorables de Koch sur la tuberculine que le phénomène de l’hypersensibilité à un poison spécial se trouve nettement indiqué (1890). Nous sommes tous aujourd’hui convaincus que c’est là un véritable phénomène d’anaphylaxie ; mais la preuve décisive n’en est pas donnée encore, comme on le verra par la suite ; car d’une part, on ne peut pas tout à fait confondre l’état d’un animal tuberculeux et l’état d’un animal ayant reçu l’injection d’un antigène, et d’autre part la tuberculine ne se comporte pas comme un véritable antigène. Des études précises manquent encore sur ce point.

Behring, en 1893, étudiant les effets de la toxine diphtérique sur les cobayes, constata que dans certains cas les cobayes, une première fois injectés, ont une sensibilité extrême à la toxine diphtérique. Mais il ne considéra ce phénomène ni comme général à tous les animaux injectés, ni comme propre à tous les poisons. Cherchant surtout l’immunité, il considéra l’hypersensibilité comme une réaction paradoxale. Knorr et Kitasato, travaillant sous sa direction, purent constater que, dans certains cas, les cobayes meurent après des doses 700 fois ou 800 fois plus faibles que la dose mortelle. Mais ces savants n’établirent ni la généralité, ni les conditions de ce phénomène, qu’ils avaient vu en passant, pour ainsi dire, dans le cours de leurs belles études sur l’immunité.

En 1894, Aducco publia une note portant ce titre, Action plus intense de la cocaïne quand on en répète l’administration à court intervalle. Mais, comme, dans ses expériences, action plus intense veut dire élévation plus rapide de la température par convulsions, et que d’ailleurs trop peu de jours s’étaient écoulés entre la première et la seconde injection pour permettre d’affirmer en toute certitude que ce n’est pas un phénomène d’accumulation, Aducco, avec raison, ne prétendit nullement que cette augmentation de sensibilité était explicable autrement que par l’accumulation de cocaïne dans l’organisme. En réalité, il est probable qu’il ne s’agit pas là d’une anaphylaxie véritable.

En 1894, Arloing et J. Courmont (cités par P. Courmont, Précis de pathologie générale, 1908, 191) avaient noté que les injections successives, à l’homme, de sérum d’âne, déterminaient des effets de plus en plus toxiques.

En 1898, étudiant avec J. Héricourt les effets du sérum d’anguille sur les chiens, je vis que la seconde, et, à plus forte raison, la troisième injection, les rend malades et les fait dépérir. Mais, il faut l’avouer, je n’avais nullement compris la signification de cette expérience, et je me contentai d’admettre une augmentation de sensibilité, sans chercher à approfondir le phénomène.

P. Courmont, en 1900, avait constaté qu’en inoculant la sérosité des pleurésies tuberculeuses à des cobayes, à doses successives et rapprochées, mais très faibles, les animaux meurent avant d’avoir reçu le quart de la dose totale qu’ils supportent très bien en une seule injection.

Ainsi en 1902, avant qu’eussent été faites mes expériences sur le virus des actinies, la seule notion scientifique précise, relative à la sensibilité des animaux aux injections secondes, c’était que quelquefois des animaux, au lieu de s’immuniser par les injections premières, se sensibilisent, et que quelquefois on voit succomber, à des doses faibles de toxine, des animaux dont le sang contient de grandes quantités d’antitoxine.

Avant d’aborder l’étude même de l’anaphylaxie, je mentionnerai d’abord les principales données établies dans mes mémoires de 1902.

1o Il faut un certain temps d’incubation pour que l’anaphylaxie s’établisse.

2o L’état d’anaphylaxie persiste pendant plusieurs semaines.

3o Il peut y avoir parallèlement anaphylaxie et immunité.

4o L’anaphylaxie est dans une certaine mesure spécifique, c’est-à-dire que l’injection seconde doit être de même nature que l’injection première.

5o Les symptômes de l’anaphylaxie sont immédiats et foudroyants, tandis que les symptômes de l’intoxication première sont très lents.

6o La substance anaphylactisante est thermostable.

