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Pour sortir son frère du pétrin dans lequel il s'est fourré, le chasseur de primes et tueur de vampires Haven doit s'emparer de la jeune actrice Kimberly et la remettre à la sorcière qui l'a engagé à cette fin. Malheureusement, la jeune étoile montante est protégée par le genre de créatures qu'Haven déteste le plus au monde: un vampire. Après s'être fait kidnapper par ce chasseur de vampires, la première réaction d'Yvette - vampire et garde du corps de la jeune actrice- est de vouloir tuer cet enfoiré. Mais avant qu'elle n'en ait l'occasion, elle se rend compte qu'il est tout autant qu'elle en danger : il s'est fait rouler par la sorcière qui l'a engagé. Alors qu'Yvette et Haven tentent de s'échapper de leur prison tout en secourant l'actrice et le frère d'Haven, leur haine réciproque continuera-t-elle à les habiter ? La passion qui semble bouillir entre eux sera-t-elle assez forte pour qu'ils acceptent de risquer leur vie et de faire tout ce qu'ils peuvent pour combattre la sorcière et l'empêcher de s'emparer du plus grand pouvoir de tous les temps? À PROPOS DE LA SÉRIE La série Scanguards Vampires est pleine d'action rapide, de scènes d'amour torrides, de dialogues pleins d'esprit et de héros et héroïnes forts. Le vampire Samson Woodford vit à San Francisco et possède une société de sécurité et de garde du corps, Scanguards, qui emploie à la fois des vampires et des humains. Et éventuellement des sorcières. Ajoutez quelques gardiens immortels et quelques démons plus tard dans la série, et vous aurez compris ! Chaque livre peut être lu seul et est toujours centré sur un nouveau couple qui trouve l'amour, mais la série est plus agréable lorsqu'elle est lue dans l'ordre. Et bien sûr, il y a toujours quelques blagues - vous comprendrez quand vous rencontrerez Wesley, un aspirant sorcier. Bonne lecture ! ⭐️ ⭐️ ⭐️ ⭐️ Lara Adrian, auteure de la série Midnight Breed, vendue dans le New York Times : "Je suis accro aux livres de Tina Folsom ! La série des Scanguards® est l'une des choses les plus chaudes qui soient arrivées à la romance vampirique. Si vous aimez les lectures torrides et rapides, ne manquez pas cette série palpitante !" Les Vampires Scanguards La belle mortelle de Samson (#1) La provocatrice d'Amaury (#2) La partenaire de Gabriel (#3) L'enchantement d'Yvette (#4) La rédemption de Zane (#5) L'éternel amour de Quinn (#6) Les désirs d'Oliver (#7) Le choix de Thomas (#8) Discrète morsure (#8 ½) L'identité de Cain (#9) Le retour de Luther (#10) La promesse de Blake (#11) Fatidiques Retrouvailles (#11 ½) L'espoir de John (#12) La tempête de Ryder (#13) La conquête de Damian (#14) Le défi de Grayson (#15) L'amour interdit d'Isabelle (#16) La passion de Cooper (#17) Le courage de Vanessa (#18) Gardiens de la Nuit Amant Révélé (#1) Maître Affranchi (#2) Guerrier Bouleversé (#3) Gardien Rebelle (#4) Immortel Dévoilé (#5) Protecteur Sans Égal (#6) Démon Libéré (#7) Le club des éternels célibataires Séduisant (#1) Attirant (#2) Envoûtant (#3) Torride (#4) Attrayant (#5) Passionné (#6) Hors d'Olympe Une Touche de Grec (#1) Un Parfum de Grec (#2) Un Goût de Grec (#3) Un Souffle de Grec (#4) Les Vampires de Venise Nouvelle 1 : Raphael & Isabella Nouvelle 2 : Dante & Viola Nouvelle 3 : Lorenzo & Bianca Nouvelle 4 : Nico & Oriana Nouvelle 5 : Marcello & Jane Nom de Code Stargate Ace en Fuite (#1) Fox en Vue (#2) Yankee dans le Vent (#3) Tiger à l'Affût (#4) Hawk en Chasse (#5) La Quête du Temps Changement de Sort (#1) Présage du Destin (#2) Thriller Témoin Oculaire La série des vampires Scanguards a tout pour plaire : coup de foudre, ennemis à amants, rencontre mignonne, instalove, héros alpha, compagnons de destin, garde du corps, bande de frères, demoise
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Seitenzahl: 451
Veröffentlichungsjahr: 2025
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VAMPIRES SCANGUARDS - TOME 4
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Épilogue
Ordre de Lecture
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À propos de l’auteur
Pour sortir son frère du pétrin dans lequel il s’est fourré, le chasseur de primes et tueur de vampires Haven doit s’emparer de la jeune actrice Kimberly et la remettre à la sorcière qui l’a engagé à cette fin. Malheureusement, la jeune étoile montante est protégée par le genre de créatures qu’Haven déteste le plus au monde: un vampire.
Après s’être fait kidnapper par ce chasseur de vampires, la première réaction d’Yvette – vampire et garde du corps de la jeune actrice – est de vouloir tuer cet enfoiré. Mais avant qu’elle n’en ait l’occasion, elle se rend compte qu’il est tout autant qu’elle en danger : il s’est fait rouler par la sorcière qui l’avait engagé.
Alors qu’Yvette et Haven tentent de s’échapper de leur prison tout en secourant l’actrice et le frère d’Haven, leur haine réciproque continuera-t-elle à les habiter ? La passion qui semble bouillir entre eux sera-t-elle assez forte pour qu’ils acceptent de risquer leur vie et de faire tout ce qu’ils peuvent pour combattre la sorcière et l’empêcher de s’emparer du plus grand pouvoir de tous les temps?
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© 2013 Tina Folsom
Scanguards est une marque déposée.
Haven fut le premier à entendre le cri alarmant de sa mère. Il attrapa immédiatement son petit frère Wesley par le col de son polo, le faisant couiner de mécontentement.
— Laisse-moi, Hav’. Je veux jouer.
Haven ignora l’objection de son frère de huit ans et lui plaqua une main contre sa bouche.
— Tais-toi, ordonna-t-il en gardant la voix basse.
Bien que se trouvant dans la salle de séjour avec son frère, il pouvait très bien sentir la peur lancinante de sa mère dans ce cri paniqué qui provenait de la cuisine, là où elle mélangeait des potions.
— Il y a quelqu’un dans la maison. Ferme-la ! dit-il à son frère en lui jetant un regard grave.
Apeuré, Wesley écarquilla les yeux, mais hocha la tête. Haven retira sa main de la bouche de son cadet, lequel tint parole et garda le silence.
Ayant prévu qu’un tel événement pût se produire, leur mère les y avait préparés en leur imposant un protocole très strict : ils devaient se cacher et rester silencieux. Mais bien que soucieux d’obéir à sa mère, Haven eut les entrailles déchirées par le cri qu’elle venait de pousser. Ne pas l’aider aurait été lâche. Il était grand pour son âge, presque autant qu’un homme. Leur père, en les abandonnant un peu moins d’un an auparavant, l’avait forcé à grandir vite. À présent, c’était lui l’homme de la maison. Et c’était à lui d’aider sa mère.
— Va chercher Katie et cachez-vous sous l’escalier.
Leur sœur, encore bébé, dormait dans la chambre du rez-de-chaussée plutôt que dans la nursery du premier pour qu’on pût l’entendre à son réveil. Il restait deux heures avant son prochain repas. Avec un peu de chance, elle ne se réveillerait pas avant.
