L’eucharistie vécue par Madeleine Delbrêl - Gilles François - E-Book

L’eucharistie vécue par Madeleine Delbrêl E-Book

Gilles François

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Beschreibung

Peu après sa conversion survenue en 1924, Madeleine Delbrêl aimait se rendre à la messe quotidiennement. C'était pour elle une évidence. Elle trouvait dans ce sacrement une source primordiale de charité qui allait lui dévoiler sa vocation particulière : présence simple et évangélique au milieu des gens, femme de dialogue avec les communistes d'Ivry-sur-Seine. « Etre le Christ au milieu des gens », telle était son ambition.

L'union dans la foi et la charité que provoquait l'eucharistie invitait Madeleine à poser un regard bienveillant mais lucide à l'intérieur même de l'Église. Malgré les désaccords que Madeleine avait au sein de sa paroisse, il n'était pas question, pour elle, de servir le Christ en s'éloignant de lui et de son action. Elle avait un sens aigu de l'Église corps du Christ.

Centrale dans la vie spirituelle de Madeleine Delbrêl (1904- 1964), l'eucharistie a été longtemps un sujet peu visible dans ses écrits. Gilles François et Bernard Pitaud, après plusieurs années
de recherches, nous livrent dix textes fondateurs sur le sujet.

Gilles François est prêtre du diocèse de Créteil, historien et postulateur de la cause de béatification de Madeleine Delbrêl.

Bernard PITAUD est prêtre de Saint-Sulpice et spécialiste des écrits de Madeleine Delbrêl et de l'École française de spiritualité.

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L’EUCHARISTIE VÉCUE PARMADELEINE DELBRÊL

Le nécessaire constant de notre vie

Gilles François et Bernard Pitaud

L’EUCHARISTIE VÉCUE PARMADELEINE DELBRÊL

Le nécessaire constant de notre vie

Couverture : Florence Vandermarlière

© Groupe Elidia Éditions Nouvelle Cité 10, rue Mercœur75011 Pariswww.nouvellecite.fr

ISBN : 978-2-37582-566-2EAN Epub : 9782375825846

INTRODUCTION

Il y a déjà de nombreuses années, nous avons publié un petit livre intitulé Eucharistie et Discernement chez Madeleine Delbrêl, sans qu’il y ait de lien particulier entre ces deux thématiques. La partie eucharistique était le fruit d’une recherche effectuée à la demande des Équipes Notre-Dame du diocèse de Créteil. À l’époque, nous n’avions pas encore exploré avec précision toutes les archives de Madeleine, et la moisson que nous avions commencée, avec l’aide des équipières qui vivaient encore au 11 rue Raspail, à Ivry, s’avérait, à nos yeux, assez modeste.

Ce maigre résultat de nos recherches nous étonnait. Pourquoi Madeleine avait-elle si peu parlé de l’Eucharistie, alors que celle-ci tenait en réalité dans sa vie une très grande place ? Les textes sur la Parole de Dieu, sur la dimension missionnaire de la vie chrétienne étaient au contraire très nombreux. L’hypothèse selon laquelle cette prédominance était normale, puisque Madeleine et ses compagnes ouvraient toutes grandes les portes de la vie apostolique, ne nous satisfaisait pas ; elle risquait de séparer Parole et Eucharistie, alors que, pendant les dernières décennies, nous avions au contraire appris à les comprendre et à les vivre ensemble, de manière harmonisée, comme les deux nourritures de la vie chrétienne.

