L'autorité européenne du travail - Andrea Allamprese - E-Book

L'autorité européenne du travail E-Book

Andrea Allamprese

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Beschreibung

La libre circulation des travailleurs et la libre prestation de services dans l’Union sont deux piliers fondamentaux du projet européen. Pourtant, au fil des années, ces piliers n’ont cessé de se fissurer sous les coups de plusieurs abus : concurrence déloyale entre travailleurs, fraude et abus en matière de détachement, détachements en cascade, conditions de vie des travailleurs innommables… C’est que les lois européennes mises en place pour gérer le marché du travail sont appliquées au niveau national. Un niveau qui éprouve des difficultés à s’adapter à un marché de quelque 237 millions de travailleurs mobiles. On assiste donc à un accroissement de la fraude sociale transfrontalière et à de la concurrence inéquitable sur les salaires. Le problème, c’est que les entreprises ne connaissent pas de frontières et les inspections des États membres sont limitées à leur territoire national. Il faut trouver le juste équilibre entre la concurrence et la protection des droits sociaux des personnes mobiles au sein de l'Union européenne.

Dans le paysage des agences européennes, le droit social était le parent pauvre. Désormais, l’Autorité européenne du travail devrait aider les citoyens à connaître leurs droits et les États membres à les faire respecter. Elle devrait aussi servir à renforcer la coopération entre les États membres pour s’assurer que les autorités nationales travaillent ensemble à faire respecter les règles communes…Un objectif d’information doublé d’une prérogative de contrôle donc !

Mais la question fondamentale et celle de savoir si cette nouvelle agence européenne pourra faire face à tous ces défis.

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Photographie de couverture : Par Wizzard — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=80439345

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour Larcier.

Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique.

Le «photoco-pillage» menace l’avenir du livre.

Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web via www.larcier.com

© Lefebvre Sarrut Belgium s.a., 2020

Éditions Bruylant

Rue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

ISBN : 978-2-8027-6655-1

La collection « Pratique du droit européen » rassemble des ouvrages relatifs à la mise en oeuvre européenne. Ces ouvrages portent, selon le cas, sur les institutions européennes ou les règles adoptées par ces dernières. Les sujets sont choisis en fonction de l’actualité, de leur caractère concret et de leur importance pour les praticiens. Ils sont traités de manière claire, concise et concrète.

Sous la direction de Paul Nihoul, professeur à l’Université de Louvain. Ses travaux portent sur l’Europe, la concurrence et la consommation. Avec quelques collègues, il dirige le Journal de droit européen aussi publié chez Larcier. Il est également attaché à l’Université de Groningen, aux Pays-Bas.

Précédemment parus dans la même collection (anciennement Europe(s)) :

MATERNE T., La procédure en manquement d’état. Guide à la lumière de la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne, 2012

RICARD-NIHOUL G., Pour une fédération européenne d’États nations, 2012

ESCANDE VARNIOL M.-C., LAULOM S., MAZUYER E., Quel droit social dans une Europe en crise ?, 2012

SCARAMOZZINO E., La télévision européenne face à la TV.2.0 ?, 2012

LEDUC F. et PIERRE PH., La réparation intégrale en Europe, 2012

ONOFREI A., La négociation des instruments financiers au regard de la directive MIF, 2012

AUVRET-FINCK J., Le Parlement européen après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, 2013

BROBERG M. et FENGER N., Le renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne, 2013

COTIGA A., Le droit européen des sociétés, 2013

BERNARDEAU L. et CHRISTIENNE J.-Ph., Les amendes en droit de la concurrence, 2013

MAHIEU S. (dir.), Contentieux de l’Union européenne, 2014

AUVRET-FINCK J. (dir.), Vers une relance de la politique de sécurité et de défense commune ?, 2014

MÉNÈS-REDORAT V., Histoire du droit en Europe jusqu’à 1815, 2014

DEFOSSEZ A., Le dumping social dans l’Union européenne, 2014

VAN WAEYENBERGH A., Nouveaux instruments juridiques de l’Union européenne, 2015

CASTETS-RENARD C. (dir.), Quelle protection des données personnelles en Europe ?, 2015

PINON S., Les systèmes constitutionnels dans l’Union européenne, 2015

AUVRET-FINCK J. (dir.), Vers un partenariat transatlantique de l’Union européenne, 2015

VAN RAEPENBUSCH S., Droit institutionnel de l’Union européenne, 2e éd., 2016

PARTSCH, Ph.-E., Droit bancaire et financier européen - Généralités et établissements de crédit, 2e éd., 2016

NAOMÉ C., Le pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne, 2016

DESHAYES B. et JACQUEMIN Ph. (dir.), Good practice in civil judicial expertise in the European Union / Les bonnes pratiques de l’expertise judiciaire civile dans l’Union européenne. Towards a European expertise / Vers une expertise européenne, 2016

CARPANO É., CHASTAGNARET M. et MAZUYER E. (dir.), La concurrence réglementaire, sociale et fiscale dans l’Union européenne, 2016

GIACOBBO-PEYRONNEL V. et VERDURE Ch. (dir.), Contentieux du droit de la concurrence de l’Union européenne. Questions d’actualité et perspectives, 2017

PFEIFF S., La portabilité du statut personnel dans l’espace européen, 2017

DERIEUX E., Droit européen des médias, 2017

SERVAIS J.-M., Droit social de l’Union européenne, 3e éd., 2017

BENICHOU, M. (dir.), Innovation and Future of the Legal Profession in Europe / L’innovation et l’avenir de la profession d’avocat en Europe, 2017

CRESP M. (coord.), HAUSER J., HO-DAC M. (coord.) et SANA-CHAILLÉ DE NÉRÉ S., Droit de la famille. Droits français, européen, international et comparé, 2018

CHENEVIÈRE C., Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, 2018

BEELEN A., Guide pratique du RGPD. Fiches de guidance, 2018

KÉFER F., Les transferts conventionnels d’entreprises en Europe, 2018

GRANDJEAN G., Pouvoir politique et audace des juges, 2018

LE BOUC R., Guide pratique des passeports financiers européens, 2019

VAN ENIS Q. et de TERWANGNE C. (dir.), L’Europe des droits de l’homme à l’heure d’internet, 2019

ABDEREMANE K., CLAEYS A., LANGELIER E., Manuel de droit comparé des administrations européennes, 2019

FLORE D., FRANSSEN V., Société numérique et droit pénal. Belgique, France, Europe, 2019

Sommaire

Préface

Propos introductifs

Les dernières minutes de la dernière chance : l’Agence européenne du travail et l’Union en 2019

L’organisation et la structure managériale de l’Autorité européenne du travail et le budget affecté à l’AET

Le personnel (articles 30-33 règlement AET)

Les objectifs et les missions exercées par l’Autorité européenne du travail

Conclusions : Comment coopérer dans la concurrence normative, au temps de la gouvernance économique ?

