L’école est morte, vive le cirque ! - Véronique Scherèdre - E-Book

L’école est morte, vive le cirque ! E-Book

Véronique Scherèdre

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Beschreibung

Au-delà des apparences, ce qui s'est principalement joué en mai 68, c'est essentiellement la remise en question fondamentale de la notion de différence. Cependant, soixante ans plus tard, la France n'a pas su tirer pleinement parti de cette évolution mentale, et cela a des conséquences graves, en particulier pour le système éducatif et la transmission culturelle. En réalité, notre jeunesse n'est ni suffisamment éduquée ni correctement instruite. Les diplômes ont également vu leur valeur chuter de manière alarmante au fil des décennies. Si nous aspirons sincèrement à ce que la qualité prévale enfin sur la quantité dans notre avenir, il est impératif de prendre des mesures sans plus tarder pour concrétiser cette vision.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Auteure de plusieurs ouvrages singuliers, Véronique Scherèdre, docteure en philosophie et enseignante dans le supérieur, analyse ici la décadence de l’école française du XXIe siècle.

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Véronique Scherèdre

L’école est morte,

vive le cirque !

Essai

© Lys Bleu Éditions – Véronique Scherèdre

ISBN :979-10-422-2210-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

De la même auteure

– La fin de vie d’Emmanuel Kant, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;

– Napoléon ou « L’âme du monde », Le Lys Bleu Éditions, 2023 ;

– Famille, éduque-moi, Le Lys Bleu Éditions, 2023.

Laura Dupas, Héléna, Maëlle, X

Introduction

En 1985, J-P Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, soutient le projet de propulser 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac, d’ici à l’an 2000. Peu après, son successeur L. Jospin inscrit l’objectif dans sa « loi d’orientation ». Mais alors, dans l’opinion publique, à la notion de niveau s’est substituée celle d’obtention, cependant que le nouveau ministre, conscient du caractère illusoire de pareille ambition, s’empresse prudemment d’en changer la donne : ce qu’il faut, c’est qu’aucun élève ne quitte le système éducatif sans y avoir décroché un diplôme, au moins égal au… CAP ou au BEP (apprécions la virtuosité de la pirouette) ! Quoi qu’il en soit, la machine est déjà lancée, et tout est mis en œuvre pour que -coûte que coûte- 80 % des candidats se présentant à l’examen soient victorieux. À cet effet, deux mesures seront édictées, susceptibles de garantir le pourcentage fixé : la simplicité des sujets (dans les matières dites « scientifiques », plus spécialement), et le laxisme désolant de la correction des copies, un laxisme qui, en vérité, confine carrément à la perversion de l’acte consistant en propre à estimer une production. Les enseignants nommés jurys au bac ne tardent pas à en faire le constat et, pour certains, les frais, en termes de sentiment de trahison pédagogique : lors de la délibération finale, quand les moyennes sont calculées, et quand le nombre de recalés et de lauréats est objectivement connu, comme le quota de réussite n’est évidemment pas atteint, le président (un universitaire) procède à un tour de table, dans le but que pression soit faite sur l’un ou l’autre des correcteurs, afin qu’il monte sa note. De cette façon, l’État pourrait remporter trois batailles :

– La première, économique, supposée restreindre le nombre de demandeurs d’emploi, dès lors que les jeunes, une fois bacheliers, poursuivront des études.

– La deuxième, idéologique, visant à disqualifier le diplôme, en destituant la méritocratie, ce pour quoi il serait désormais donné, en lieu et place d’être conquis (il faudra attendre plusieurs décennies pour percer à jour l’intention guidant une telle entreprise : en l’occurrence, la distillation progressive et sournoise d’une politique éducative inclusive médicalement, et mixte socialement et ethnologiquement).