Nous avons donc persévéré dans la recherche, et cette persévérance a fini par être efficace, de deux manières. Nous avons par exemple fini par exhumer d’un placard poussiéreux quelques textes importants qui n’étaient pas encore répertoriés. Mieux encore, nous avons découvert que le grand et beau texte écrit par Madeleine en 1947 sur le Père de Foucauld, Pourquoi nous aimons le Père de Foucauld, aujourd’hui considéré comme un de ses grands textes missionnaires, avait été amputé de sa partie eucharistique lors de sa publication dans La Joie de croire en 1968. Nous le retrouvions dans son intégralité, à la fois dans les archives et dans sa toute première publication dans la revue La Vie spirituelle. D’autre part, l’analyse patiente des textes nous a montré que certains d’entre eux qui, à la première lecture, semblent être étrangers à l’Eucharistie cachent en fait une dimension eucharistique indéniable. Nous avons pu déjà en faire état dans Eucharistie et Discernement chez Madeleine Delbrêl. Mais il nous a semblé qu’il était possible aujourd’hui de reprendre en l’amplifiant, en le précisant et en le diversifiant le travail effectué à cette occasion.

Le contexte ecclésial nous y invite. Les périodes de confinement que nous avons connues en raison de l’épidémie de Covid-19 ont constitué une épreuve pour des chrétiens qui, depuis cette crise, ont pris l’habitude de regarder la messe télévisée et de participer ainsi à l’Eucharistie sans rejoindre le rassemblement eucharistique, pourtant fondamental dans le cas de ce sacrement, et alors même qu’ils pourraient encore se déplacer. Risque de se développer ainsi une conception individualiste de la vie chrétienne où chacun vient puiser selon son gré à une source médiatisée par le « virtuel » où manque la réalité de l’assemblée, essentielle dans la constitution même de l’Eucharistie.

Madeleine Delbrêl a connu une tout autre époque : s’y mélangeaient, pour les tendances les plus apostoliques, un certain retrait vis-à-vis de l’Eucharistie considérée comme un acte purement cultuel qui risquait de nous éloigner de la vie et de la charité pratiquée au jour le jour, et pour d’autres une sorte d’affirmation de soi de l’Église, fière de montrer ses « pratiquants » dont le nombre plus ou moins grand imposait la présence vivante de l’Église face à des idéologies contraires. Cette description est évidemment caricaturale, mais elle dit quelque chose du climat dans lequel des chrétiens comme Madeleine Delbrêl se sont frayé un chemin pour vivre l’Eucharistie à la fois comme une source primordiale de la charité qui vient du cœur de Dieu et comme une expression de cette charité dans le rassemblement des chrétiens réunis par l’appel du Christ. Ils montrent ainsi que le témoignage de chacun n’a de valeur que s’il jaillit du témoignage d’une communauté unie dans le Christ. Plus tard, le concile Vatican II a consacré toute cette recherche difficile vécue par de nombreux chrétiens comme Madeleine Delbrêl.

Madeleine participait tous les jours à l’Eucharistie. C’était pour elle une évidence, jamais remise en question. Chaque matin, quand elle était à Ivry, elle se rendait à la messe, de bonne heure, avec ses compagnes à l’église Saint-Pierre-SaintPaul, peu éloignée du 11 rue Raspail où elles avaient emménagé en 1935. C’est une pratique dont elle avait pris l’habitude peu de temps après sa conversion : dans ses lettres à telle ou telle de ses amies, elle fait allusion aux messes matinales dans l’église Saint-Dominique, proche du domicile de ses parents, où elle fit ses premiers pas dans la vie chrétienne en sortant de l’athéisme où elle avait été plongée à 15 ans.