Table bibliographique indicative

Table des matières

Préface

L’Europe sociale a toujours été, à mes yeux, une dimension essentielle de la construction européenne et j’ai souvent regretté qu’elle ne fût pas mieux défendue et développée. C’est dans cet esprit que j’avais évoqué, en début de mon mandat de président de la Commission européenne, la nécessité pour l’Union européenne de se doter d’un véritable « triple A social ». Cette obligation était d’autant plus ardente que l’Europe devait non seulement faire face aux conséquences de la pire crise économique et sociale qu’elle ait connue depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi à de profondes transformations du monde du travail.

Dans ce contexte, la Commission européenne que j’ai eu l’honneur de présider a d’emblée fait le choix du renouvellement de l’économie sociale de marché, de la modernisation de notre acquis social et de l’approfondissement de l’Europe sociale.

Nous nous sommes battus pour des valeurs et pour des principes. Moi qui ai toujours plaidé pour la mise en place d’un socle des droits sociaux, alors que j’étais ministre du Travail puis lorsque j’étais premier ministre, j’ai continué à le faire une fois devenu président de la Commission européenne. Et nous sommes parvenus à faire proclamer un Socle européen des droits sociaux, le 17 novembre 2017, à Göteborg en Suède, en présence des chefs d’État et de gouvernement européens, avec le soutien du Parlement européen et du Conseil de l’Union.

En établissant le Socle européen des droits sociaux, l’Union entend défendre les droits de ses citoyens dans un monde en mutation rapide. Ce Socle, c’est un engagement de tous au nom de valeurs communes et c’est aussi un programme d’action pour tous au cours des années à venir, car l’Europe sociale, ce sont des principes et des valeurs, mais ce ne sont pas que des mots, aussi importants fussent-ils.

Cet ensemble de vingt principes et droits sont essentiels pour le monde du travail du XXIe siècle : du droit à un salaire équitable au droit à la protection de la santé ; de la formation tout au long de la vie à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée ; de l’égalité entre les femmes et les hommes au droit à un revenu minimum.

Aujourd’hui, ce sont plus de vingt-quatre initiatives juridiques qui ont été adoptées sur proposition de la Commission au cours du mandat dans le domaine social, afin de donner vie au Socle et de le renforcer au quotidien. Et nous veillons à sa mise en œuvre au sein des États membres à travers le Semestre européen de coordination de nos politiques économiques, car le social et l’économie ne font qu’un.

Ce faisant, nous nous sommes aussi battus pour des règles modernes, justes et efficaces, qui soient bien mises en œuvre. C’est particulièrement vrai – et c’était particulièrement nécessaire – dans le domaine de la mobilité des travailleurs. Les citoyens européens sont très fortement attachés à la liberté de circulation au sein de l’Union, qui est l’une de nos libertés fondamentales, mais ils ressentaient à juste titre les risques d’absence de règles, de fraude ou d’abus. Il fallait agir pour réconcilier les Européens avec leurs valeurs et redonner confiance dans le fonctionnement de notre marché unique. Nous avons agi.

Nous avons changé les règles relatives au détachement des travailleurs, en faisant prévaloir un principe simple : un même salaire pour un même travail au même endroit. Quelles ne furent pas les critiques lorsque j’ai énoncé ce principe en juillet 2014 ! Nous avons travaillé sans relâche pour rassembler et convaincre. Ce changement de bon sens est désormais acquis.

Nous avons initié une modernisation des règles en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale, afin de faciliter la coopération entre États membres, avec là encore un principe simple et pourtant difficile à préserver : l’égalité entre tous. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, ma conviction est qu’il n’y a pas en Europe de citoyens ou de travailleurs de deuxième classe.

Des règles justes étaient nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes. Faut-il encore qu’elles soient bien appliquées. C’est là tout le sens de notre proposition d’Autorité européenne du travail, que j’avais annoncée dans mon discours sur l’état de l’Union le 13 septembre 2017. J’avais alors fait remarquer qu’il y avait quelque chose d’absurde à disposer d’une Autorité bancaire pour faire appliquer les normes bancaires européennes, mais toujours pas d’une Autorité commune du travail pour veiller au respect de l’équité au sein de notre marché unique.

Et je suis particulièrement satisfait de l’accord obtenu en un temps record par le législateur européen – moins d’un an après la présentation de notre proposition formelle le 13 mars 2018 – sur la création de l’Autorité européenne du travail, qui a débuté ses activités cet automne à Bruxelles, avant son installation à Bratislava, ville qui a été choisie pour accueillir son siège, ce dont je me réjouis.

Cette Autorité jouera un rôle essentiel pour appuyer le travail des autorités nationales de travail et s’assurer d’une mise en œuvre juste, simple et efficace des règles européennes. Tout le monde peut comprendre la démarche : une meilleure information pour les citoyens et les entreprises sur leurs droits et obligations ; une meilleure coopération et une simplification du travail entre administrations nationales, y compris entre autorités d’inspection ; et une possibilité de médiation en cas de difficultés transfrontalières. Tout le monde doit y gagner.

C’est une grande avancée pour les 17 millions d’Européens qui vivent ou travaillent dans un autre État membre de l’Union que celui de leur nationalité, ainsi que pour les milliers d’entreprises qui opèrent au quotidien au sein de notre marché intérieur, car il n’y a pas de marché sans règles justes et sans liberté de circulation bien encadrée.