7o Le poison anaphylactisant est un poison du système nerveux central, et le phénomène essentiel est une sidération du système nerveux avec abaissement considérable de la pression artérielle.

Les travaux ultérieurs de divers savants, de 1903 à 1910, ont étendu énormément le domaine de l’anaphylaxie.

Je mentionnerai brièvement les principaux résultats obtenus.

1o Plusieurs injections premières de sérum normal développent, chez l’animal qui les a reçues, un état anaphylactique. Il n’est donc pas besoin d’une toxine pour créer l’anaphylaxie. L’anaphylaxie est consécutive à l’injection de substances non toxiques, inoffensives ; il suffit qu’elles soient de nature albuminoïde (Arthus, 1903).

2o Les accidents observés chez l’homme, à la suite des injections de sérum, sont des phénomènes d’anaphylaxie (Pirquet et Schick, 1903).

3o Une seule injection de sérum antitoxique amène l’anaphylaxie pour une injection seconde de sérum normal, même quand la dose de cette injection seconde est extrêmement faible (Théobald Smith, 1906), fût-ce de 0,00001 cm³ (Rosenau et Anderson, 1906). Le sérum normal a tout à fait les mêmes effets, en injection première, que le sérum antitoxique (Otto, 1906).

4o On peut, par des injections intercurrentes, faire disparaître l’état anaphylactique (Otto, 1906). C’est l’anti-anaphylaxie (Besredka et Steinhardt, 1906).

5o Les animaux inoculés avec un microbe déterminé sont, d’une manière rigoureusement spécifique, anaphylactisés pour la toxine de ce microbe déterminé.

6o La spécificité de l’anaphylaxie est si précise qu’on peut, au point de vue médicolégal, déterminer, par la présence ou l’absence d’une réaction anaphylactique, l’espèce animale dont le sang a été injecté, fût-ce à une dose extrêmement faible (Rosenau et Anderson, 1907, Besredka, Uhlenhuth, 1909).

7o Il y a une anaphylaxie passive ; c’est-à-dire que le sang des animaux anaphylactisés, injecté à des animaux normaux, leur confère l’anaphylaxie après un grand nombre d’injections (Nicolle, 1907), voire après une seule injection première (Ch. Richet, 1907).

8o On peut réaliser l’anaphylaxie in vitro en mélangeant le sérum des animaux anaphylactisés avec l’antigène ; ce qui détermine (dans certains cas) des accidents anaphylactiques foudroyants (Ch. Richet, 1907).

9o Il y a un rapport entre la production de la toxogénine anaphylactisante, la formation de précipitine et la déviation du complément (Friedberger, 1909).

10o Les animaux sensibilisés par une substance anaphylactisante sont, dans une certaine mesure, sensibilisés pour tous les poisons, même cristalloïdes (Ch. Richet, 1910).

Tels sont les faits essentiels, établis de 1902 à 1910. Nous indiquerons au cours de ce travail les expériences positives sur lesquelles peut se fonder la théorie actuelle de l’anaphylaxie.

Chapitre II.

DÉLIMITATION DE L’ANAPHYLAXIE. 

Quand on fait sur divers animaux de même espèce l’injection d’une substance toxique, on constate toujours une réceptivité individuelle différente. Certains individus sont très résistants ; d’autres sont au contraire très sensibles. A-t-on le droit de considérer ces cas de susceptibilité extrême comme des cas d’anaphylaxie spontanée ?

La question est d’autant plus intéressante que, dans la pratique médicale, on rencontre des cas analogues, ce qu’on appelait autrefois des phénomènes d’idiosyncrasie. On sait depuis longtemps que certaines personnes, après ingestion de crustacés, de moules, ou même de fraises, sont sujettes à des érythèmes, des urticaires, parfois des indigestions véritables, avec nausées et état syncopal ; tous phénomènes ayant certains caractères qui les rapprochent beaucoup de l’anaphylaxie. De très faibles doses de la substance ingérée provoquent des accidents formidables, alors que chez la plupart des personnes il ne s’agit que d’aliments usuels, ne provoquant absolument aucun phénomène.