Wesley partit en courant dans le couloir. En chaussettes, il ne fit aucun bruit sur le parquet. Haven prit son courage à deux mains et se dirigea vers la porte de la cuisine.
— Tu sais que tu dois sacrifier l’un d’entre eux. Alors, lequel ? demanda une voix masculine dans la cuisine.
Il était impossible de ne pas remarquer toute la malveillance contenue dans la voix de cet homme. Tel un serpent, un frisson glacé parcourut la colonne vertébrale d’Haven.
— Jamais ! répondit sa mère.
Un flash blanc accompagna ses mots. Haven savait que si elle utilisait sa magie de manière aussi ouverte sur l’intrus, cela signifiait que ce dernier était un être surnaturel et non un humain.
Merde !
Sa mère n’aurait eu aucun problème à affronter un cambrioleur, mais là, c’était différent. Et voilà pourquoi elle avait besoin de son aide, qu’elle le lui eût interdit ou non. Elle le punirait plus tard si elle le désirait, mais il n’allait tout de même pas rester caché comme une espèce de fouine invertébrée. Wesley était assez grand pour s’occuper seul de Katie, mais Haven était assez âgé – onze ans pour être précis – pour aider sa mère à venir à bout d’un agresseur.
Haven avança et, par l’embrasure de la porte, jeta un œil dans la cuisine inondée de lumière. Horrifié, il recula.
Merde et merde !
Cela ne faisait aucun doute, l’agresseur de sa mère était un vampire, le sommet de la chaîne alimentaire. Ses canines s’étaient allongées – apparaissant entre ses lèvres – alors que ses yeux étaient aussi rouges que les feux arrière d’une voiture dans la nuit. Les vampires n’étaient pas immunisés contre la sorcellerie, mais la mère d’Haven n’était cependant qu’une sorcière lambda qui n’avait d’autre pouvoir que ses potions et sortilèges. Contrairement à ses pairs, elle n’avait jamais maîtrisé l’un ou l’autre des quatre éléments : l’eau, l’air, le feu et la terre. Elle était presque sans défense.
Le vampire, grand et mince, lui avait agrippé le cou, tandis que les lèvres de la pauvre femme continuaient de remuer, comme si elle tentait de jeter un sort. Mais aucun son ne s’échappait de sa gorge. Elle se débattait sous cette emprise, ses yeux jetant des regards sur les côtés, cherchant désespérément un moyen de s’échapper. Mais il n’y avait pas d’issue. À défaut de pouvoir prononcer une incantation, elle n’avait aucune possibilité de se libérer de son assaillant. Et quand bien même elle aurait pu…
Haven savait ce qu’il devait faire. Rassemblant tout son courage, il poussa la porte et se précipita vers le comptoir de la cuisine où tout un tas d’ustensiles étaient rassemblés dans une cruche en terre cuite. Il attrapa une cuillère en bois et la cassa en deux.
Au son produit par le bois brisé, le vampire tourna la tête vers lui et, irrité, lui montra ses canines. Tel un avertissement, un grognement s’échappa de sa gorge.
— Grossière erreur, petit. Grossière erreur.
Mais jamais personne ne l’appelait petit sans avoir à en payer le prix.
Sa mère lâcha un gargouillis étouffé. Elle cligna des yeux dans sa direction, tentant visiblement, malgré sa détresse évidente, de lui adresser un message. Elle voulait qu’il se sauvât. Il le comprit très bien, mais refusa. Il n’était pas lâche. Comment pouvait-elle imaginer qu’il l’abandonnât aux mains de ce monstre ?
— Lâche ma mère ! ordonna-t-il au vampire en levant la main qui tenait le pieu improvisé.
Haven chargea l’agresseur en lâchant un cri de guerrier, comme il l’avait vu faire dans les westerns qu’il adorait regarder à la télévision. Il allait atteindre le suceur de sang lorsque ce dernier lâcha sa mère et la poussa contre la cuisinière. Au son émis par l’impact du dos de la pauvre femme contre la porte en métal du four, la fureur s’empara d’Haven. D’un mouvement si rapide qu’il ne put le suivre des yeux, le vampire se jeta sur lui et lui attrapa le poignet, le maintenant immobile.
Haven serra la mâchoire et jeta un coup de pied dans les tibias de l’ennemi. Sans aucun effet. Un grognement s’échappa de la bouche de ce dernier. Derrière lui, Haven surprit sa mère en train de se lever, des gémissements de douleur émanant de sa bouche. Mais la détermination se lisait sur son visage. Elle marmonna alors une incantation :
— La nuit amène le jour, le jour amène la nuit, aide les faibles, et…
L’agresseur tordit le poignet d’Haven, le forçant à lâcher le pieu. Celui-ci tomba au sol et roula au loin. Hors de portée. Le vampire relâcha ensuite le jeune homme, se retourna et sortit un couteau de sa veste.
— Espèce de stupide sorcière ! siffla-t-il, j’allais te laisser vivre.
Résolue, la mère d’Haven continuait à prononcer son sortilège.
— … les puissants, et leur donne…
Haven se jeta sur le dos du vampire, essayant de lui retirer le couteau des mains. Mais son opposant lui enfonça le coude dans les muscles mous de son ventre peu entraîné et l’envoya valser au sol. Lorsque celui-ci leva les yeux, il ne vit que le mouvement du poignet du vampire qui lâchait le couteau destiné à sa cible.
Un cri de stupeur interrompit les incantations de sa mère. Le couteau venait de l’atteindre dans la poitrine. Alors qu’elle s’écroulait au sol, le sang souillant son tablier blanc, Haven tenta de s’approcher, mais l’ennemi l’en empêcha.
— Haven, articula difficilement sa mère, souviens-toi… d’aimer…
— Non ! Enfoiré ! cria Haven. Je vais te tuer !
Mais il n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit, les pleurs d’un bébé se faisant entendre dans toute la maison. Katie.
Le vampire tourna la tête vers le couloir. Un sourire reflétant une semi-satisfaction s’esquissa alors sur sa bouche. Cela ne changea cependant rien à sa laideur.
— Bien plus facile, avança-t-il, comme si j’allais me laisser embêter par les caprices d’un pénible petit garçon.
— Non ! cria Haven, réalisant que le vampire parlait de Katie.
Ce dernier avait dit que tout ce dont il avait besoin, c’était de l’un d’entre eux.
L’agresseur sortit de la cuisine et se dirigea vers le fond du couloir. Haven lui courut après, attrapant au passage un balai appuyé contre le mur. Il en cassa le manche sur ses genoux et en empoigna la plus petite moitié, comme il l’aurait fait d’un pieu.
Il atteignit la cachette sous les escaliers quelques secondes après le suceur de sang et entendit les pleurs de Katie se mêler aux cris paniqués de Wesley.
— À l’aide ! Haven, maman ! Aidez-moi !
D’une main, le vampire arracha la petite boule qu’était Katie des bras de Wesley et la serra contre sa poitrine. De sa main libre, il repoussa alors le petit garçon, tandis que ce dernier tentait de l’atteindre à l’estomac avec des coups de poing bien futiles. Cela ne faisait absolument aucun mal à la créature.
— Arrête, petit idiot !
Ni Wesley ni Haven n’obéirent à ses ordres. Le pieu en main, Haven bondit plutôt sur l’enfoiré. Ce dernier fut cependant trop rapide. Alors que, d’un bras, il maintenait Katie en l’air, il se retourna et souleva l’autre bras afin de se protéger de l’arme d’Haven, geste qui envoya Wesley s’écraser contre le mur. Malgré une détermination sans bornes à sauver sa sœur, Haven ne faisait pas le poids face à cette créature surnaturelle.