Cet ouvrage collectif, dont je veux saluer la très grande qualité des contributions, permettra aux lecteurs de mieux se familiariser avec les responsabilités de cette nouvelle Autorité. Il rassemble des réflexions aussi riches que variées sur ce grand pas en avant que nous avons accompli ensemble dans la réalisation d’une Europe plus sociale et d’un marché du travail européen plus équitable. Un pas qui s’inscrit fermement dans la durée grâce à la mise en place de l’Autorité européenne du travail, car ainsi que le disait Jean Monnet : « Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions ».

Jean-Claude Juncker

Président de la Commission européenne du travail

Propos introductifs

Section 1. L’idée visant à l’instauration d’une Autorité européenne du travail n’est pas neuve

1. En effet, à l’occasion de l’adoption de la directive d’exécution de la directive « détachement des travailleurs », les organisations syndicales au niveau européen avaient revendiqué la mise en place d’un « Europol social », c’est-à-dire un corps de fonctionnaires habilité à poursuivre les abus en matière de détachement au-delà des frontières nationales d’un État membre. En effet, il n’est pas satisfaisant que les services d’inspection soient simplement mentionnés dans le texte de l’instrument, il s’impose de mettre en place des procédures concrètes les obligeant à collaborer et à s’organiser pour qu’ils puissent effectuer leur travail avec une connaissance suffisante des législations applicables et avec des moyens coordonnés en vue de lutter efficacement contre la concurrence déloyale1. Ainsi l’ex-Commissaire européen Barnier, dans un entretien qu’il a donné à l’agence Reuters, s’était ouvertement exprimé en faveur de la création d’une agence européenne pour veiller au respect des droits des salariés « détachés » dans un autre État européen et à l’établissement d’une « liste noire » des entreprises contrevenant à ces règles. Bien plus, le commissaire européen déclarait qu’« un jour ou l’autre, il faudrait créer une agence de contrôle [européenne] pour coordonner et renforcer la mission des inspecteurs du travail » au niveau de l’Union. « On devrait avoir un corps minimal d’investigation », expliquait-il, tout en précisant s’exprimer à titre personnel. Cette agence permettrait notamment de suppléer le défaut de contrôle dans les pays qui ne disposent pas d’une administration structurée en matière d’inspection du travail2. Il n’est, dès lors, pas étonnant que dans son discours sur l’état de l’Union prononcé en septembre 20173, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, insiste pour que « toutes les règles de l’UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace par un nouvel organisme européen d’inspection et d’application des règles. […] » et annonce à cette fin la création prochaine d’une Autorité européenne du travail afin de renforcer l’équité sur le marché intérieur.

Section 2. L’instauration de l’AET est le fruit d’un travail législatif intense

2. Le même jour, le 13 mars 2018, la Commission européenne publie sa proposition législative de règlement établissant une Autorité européenne du travail4-5 et adopte une décision instituant le groupe consultatif européen pour l’Autorité européenne du travail6. Dans le délai de huit semaines à compter de la présentation de la proposition de la Commission, les parlements nationaux de la Pologne et de la Suède ont transmis des avis motivés (procédure dite des « cartons jaunes »), mais étant donné que le seuil d’un tiers prévu à l’article 7 du Protocole n° 2 du TUE n’a pas été atteint celle-ci n’a pas dû procéder au réexamen de sa proposition législative. L’établissement de l’AET a pour but d’aider les États membres et la Commission à faciliter l’accès des particuliers et des employeurs aux informations concernant leurs droits et obligations ainsi qu’aux services concernés par les situations de mobilité transfrontière des travailleurs, de soutenir la coopération entre les États membres en matière d’application transfrontière du droit applicable de l’Union, ainsi que de favoriser et de faciliter la recherche de solutions en cas de différend ou de perturbation du marché du travail ayant une dimension transfrontière7. La Commission a également proposé que l’Autorité regroupe les missions techniques et opérationnelles de sept instances existantes de l’UE (le bureau européen de coordination d’EURES, le comité technique sur la libre circulation des travailleurs, le comité d’experts en matière de détachement de travailleurs, la plate-forme européenne pour la lutte contre le travail non déclaré et les trois sous-comités de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale – la commission technique, la commission des comptes et le comité de conciliation)8. L’Autorité a donc pour but d’établir une structure permanente en vue d’obtenir des résultats meilleurs et plus efficaces sur la base d’un forum de coopération renforcé et d’activités d’inspection menées de concert. Le règlement établissant une AET n’a pour vocation ni de créer du nouveau droit matériel, ni d’étendre le droit matériel de l’Union existant. Les missions de l’Autorité se limiteront à aider les États membres à mettre en œuvre la législation pertinente de l’Union en vigueur, en particulier dans les domaines de la mobilité transfrontière de la main-d’œuvre et de la coordination de la sécurité sociale, y compris la libre circulation des travailleurs, le détachement de travailleurs et les services aux travailleurs hautement mobiles. De son côté, le groupe consultatif pour l’Autorité européenne du travail est chargé de conseiller et d’assister la Commission pour l’établissement rapide et le fonctionnement futur de l’Autorité européenne du travail. La proposition législative de règlement établissant une AET est un texte aux contours imprécis et peu compatible avec les caractéristiques attendues d’un règlement (article 288, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), mais qui, fort heureusement, a pu prendre forme grâce aux travaux menés au sein du groupe des questions sociales (voyez infra). S’il ne participe pas au processus législatif menant à l’adoption de la proposition de règlement établissant l’Autorité européenne du travail, le groupe consultatif devait aider à préparer le terrain en vue de l’établissement de cette Autorité. Le groupe consultatif devait en particulier permettre l’échange des meilleures pratiques et expériences en matière de coopération dans les domaines de la mobilité transfrontière des travailleurs et de la coordination des systèmes de sécurité sociale qui sont susceptibles d’être développés encore davantage par l’Autorité européenne du travail. En outre, il devrait faciliter l’examen de questions d’ordre général, de questions de principe et de problèmes pratiques découlant de la mise en œuvre du droit de l’Union applicable dans ces domaines. Le groupe devait également aider à déterminer les moyens de coopération et de contribution des organismes compétents existants, y compris les agences de l’Union européenne, dans la perspective de l’établissement et du bon fonctionnement de l’Autorité européenne du travail. La décision établissant le groupe consultatif pour l’AET s’applique jusqu’à l’établissement de l’Autorité européenne du travail9. À la suite de la présentation de la Commission le 23 avril 2018, le groupe « Questions sociales » a examiné la proposition lors de dix autres réunions, dont sept sous la présidence autrichienne. La présidence a orienté les travaux approfondis en vue de clarifier le texte du règlement AET et de trouver des solutions de compromis visant à tenir compte des différentes préoccupations exprimées par les délégations10. Les préoccupations des États membres rencontrées par la présidence autrichienne étaient les suivantes.

