Les eaux de Paris étudiées au point de vue de la santé publique - Ligaran - E-Book

Les eaux de Paris étudiées au point de vue de la santé publique E-Book

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Extrait : "On n'a pas oublié les débats passionnés, les discussions orageuses, qu'a soulevés, dans le public et dans la presse, la question des Eaux de Paris. Tout récemment encore, M. Robinet, le savant rapporteur du projet de dérivation des sources de la Dhuis, adressait, sous le couvert anodin d'une Lettre à un conseiller d'État, une vigoureuse réplique à ses contradicteurs, ou, pour parler plus exactement, aux adversaires des projets de la ville de Paris."À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran : Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : • Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. • Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Avant-propos

Il existe encore dans le public de grandes préventions contre l’usage des eaux de source, qui serviront bientôt à l’alimentation de Paris. Ces préventions seraient dissipées, à coup sûr, si chacun avait pu lire et méditer les remarquables Mémoires de M. le préfet de la Seine et les savants Rapports de M. Dumas et de M. Robinet.

Mais, malheureusement, peu de gens ont le temps ou le goût d’étudier, comme il convient, des pièces administratives, des documents officiels remplis de détails techniques, hérissés de chiffres, et parlant le langage sévère des bureaux ou des académies.

Il était donc opportun, pour éclairer la population sur ses véritables intérêts, et pour lui faire apprécier l’excellence et l’utilité du projet municipal, de présenter la question des eaux de Paris sous une forme simple et précise, dépouillée de ces calculs arides et de ces discussions austères qui effrayent la majorité des lecteurs.

Cette tâche a été remplie avec une rare habileté par M. Louis Figuier.

Je n’ai pas la prétention de faire mieux que cet écrivain distingué ; mais je crois qu’on peut faire autrement, et je veux le tenter.

Comme tout se tient et tout se lie dans cette vaste question, je l’envisagerai aussi dans son ensemble ; mais, au lieu d’accorder à tous ses éléments une importance égale, je passerai rapidement sur la partie technique et administrative ; et je m’étendrai de préférence, avec des développements plus complets, sur tout ce qui touche à l’hygiène et à la santé publique. Car c’est là, si je ne m’abuse, le point culminant du problème, celui qui prime et qui efface tous les autres, celui qui intéresse et préoccupe le plus sérieusement la population, celui enfin qui a servi de prétexte aux critiques les plus ardentes et de thème aux plus fougueuses déclamations.

 

Paris, mai 1862.

IÉtat de la question – Son importance hygiénique

On n’a pas oublié les débats passionnés, les discussions orageuses, qu’a soulevés, dans le public et dans la presse, la question des Eaux de Paris. Tout récemment encore, M. Robinet, le savant rapporteur du projet de dérivation des sources de la Dhuis, adressait, sous le couvert anodin d’une Lettre à un conseiller d’État, une vigoureuse réplique à ses contradicteurs, ou, pour parler plus exactement, aux adversaires des projets de la ville de Paris. Peu de jours après, le MONITEUR UNIVERSEL mettait un terme à la querelle, annonçait la victoire de M. Robinet et donnait satisfaction à l’administration municipale, en promulguant un décret, en date du 4 mars dernier, qui déclare d’utilité publique lestravaux à faire pour la dérivation des sources de la Dhuis, dans l’intérêt de l’alimentation de la ville de Paris.

 

Voilà donc la question sortie de la période militante pour entrer dans ce qu’on appelle ailleurs le domaine des faits accomplis.

 

Dans une question si complexe, où se débattaient les intérêts les plus divers et où s’agitaient, sous le masque de la science et sous le prétexte du bien public, des passions privées et des oppositions systématiques, nous avons jugé digne et prudent, n’étant point d’humeur querelleuse, de nous retrancher derrière le principe de non-intervention et d’attendre, en observant la plus stricte neutralité, les résultats de la lutte.