Le vampire le poussa contre le mur, et il en eut le souffle coupé. La douleur qui s’empara de lui, telle une vague, lui rappela qu’il n’était qu’un humain, dépourvu des compétences nécessaires pour vaincre un puissant suceur de sang.
— Je ne veux pas te faire de mal. Je ne veux que l’un d’entre vous.
Une lueur mystérieuse voila les yeux du vampire, comme s’il regrettait ce qu’il était en train de faire.
— Question de balance, ajouta-t-il.
Une seconde plus tard, il était parti. La porte d’entrée resta grande ouverte, laissant la pénombre envahir la maison dévastée. Le froid et le brouillard s’emparèrent des lieux que la chaleur et l’amour habitaient toujours quelques minutes auparavant.
— Maman, aide-nous, gémit Wesley.
Haven parcourut en rampant les quelques mètres qui le séparaient de son frère. Comment pouvait-il apprendre à Wes ce qui était arrivé à leur mère ? Et Katie ? Qu’allait-il arriver à Katie ?
— Maman ne peut pas nous aider, murmura Haven à son frère, ignorant, du mieux qu’il le pouvait, la douleur qui irradiait dans ses côtes.
Ce n’était rien comparé à la douleur qu’il ressentait dans son cœur. Il regarda Wesley et vit alors, aux larmes qui coulaient sur ses joues, qu’il avait compris. Haven, quant à lui, fut incapable de pleurer. Il laissa plutôt son cœur s’emplir de haine. Une haine envers tout ce qui se rapportait à la magie, au surnaturel ; envers tout ce qui n’était pas humain. Car, même s’il ne connaissait ni les intentions du vampire ni la raison pour laquelle ce dernier avait tué sa mère, Haven soupçonnait que cela eût à voir avec la magie. Il ne pouvait y avoir d’autre explication. Le vampire n’était pas venu pour leur dérober des objets de valeur. Question de balance, avait-il dit. De quelle balance s’agissait-il ?
Haven regarda son frère et lui serra la main.
— Je vais le retrouver et le tuer, lui et tous les vampires qui se mettront sur mon chemin. Et on ramènera Katie. Je te le promets.
Et il ne s’arrêterait pas avant d’avoir tenu parole.
San Francisco, 22 ans plus tard.
Il s’agissait d’un piège. Un piège d’une ampleur qu’Haven n’aurait pu imaginer.
Après avoir reçu un SMS de Wesley le priant de le rencontrer dans un entrepôt vide d’un des quartiers les plus malfamés de la ville, il avait fait des recherches sur le voisinage et en était arrivé à la conclusion qu’au moins un ou deux assaillants l’y attendaient. Du gâteau, avait-il pensé.
Ce n’était pas la première fois qu’il venait aider son petit frère à se sortir des griffes cupides d’un usurier ou d’un arnaqueur avec lequel il s’était embrouillé. Peu importe la somme demandée pour le relâcher, personne ne verrait le moindre centime. Son pistolet bien dissimulé le garantissait.
La porte de l’entrepôt n’était pas verrouillée. Il la poussa et se faufila à l’intérieur, inhalant l’odeur de renfermé du bâtiment. Celle-ci se mêlait étrangement à une mixture faite d’herbes, rappelant Chinatown et ses effluves et parfums exotiques. Le long couloir qui s’ouvrait devant lui était sombre, et l’unique ampoule qui pendait au plafond était recouverte de poussière et de toiles d’araignées. Rien n’invitait à entrer dans cet endroit.
L’exploration du lieu prit fin lorsqu’un vent frais se fit fortement sentir. L’instant suivant, cette vague d’air saisit le mètre quatre-vingt et les cent kilos de muscles d’Haven et le plaqua contre le mur. Quoique fort et entraîné aux différentes sortes de combats à mains nues, il ne pouvait rien contre cette force invisible.
Merde !
Cette fois, il n’avait pas affaire à quelque criminel des bas-fonds.
Haven était loin d’apprécier cette sensation d’impuissance qui s’étendait à tout son corps, tandis que l’assaut continuait. En tant que chasseur de primes froid comme l’acier, la vulnérabilité ne faisait pas partie de son vocabulaire. Et cela n’allait pas changer maintenant. Faire table rase des V était bel et bien son objectif : vampires, vermine, vautours. La vulnérabilité n’avait donc pas sa place non plus. Il la laissait aux gens du Larousse ; ils faisaient, quant à eux, probablement usage de ce mot.
S’il sortait vivant de ce pétrin, il se jura de botter les fesses de son frère, non sans tout d’abord en profiter pour lui flanquer une bonne frousse.
— Je vois que tu as eu mon message, dit calmement une voix féminine.
L’instant d’après, elle se montra. Elle était belle : de longs cheveux roux tombaient en cascades autour de son visage et sur ses épaules. Ses pommettes étaient saillantes, sa peau pâle et ses lèvres charnues. À première vue, Haven comprit dans quel piège Wesley était tombé : cette femme correspondait en tous points au fantasme masculin. Elle lui avait court-circuité le cerveau de façon à ce qu’il réfléchît avec son entrejambes. Quant à Haven, il ne s’était jamais autorisé à ce que cela lui arrivât, et il n’était pas aussi facile à manipuler que son petit frère. Non, lui, il était dur comme le fer, et d’une façon ou d’une autre, il réussissait à échapper à ces situations.
Haven serra les dents en confrontant les yeux bleus glacés de la beauté diabolique.
— Qu’as-tu fait de mon frère, sorcière ?
Elle ne s’était pas présentée, il semblait donc approprié de l’appeler par sa profession plutôt que par son nom. Et il était plus que certain de ladite profession. La force dont elle avait fait preuve dépassait l’entendement pour un scientifique. Il s’agissait de magie. Et il était capable de la reconnaître lorsqu’elle lui bottait les fesses.
— Tu en parles comme s’il s’agissait d’un gros mot.
— Ça ne l’est pas ?
Elle secoua la tête, manifestement en désaccord avec lui, ses boucles cuivrées rebondissant sur ses épaules.
— Mon nom est Bess. Je m’attendais à plus de respect de la part d’un fils de sorcière. Ne respectes-tu pas la sorcellerie de ta mère ?
Le souvenir de sa mère lui retourna les entrailles. Il tenta de l’ignorer, tout comme les émotions qui l’envahissaient, celles qu’il avait voulu repousser depuis sa mort brutale. Il n’allait pas permettre à cette satanée sorcière de l’affaiblir en évoquant des choses qui devaient rester cachées.
— Laisse ma mère en-dehors de ça. Où est mon frère et que veux-tu ?
— Ton attitude de bad boy et de chasseur de primes ne marche pas avec moi. Laisse ça à la porte et entre.
Haven la dévisagea et serra la mâchoire.
— À moins que tu ne souhaites pas revoir ton frère. Je peux très bien le laisser moisir, attaché là.
Soudain, la pression sur sa poitrine disparut, et il put se dégager du mur. Il se débarrassa de cette sensation de claustrophobie et porta la main à sa veste. L’idée de la tuer était bien présente dans son esprit, mais sans savoir au préalable où son frère se trouvait dans l’entrepôt, il ne pouvait laisser ses balles faire leur travail.
— Et retire ta main de ce pistolet.
Pas besoin d’être une sorcière pour comprendre ce que sa main tentait d’atteindre. Haven grommela.
— Qu’on en finisse. Où est Wesley ?