Tout d’abord, en ce qui concerne la définition de la portée des activités de l’Autorité. La Commission a proposé de définir la portée par référence aux « questions liées à la mobilité transfrontière de la main-d’œuvre et à la coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union » tout en énumérant les actes de l’Union pertinents au considérant 711. Afin de répondre au manque de précision soulevée par les États membres, la présidence a proposé de définir la portée des activités de l’Autorité par une liste fermée d’actes de l’Union à l’article 1er, paragraphe 3, sur la base du considérant 7. Il a également été précisé que cette liste ne serait dynamique que dans la mesure où les modifications des actes énumérés entrent dans le domaine de compétence de l’Autorité. Cette approche a recueilli un large soutien. Des références spécifiques ont été faites à la coopération dans des cas de perturbations transfrontières du marché du travail et à la coordination de la lutte contre le travail non déclaré, maintenant ainsi ces activités à l’intérieur du domaine de compétence de l’Agence.

Le respect des compétences des États membres, des systèmes nationaux de relations professionnelles et des accords existants entre États membres. Un ajout a été inséré au texte du règlement afin de garantir aux États membres que l’AET n’influencera en aucun cas les compétences des États membres en ce qui concerne l’application et le respect de la législation pertinente de l’Union, leurs propres systèmes de relations professionnelles et leur législation nationale sur le travail. Il a également été précisé que l’établissement de l’Autorité s’entendra sans préjudice des accords bilatéraux existants et des accords de coopération administrative entre États membres, en particulier ceux liés aux inspections concertées et communes.

Les missions de l’Autorité. En réponse aux questions et problèmes soulevés par les délégations, la présidence a proposé plusieurs clarifications concernant les définitions des missions de l’Autorité énoncées aux articles 5 à 12. En particulier, elle a défini les termes « inspections concertées » et « inspections communes » et a précisé que la participation à celles-ci serait volontaire. Afin de présenter clairement les missions de l’Autorité en matière de lutte contre le travail non déclaré, la présidence a repris la formulation employée dans la décision (UE) 2016/344 et l’a insérée sous la forme d’un nouvel article. À la demande de plusieurs délégations et sur la base des éléments fournis par la Commission, la présidence a clarifié le concept de perturbations transfrontières du marché du travail et le rôle de l’Autorité dans de tels cas (article 14).

L’intégration des sous-commissions de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. La plupart des délégations n’ont pas soutenu la proposition de la Commission de transférer l’activité de la « commission technique » et celle de la « commission des comptes » de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale12 à l’Autorité. Par conséquent, la présidence a retiré de la proposition législative les références à ces organismes. De nombreux États membres ont également estimé que les missions du comité de conciliation de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale ne devraient pas être transférées à l’Autorité ; le comité de conciliation et ses missions devraient plutôt continuer de relever de la compétence de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. La crainte a également été évoquée que l’Autorité pourrait ne pas posséder les compétences permettant de traiter les cas dans le domaine de la coordination de la sécurité sociale et qu’elle pourrait interférer avec la mission d’interprétation du règlement (CE) n° 883/2004 qui appartient à la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale13. Le comité économique et social européen avait, par ailleurs, souligné dans son avis rendu sur la proposition de règlement établissant l’AET que « le rôle de médiation de l’AET dans les conflits entre les autorités nationales, notamment dans le domaine de la sécurité sociale, […] ce processus devant faire l’objet d’une clarification »14.

Les modalités transitoires. Les délégations ont souligné la nécessité d’assurer la continuité des missions qui seront reprises par l’Autorité des structures et organismes existants, par exemple le « comité technique sur la libre circulation des travailleurs » établi en vertu du règlement (UE) n° 492/2011, le « comité d’experts en matière de détachement de travailleurs » institué par la décision 2009/17/CE de la Commission, la « plate-forme européenne visant à renforcer la coopération dans la lutte contre le travail non déclaré » instituée par la décision (UE) 2016/344 et le « bureau européen de coordination » d’EURES établi en vertu du règlement (UE) 2016/589. Par conséquent, la présidence a proposé que ces structures continuent d’exister et qu’elles soient soutenues par la Commission jusqu’à ce que l’Autorité soit pleinement opérationnelle. Soulignons que le comité économique et social européen, dans l’avis qu’il a rendu le 6 décembre 2018 sur la proposition de règlement s’était exprimé également en ce sens que « Le CESE recommande à la Commission de prendre le plus grand soin lors de l’intégration des différentes instances dans l’AET afin de garantir que l’expérience et les savoir-faire accumulés soient exploités utilement et qu’il n’y ait pas de chevauchement avec d’autres instruments et structures, avec pour objectif ultime de s’assurer que l’action de l’AET soit plus efficace »15.