Le fait de l’anaphylaxie par ingestion a été établi d’une manière positive. En tout cas, il ne suffit probablement pas à rendre compte des différences individuelles qu’on observe après l’injection de substances qui certainement n’étaient jamais entrées dans l’alimentation des individus sensibles.

J’en citerai deux exemples : une chienne (Tokantina), après avoir reçu une dose de crépitine, 0,0051 g par kilo, qui est mortelle, mais seulement au bout d’une dizaine de jours et qui ne détermine jamais d’accident immédiat, est tout de suite extrêmement malade. Elle a des vomissements, des selles sanglantes, et meurt en moins de vingt-quatre heures. De même Casamajora (exp. inéd.), après avoir reçu de crépitine chauffée une dose extrêmement faible, est tout de suite très malade, avec des vomissements et des selles sanglantes. Elle meurt dans la nuit.

Il y a donc là des susceptibilités tout à fait spéciales, et rigoureusement individuelles.

Des faits analogues, d’ailleurs très rares, ont été constatés aussi par G. Sobernheim, sur des milliers de bœufs traités par le sérum anticharbonneux. Quelques animaux, encore qu’ils n’aient pas subi d’injection préalable de quelque substance que ce soit, sont, tout de suite après l’injection première, extrêmement malades, avec de l’œdème du museau et des paupières, un écoulement nasal abondant et une agitation générale.

On peut rapprocher cette hypersensibilité anormale, individuelle, de certains animaux, et l’extrême sensibilité de certains individus humains aux injections sérothérapiques.

Landouzy a appelé l’attention sur la transmission héréditaire de la prédisposition à la tuberculose. Il ne s’agit pas là de la tuberculose même, en tant qu’infection bacillaire, mais seulement de la plus grande aptitude au contage chez les enfants issus de parents tuberculeux. Chez ces enfants, se constate une sensibilité plus grande à l’infection, due assurément à une modification des humeurs, et on peut rattacher cette prédisposition à une sorte d’anaphylaxie. Les considérations qu’il a présentées sur ce sujet au Congrès de la tuberculose de Bruxelles (1910) sont d’une haute importance ; car elles conduisent à rapprocher l’anaphylaxie et l’hérédité des constitutions organiques. C’est une voie tout à fait nouvelle, inexplorée encore, et abordable certainement à l’expérimentation directe aussi bien qu’à la clinique.

Il ne me paraît pas cependant qu’on ait tout à fait le droit d’assimiler ces faits à l’anaphylaxie ; car où serait la limite ? Comme bien évidemment la vulnérabilité des divers individus à un poison ne peut être la même, on ne voit pas quelles pourraient être les justes démarcations entre la vulnérabilité individuelle et l’anaphylaxie proprement dite. Il en est ainsi d’ailleurs pour toutes les questions dont on veut connaître avec une précision dernière le mécanisme profond. À la limite, toute détermination est impossible.

Assurément, l’anaphylaxie peut se transmettre par hérédité. Mais ce ne semble être qu’un cas spécial de l’anaphylaxie passive.

Elle a été d’ailleurs nettement constatée (chez le cobaye pour le sérum), mais elle ne paraît pas avoir une durée prolongée. Rosenau et Anderson ont pu établir :

1o Que la transmission héréditaire se fait par la mère et non par le père. (Ehrlich avait observé cette même loi pour l’immunité par la ricine.)

2o Que l’anaphylaxie ne se transmet pas par le lait.

3o Que l’anaphylaxie peut se produire avant ou après la conception.

Donc, tout permet de supposer que l’anaphylaxie héréditaire est un cas d’anaphylaxie passive. Otto a vu (chez le cobaye, pour le sérum) qu’elle est très nette jusqu’au 44e jour après la naissance ; mais que vers le 72e jour elle a totalement disparu, ce qui ne serait pas le cas s’il s’agissait d’anaphylaxie active.

Pour conclure, nous dirons qu’en dehors des cas d’anaphylaxie par ingestion alimentaire et d’anaphylaxie héréditaire, il y a certains cas de susceptibilité individuelle exceptionnellement marquée, mais qu’on n’a pas le droit, jusqu’à ce jour, de les faire rentrer dans le domaine de l’anaphylaxie.