Mais, aujourd’hui, nous voulons mettre à profit le bénéfice de cette neutralité ; et, maintenant que nous avons en nos mains toutes les pièces du procès, nous croyons qu’il ne sera pas sans utilité de retracer l’évolution de cette immense entreprise, de passer rapidement en revue les documents les plus importants, de signaler les points d’hygiène qui ont été incidemment touchés et discutés dans le cours de l’enquête, et d’examiner enfin si la manière dont le problème a été résolu est la plus conforme aux prescriptions de la science et la plus propre à atteindre le but hygiénique vers lequel doivent tendre sans cesse les efforts d’une administration prévoyante et soucieuse de la santé publique.

 

Ce travail ne sera ni un anachronisme, ni un hors-d’œuvre ; car cette question des eaux de Paris, envisagée surtout au point de vue où nous nous plaçons, est toujours pleine d’actualité ; elle est de tous les temps et de tous les lieux ; elle appartient au présent et à l’avenir aussi bien qu’au passé. Ce n’est pas non plus une question d’un intérêt exclusivement local, une question purement parisienne : elle est d’un intérêt général, universel. En effet, elle se rattache à un des chapitres les plus considérables de l’hygiène publique ; et sa solution est destinée à régler pour longtemps, peut-être même à arrêter d’une manière indéfinie, sinon définitive, les principes sur lesquels devra reposer désormais l’art de l’approvisionnement et de la distribution des eaux dans les grandes villes.

À ce titre, elle mérite de fixer l’attention des médecins de tous les pays ; et son étude intéresse les hygiénistes de Londres et de Berlin, de Vienne et de Saint-Pétersbourg, aussi bien que ceux de Paris.

IIRégime actuel des eaux de Paris – Son insuffisance, ses imperfections

Comme on le sait, Paris reçoit actuellement ses eaux : 1° de la Seine (par les machines de Saint-Ouen, de Clichy, de Neuilly, d’Auteuil, de Chaillot, du quai d’Austerlitz et d’Alfort) ; 2° du canal de l’Ourcq ; 3° d’Arcueil ; 4° du puits artésien de Grenelle ; 5° des sources de Belleville et des Prés-Saint-Gervais.

 

Sur les 143 400 mètres cubes d’eau fournis journellement par ces diverses provenances, 60 000 sont consacrés aux services privés et 93 000 mètres environ aux services publics, ou restent disponibles ; d’où il résulte qu’il n’y a guère que 35 litres par tête d’habitant et par jour. En outre, sur 56 481 maisons que compte aujourd’hui Paris, il y en a 35 533 au moins qui n’ont que de l’eau de puits, ou même aucune espèce d’eau, ainsi que l’a déjà constaté plusieurs fois la Commission des logements insalubres. Enfin, parmi les habitations les mieux pourvues, quelques-unes seulement reçoivent l’eau jusqu’au deuxième ou troisième étage, tandis qu’à Londres elle est mise à la disposition de toutes les maisons particulières et y monte à toutes les hauteurs.

« Paris, écrit M. Robinet (Rapport sur le projet de dérivation des sources de la Dhuis), malgré les efforts immenses et persévérants de tous ses administrateurs, ne reçoit encore qu’une quantité d’eau inférieure (eu égard au chiffre de sa population) à celle dont on dispose dans plusieurs capitales, et même dans quelques villes de France de second et de troisième ordre. »

En effet, au point de vue de l’abondance des eaux, non seulement Paris est singulièrement distancé par Rome, Londres, Glascow, Édimbourg, Gênes, Genève, New-York, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Besançon, Dijon et Montpellier ; mais il est même (proh pudor !) cent piques au-dessous de Carcassonne et de Castelnaudary, qui donnent libéralement à leurs habitants, l’une 400, l’autre 150 litres d’eau par jour !