3. Lors de la réunion du comité des représentants permanents (Coreper) du 23 novembre 2018, la proposition de compromis de la présidence autrichienne a reçu un accueil favorable et le mandat fut ainsi donné au Conseil de l’Union (EPSCO) d’adopter sa position (orientation générale) sur la création d’une Autorité européenne du travail, ce qu’il fit lors de sa réunion du 6 décembre 2018. Trois questions demeuraient « en suspens » ou du moins nécessitaient encore quelques précisions. Il s’agissait, d’une part, de la question relative à l’appellation même de la nouvelle agence européenne (Agence versus Autorité européenne du travail)16, d’autre part, de la question posée par le groupe des États membres de Visegrád évoquant les négociations en cours dans le domaine du transport routier dans le cadre du « paquet mobilité » et le risque d’avoir des chevauchements et des structures parallèles, en particulier dans le domaine du transport routier, qui demandaient de retirer du texte toute référence au secteur routier international17 et, enfin, de la question soulevée par une majorité de délégations et relative à la tâche de médiation confiée à l’AET. Au regard de tâche de médiation, les États membres sont convenus que la participation à la médiation doit être volontaire. La plupart des États membres ont été également satisfaits de la proposition de la présidence selon laquelle un médiateur, de concert avec les États membres concernés, devrait s’efforcer de dégager un consensus afin de parvenir à une conclusion, éventuellement avec l’appui d’experts d’autres États membres et de la Commission, qui agiraient uniquement à titre consultatif. La question de la détermination du siège de la future AET devait également être tranchée.

4. Le 14 février 2019, la présidence roumaine du Conseil et le Parlement européen ont conclu un accord provisoire18. En substance, cet accord retient l’appellation initiale d’« Autorité européenne du travail ». En outre, s’agissant de la tâche de médiation ledit accord provisoire prévoit que la médiation se déroulera en deux étapes : la première étape fera intervenir un médiateur de l’Autorité et des représentants des États membres concernés et pourrait déboucher sur l’adoption d’un avis non contraignant. Si aucune solution n’est trouvée, les États membres concernés peuvent convenir d’une seconde étape de médiation, inspirée du comité de conciliation de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. Lorsqu’un différend concerne (totalement ou partiellement) la coordination de la sécurité sociale, tout État membre concerné peut demander qu’il soit porté devant la Commission administrative. La Commission administrative, en accord avec les États membres concernés, peut présenter la même demande. Cet accord provisoire, après examen a été approuvé le 20 février par les ambassadeurs des États membres (réunis au sein du Coreper). Relevons que la tâche portant sur la coopération entre les parties prenantes concernées en cas de perturbations transfrontières du marché du travail prévue dans la proposition initiale de la Commission européenne a finalement été retirée du texte : tant le Conseil que le Parlement étaient d’avis que cette tâche ne cadrait pas avec les missions de l’AET.

5. Le 13 juin 2019, le Conseil EPSCO adopte le règlement instituant l’Autorité européenne du travail. Les dispositions relatives au siège de l’AET ont été exclues du règlement. Aussi, en marge de la réunion du Conseil, la ville de Bratislava (Slovaquie) a été choisie pour accueillir le siège de la future Autorité européenne du travail. La décision relative au choix du siège de cette Autorité a été prise d’un commun accord entre les représentants des États membres au terme d’un vote qui s’est tenu en marge de la session du Conseil. Quant à la procédure relative à la détermination du siège de l’AET, l’approche commune annexée à la déclaration commune de 2012 faite par le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur les agences décentralisées19prévoit que la décision relative au siège d’une agence doit être prise d’un commun accord par les représentants des gouvernements des États membres. Un bref échange de vues a eu lieu au sein du Coreper II le 27 février 2019, qui a été suivi d’une analyse plus approfondie de la procédure et des critères au sein du Coreper I le 6 mars 2019. En marge de la réunion du Coreper I tenue le 13 mars 2019, les représentants des gouvernements des États membres ont approuvé d’un commun accord la procédure et les critères. Les critères d’attribution du siège de l’agence se fondent sur le point 6 de l’approche commune annexée à la déclaration commune de 2012. Ces critères concernent l’équilibre géographique (les sièges des futurs organismes communautaires devraient être situés avant tout dans les États membres ayant adhéré à l’Union en 2004 ou après, la priorité voulue devant être donnée aux États membres qui n’accueillent aucun organisme de l’UE), la disponibilité, en temps voulu, d’espaces de bureaux appropriés permettant à l’agence d’être opérationnelle, l’accessibilité du site d’implantation (la fréquence et la durée des liaisons en transports en commun entre l’aéroport le plus proche et le site d’implantation, ainsi que la qualité et la quantité des infrastructures d’hébergement), l’existence d’établissements scolaires adéquats pour les enfants du personnel de l’agence et l’accès adéquat au marché du travail, à la sécurité sociale et aux soins médicaux pour les enfants et les conjoints. Le 29 mai 2019, la Commission a publié son évaluation générale de toutes les offres reçues dans le délai prévu20. Le Parlement européen et le Conseil ont formellement adopté la proposition le 20 juin 2019.

6. Le règlement instituant l’AET a été publié au Journal officiel le 11 juillet 201921 et est entré en vigueur le 1er août 2019.

Section 3. La mise en œuvre effective de l’AET

7. Depuis l’entrée en vigueur du règlement établissant l’AET, le conseil d’administration de cette dernière s’est réuni à deux reprises :

– les 16 et 17 octobre 2919 à Bruxelles. Le 16 octobre a été principalement dédié à la cérémonie d’inauguration de l’AET ainsi qu’à la première réunion de son conseil d’administration. À l’occasion de l’inauguration de l’AET, le Président Junckera déclaré : « L’Autorité européenne du travail est la pierre angulaire de nos travaux visant à rendre les règles de l’UE en matière de droit du travail équitables, efficaces et applicables. Il n’est pas surprenant que l’Autorité, si grandement nécessaire, ait été instituée en un temps record. L’Autorité améliorera l’accès des travailleurs et des employeurs aux informations sur leurs droits et obligations et aidera les autorités nationales du travail dans leurs activités transfrontières. Cela bénéficiera directement aux millions d’Européens qui vivent ou travaillent dans un autre État membre, ainsi qu’aux millions d’entreprises qui exercent des activités transfrontières dans l’UE. Il s’agit d’une étape supplémentaire majeure sur la voie d’un marché du travail européen mieux intégré, fondé sur la confiance, des règles fiables et une coopération efficace. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui – au Parlement, au Conseil et à la Commission – ont permis de faire de l’Autorité une réalité et j’adresse à celle-ci tous mes vœux de réussite ». Le conseil d’administration a, par ailleurs, traité différentes questions dont celles relatives à l’adoption des règles de procédure du conseil d’administration, la présentation de la procédure de sélection du président et du vice-président du conseil d’administration, l’adoption de la procédure de sélection des membres et suppléants du groupe des parties prenantes, les questions relatives au personnel de l’AET, la procédure de sélection du directeur exécutif, les règles applicables aux fonctionnaires nationaux détachés, le plan d’activité et le budget pour 2019 ;