– La troisième, également doctrinale, et faisant office de moyen pour la précédente, s’employant à désidentifier la culture française, en dépréciant son école et ses enseignants ; en troquant des méthodes qui avaient pourtant fait leurs preuves contre d’autres, dont l’improductivité reléguerait la France en mauvaise place dans le classement des systèmes scolaires européens et de l’OCDE ; ainsi qu’en dénaturant les programmes, dans l’objectif qu’ils instruisent le moins possible, qu’ils s’abstiennent impérativement d’éveiller l’esprit critique de la jeunesse, bref, qu’ils soient au service, non plus de la science objective, mais de l’idéologie politique véhiculée par le pouvoir en place (d’où la pénalisation des enseignants qui continuent de « transmettre » un savoir : l’élève -dont on veut persuader la masse que, par la grâce du nouvel esprit du temps, il est génial par innéisme- sera, pour cette raison, l’unique agent et moteur de son apprentissage (sous-entendu : il s’autosuffit. Au fait, à quoi joue-t-on ?)).

Il s’avère que, si ce que visait J-P Chevènement n’a pas été réalisé en 2000, ce sera chose faite en 2012 : cette année-là, cocorico, la France pourra se vanter d’avoir couronné de lauriers (ce que signifie en propre, le « bacca laurea ») 80 % de ses postulants au grade. Pour autant, elle se gardera bien de révéler que la moitié d’entre eux ne savent, ni lire correctement, ni compter sans calculatrice, ni se connecter à leur histoire, ni se repérer dans leur espace, ni s’exprimer (fut-ce maladroitement) autrement que dans un français défiguré, ni même imaginer quel poids et quel prix peut avoir, non seulement un cursus scolaire en général, mais celui qu’ils viennent d’achever, cahin-caha, en particulier.

Nous en sommes là, aujourd’hui, à ceci près que le fardeau s’est alourdi de deux boulets brandis par le système, tels des trophées : le pédagogisme et la démagogie. C’est dire à quel point l’appareil instructif français est en souffrance ; c’est attirer l’attention sur ce mouvement de précarisation de notre patrimoine intellectuel, lequel mouvement est repris, intensifié et prorogé à chaque mandat présidentiel, depuis plus de quarante ans ; enfin, c’est alerter qui veut bien prendre le risque de voir plus loin que le pas de sa porte, sur l’inquiétant devenir de la nation française. Cependant, « incertain » n’a jamais signifié « vaincu », de la même manière que « bataille » n’est pas « guerre ». Car, pour un sain entendement gaulois, l’idée d’impossible est vide de sens.

Chapitre 1

Promenons-nous… dans les concepts

Il n’y a encore qu’une bonne trentaine d’années, parler de l’école était relativement accessible à n’importe quel citoyen, puisque pour désigner l’objet en question -l’école-, cinq ou six mots emblématiques suffisaient : l’enseignant, l’élève, la classe, le tableau, le livre et la note. Aujourd’hui, l’affaire est moins rondement menée, parce que, de gouvernement en gouvernement, et de réforme en réforme, les néologismes se sont reproduits à la vitesse de la lumière, ad libitum et à l’envi (c’est à qui publiera le scoop le plus tristement insane). Pour autant, ils plongent le novice dans une obscurité semi-opaque, comme il en va dans Le médecin malgré lui de Molière, où ledit médecin, qui n’en est un que par le titre qu’il s’est anarchiquement auto attribué, balade et perd délibérément ses patients, dans un pseudo-latin auquel il n’entend rien lui-même.

Il n’en demeure pas moins que l’école française de ce deuxième millénaire parle le pédagogisme. Que les séniors qui se souviennent d’avoir été mauvais en version, en thème, ou en traductions de tous bords se rassurent : c’est une langue ultra facile (davantage encore que l’italien), car elle n’est pas déclinable et ne réclame, par conséquent, aucune aisance avec une gymnastique mentale spartiate. Avec elle, nul besoin de connaître la nature grammaticale des mots, puis de les décliner au cas qui leur est propre (nominatif, accusatif, génitif, datif ou ablatif) : chacun n’a toujours qu’un seul sens et qu’une seule fonction dans la phrase, comme dans la vie, et il se dit et s’écrit inconditionnellement de la même façon, car il ne met en branle qu’une espèce de rumination cérébrale informe, dont les règles opératoires sont l’unicité, l’uniformité, l’indifférenciation, en un mot, une qualité d’esprit brute et fossilisée. En revanche, et en cela réside sa contradiction éclatante et tout à la fois éclairante, cet idiome est, contre toute attente, manichéen. De fait, le pédagogisme ne peut décrire qu’une réalité extrêmement limitée, ce pour quoi il ne recourt qu’à quelques notions (dont certaines ont d’ailleurs été recyclées), qui se trouvent présentées ci-dessous, dans l’ordre alphabétique.