Bess passa dans une pièce relativement spacieuse, une sorte de salon. Il la suivit. Plusieurs meubles dépareillés occupaient l’espace. Des tapis recouvraient le sol en ciment, tandis que des tentures d’un velours épais pendaient aux fenêtres. Une étagère pleine de vieux livres et des pots remplis d’herbes peu ragoûtantes et de morceaux d’animaux venaient peaufiner le tout, lui conférant manifestement une apparence gothique. Pas vraiment les goûts d’Haven en matière de décoration.
Au cours de ces huit dernières années passées en tant que chasseur de primes travaillant pour différents garants de cautions judiciaires, Haven avait connu son lot d’étrangetés. Plus rien ne pouvait le surprendre. Abstraction faite de cela, les choix de Bess en matière de décoration n’auraient, toutefois, pas pu l’étonner. Cette dernière avait raison ; il était le fils d’une sorcière, et en tant que tel, il avait déjà été confronté à tout cela. Bien plus, en fait, que ce qu’il avait toujours voulu voir… ou savoir.
Haven refoula les souvenirs.
— Où est Wesley ?
La sorcière s’assit sur l’un des canapés recouverts et lui désigna un fauteuil.
— En sécurité. Assieds-toi.
— Je ne suis pas ton chien.
Sorcière ou pas, il n’allait pas se laisser commander.
— Non, mais tu peux en devenir un, si tu veux.
Grognant de mécontentement, il se laissa tomber sur son siège, soulevant un nuage de poussière autour de lui.
— Je suis assis.
La sorcière dévora son corps des yeux. Une vague d’inconfort s’empara alors de lui. Il n’aimait pas être observé de la sorte, comme s’il était une bête de foire. Ou pire, un rat de laboratoire.
— Ton frère ne te ressemble pas du tout. Il semble plus… gentil. Pas comme…
— Je suis sûr que tu ne m’as pas invité pour un cours de psycho. En plus, je n’aime pas le genre d’invitations que tu envoies.
Pourquoi n’avait-il pas deviné que ce n’était pas son frère qui lui avait envoyé ce message ? Peut-être parce qu’il provenait de son téléphone portable, et que le style semblait vraiment être le sien : un appel au secours criblé de fautes d’orthographe. Son frère ne savait pas épeler un seul mot correctement, et Haven n’avait donc pas remis en question l’authenticité du message.
— Tu serais venu si j’avais envoyé une lettre pleine de politesses ? De toute façon, trêve de plaisanteries, il faut qu’on discute, toi et moi.
Haven sourcilla. Il ne voulait pas avoir affaire aux sorcières. Bien que sa mère en fût une, ni son frère ni lui-même n’avaient hérité de ses pouvoirs. Cela ne l’avait jamais dérangé, car il n’avait jamais éprouvé le moindre désir d’agir à distance par le biais de la magie. Il aimait, en effet, se trouver à proximité de ses victimes afin de lire la peur dans leurs yeux, alors qu’elles réalisaient qu’il avait gagné. Et ses victimes avaient toujours été des vampires – non pas qu’il eût quoi que ce soit contre l’idée d’ajouter une sorcière à son tableau de chasse. Quiconque menaçait sa famille devrait avoir affaire à lui. De façon plutôt fatale.
— Qu’est-ce que tu veux en échange de mon frère ?
— T’es un rapide. Ta profession étant peu orthodoxe, tout ce que je te demande, c’est un jour de plus au boulot.
Il détestait que l’on jouât avec lui. Ce jeu du chat et de la souris qu’elle entretenait était le pire de tous.
— Crache.
— Il y a une fille, une jeune actrice. Je voudrais que tu me la ramènes.
— Vu la façon dont tu m’as traîné ici, je ne vois pas pourquoi tu ne peux pas le faire toi-même.
Bess serra les lèvres.
— Ah, mais c’est là tout le problème. Tu vois, la fille a un garde du corps.
La sorcière fit un geste de la main.
— Un truc en rapport avec les paparazzis.
Elle leva les yeux au ciel, son dédain pour les célébrités apparaissant clairement dans le bleu froid de son regard.
— Et tu ne peux pas te charger de lui ? Tu as utilisé tes pouvoirs pour m’immobiliser. Le gars est fait de quoi ? D’acier ?
Quelque chose sentait mauvais, et il ne s’agissait pas de l’encens qui brûlait dans la pièce et qui le privait d’oxygène.
— Malheureusement, le garde du corps est un vampire.
Haven dressa l’oreille. La discussion devenait soudainement intéressante. Intrigué par les mots de la sorcière, il se pencha en avant sur son siège.
— Je vois que j’ai toute ton attention, maintenant. Tu pourrais faire d’une pierre deux coups : libérer ton frère en me ramenant la fille, et en bonus, tuer un vampire. C’est une situation gagnant-gagnant.
Gagnant-gagnant, mais pour qui ?
— Es-tu en train de me dire que tu ne peux pas venir à bout d’un misérable vampire ?
Haven savait que la sorcellerie fonctionnait aussi bien sur les vampires que sur les humains. Et après ce qu’elle venait de lui faire subir, il ne faisait aucun doute qu’elle fût assez forte pour combattre un vampire par le biais de sorts et potions. D’autant plus qu’elle possédait la faculté de maîtriser un élément en particulier : l’air. Il l’avait bien senti lorsqu’elle l’avait utilisé sur son corps. Mieux valait ne pas se frotter à une sorcière qui savait contrôler les éléments.
— Je pourrais, si j’arrivais à m’en approcher. Mais les vampires sentent les sorcières de loin. Je n’ai jamais réussi à être assez près d’eux pour utiliser ma magie. C’est pour ça que j’ai besoin d’un humain. Tu seras capable de l’approcher sans éveiller de soupçons.
Elle plongea la main dans la poche de son gilet et en sortit une petite fiole remplie d’un liquide violet.
— Dès que tu seras assez près, tu casseras la fiole, et les vapeurs endormiront le vampire pendant quelques secondes. Alors, tu sauras ce qu’il te restera à faire.
Lui enfoncer un pieu dans le cœur.
Haven sourit malgré lui. Bien qu’il n’aimât pas l’idée de répondre aux ordres d’une sorcière qui retenait son frère captif, il était cependant séduit par celle de vaincre un vampire de plus. Depuis la mort de sa mère, il avait cherché celui qui l’avait tuée et qui avait kidnappé sa sœur, encore bébé. Il ne l’avait toujours pas retrouvé, mais avait, depuis lors, tué nombre de vampires.
Cependant, l’idée de remettre une humaine innocente à la sorcière le rendait mal à l’aise.
— Qui est la fille ?
La sorcière balaya la question d’un geste de la main.
— Personne.
Haven secoua la tête.
— Qu’est-ce que tu lui veux ? Si c’est seulement uneactrice, comme tu le dis, pourquoi t’intéresses-tu à elle ?
Bess ne lui disait pas tout. Peut-être valait-il mieux ne pas trop en savoir, et juste accepter la mission pour libérer son frère des pattes de la sorcière. Mais il lui restait une once de conscience.
— Ça ne te regarde pas, répliqua-t-elle en se levant. Ramène-moi la fille ou j’écrase ton frère.
— Et où est mon cher frère ? demanda-t-il nonchalamment.
Dès qu’il saurait où elle le retenait, il pourrait élaborer un plan pour le sortir de là sans faire le sale boulot qu’elle attendait de lui.
— Même si je te dis où il se trouve, tu ne pourras pas le libérer. Un champ de protection encercle sa cellule et tu ne pourras pas passer.
Si Haven savait une chose à propos de la sorcellerie, c’était qu’à la mort d’une sorcière, les sorts et les champs de protection disparaissaient avec elle. Voilà un point sur lequel il pouvait travailler.