À Ivry, nous le savons, ses relations avec la paroisse ne furent pas toujours faciles. Venue d’abord avec ses compagnes avec l’intention d’aider les prêtres dans leurs diverses tâches pastorales, Madeleine participa dans les premières années de sa présence à de nombreuses activités paroissiales, comme le catéchisme, le patronage, l’animation de groupes de jeunes, tout en se trouvant au contact de la population pauvre d’Ivry par sa profession d’assistante sociale. Peu à peu, elle prit conscience que sa vocation l’amenait d’abord à une présence simple et évangélique au milieu des gens, à un dialogue sans cesse renouvelé avec les communistes d’Ivry : « être le Christ au milieu des gens », telle était son ambition. Cela l’éloigna des activités de la paroisse. Même si telle ou telle équipière continua à faire le catéchisme, elles devinrent, selon l’expression de Madeleine, « paroissiennes » plutôt que « paroissiales ». C’est-à-dire qu’elles prirent le parti de vivre un autre type d’apostolat que celui des activités paroissiales, d’autant plus que les prêtres de la paroisse et beaucoup de paroissiens eux-mêmes ne lui paraissaient pas assez tournés vers le dialogue avec les non-chrétiens. Pourtant, elles continuèrent de participer régulièrement à l’Eucharistie dans la communauté paroissiale d’Ivry. Madeleine était persuadée en effet que la source de tout son travail apostolique était là, dans cette célébration de la communauté paroissiale avec laquelle elle ne se sentait pourtant pas en accord parfait. Parce qu’en ce lieu, c’était d’abord le Christ qui agissait et manifestait sa présence et qu’il n’était pas question de le servir en s’éloignant de lui et de son action.

Elle aurait certes pu aller ailleurs, dans une autre paroisse dont les orientations pastorales auraient été mieux accordées avec les siennes et celles du groupe de la Charité. Mais elle avait aussi la conviction que l’Église doit accueillir les diversités, que l’Eucharistie est source de conciliation et de réconciliation, et que l’union dans la foi et la charité qu’elle provoque peut entraîner un dialogue fécond à l’intérieur même de l’Église.

BRÈVE BIOGRAPHIE

Avant de nous engager dans l’itinéraire eucharistique qu’offrent les textes de Madeleine, rappelons quelques éléments biographiques, rappel pour ceux qui connaissent et introduction pour ceux qui découvrent.

Madeleine Delbrêl est née en 1904. Fille unique d’un père issu d’une famille de cheminots et d’une mère issue d’une famille de petits industriels de Mussidan, près de Périgueux, elle suivit ses parents au gré des mutations professionnelles de son père. Elle fit très sérieusement sa première communion à Montluçon, en 1915, avant de rejoindre Paris l’année suivante. Devenue « strictement athée » durant quatre ou cinq ans, elle fut saisie profondément par le Christ, le 29 mars 1924, au cours d’une période assez solitaire de sa vie et après un contact fécond avec de jeunes catholiques, particulièrement Jean Maydieu, qui entra chez les dominicains en 1925.

D’une santé fragile qui lui imposa plusieurs arrêts, parfois assez longs, elle chemina au fil des ans, lectrice autodidacte et auditrice de cours de philo et d’histoire de l’art à la Sorbonne, apprenant le dessin à l’atelier « La Grande Chaumière », jeune cheftaine de louveteaux et lauréate d’un prix littéraire en 1926 pour son recueil de poèmes La Route. Avec d’autres jeunes femmes et guidées par l’abbé Lorenzo, vicaire à la paroisse SaintDominique, elle s’engagea tout d’abord dans un cercle de services auprès des plus pauvres et de formation spirituelle, puis, alors qu’elle portait depuis plusieurs années le désir de se consacrer entièrement à Jésus-Christ comme laïque dans le monde, elle fut rejointe par d’autres jeunes femmes habitées par le même désir. Leur petit groupe, qui porta le nom de « La Charité », traversa de multiples péripéties riches d’enseignements pour aujourd’hui. Il resta petit, sans jamais dépasser un effectif de quinze femmes, et persista jusqu’en 2012.

Au contact de l’athéisme de la population d’Ivry-sur-Seine, où elle vint habiter à partir du 15 octobre 1933 avec deux équipières, et de l’athéisme militant des communistes de la municipalité, elle déploya son charisme d’écriture mais aussi ses capacités d’assistante sociale, métier qu’elle avait commencé à apprendre dès 1931. Son célèbre Nous autres gens des rues date de 1938. Elles eurent le génie de ne pas se laisser enfermer dans un choc frontal catholiques-communistes, ayant profondément compris que Jésus-Christ est venu pour tous les hommes. Ainsi, elles se situèrent comme paroissiennes, parce que c’est à la paroisse que se trouve la source sacramentelle, mais non paroissiales, ne voulant pas s’enfermer dans les seules œuvres paroissiales.

