L'Habitation rustique au pays mâconnais - Ligaran - E-Book

L'Habitation rustique au pays mâconnais E-Book

Ligaran

0,0

Beschreibung

Extrait : "La maison rurale est l'un des éléments pittoresques et ethnographiques les plus précieux de nos anciens pays de France, de nos petites patries provinciales. Avec la paysage et la parure naturelle de nos montagnes et de nos forêts, le cours de nos fleuves et de nos ruisseaux, l'éclat tempéré de notre ciel, l'habitation de nos paysans de France n'a pas peu contribué à rendre à notre terroir ce caractère de charme et de sympathie."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 93

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Nous adressons ici nos chaleureux remerciements aux artistes mâconnais et tournugeois qui ont bien voulu nous prêter bénévolement leur précieuse collaboration :

M. Machard, Professeur de dessin au Lycée Lamartine, auteur de la plupart des photographies qui illustrent cet ouvrage, ainsi que MM. Luc, Destruel et Moraine. – M. Robert Daligny (Ro. Daly), de Tournus ; M. E. Violet, de Clessé ; M. Chafanel, de Mâcon, auteurs des dessins à la plume insérés dans le texte.

Introduction

La maison rurale est l’un des éléments pittoresques et ethnographiques les plus précieux de nos anciens pays de France, de nos petites patries provinciales.

Avec le paysage et la parure naturelle de nos montagnes et de nos forêts, le cours de nos fleuves et de nos ruisseaux, l’éclat tempéré de notre ciel, l’habitation de nos paysans de France n’a pas peu contribué à rendre à notre terroir ce caractère de charme et de sympathie que le proverbe germanique a si bien synthétisé dans cette expression lapidaire, sous laquelle perce du reste quelque envie : Heureux comme Dieu en France.

Ne sommes-nous pas, en Mâconnais, dans une de ces contrées plus spécialement favorisées ? Nos maisons de vignerons, avec leur galerie où la vigne grimpe et la glycine s’enroule, ne sont-elles pas parmi les plus typiques et les plus artistement disposées ?

Loin de moi la pensée de ne pas admettre le mérite pittoresque, voire même artistique, du mas provençal, cher à Mistral, de la maison normande à croisillons de bois de la vallée d’Auge, ou de la ferme bressane sommée de sa gracieuse cheminée sarrasine évoquant le pays des Mille et une Nuits, mais je crois que, dans un concours de maisons paysannes de la vieille France, le Mâconnais ne serait pas sans mériter l’une des premières palmes, en même temps que les pays que je viens d’énumérer.

C’est la galerie, élevée au-dessus de la cave voûtée, galerie supportée par des colonnes de pierres ou des piliers de bois, qui donne à cette maison mâconnaise son caractère et sa beauté.

Que la maison soit, comme dans le Mâconnais du Sud, recouverte d’un toit plat aux tuiles creuses qui évoque la Méditerranée et la civilisation latine, qu’elle soit sommée d’une haute et lourde toiture de laves ou de tuiles à crochets à la mode de la Bourgogne du Nord, de l’Île-de-France ou des Flandres, comme dans le Tournugeois septentrional du côté de Brancion, nos habitations du Mâconnais ont un trait commun et permanent, la galerie, accompagnée presque toujours de son escalier extérieur.

Comme dans nos moindres villages, les maîtres ès-œuvres des temps jadis avaient un goût affiné, que leurs successeurs ne possèdent plus au même degré, ces maisons aux justes proportions, aux toitures aux pentes harmonieuses, aux cintres élégants dans leur rusticité, aux tuiles dont les teintes se trouvent associées à la couleur ambiante de nos campagnes, formaient une synthèse artistique qui ne laisse pas indifférents, dans ce siècle de pylônes métalliques, de panneaux-réclames et de matérialisme barbare, les tenants de l’humanisme gréco-latin.

C’est que le galbe d’une toiture, la courbure d’une voûte, n’étaient pas laissés jadis, comme maintenant, au hasard et à l’impéritie d’un maçon sans éducation artistique ou d’un entrepreneur dont l’intellectualité, trop souvent, ne dépasse pas le cercle étroit des préoccupations mercantiles.