– à Bratislava le 3 décembre 2019 pour élire le président et vice-président du conseil d’administration de l’AET et pour adopter le programme de travail et budget pour l’année 2020, ainsi que le projet d’état prévisionnel des recettes et des dépenses de l’Autorité pour 2021. S’agissant du programme d’activités de l’AET pour 2020, la priorité a été placée à la fois sur le soutien aux inspections communes et concertées et aux aspects liés à l’accès à l’information.

Section 4. La problématique autour des bases juridiques servant de soutènement au règlement établissant une AET

8. La question des bases juridiques, lors des travaux du groupe des questions sociales, a été soulevée par de nombreuses délégations à tel point que le service juridique du Conseil a dû intervenir et rendre un avis juridique écrit22. Tout d’abord, il faut rappeler que selon la jurisprudence constante de la C.J.U.E., « le choix de la base juridique d’une mesure de l’Union européenne doit reposer sur des facteurs objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, qui comprennent notamment le but et le contenu de la mesure »23. En outre, conformément à une jurisprudence constante, un acte législatif ne peut se fonder sur deux bases juridiques ou plus que si trois conditions sont remplies24 :

– premièrement, l’acte doit poursuivre deux ou plusieurs objectifs sans qu’un seul objectif soit le principal ou prédominant pour les autres. À l’inverse, lorsqu’un acte poursuit deux objectifs ou plus et si l’un de ces objectifs est identifiable comme étant le principal, alors que les autres sont purement accessoires, l’acte doit être fondé sur la base juridique requise par l’objectif principal ou prédominant ;

– deuxièmement, les objectifs énoncés dans l’acte législatif doivent être indissociables ;

– troisièmement, les bases juridiques doivent prévoir des procédures qui sont compatibles.

En combinant les objectifs et les tâches, l’AET, vise d’une part, à contribuer à la libre circulation des travailleurs, conformément à l’article 46 du TFUE. À cet égard, il est noté qu’elle assumera, entre autres activités, la gestion du bureau de coordination EURES. En revanche, les activités de l’AET dans le domaine de la sécurité sociale, y compris son soutien aux travaux de la CACSS, constituent des mesures dans le domaine de la sécurité sociale afin de garantir la libre circulation des travailleurs, non seulement pour les travailleurs migrants salariés mais aussi les travailleurs indépendants et leurs personnes à charge, conformément à l’article 48 du TFUE. Par conséquent, il est clair que les articles 46 et 48 du TFUE sont nécessaires comme bases juridiques de la proposition de règlement. En conclusion, le service juridique du Conseil considère que : (1) Les articles 46 et 48 du TFUE constituent les bases juridiques nécessaires et suffisantes de la proposition. (2) Le rôle de l’AET vis-à-vis des ressortissants de pays tiers, des apatrides et des réfugiés, tel que défini par ses objectifs et tâches énoncés dans la proposition de règlement, est déterminé et limité par le champ d’application du droit matériel de l’Union applicable. Par conséquent, ses activités ne concerneront les ressortissants de pays tiers, les apatrides et les réfugiés en ce qui concerne la mobilité transfrontalière de la main-d’œuvre ou la coordination des systèmes de sécurité sociale que dans la mesure où cette mobilité ou coordination est prévue dans les actes législatifs pertinents de l’Union.

Section 5. Le plan de l’ouvrage

9. Dans les grandes lignes, le présent ouvrage suit fidèlement la structure du règlement établissant l’AET. Ainsi, après avoir fourni les éléments contextuels dans lesquels s’inscrit l’établissement de la nouvelle agence européenne (AET), les structures organisationnelle et managériale de l’AET sont décrites. Ensuite, les différentes tâches attribuées à l’AET sont analysées (accès à l’information, faciliter la coopération et l’échange d’information, le soutien aux inspections communes et concertées, la médiation pour la résolution des différends entre États membres, l’évaluation des risques liés à la mobilité, la lutte contre le travail non déclaré). L’ouvrage se termine par quelques conclusions prospectives sur le développement de l’AET et quelques considérations critiques. L’AET ainsi conçue sera-t-elle en mesure de relever les défis importants et croissants liés à la mobilité des personnes au sein de l’Union européenne et qui se posent quotidiennement ?

Les auteurs,

Andrea Allamprese

Silvia Borelli

Marc Morsa

Fabienne Muller

Marco Rocca

1 Cette idée a d’ailleurs été exprimée par les organisations européennes représentatives des travailleurs à l’occasion de la consultation sur la proposition de directive d’exécution de la directive « détachement ».

2http://www.capital.fr/a-la-une/actualites/barnier-propose-une-agence-europeenne-d-inspection-du-travail-892977.

3 Le discours sur l’état de l’Union 2017 est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/commission/news/president-juncker-delivers-state-union-address-2017-2017-sep-13_fr.

4 Dans la suite de cet ouvrage l’acronyme AET sera utilisé en lieu et place des termes « Autorité européenne du travail ».

5 COM(2018) 131 final – proposition de règlement du Parlement et du Conseil établissant une Autorité européenne du travail.

6 Décision du 13 mars 2018, 2018/402, de la Commission instituant le groupe consultatif européen pour l’Autorité européenne du travail, J.O.U.E., L 72/20, 15 mars 2018.