Elles vécurent la Seconde Guerre mondiale au coude-à-coude avec la population. Dès le début des hostilités, Madeleine avait été nommée par la Préfecture à un poste où elle était chargée de faciliter la coordination entre les services et les œuvres sociales, toutes sensibilités confondues. Elle acquit ainsi une immense confiance de la part de la population, puis, après la Libération, des autorités communistes élues, revenues à leurs postes de responsabilités. Elle sut évoluer avec ces militants dans un dialogue sans concession ni complaisance, apte à collaborer quand cela était possible et toujours en prenant le temps de la prière ainsi que du discernement entre chaque engagement commun. Elle avait un sens aigu de l’amour et de la vérité.

Son expérience pionnière de l’Église au milieu d’un monde déchristianisé, alors que l’on considérait largement encore la mission comme une réalité destinée aux continents d’outre-mer, ainsi que sa capacité à écrire l’expérience nouvelle des chrétiens « en plein monde » firent progressivement d’elle une interlocutrice recherchée et une référence qui demeure.

Elle meurt prématurément, le 13 octobre 1964, quelques semaines avant son soixantième anniversaire et alors que se déroule la troisième session du concile Vatican II. Ses écrits connurent une diffusion largement posthume, particulièrement par un premier recueil, publié en 1966 sous le titre Nous autres gens des rues. Ce travail de diffusion rebondit en 2004, date de la publication du premier volume de ses œuvres complètes.

Le 8 décembre 1990, Mgr François Frétellière, évêque de Créteil, introduisait sa cause en béatification. Le 26 janvier 2018, le pape François reconnaissait l’héroïcité de ses vertus et la déclarait vénérable.

- I -

PREMIÈRE COMMUNION

Voici tout d’abord les résolutions de première communion de Madeleine, « Nénette », ainsi qu’on l’appelait dans sa famille. Le manuscrit nous est parvenu, avec son écriture d’enfant :

Le grand jour approche et le moment où Dieu va descendre dans mon cœur. C’est l’heure où je vais écrire sur ce papier ce que je veux tenir pendant toute ma vie.

Je veux combattre avec courage tous mes défauts. L’orgueil en est un que je veux exterminer car Jésus mon sauveur prêchait toujours l’humilité encore au jardin des oliviers quand le traître l’emmenait une grande peine envahit son cœur à la vue des apôtres discutant sur celui qui était le plus grand.

La résignation sera toujours dans mon cœur. Car je porterais toutes mes peines comme si j’aidais ainsi Jésus à porter sa croix car la vie est une croix à porter.

Quand je serai grande je tâcherai de convertir les personnes qui ne goûteront pas encore la douceur que procure la religion. Car la vie est un apostolat à exercer. Je penserai un peu tous les jours à la mort. Une de mes plus grandes occupations sera de m’occuper de mon salut.

Si quand je serai grande j’irai dans le monde je ne me laisserai pas tenter par des compagnies dangereuses et Jésus trouvera toujours en moi une amie fidèle.

Je prierai toujours la Sainte Vierge et lui dirai tous les jours « Je vous salue Marie ».

J’espère que par les nombreux mérites de N.S.J.C. et l’intercession de la Très Ste Vierge je tiendrai jusqu’à la mort ces résolutions.

Nénette Le 22 mai 1915Faites à l’âge de 10 ans 1/2

Pourquoi donner à lire ces résolutions de retraite écrites par une petite fille de dix ans et demi à la veille de sa première communion ? Elles portent largement la trace de l’enseignement reçu