— Il est donc ici, avança-t-il en étudiant le visage de Bess, scrutant le moindre signe qui pourrait confirmer ses dires.
Il n’était pas un excellent joueur de poker pour rien.
Elle haussa son sourcil gauche dans une direction qu’il suivit. Il avait à peine remarqué la porte à côté de l’étagère. Lorsqu’il regarda de nouveau la sorcière, il nota qu’elle pinçait légèrement les lèvres.
Haven fit un signe de tête en direction de la porte.
— Je vois.
— Ça ne t’aidera pas. Il est trop bien gardé. Tu n’y arriveras pas.
Il n’avait pas à le faire. Si la sorcière mourait, il n’y aurait plus de champ de protection.
— Bien, alors on va le faire à ta façon.
Il se leva, puis se tourna légèrement en essayant de cacher le mouvement de sa main droite. Il était rapide comme l’éclair et avait gagné nombre de duels. Autant dire que Bess était déjà morte.
Haven glissa la main dans sa veste, et ses doigts agrippèrent la crosse du revolver qu’il sortait de son étui.
— Aïe ! cria-t-il en lâchant l’arme.
Celle-ci tomba sur le sol en un bruit sourd. Choqué, il regarda la peau rougie de sa paume. Son arme était devenue brûlante, telle de la braise dans sa main.
Putain !
— Il vaut mieux que tu apprennes, dès à présent, qu’on ne plaisante pas avec moi. Alors, soit tu fais ce que je dis, soit ton frère meurt.
Haven la dévisagea et lut de l’impatience dans ses yeux. Il réprima sa propre colère et s’efforça de se calmer. Perdre la tête n’aiderait pas Wesley. Il fallait mettre sa fierté et ses scrupules de côté. Seul son frère lui importait. C’était tout ce qu’il lui restait de sa famille.
Pour le moment, il devait garder la tête froide.
— Tu gagnes. Dis-moi son nom, et où je peux la trouver…
Dans le cabinet de consultation de Maya, Yvette remua derrière le rideau et enleva la robe de chambre en papier. Elle détestait ces examens médicaux, mais n’avait d’autre choix que de s’y plier afin d’obtenir ce qu’elle désirait.
— Ça confirme ce que disait le laboratoire, expliqua Maya depuis son bureau. Il n’y a rien qui cloche avec ton utérus et tes trompes.
— Et les ovules ? demanda Yvette en se glissant dans son pantalon en cuir ultra serré.
Elle prit une profonde inspiration pour le boutonner avant d’introduire ses doigts de pied dans ses chaussures noires à talons. La plupart des femmes se seraient cassé la cheville plus d’une fois si elles avaient dû marcher avec des talons aussi fins, mais Yvette se sentait forte en les portant. Un coup bien placé avec ces derniers pouvait sérieusement faire mal à tout agresseur.
— Aussi frais et viables que le jour où tu es devenue vampire.
Yvette enfila son top noir, puis passa le rideau en regardant Maya qui feuilletait le rapport du laboratoire. Au cours des derniers mois, elle avait subi toute une batterie de tests afin d’aider Maya à comprendre pourquoi les femmes vampires étaient stériles et, éventuellement, à trouver un remède à ce problème. Leur relation avait été un peu difficile au départ, mais Yvette ne pouvait nier le dévouement dont Maya faisait preuve envers le projet.
Lorsque Maya avait été transformée en vampire contre sa propre volonté, Gabriel, le patron d’Yvette, était tombé follement amoureux d’elle. Yvette qui, à l’époque, avait des vues sur lui, avait été profondément blessée par le fait que Maya, laquelle était apparue de façon si inattendue, eût ravi, en moins d’une semaine, le cœur de celui pour qui elle éprouvait des sentiments. Mais il ne restait plus rien de leurs désaccords passés. Maya, qui était médecin avant d’être transformée, était devenue une championne de la cause qu’elle défendait : trouver une solution à l’infertilité des femmes vampires. Cependant, aucun test n’avait, jusqu’à présent, produit les résultats escomptés. Pas un seul n’avait permis de trouver la cause de cette infertilité.
— Dans ce cas, je ne comprends pas. J’étais toujours partie de l’idée que mes ovules étaient morts au moment de ma transformation. S’ils sont intacts, alors pourquoi ne suis-je pas tombée enceinte ?
Elle avait eu nombre de rapports non protégés lors des dernières décennies. Pas uniquement avec des vampires ; avec des humains également.
Maya lui fit signe de s’asseoir dans le fauteuil devant son bureau. Ce qu’elle fit.
— Tu veux dire, mis à part le fait que tu n’aies pas eu de relation avec un homme depuis qu’on s’est rencontrées ?
Cette remarque fit hérisser les poils d’Yvette, même si elle avait décidé de faire une pause de ce côté-là durant les derniers mois. Mais cela ne regardait Maya en rien. C’était facile à dire pour elle : elle avait un homme qui l’aimait et qui avait toujours envie d’elle, de jour comme de nuit. Alors que tout ce qu’Yvette récoltait, c’étaient des coups d’une nuit ; insatisfaisants ! Et ces derniers mois, elle ne s’était même pas donné la peine d’en rechercher.
— Ce n’est pas la question. J’ai eu beaucoup de partenaires virils qui, et ça je le sais, avaient mis d’autres femmes enceintes. Ça a juste un peu ralenti dernièrement.
De qui se moquait-elle ? Elle n’avait posé les yeux sur personne depuis que Gabriel était devenu le partenaire de Maya. Non pas qu’elle fût jalouse ou quoi que ce soit – ces deux-là étant vraiment faits l’un pour l’autre – mais elle évitait les hommes de peur de tomber de nouveau amoureuse du mauvais.
— Écoute, Yvette… nous n’en sommes qu’au début. Je ne veux pas que tu te décourages. Regarde plutôt ce qu’on a déjà découvert. Ton utérus est identique à celui d’une humaine, ce qui veut dire que la transformation n’a pas d’impact à ce niveau. C’est une bonne chose. Tes trompes de Fallope sont claires et non-obstruées, et tes ovaires contiennent des ovules viables. Le laboratoire l’a confirmé.
Yvette lança un regard plein d’espoir à Maya.
— Et comment ça s’est passé avec le don de sperme ?
— Eh bien, bonnes nouvelles, en fait.
Maya farfouilla dans ses papiers et en sortit une feuille.
— Voilà les derniers résultats. Le sperme a fécondé tes ovules dans l’éprouvette. Donc il y a…
— Mais mon corps rejettera l’œuf. C’est ça ?
Tout comme pour les autres fausses couches. Yvette chassa ces mauvais souvenirs. Elle ne voulait plus y penser. Personne ne savait quoi que ce soit sur son passé, et il n’y avait aucune raison pour que cela changeât maintenant. Si Maya avait été au courant des fausses couches qu’elle avait faites en tant qu’humaine, elle n’aurait jamais essayé de l’aider. Elle l’aurait considérée comme une cause perdue et aurait arrêté de perdre son temps dans ce projet futile. Mais nonobstant ces obstacles, Yvette ne pouvait se résoudre à abandonner.
Maya ne saurait jamais rien de tout cela, mais Yvette se souvenait de tout : la douleur, la déception, et son cœur brisé. Elle avait été mariée. Robert avait souhaité avoir une famille avec elle, des enfants, un chien et un chat ; une clôture blanche autour de leur jardin… Mais ce qu’il avait récolté, c’était une femme qui ne pouvait garder en vie ce qui se trouvait en elle. La première grossesse avait bien démarré. Robert avait été extatique et avait annoncé la bonne nouvelle à tout le monde. Chaque jour, il lui avait ramené des fleurs et des cadeaux. Mais soudainement, en plein milieu du premier trimestre, elle s’était mise à saigner. Elle avait fait une fausse couche. Robert avait été déçu, mais s’était dit qu’ils essaieraient de nouveau.