Les Maîtres et Compagnons du Devoir ou ceux de Liberté, bien que différant sur l’idéal philosophique ou religieux qui dirige les hommes, étaient tous de bons ouvriers et des artistes décorateurs remarquables qu’une longue tradition artisanale avait parfaitement éduqués. Fiers d’un passé qu’ils croyaient millénaire et qu’ils faisaient remonter au temps de Salomon et des Pharaons égyptiens mais qui, s’il n’était pas aussi lointain, remontait au moins à l’époque de la construction de nos grandes cathédrales gothiques, ces modestes artistes, restés anonymes, étaient tels que le sont encore les artisans et les décorateurs japonais, des hommes d’un goût parfait qui n’auraient pas commis, comme le font aujourd’hui trop de gens du bâtiment, ces crimes contre le bon goût et contre l’art qui désolent si fréquemment nos campagnes. On peut dire, qu’à quelques exceptions près, du reste remarquables, maçons de village, entrepreneurs et industriels de la bâtisse, s’ingénient trop souvent à détruire tout ce qui constituait la parure architecturale de la France, fruit des efforts conjugués de générations d’artisans d’art qui avaient fait à notre pays une réputation qu’il est en train de perdre.

Sans doute le mouvement récent créé en faveur des arts décoratifs portera peut-être des fruits dans un avenir plus ou moins lointain, mais arrivera-t-il à remonter un courant que le XIXe siècle, siècle de la machine et d’un matérialisme négateur de l’idéal et de l’art, semble avoir rendu irrésistible ?

Pauvres artisans, sans nom et sans fortune, presque sans moyens, qui avez mis tout votre idéal dans la ligne majestueuse d’un clocher de Tournus ou de Cluny, dans le galbe d’une voussure, dans l’élégante silhouette d’une maison mâconnaise, vous attendrez longtemps des continuateurs qui puissent, malgré leurs moyens matériels, se hausser jusqu’à vous !.

L’aire de la maison à galerie

La maison à galerie du type mâconnais n’est pas le seul spécimen d’habitation qui existe dans notre pays ; on en rencontre d’autres, tel ce type d’exploitations agricoles plus important où l’on se livre à la polyculture et qui se localise plus spécialement dans la vallée de la Saône. Ce sont les Cours ou Courts opposées aux Meix ou Mas de la Côte, car on dit déjà Mas dans un certain nombre de communes mâconnaises où les formes franco-provençales de la langue d’oc étaient jadis employées et le sont même encore quelquefois. Mais, même dans ces courts, qui se caractérisent, comme nous le verrons plus tard, par de vastes bâtiments entourant une grande cour comme le font les édifices d’un couvent autour d’un cloître, dans ces courts, dis-je, le plus souvent, la maison du maître, et quelquefois celle des domestiques, présentent elles aussi des galeries et des escaliers extérieurs. Ce qui fait la caractéristique architecturale des Courts c’est surtout le grand porche extérieur flanqué de son portillon, que l’on appelle dans le Nord du Tournugeois et en Chalonnais la porte bâtarde ou porte cavalière. Nous reviendrons du reste sur ce point.

Maison Rubat du Mérac à Chevagny-les-ChevrièresClassée Monument Historique – PL.I

CLICHÉ CHARVET

I -Maison à la Grange-du-Bois (Maison avec galerie à colonnes de pierres) – PL. II

CLICHÉ MACHARD

II -Galerie à piliers de bois à Brancion – PL. II

CLICHÉ MACHARD

Fig. 1 – Maison mâconnaise à galerie (Hurigny)