7 Dans son analyse d’impact accompagnant sa proposition de règlement visant à établir une AET, la Commission européenne avait envisagé et évalué trois options politiques, caractérisées par des niveaux d’ambition croissants. Ainsi, ont été envisagées : 1) une option « soutien », 2) une option « opérationnelle », 3) une option « supervision ». Chaque option couvre les missions suivantes qui pourraient être confiées à une Autorité européenne du travail :

– services de mobilité des travailleurs destinés aux particuliers et aux entreprises ;

– coopération et échange d’informations entre les autorités nationales ;

– aide aux inspections conjointes ;

– analyse du marché du travail et évaluation des risques ;

– soutien au renforcement des capacités ;

– médiation entre les autorités nationales ;

– facilitation de la coopération entre les acteurs concernés en cas de perturbations transfrontières ;

En termes de mise en œuvre, les options suivantes ont été envisagées :

– un réseau européen est établi pour coordonner les organismes de l’UE existants dans le domaine de la mobilité des travailleurs et la Commission se voit confier les nouvelles tâches opérationnelles ; 1)

– une nouvelle Autorité européenne du travail est établie pour mener les tâches opérationnelles, en se basant sur les organes existants en matière de mobilité des travailleurs ; 2)

– une nouvelle Autorité européenne du travail est établie sur la base d’une agence européenne existante dans le domaine de l’emploi. 3)

L’option privilégiée combine l’option opérationnelle 2), à mettre en œuvre par une nouvelle Autorité européenne du travail. Cette approche permet à la Commission de garder la main, en liaison avec les États membres, ce qui permet de se conformer à la doctrine de non délégation. L’option opérationnelle permet d’obtenir le meilleur équilibre par rapport aux objectifs visés, en assurant des effets positifs pour les autorités nationales, les entreprises et les travailleurs sans augmenter sensiblement les coûts ; de surcroît, elle bénéficie d’un soutien important auprès des parties intéressées. Quant à l’option de mise en œuvre, l’établissement d’une nouvelle Autorité européenne du travail en s’appuyant sur les organismes existants au niveau de l’UE en matière de mobilité des travailleurs combine l’efficacité opérationnelle des missions et le soutien aux activités des organismes existants au niveau de l’UE, tout en les rationalisant, de manière proportionnée et dans le respect du principe de subsidiarité, deux questions ayant été soulevées par les parties prenantes intéressées. La Commission avait ainsi conclu qu’« [u]n instrument législatif [règlement] est nécessaire pour établir une nouvelle agence ».

8 À vrai dire, le comité de conciliation ne constitue pas une instance autonome mais uniquement un groupe de travail permanent institué au sein de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. Nous y reviendrons infra sous le Chapitre 4, Section 8, concernant les tâches de l’AET en matière de sécurité sociale.

9 Décision du 13 mars 2018 2018/402 de la Commission instituant le groupe consultatif européen pour l’Autorité européenne du travail, J.O.U.E., L 72/20, 15 mars 2018, considérant n° 10.

10 Proposition de compromis de la présidence, doc. réf. 14247/18.

11 Les actes pertinents de l’Union énumérés au considérant 7 de la proposition de règlement sont les suivants : l’Autorité devrait contribuer à faciliter la libre circulation des travailleurs régie par le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil (règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union [J.O., L 141, 27 mai 2011, p. 1]), la directive 2014/54/UE du Parlement européen et du Conseil (directive 2014/54/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à des mesures facilitant l’exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs [J.O., L 128, 30 avril 2014, p. 8]) et le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil (règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2016 relatif à un réseau européen des services de l’emploi [EURES], à l’accès des travailleurs aux services de mobilité et à la poursuite de l’intégration des marchés du travail, et modifiant les règlements (UE) n° 492/2011 et (UE) n° 1296/2013 [J.O., L 107, 22 avril 2016, p. 1). Elle devrait faciliter le détachement de travailleurs, régi par la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil (directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services [J.O., L 18, 21 janvier 1997, p. 1]) et la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil (directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur [« règlement IMI »] [J.O., L 159, 28 mai 2014, p. 11]), y compris en soutenant le respect de ces dispositions mises en œuvre au moyen de conventions collectives d’application universelle dans le respect des pratiques des États membres. Elle devrait également contribuer à la coordination des systèmes de sécurité sociale régie par les règlements du Parlement européen et du Conseil (CE) n° 883/2004 (règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [J.O., L 166, 30 avril 2004, p. 1 ; rectifié au J.O., L 200, 7 juin 2004, p. 1]), (CE) n° 987/2009 (règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [J.O., L 284, 30 octobre 2009, p. 1]) et (UE) n° 1231/2010 (règlement (UE) n° 1231/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 visant à étendre le règlement (CE) n° 883/2004 et le règlement (CE) n° 987/2009 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces règlements uniquement en raison de leur nationalité [J.O., L 344, 29 décembre 2010, p. 1]) ainsi que par les règlements du Conseil (CEE) n° 1408/71 (règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté [J.O., L 149, 5 juillet 1971, p. 2]) et (CEE) n° 574/72 (règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté [J.O., L 74, 27 mars 1972, p. 1]).

12 L’acronyme CACSS sera utilisé en lieu et place de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le présent ouvrage.

13 Voy. infra, Chapitre 4, Section 8, du présent ouvrage.

14 Avis du 12 décembre 2018 du comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une Autorité européenne du travail, pt 15, J.O.U.E., C 440/128, pt 4.1.6.

15 Avis du 12 décembre 2018 du comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une Autorité européenne du travail, pt 15, J.O.U.E., C 440/128.

16 Certains États membres souhaitaient conserver le nom initial, « Autorité européenne du travail », afin de souligner l’importance de cette agence opérationnelle par rapport à d’autres. Toutefois, une majorité d’États membres se sont prononcés en faveur de la proposition de la présidence visant à nommer cette nouvelle agence l’« Agence européenne du travail », en particulier parce que cela reflèterait le fait que le rôle de l’Autorité se limiterait à soutenir les États membres.

17 Voy. déclaration de la Bulgarie, 6 décembre 2018, doc. réf. 7203/18 – COM(2018) 131 final.

18 Voy. doc. réf. 7203/18 – COM(2018) 131 final. https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6128-2019-ADD-1-COR-1/en/pdf.

19 Document 11450/12.

20 Note d’évaluation des différentes candidatures par la Commission européenne, https://www.consilium.europa.eu/media/39532/commission-assessment-cover-note.pdf.