À ce moment-là, il l’avait soutenue. En tant que mari, il l’avait réconfortée. Yvette était retombée enceinte six mois plus tard, mais avait dû revivre la même chose. Au cours du troisième mois, elle avait perdu le bébé. Cette fois, Robert n’avait pas été aussi compréhensif. Il l’avait accusée de mettre délibérément ses grossesses en péril.
C’était tout à fait grotesque, mais pas assez pour l’empêcher de la quitter. Elle n’avait pas assez d’importance à ses yeux. Tout ce qu’il voulait, c’était un enfant qu’elle ne pouvait lui donner. Aussi avait-il cessé de l’aimer. Pour éviter que cette situation ne se répétât, elle avait gardé les hommes à distance. Pour qu’aucun homme n’eût plus la moindre raison de la quitter, elle savait qu’elle serait obligée de donner au prochain tout ce qu‘il désirerait. Peu importe qu’il fût humain ou vampire.
— Yvette ?
Yvette leva les yeux et vit le regard inquiet de Maya.
— Il te faut être patiente. Tu es en pleine forme, et il n’y a aucune raison apparente pour que tu ne puisses pas avoir d’enfant. Je dois seulement comprendre ce qui se passe dans le corps d’une femme vampire lors de la conception.
Yvette se leva et se passa la main dans ses cheveux courts et noirs de jais, faussement négligés.
— Je sais. C’est juste que… Bon, je ne suis pas très patiente.
Et Dieu sait qu’elle se sentait coupable de cacher ainsi son passé médical à Maya, mais elle ne pouvait divulguer ces informations. Ni la douleur qui y était associée. Personne n’avait besoin de savoir qu’en tant que femme, elle ne valait rien. Cela lui suffisait de devoir faire face à cette glaciale vérité chaque jour. Et cette vérité, c’était qu’elle n’était pas une femme assez complète pour donner à un homme tout ce qu’il voulait. Ni en tant qu’humaine, et peut-être encore moins en tant que vampire.
— Je ferai tout ce que je peux.
— Merci.
Elle fit un dernier hochement de tête en direction de Maya, se dirigea vers la porte, puis monta l’escalier menant au rez-de-chaussée de la maison victorienne, soulagée de laisser le cabinet médical derrière elle.
Après être devenus partenaires, Gabriel et Maya avaient acheté une grande et vieille demeure victorienne sur Nob Hill, pas très loin de chez Samson. Ah… Samson… Le fondateur de Scanguards. Encore un autre qui avait trouvé amour et bonheur avec une humaine. Une femme qui attendait leur premier enfant. Une vague de jalousie transperça Yvette comme un coup de poignard. Ce n’était pas d’un enfant dont elle mourait d’envie, mais de l’amour d’un homme. Et comment un homme pouvait-il l’aimer à vie si elle ne pouvait lui donner tout ce qu’il voulait ? Si elle ne pouvait satisfaire le moindre de ses besoins ?
— Pile la personne que je voulais voir, l’accueillit Gabriel lorsqu’elle atteignit l’entrée.
Yvette regarda son patron. Comme souvent, il portait un pantalon noir et une chemise blanche. Ses longs cheveux de jais étaient attachés simplement, en queue de cheval. Il n’essayait même pas de cacher la longue cicatrice qu’il portait au visage et qui s’étendait de l’oreille gauche au menton. Elle lui conférait un regard dangereux. Et pourtant, par-dessous, il était aussi beau et bon qu’on pouvait l’imaginer. Ce qui ne pouvait être dit de l’homme qui se tenait à ses côtés : Zane.
Tout comme elle, Zane était un des gardes du corps employés par Scanguards, la société de sécurité de Samson Woodford. Zane était aussi grand que Gabriel, mais sa tête était rasée et, à l’exception d’une seule fois, Yvette ne se souvenait pas de l’avoir jamais vu sourire ou rire. Dire que Zane était brutal et violent était un euphémisme, mais en même temps, il faisait partie de la famille, comme le reste des vampires qui travaillaient pour Scanguards. Ils étaient la seule famille qu’elle connaissait. Et la seule qu’elle aurait probablement.
—Qu’est-ce que je peux faire pour toi, Gabriel ?
— Tout va bien ? demanda-t-il en indiquant de la tête le sous-sol, cabinet médical de Maya.
Un frisson parcourut la colonne vertébrale d’Yvette.
— Bien sûr, pourquoi ce ne serait pas le cas ?
— Bien, bien.
— Écoute, Gabriel, je ne pense pas qu’on ait besoin d’impliquer Yvette, interrompit Zane en tapant du pied impatiemment au sol.
Gabriel le coupa d’un signe furtif de la main.
— On en a déjà parlé. Tu n’utiliseras pas le contrôle de l’esprit sur cette cliente. Je ne le permettrai pas. Si elle a peur de toi, alors on mettra quelqu’un d’autre à sa disposition.
Yvette haussa un sourcil. Un client que Zane protégeait avait peur de lui ou, si elle avait bien entendu, une cliente ? Eh bien, c’était loin d’être une première.
— Tu as une mission à me proposer ?
— Oui, l’agent d’une jeune actrice nous a contactés pour qu’on la protège lors de sa promotion dans la région. Elle a reçu des menaces. À la base, j’avais mis Zane sur l’affaire, mais apparemment, il l’intimide.
— On se demande pourquoi, marmonna Yvette dans sa barbe.
Zane lui jeta un regard furieux qui n’augura rien de bon pour son avenir immédiat.
— Je pourrais facilement l’influencer, et elle ne se rendra même pas compte qu’elle ne peut pas m’encadrer, proposa Zane.
Yvette savait que son collègue ne se souciait guère de savoir s’il était apprécié ou pas – ce qui était plus souvent le cas, d’ailleurs – mais son ego surdimensionné en avait pris un coup parce qu’on venait de lui retirer la mission. Zane n’était pas du genre à abandonner. On pouvait dire nombre de mauvaises choses à son sujet – bon sang, Yvette avait toute une litanie à lui reprocher à l’instant-même – mais elle devait reconnaître qu’il était loyal et on ne peut plus déterminé.
— Tu n’utiliseras pas le contrôle de l’esprit sur elle. On n’en a pas besoin. Yvette peut prendre ta place, et je t’enverrai sur une autre mission.
— Ça me va, répondit Yvette. Je devrais savoir autre chose ?
Elle ignora le grognement de Zane.
— Son nom est Kimberly. Elle est jeune, la vingtaine, une actrice qui commence à percer. Son dernier film vient de sortir en salle, et ça marche du tonnerre. Du coup, il y a des tarés qui pensent être amoureux d’elle. Fais gaffe à ceux qui la suivent et garde les paparazzis à distance. Elle n’a pas encore l’habitude d’avoir toute cette attention sur elle.
— Pas de problème. Je commence quand ?
— Demain soir. Il y a une fête pour la première, au Fairmont. Je t’enverrai un résumé sur ton iPhone. Bonne chance.
— Ça marche. On voit ça demain.
Yvette se dirigea vers la porte. Les chatouillis qu’elle ressentait dans sa nuque lui firent comprendre que Zane la suivait.
— Je dégage, grogna Zane.
— Zane, l’avertit Gabriel.
Un seul mot suffit pour faire entendre la lourde réprimande.
— Quoi ? demanda ce dernier tout en continuant à marcher.