En effet, on peut par certaines actions physiologiques modifier assez intensivement les réactions d’un animal, pour que, tout de suite après l’injection d’une toxine, il réagisse comme un animal anaphylactisé. J’ai pu réaliser cet état en faisant subir une très forte hémorragie. Un chien (Gallapaga) ayant perdu de sang 4,3 p. 100 de son poids (ce qui n’est jamais mortel chez le chien) reçoit une dose insignifiante de crépitine, dose qui n’est jamais mortelle même au bout d’un mois (0,001). Or, tout de suite après l’injection, il était dans un état misérable, voisin de l’état des chiens anaphylactisés. Dans ce cas il serait absurde de parler d’anaphylaxie : c’est une sensibilité plus grande, explicable par l’hémorragie antérieure. On conçoit très bien alors que, dans des conditions que nous ignorons, certains individus se trouvent également plus sensibles, sans qu’il puisse être question d’anaphylaxie spontanée.

Chapitre III.

PÉRIODE D’INCUBATION.

Il est probablement impossible de déterminer avec précision la durée de la période d’incubation ; car sans doute cette durée varie selon la dose, selon l’espèce animale, et surtout suivant la nature de l’antigène injecté.

Toujours est-il qu’un certain temps est nécessaire pour que l’anaphylaxie apparaisse. Lewis dit l’avoir constatée même au 6e jour (par injection dans le cœur).

Rosenau et Anderson, dans des études très précises, ont vu que pendant les six premiers jours (injection de sérum de cheval à des cobayes) il n’y avait aucun phénomène ; du 7e au 10e jour, l’intensité des phénomènes (pour l’injection seconde) va en augmentant. À partir du 14e jour l’effet anaphylactique est maximum. Il ne semble pas d’ailleurs que la durée diffère selon la dose injectée, ou selon le lieu de l’injection (dans le cerveau ou sous la peau).

Avec la mytilo-congestine, l’actino-congestine et la crépitine, la période d’incubation m’a paru variable. Pour la mytilocongestine (sur des chiens par injection intraveineuse) il y a eu anaphylaxie au 10e jour. Mais le maximum d’action a été seulement au 15e jour. Pour l’actino-congestine, l’anaphylaxie n’a commencé qu’au 12e jour ; le maximum d’action, très nettement, ne s’est produit qu’au 28e jour. Pour la crépito-congestine, l’anaphylaxie commence plus tard encore. Elle est à peu près nulle avant le 28e jour, et elle n’atteint guère son maximum que vers le 36e jour. Ces différences dans la durée d’incubation de l’anaphylaxie pour ces trois poisons répondent assez bien à la différence de durée dans leur action toxique. Par la mytiline, la mort survient au 4e jour ; par l’actinine, au 7e jour ; par la crépitine, vers le 15e jour (aussi bien chez les chiens que chez les lapins et les cobayes).

Chez l’homme, et plus particulièrement chez l’enfant, comme les injections secondes de sérum produisent des accidents que jamais ne produisent les injections premières, on s’est occupé avec un grand soin de la durée d’incubation de l’anaphylaxie. D’après V. Pirquet, dès le 5e ou 6e jour après l’injection première, l’injection seconde provoque des phénomènes d’anaphylaxie locale ; mais le maximum d’effet ne se produit qu’à partir du 12e jour.

D’après Arthus, chez le lapin, pour injections de sérum de cheval, il n’y a commencement d’état anaphylactique qu’au 9e jour. Encore est-ce très peu de chose. Il ne lui semble pas que la grandeur de la dose première injectée ait grande influence.

Cependant, d’après d’autres auteurs, la dose première n’est pas sans influence sur la durée de l’incubation. Avec de très faibles doses Otto n’a pas vu encore d’anaphylaxie au 11e jour. Gay et Southard ne l’ont vue qu’au 14e jour ; Otto, au 17e jour ; Besredka, au 12e jour.