M. le préfet de la Seine a donc pu dire avec raison, dans un de ses remarquables Mémoires : « Paris, qui a la prétention d’être à la tête de la civilisation moderne, le siège principal des sciences et des arts, le chef-d’œuvre des architectes et des ingénieurs, le modèle de la bonne administration populaire, la véritable Rome du siècle présent, Paris en est encore aux expédients pour fournir à toutes les branches du service de ses eaux les quantités rigoureusement nécessaires. Ses fontaines monumentales ne coulent que pendant le jour, et laissent voir trop souvent encore leurs vasques et leurs statues desséchées. Les bornes fontaines sont rationnées ; quand elles s’ouvrent, les conduites des maisons particulières se tarissent. »

 

Et ce n’est pas uniquement eu égard à la quantité que les eaux de Paris sont inférieures à celles de la plupart des autres grandes villes de France et d’Europe ; elles sont aussi des plus mal classées sous le rapport de la qualité. Je ne veux pas m’arrêter maintenant sur ce sujet, qui a soulevé de vives contestations, et qui sera traité plus loin avec tous les détails que réclame son importance. Qu’il me suffise de dire ici ce qui est devenu banal, ce que tous les Parisiens ne savent que trop, c’est qu’on boit à Paris de l’eau chaude en été, de l’eau froide en hiver, de l’eau trouble pendant cent soixante jours de l’année et, dans toutes les saisons, une eau souillée par les déjections les plus infectes, par les impuretés les plus immondes, en dépit de la décevante limpidité que lui communique le filtrage.

 

L’eau, qui est un des premiers et des plus légitimes besoins de l’homme, l’eau que Dieu a répandue avec profusion dans la nature, et qui est un don gratuit de sa providence, l’eau est donc distribuée dans Paris avec une déplorable parcimonie ; elle y est devenue une denrée, une marchandise, que le riche achète relativement très bon marché à la faveur des concessions municipales, mais que le pauvre, s’il veut ravoir bonne, paie très cher au porteur d’eau.

IIICondamnation du service hydraulique actuel – Problème à résoudre

Une administration qui se distingue entre toutes par une prodigieuse activité, par une rare sollicitude du bien public, par la grandeur de ses œuvres, j’ai presque dit par la magnifique hardiesse de ses entreprises ; une administration qui a pris à cœur de transfigurer Paris et d’en faire la ville la plus belle et la plus salubre du monde, ne pouvait pas rester longtemps indifférente en présence d’un service hydraulique aussi défectueux, aussi imparfait, et qui plaçait, à cet égard, la capitale de la France dans un rang subalterne parmi les cités.

 

Comme tous les abus de l’ancien régime, le régime actuel des eaux de Paris devait donc avoir aussi son 4 août. C’est, en effet, le 4 août 1854 que M. le préfet de la Seine porta la question des eaux de Paris à l’ordre du jour du Conseil municipal, vint dénoncer à sa barre les imperfections de cette importante branche du service public, et proposer les bases d’un système complètement différent.

« Il m’a paru, dit M. Haussmann, qu’une eau de rivière, chargée de détritus animaux et végétaux que les riverains y jettent, des sels malfaisants et des matières terreuses que les ruisseaux ou les torrents y apportent, échauffée d’ailleurs par le soleil de juillet, ou gelée en hiver, ne pouvait être offerte en boisson aux habitants d’un grand centre de civilisation, sinon comme pis-aller et à défaut d’une eau plus saine, plus claire et d’une température moins variable. »

 

Amener une véritable rivière à Paris ; fournir, en abondance et à bas prix, à tous les habitants une eau salubre, toujours limpide, fraîche en été, douce en hiver ; faire circuler cette eau jusque sur les points les plus culminants, la distribuer avec régularité aux étages les plus élevés de chaque maison ; lui procurer un facile écoulement sous le pavé de toutes les rues, et effectuer une révolution salutaire dans toutes les parties de l’assainissement public, – tel est le grand et difficile problème que le chef de l’édilité parisienne ne craignit pas d’aborder de front.

 

Voyons, d’après l’analyse sommaire des documents officiels, de quelle manière ce problème fut envisagé et résolu par l’administration, avec le concours des savants les plus compétents et les plus autorisés, membres de l’Institut, membres de l’Académie de médecine, membres du Conseil général d’hygiène et de salubrité publique, ingénieurs, géologues, hydrauliciens, chimistes et médecins.