— Mes ordres sont clairs ?
Après une réponse qui s’apparentait plus à un grognement qu’à autre chose, Zane s’arrêta à côté d’Yvette et attrapa la poignée. Yvette fut plus rapide et ouvrit la porte avant de s’arrêter net. Là, sur les marches, se tenait un labrador blanc. Dès qu’il la vit, il se leva et remua la queue.
— Ton chien ? demanda Zane par-dessus son épaule.
— Non. Ça fait quatre mois qu’il me suit. Je ne sais pas ce qu’il veut.
Ce n’était pas tout à fait vrai. Oui, le chien n’avait cessé de la suivre depuis que ses collègues et elle avaient sauvé Maya des griffes d’un mauvais vampire plusieurs mois auparavant. Ce qu’elle ne révélait pas, c’était qu’elle avait commencé à le nourrir.
— On dirait que c’est le tien, fit observer Zane.
Logique. Depuis qu’elle avait laissé le chien entrer dans la maison sur Telegraph Hill, la bête pensait vraiment lui appartenir.
— C’est quoi son nom ? continua Zane, imperturbable et appréciant manifestement le malaise d’Yvette.
— Chien.
En entendant son nom, les oreilles du chien se dressèrent, et sa queue se mit à remuer encore plus vite. Mince, il en était même à l’écouter.
— Ouais, il est clairement à toi. Amuse-toi bien.
Et Zane s’en alla dans la pénombre de la rue déserte, disparaissant dans le noir.
Yvette regarda le chien dont les yeux intelligents semblaient lui poser une question. Il pencha la tête sur le côté. On aurait dit qu’il souriait. Les chiens pouvaient-ils sourire ?
Elle abdiqua.
— Ok, on rentre à la maison.
Yvette entendit la trappe de la porte pour chiens claquer contre le chambranle en bois. Elle ouvrit les yeux. Avoir fait installer une porte qui permettait au chien d’aller dans le jardin lorsqu’il le désirait avait été une excellente idée, mais également la pire. À présent, cet idiot pensait vraiment qu’il était chez lui. Elle ne savait comment s’en débarrasser. Il avait même entrepris d’aboyer contre le pauvre facteur qui osait s’aventurer sur son territoire.
— Hé, chien, lui dit-elle lorsqu’il sauta sur le lit.
Elle n’allait certainement pas commettre l’erreur de lui donner un nom. Si elle le faisait, il ne partirait jamais.
— C’est déjà le coucher du soleil ?
Elle avait lancé cette question de façon machinale. Le chien n’allait certes pas lui répondre, et elle n’avait de toute façon pas besoin de lui pour le savoir. Son propre corps lui avait déjà prouvé que le soleil s’était couché sur l’Océan Pacifique, et qu’il était temps de se préparer pour sa mission.
Yvette s’étira, puis posa ses mains sur la tête. Comme chaque nuit à son réveil, ses courts cheveux ébouriffés, que tout le monde connaissait, avaient disparu. De longues tresses noires s’y étaient substituées. Durant son sommeil réparateur, ses cheveux repoussaient jusqu’à atteindre la longueur qu’ils avaient au jour de sa transformation. Au début, elle les avait gardés longs. Ensuite, au cours des ans, elle avait décidé qu’elle n’aimait plus ce look. Elle trouvait que cela faisait trop féminin, trop vulnérable.
Elle se dirigea vers la salle de bain et attrapa les ciseaux abandonnés dans le vanity-case. Au fil du temps, elle avait appris à se couper les cheveux, même sans miroir. Elle attrapa une mèche de sa main gauche et la coupa avec la droite. Au lieu de jeter les cheveux coupés dans la poubelle, elle les mit dans un sac plastique sur lequel Hôpital St Jude – Département d’oncologie était inscrit. Les cheveux longs, c’était pour quelqu’un d’autre. Personnellement, en ce qui la concernait, elle n’en avait rien à faire.
Lorsqu’elle fut soulagée du poids de ses cheveux, elle sentit, par la même occasion, la douleur du passé s’envoler. C’était la même chose à chaque réveil. Ses cheveux longs lui rappelaient sa vie en tant qu’humaine. Ils lui rappelaient Robert, l’homme qui enfouissait sa tête dans ses longues tresses lorsqu’ils avaient fait l’amour. Les traits de son visage n’étaient, à présent, plus aussi précis dans son esprit ; leur séparation ayant eu lieu de nombreuses années auparavant. Il y avait presque cinquante ans de cela. Alors que le souvenir de ce visage s’effaçait lentement de sa mémoire, le désir d’un enfant, quant à lui, demeurait. Ou plutôt l’idée qu’elle s’en faisait.
Yvette posa la main sur son ventre plat. Quand elle était humaine, une vie y avait grandi, deux fois plutôt qu’une. Elle s’était alors sentie femme. Une femme capable de donner à son mari ce qu’il désirait par-dessus tout. Durant ces brèves périodes de grossesse, elle avait ressenti tout l’amour qu’on lui vouait. Pas uniquement celui de son mari, mais également celui de l’enfant qui l’avait habitée.
Tarée. Yvette secoua la tête et continua à se couper les cheveux. La perte du second bébé l’avait dévastée, et Robert n’avait pas été là pour la réconforter. Il l’avait même accusée. Pendant un an, elle avait vécu dans une sorte de transe, avalant toutes les drogues qui lui tombaient sous la main. L’engourdissement que lui avaient procuré ces produits illicites l’avait empêchée de se suicider. Mais une nuit, elle s’était réveillée chez un inconnu, complètement stone. Il lui avait demandé si elle souhaitait vivre pour toujours et jouir du sexe sans conséquences. Bien sûr, avait-elle plaisanté, toujours en plein trip.
Elle s’était d’abord débattue lorsqu’il avait voulu la mordre, mais par la suite, elle avait accepté l’idée que la mort pût l’emporter, espérant que la prochaine vie fût meilleure. Elle n’avait réalisé ce qui lui était arrivé qu’à son réveil. L’inconnu avait fait d’elle un vampire – un vampire stérile. Ce qu’elle avait dû accepter dans toute sa brutalité.
En tant qu’humaine, elle aurait peut-être eu une autre chance d’enfanter et de rendre un homme heureux, mais en tant que vampire, c’était sans espoir. Et les hommes étaient des hommes, qu’ils fussent vampires ou humains. Ils se la tapaient et elle se les tapait. Mais au bout du compte, même son maître lui avait indiqué la sortie. Trop collante, avait-il dit. Trop en manque d’affection.
Plus maintenant. À présent, elle était aussi forte qu’un vampire mâle, et personne ne pouvait dire le contraire. La femme vulnérable qui se cachait en elle était morte aux yeux du monde.
* * *
Tout comme Gabriel l’avait mentionné, la fille qu’Yvette devait protéger était jeune. Ce qu’il avait omis de dire, c’était que Kimberly était également très belle. Yvette ressentit un soupçon de jalousie dès qu’elle posa les yeux sur sa cliente. Cette fille avait tout : une carrière excitante, la beauté à l’état pur et un corps capable de donner la vie. Voilà qui était cruel. Yvette n’avait nullement besoin qu’on lui rappelât sans cesse ce qu’elle ne pouvait avoir. Aussi regretta-t-elle de ne pas avoir poussé Gabriel à autoriser le contrôle de l’esprit sur cette fille afin qu’elle en oubliât son dégoût pour Zane. Yvette aurait préféré devoir protéger un riche businessman en surpoids, avec une coupe de cheveux horrible, une odeur corporelle désagréable et un gosier énorme.