Des doses fortes de l’injection première ont un effet tout autre qu’on ne serait tenté d’abord de le croire. Elles sont retardatrices plutôt qu’accélératrices de la durée de l’incubation (Otto). De même si, après l’injection première, on fait, au 6e jour environ, une autre injection, puis une autre injection encore, on arrive à retarder le moment de l’anaphylaxie. Tout semble se passer comme si l’anaphylaxie ne se produisait qu’après que l’antigène a complètement disparu du sang. Comme on le verra plus loin, il ne peut y avoir simultanément antigène et toxogénine dans le sang. Par conséquent, après une dose très forte d’antigène, la toxogénine apparaît tardivement.

Enfin, comme l’ont noté Otto, Gay et Southard, Rosenau et Anderson, on ne peut comparer les durées d’incubation qu’en adoptant les mêmes voies d’introduction pour l’injection seconde. Tel cobaye qui, au 10e jour, est déjà sensible à l’injection seconde, intracardiaque, est tout à fait résistant à l’injection seconde sous-cutanée.

Toute loi absolue est donc impossible à donner ; pourtant on pourrait, s’il fallait présenter les choses sous une forme schématique et moyenne, dire qu’il faut un minimum de dix jours pour la période d’incubation de l’anaphylaxie. Du 10e au 20e jour, l’intensité de l’état anaphylactique va en augmentant, pour avoir son maximum vers le 20e jour, et, dans certains cas, avec certains antigènes, vers le 40e jour.

Chapitre IV

DURÉE DE L’ANAPHYLAXIE.

La durée de l’anaphylaxie est considérable. On peut dire qu’on n’en connaît pas encore la limite.

Déjà, en 1903, j’avais indiqué qu’au bout d’un an elle pouvait encore être constatée. Depuis lors, on a pu prouver qu’elle était plus prolongée encore.

C’est surtout Rosenau et Anderson qui ont mis en lumière ce fait important. Ils ont vu un cobaye garder sa sensibilité à l’injection seconde 1 096 jours, c’est-à-dire un peu plus de trois ans, et ils ajoutent : We believe that sensitive guinea pigs retain their susceptibility during their entire life. Currie a indiqué un cas, chez l’homme, où, 1 817 jours après l’injection première, il y eut des effets anaphylactiques manifestes lors de l’injection seconde (cité par Doerr).

Non seulement l’état d’anaphylaxie persiste longtemps, mais il semble bien ne pas décroître, au moins après l’injection de certains antigènes. Là encore, il est des différences considérables suivant l’antigène injecté.

Avec la mytilo-congestine, vers le 40e jour ou le 50e jour, l’état anaphylactique a disparu complètement ; mais ce n’est peut-être qu’une apparence, car les phénomènes sont complexes. En même temps que l’anaphylaxie, l’immunité s’établit, laquelle, sans doute, masque quelques-uns des symptômes de l’anaphylaxie (peut-être par le fait d’une antitoxine neutralisant immédiatement par une réaction chimique simple les effets de la toxine).

En effet, avec d’autres poisons, l’anaphylaxie ne s’éteint pas aussi vite. Au 100e jour après l’injection première, Rosenau et Anderson n’ont pas trouvé d’affaiblissement appréciable. Avec l’actino-congestine j’ai vu au 135e jour (exp. sur le chien Porphyre. Trav. du lab., VI, 1909, 449) une des anaphylaxies les plus fortes que j’aie pu observer, puisque l’animal est mort en 15 minutes après injection du dixième de la dose mortelle. Avec la crépitine, les symptômes ont été au 92e jour parmi les plus intenses. Il semble même (sur les chiens) que, lorsque la date de l’injection première est très lointaine, les accidents sont plus graves qu’au 50e jour. Peut-être ont-ils une forme un peu différente, avec des convulsions cloniques et toniques et une mort rapide (Exp. inédites).

Pendant l’intervalle de temps qui sépare la première injection de la seconde, peut-on dire que l’animal est revenu à son état normal, au statu quo ante ?

Chez les lapins et les cobayes, après injection de sérum, vers le 10e ou 15e