A comme autorité : elle a changé factuellement et notoirement de camp, depuis la fin des années 1980, pour siéger désormais sans ambages dans le portefeuille des parents, si l’établissement est privé, ou dans les mains d’un organe administratif de l’État (par exemple, le rectorat), si l’établissement est public. À retenir, le virage qu’elle a maintenant officiellement emprunté, du pédagogique à l’économico-politique. Toutefois, selon l’établissement dont il s’agit et selon sa renommée (grand privé ou grand public), la gestion du pouvoir sera cependant partagée avec le chef d’établissement.

B comme bienveillance : c’est le mot à la mode, c’est le nouveau sauf-conduit, qu’il faut interpréter dans la mouvance de ce tsunami éducatif et scolaire qui ravage, feu notre idéal d’excellence français. Autrement dit, il faut l’appréhender dans le sens du laisser-aller, de la permissivité, du choix d’abstention face à ce qui, venant de l’élève ou de l’étudiant, serait normalement de nature à provoquer l’opposition et le véto. Mais, cela supposerait un courage non dissimulé, dont les professionnels de l’école témoignent de moins en moins, au fur et à mesure que ce XXIe siècle se déploie.

C comme colonisation : L’histoire de la France y est par stratégie, subrepticement et progressivement réduite, ce par quoi le cours d’histoire lui accorde la part du lion, au détriment des multiples entreprises historico-politiques héroïques menées par la nation, depuis plus de mille cinq cents ans. De toute évidence, cet abord partial du passé de notre pays vise à jeter le discrédit sur nos ancêtres et sur nos racines, un discrédit semblant trouver sa source dans la peur… (de représailles ?).

D comme « d’accord ? » (Sous-entendu, est-ce que tu/vous es/êtes d’accord ?), qui est aujourd’hui, dans l’école du pédagogisme, la question, soit celle qui est posée à l’élève en toute circonstance. Car, plus rien ne doit être dit, ni fait sans son assentiment. Elle aussi, trouve probablement une explication (et, certes non, une justification) dans la peur éprouvée par les agents du système éducatif nouvelleversion (toujours ce défaut de bravoure) : la peur des procédures, celle aussi de leur propre conscience, comme si la pédagogie consistait dans une soumission à l’enfant, ce par quoi il mènerait la danse (gogein : conduire), au lieu d’être mené, amené, orienté par l’adulte. À n’en pas douter, le fiasco judiciaire d’Outreau parvient à hanter jusqu’à ceux qui ne l’ont pas connu.

Comme démagogie : La voilà ! Par définition, elle est conduite du peuple (le demos) ; elle relève donc du champ politique, et se distingue de la « pédagogie », qui elle, en tant que conduite de l’enfant, incombe, d’abord, à la cellule familiale, ensuite, à l’institution scolaire. Mais, dans la mesure où l’école du pédagogisme tire religieusement sa loi de l’État, elle subordonne son activité aux seuls principes de la démagogie.

E comme esprit critique : C’est l’ennemi n°1, comme il en va dans tout régime dictatorial. Les enseignants qui osent encore s’y risquer feront l’objet d’un déclassement, de la part d’une administration ayant à cœur de prendre une sanction, dont l’inadéquation est révélatrice de son malaise refoulé vis-à-vis de sa propre habilitation (car, quand on se sait et se sent à sa place de dirigeant, d’une part, on est capable de reconnaître les éléments compétents et, d’autre part, loin de les rabaisser, on les sollicite au contraire davantage, on s’entoure d’eux, voire on s’inspire d’eux). Du reste, la masse (exclusive de ces professionnels, dont le regard lui renvoie constamment l’image de sa vilenie) laissera très vite parler son instinct grégaire, appâtée par la promesse d’une prime à Noël. Car, ce qui prévaut, c’est l’homogénéité, docile et sans danger (puisque sans âme), pour le pouvoir en place.

H comme honteuse