Elle se consola à tout le moins en se disant que Kimberly serait de retour à Los Angeles dans une semaine pour commencer le tournage de son prochain film.
— Là, c’est beaucoup mieux, déblatéra la fille. Franchement, l’autre gars… Zane ou je ne sais trop quoi, il était vraiment bizarre. Je ne l’aimais pas du tout. La façon dont il me regardait, je vous le dis… Il me rendait nerveuse. Et je ne suis pas de nature nerveuse. En général. La seule fois où j’ai été nerveuse, vraiment nerveuse, c’est quand j’ai dû auditionner pour…
Yvette ne prêta plus attention au monologue de Kimberly et garda les yeux rivés sur la vitre teintée de la limousine. Génial ! Non seulement Kimberly avait tout pour elle, mais en plus, elle parlait constamment. Yvette espéra que la fille n’eût pas escompté son écoute et sa participation au papotage. Contrainte à endurer cela, elle se jura de faire en sorte que Gabriel ajoutât un gros bonus à son salaire.
— … alors je lui ai dit : qu’on avait ce jeu, à l’orphelinat…
Yvette répondit par un faux sourire et hocha la tête, comme si elle suivait vraiment la conversation, alors que dans les faits, elle regardait à l’extérieur, examinant les alentours. La limousine était coincée dans un embouteillage sur California Street, en direction de l’hôtel Fairmont.
— … pensait que j’avais à peine dix-neuf ans, alors qu’en fait, j’en ai presque vingt-deux, mais ce n’était pas grave parce qu’ils voulaient quelqu’un de mature pour le rôle…
Une cascade d’eau n’aurait pu produire un plus fort débit de mots à la minute. Yvette lui jeta un autre regard en coin. Perchée sur le confortable siège en cuir, Kimberly portait une robe de soirée rose. Elle lui seyait à merveille. Ses boucles blondes comme le blé tombaient sur ses épaules nues avec un naturel parfait. Seule la légère senteur de produits chimiques, que les narines sensibles d’Yvette pouvaient percevoir, indiquait que Kimberly n’était pas une vraie blonde.
Pour la première fois depuis longtemps, Yvette portait une robe. L’idée l’avait rebutée, mais Kimberly avait insisté. Sa cliente pensait qu’on la remarquerait trop si elle se montrait en tailleur. Elle passerait presque pour un membre de la CIA.
Yvette avait donc farfouillé dans son armoire et avait fini par trouver une petite robe noire qui ferait l’affaire. C’était une vieille robe avec un décolleté plongeant et un dos complètement ouvert. Si quelqu’un y prêtait attention, on voyait clairement qu’il s’agissait d’une pièce vintage. Ce n’était pourtant pas une pièce cataloguée vintage lorsqu’elle l’avait achetée, dans les années 60. D’ailleurs, elle ne savait trop pourquoi elle avait gardé cette chose inutile pendant près de cinquante ans. Elle aurait dû la donner à l’Armée du Salut depuis bien longtemps.
Yvette n’avait revêtu ni robe ni jupe depuis plusieurs décennies. Elle préférait les pantalons en cuir. Pourvue d’un vêtement de cuir et des talons qu’elle portait à présent, elle était toujours prête pour la bagarre. Mais avec ce dos complètement dégagé, dans cette robe noire – seule couleur dans laquelle elle se sentait vraiment à l’aise – elle éprouvait tout de même de l’inconfort. Pour satisfaire sa cliente, elle agissait comme s’il lui était naturel de porter des robes, alors qu’en fait, cela la faisait se sentir vulnérable. Aux yeux de tous. Mais le chauffeur interrompit ses pensées.
— M’dame, j’ai bien peur qu’on ne puisse pas aller plus loin. Le tramway est en panne et bloque la rue.
Instantanément en alerte, Yvette jeta un œil par les vitres teintées et observa la rue, à l’affût d’un danger immédiat.
— Attendez ici, ordonna-t-elle à Kimberly avant de sortir de la voiture.
Elle regarda le haut de la rue et nota que l’intersection suivante était bloquée par le tramway venant de Powell Street. Rien ne semblait sortir de l’ordinaire. Elle s’était vite faite à l’idée que les vieux tramways tombaient en panne de temps à autre.
L’hôtel Fairmont ne se trouvait qu’à un pâté de maisons de là. En regardant des deux côtés de la rue et en scannant rapidement les passants, elle en vint à la conclusion que tout semblait normal. Le trafic sur les trottoirs était fluide. Yvette passa la tête dans la voiture.
— On va y aller à pied. Ça va aller.
— Vous êtes certaine ? demanda Kimberly qui, pour la première fois, avait la voix vaguement teintée d’inquiétude.
Yvette lui offrit sa main et la sortit de la voiture.
— Oui, j’en suis sûre. Allons-y. Vous ne voulez pas être en retard à votre propre fête.
Elle claqua la portière et tapa sur la vitre du côté passager tout en maintenant son autre main sur l’actrice. Le chauffeur baissa la vitre immédiatement.
— Je vous appelle quand nous sommes prêtes à partir.
La colline était escarpée, mais Yvette savait que l’hôtel disposait d’une entrée latérale située à mi-chemin, et elles l’atteignirent en quelques secondes. Elle préférait les entrées latérales, car c’était la meilleure façon d’échapper à l’attention. L’entrée principale de l’hôtel était probablement pleine de fans et de photographes.
— Par ici, dit-elle en poussant Kimberly à travers une porte latérale qui donnait sur un long couloir étroit. Celui-ci débouchait sur un hall d’entrée gigantesque qui attestait de l’âge de cet hôtel construit au début du dix-neuvième siècle.
Yvette balaya les environs du regard. Des serveurs, des serveuses et des gens bien habillés déambulaient. Elle remarqua les regards tournés vers Kimberly et comprit qu’on l’avait reconnue. Alors qu’elles s’avançaient, Yvette perçut les murmures de la foule.
Lorsqu’elle trouva la salle de réception où se tenait la fête privée, elle remarqua l’homme de la sécurité à l’entrée. Soulagée, elle soupira. Au moins la production avait-elle fait appel à plus de renforts afin de filtrer les invités et vérifier les papiers d’identité.
Yvette dégaina son badge de Scanguards.
L’homme hocha la tête, puis sourit à Kimberly.
— Mademoiselle Fairfax, puis-je simplement dire combien j’ai aimé votre film. Vous êtes si talentueuse. Pensez-vous que je pourrais avoir un autographe ?
Il porta la main à la poche de sa veste, mettant immédiatement Yvette en alerte. Elle prit position, prête au combat ; prête à lui sauter dessus. Mais lorsqu’il sortit une photo de Kimberly, Yvette se décontracta d’un coup.
— Bien sûr, répondit Kimberly d’une voix mielleuse avant de signer la photo et de se tourner vers la porte.
La salle contenait une centaine d’invités. À première vue, on n’avait pas lésiné sur les dépenses. La pièce était décorée de photos issues de scènes du film, ainsi que de Kimberly et de son partenaire masculin à l’écran – un gamin d’une vingtaine d’années bien trop beau pour être réel. Il y avait des fontaines de champagne tout autour de la pièce.
Des serveurs circulaient, plateaux de hors-d’œuvre et de boissons en main. Yvette déclina l’offre d’une boisson au moment même où Kimberly prenait une coupe de champagne sur l’un des plateaux.
— Vous n’en voulez pas ?
— Vous oubliez que je travaille.
De toute façon, le champagne n’était pas sa boisson préférée. Certes, elle pouvait ingérer des liquides lorsqu’il le fallait, mais elle préférait quelque chose de plus sombre et de plus riche.