Dessin de E. Violet

La maison à galerie, si elle est en honneur en Mâconnais plus qu’en aucun autre pays de France, n’est toutefois pas exclusivement mâconnaise. On la trouve dans bien d’autres régions, mais surtout dans la France méridionale. On ne la signale nulle part ou presque nulle part dans le Nord, au moins dans les maisons rurales. Ainsi, ni dans la Lorraine, qui forme cependant un îlot de toits méditerranéens dans la France du Nord-Est, ni dans l’Île-de-France, ni en Normandie, on ne retrouve la galerie extérieure. Au contraire, dans les pays du Midi, elle est plus fréquente sans être pour cela universelle. On peut même se demander pour quelle raison on la voit dans certaines contrées méridionales et pas dans d’autres : pourquoi, en allant par exemple de Mâcon vers les Pyrénées, on ne la rencontre que par intermittences dans le Beaujolais et dans le Forez pour ne plus ensuite la retrouver que beaucoup plus loin dans le bassin de la Garonne près de Montauban. Des remarques semblables pourraient être faites dans le bassin du Rhône où les alternances de régions à maisons à galeries et sans galeries sont fréquentes.

En tout cas la galerie est bien, comme la tuile creuse, un signe de méridionalisme ; elle nous vient des pays latins. Déjà à l’époque romaine, des galeries extérieures, ayant vue sur la campagne, régnaient sur la façade des villas de notre région dont les propriétaires, contrairement à nos ancêtres directs, surent apprécier les paysages.

Maison de vigneron à Sennecé-les-Mâcon – PL. III

CLICHÉ MACHARD

Maison de paysan à Brancion – PL. IV

CLICHÉ MACHARD

Maison à galerie fermée de Sancé – PL. IV

CLICHÉ MACHARD

Fig. 2 – Maison à galerie du Mâconnais (Salornay près d’Hurigny)

Cette maison présente une galerie à piliers de bois, reliés par des cintres également de bois, décorés de pointes de diamants. Par exception en Mâconnais, le murot n’existe pas ; il est remplacé par un plancher et une balustrade en bois.

Dessin de E. Violet

Ainsi à Belné, sur le coteau de Beauregard, à deux pas de l’actuelle Abbaye de Saint Philibert, un immense bâtiment gallo-romain, de plus de 100 mètres de long, possédait une galerie extérieure soutenue par des petits piliers ronds en briques. De là, la vue s’étendait, par-dessus la Saône et la Bresse, jusqu’au Jura et aux Alpes. Des galeries supportées par des colonnes de pierre, très voisines comme galbe de celles encore usitées en Mâconnais, furent également dégagées à la villa de Chaintré, récemment mise au jour.

Fig. 3 – Maison à galerie du Mâconnais (Saint-Oyen)

Cette curieuse maison, d’aspect pittoresque, présente, fait assez rare, un murot à double descente d’escalier.

Dessin de Robert Daligny

On voit donc que la tradition chez nous date de loin. D’autre part, l’îlot des maisons à galeries de notre région n’est pas exclusivement mâconnais bien que le Mâconnais en soit le centre et en quelque sorte l’aire d’élection. Cet îlot commence en réalité dans la Côte-d’Or où l’on voit, dans les villages de la côte des bons vins, quelques galeries. La résidence beaunoise des Ducs et l’Hôtel-Dieu de Beaune en possèdent de charmants spécimens qui remontent au Moyen Âge. Des maisons rurales de vignerons de la même région en possèdent également. C’est en pleine Côte-d’Or, à deux pas de Dijon, que commencent les signes précurseurs de l’influence méridionale qui se préciseront entre Chalon et Tournus par les toitures en tuiles creuses. Le Chalonnais de la Côte possède aussi des maisons à galeries, et elles se font même très fréquentes sur les pentes orientales du Mont Saint-Vincent. Dans le Tournugeois du Nord, pays aux toitures élevées, de laves ou de tuiles à crochets, qui est de l’arrondissement de Chalon, mais dont plusieurs communes, comme Boyer, Jugy et Laives, étaient mâconnaises en tout ou en partie sous l’ancien régime, la galerie est universelle ; elle est généralement ou tout au moins souvent, recouverte de tuiles creuses, alors que la maison, elle-même, est coiffée d’un toit de laves ou de tuiles à crochets. La combinaison des deux modes de couverture est en ce cas, assez heureuse.