21 Règlement (UE) 2019/1149 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019instituant l’Autorité européenne du travail, modifiant les règlements (CE) n° 883/2004, (UE) n° 492/2011 et (UE) 2016/589, et abrogeant la décision (UE) 2016/344, J.O.U.E., L 186/21, 11 juillet 2019.

22 Service juridique du Conseil, avis juridique rendu le 26 septembre 2018, doc. réf. 12004/18.

23 C.J.U.E., aff. C-147/13, EU:C:2015:299, Espagne c. Conseil, pt 68 et aff. citées.

24 C.J.U.E., aff. C-300/89, EU:C:1991:244, Commission c. Conseil (Titanium dioxide), pts 17-21 ; C-42/97, EU:C:1999:81, Parlement c. Conseil, pts 38-43 ; C-36/98, EU:C:2001:64, Spain c. Conseil, pt 59 ; C-211/01, Commission c. Conseil, pt 39 ; C-336/00, EU:C:2002:509, Huber, § 31 ; C-338/01, EU:C:2004:253, Commission c. Council, pts 55 et s. ; C-155/07, EU:C:2008:605, Parlement c. Conseil, pts 36 et s.

Chapitre 1. Les dernières minutes de la dernière chance : l’Agence européenne du travail et l’Union en 2019

Marco Rocca*

Chargé de recherche CNRS, Université de Strasbourg, UMR 7354 DRES

Section 1. Introduction

1. Le 20 juin 2019, dans les minutes finales de la Commission Juncker et une semaine après les élections du nouveau Parlement européen, le règlement établissant l’Autorité européenne du travail (AET) a été adopté par le législateur européen1. Ceci conclut une négociation relativement courte2 ; l’idée de l’AET, ayant été évoquée par M. Juncker dans son discours sur l’état de l’Union de 20173 et dans le dépôt de la proposition par la Commission en mars 2018, reflète le partage, au moins au niveau de principe, de l’importance de cette initiative entre les institutions européennes4. Par ailleurs, le moment électoral n’est pas sans influence sur le résultat de la négociation elle-même. En effet, confrontées à nouveau avec la menace de la montée eurosceptique aux élections européennes, et ayant été marquées par la première « sortie » de l’Union (malgré les incertitudes entourant cette dernière au moment de la rédaction de notre contribution) d’un État membre, les institutions étaient sans doute poussées aussi par le désir de montrer la vitalité de l’« Europe sociale » aux citoyens européens5. Après tout, le Président Juncker avait baptisé sa Commission comme celle de la « dernière chance »6 afin d’arrêter la désintégration européenne. Les initiatives dans le domaine social, de par leur visibilité et importance politique, jouent un rôle primordial dans cette mission, inspirées par la volonté de laisser les années de la crise derrière soi et assurer le « triple A social » à l’Union7. En effet, l’adoption sous la pression électorale d’initiatives dans ce domaine, et, pour rendre le parallèle encore plus pertinent, dans le domaine de la mobilité transnationale, n’est pas une nouveauté, puisque la directive d’application de la directive détachement avait été adoptée, en 20148, avec une chronologie très similaire9.

2. La création de l’AET se focalise sur les questions liées à l’application de la législation européenne en matière de mobilité de travailleurs, à la fois du point de vue de l’information concernant le contenu de l’acquis dans cette matière et de son effectivité. L’attention pour ce volet du débat concernant la mobilité, que nous reprendrons dans la prochaine section, n’est pas nouvelle. Sans remonter trop loin dans le temps, la manifestation organisée par la Confédération européenne des syndicats à Bruxelles en janvier 2013 avec pour objectif la lutte contre le « dumping social », exhortait déjà à la création d’un « Europol social » pour surveiller le marché du travail européen10 et faisait également suite aux critiques du syndicat européen relatives au texte de la directive d’application11. Le Parlement européen avait, à son tour, mis l’accent sur la nécessité d’assurer l’application effective des droits sociaux dans des situations de mobilité transfrontalière, en appelant à deux reprises, en 201412 et 201613, au renforcement de la coopération transfrontalière entre les services d’inspections nationaux14, à la mise en place d’inspections conjointes entre ces services15, à l’inclusion de la mission de faciliter cette collaboration entre les objectifs de l’agence européenne Eurofund16, ainsi qu’à une collaboration plus étroite entre les administrations nationales17.

3. Dans son ouvrage récent sur les agences de l’Union, Eva Heims affirme que l’application effective du droit de l’Union est primordiale, pour éviter que l’existence de violations ne rende le système contreproductif18. Miriam Hartlapp souligne combien le contrôle de l’application du droit social européen par les services d’inspection sociale19 nationaux est nécessaire pour son effectivité, ne pouvant pas compter sur l’application spontanée par les acteurs, d’autant plus en période de « crise » économique20. Dans le même temps, le fonctionnement de ces services en tant que tel ne fait pas l’objet d’intervention de l’UE, puisqu’étant délaissé à l’organisation administrative interne de chaque État membre21. Cela étant dit, plusieurs projets européens ont mis en exergue que l’efficacité des opérations de contrôle de l’application du droit social dans le cadre des situations de mobilité transnationale dépend de la collaboration entre les services nationaux, qui nécessite, par conséquent, une coordination supranationale. Kairit Kall et Nathan Lillie, résumant les résultats du projet « PROMO – Protecting Mobility through Improving Labour Rights Enforcement in Europe », soulignent les difficultés rencontrées par les services d’inspection lorsqu’il s’agit de contrôler le respect des législations par une entreprise établie dans un autre État membre et faisant usage du détachement des travailleurs22. La synthèse des conclusions du projet « Détachement des travailleurs : Améliorer les collaborations entre les partenaires sociaux et les autorités publiques en Europe »23, par Eurodétachement24, affirme explicitement que « l’efficacité du contrôle et la surveillance ne peut être déconnectée de la coopération administrative transnationale et des échanges d’informations entre les différentes autorités publiques »25. Ce même constat est, d’ailleurs, repris dans l’analyse d’impact accompagnant la proposition de règlement établissant l’AET26