IVExposé sommaire des documents officiels et du projet municipal – Premier mémoire de M. le préfet de la Seine – Délibération du Conseil municipal – Mission confiée à MM. Belgrand, Collignon, Lesguillier et Rozat de Mandres – Deuxième mémoire de M. le préfet de la Seine

Dans un premier Mémoire (4 août 1854), M. Haussmann trace l’historique du régime actuel, décrit le mode de distribution des eaux dans Paris, signale les défauts de ce régime, expose les systèmes d’amélioration proposés (établissement d’une prise d’eau à l’extrémité du barrage du Pont-Neuf, construction d’une vaste usine, soit au pont d’Austerlitz, soit au pont d’Ivry, en amont du confluent de la Marne), formule les conditions d’un bon service, et démontre que les moyens précédents ne sauraient y satisfaire ; puis M. le préfet développe le résultat des études nouvelles entreprises par M. l’ingénieur Belgrand, traite assez longuement de l’égout des eaux, des vidanges et de la canalisation complète de Paris ; il déclare que, pour assainir et embellir la grande cité, ce n’est pas assez de faire pénétrer l’air et la lumière partout dans ses murs, il faut encore vivifier la ville entière par des eaux abondantes ; enfin, il conclut en formulant le projet d’une immense opération comprenant trois ordres de travaux : 1° dérivation sur Paris, par un aqueduc fermé, des sources de la Somme et de la Soude ; 2° établissement de distributions complètes et distinctes des eaux affectées aux usages publics et privés ; 3° assainissement général de la ville par une canalisation normale.

 

Par une délibération en date du 12 janvier 1855, le Conseil municipal ayant constaté que, dans le régime actuel, les eaux de Paris ne satisfont pas aux besoins de ses habitants, prit en considération l’avant-projet de dérivation d’eaux de sources présenté par M. le préfet, et l’autorisa à poursuivre d’une manière complète et détaillée l’étude encore ébauchée de cette question.

En conséquence, M. le préfet de la Seine chargea un service spécial d’ingénieurs, composé de MM. Belgrand, Collignon, Lesguillier et Rozat de Mandres de dresser le plan d’un projet définitif, tendant à dériver sur Paris, à la hauteur de 80 mètres au moins au-dessus du niveau de la mer, 100 000 mètres cubes, par vingt-quatre heures, d’eau de source de bonne qualité.

 

Le travail des ingénieurs, comprenant le plan complet de dérivation, les études chimiques et hydrauliques sur les cours d’eau à dériver, le tracé des aqueducs, le devis des dépenses, fut déposé, le 7 mai 1856, aux bureaux de l’administration municipale.

 

Le 16 juillet suivant, ces projets définitifs furent communiqués au Conseil municipal et lumineusement développés dans un deuxième Mémoire de M. le préfet de la Seine, qui renfermait, en outre, des propositions précises et complètes en ce qui concerne la canalisation et l’assainissement de la ville.

Dans ce savant et volumineux mémoire, qui restera comme un modèle du genre, M. Haussmann aborde résolument toutes les questions d’administration, d’économie municipale, d’hydraulique, de géologie, de chimie et d’hygiène, que comporte le problème à résoudre. Il rappelle la merveilleuse organisation du service des eaux dans l’ancienne Rome ; il décrit les grands travaux accomplis par les Romains pour assurer à la capitale et aux principales villes de l’empire une distribution d’eaux abondantes et pures, et il parle avec une légitime admiration de ces magnifiques aqueducs qui ont bravé l’action destructive du temps et des barbares, et qui, après tant de vicissitudes, conduisent encore vers Rome une quantité d’eau incroyable, à faire honte aux distributions parcimonieuses des villes actuelles, les mieux pourvues.

Puis M. le préfet discute les différents systèmes d’invention moderne, basés sur l’emploi des turbines ou des machines à vapeur ; et, mettant en balance leurs avantages et leurs inconvénients, il est conduit à les proscrire et à donner la préférence aux aqueducs, tant sous le rapport de l’économie que de la régularité du service.

Les projets relatifs, à l’établissement de nouvelles prises d’eau sur la Seine étant ainsi écartés, M. Haussmann étudie celui de la dérivation. Le premier point à vider était celui-ci : existait-il dans le voisinage de Paris des sources à une altitude convenable, suffisamment abondantes et pures pour alimenter ses 1 700 000 habitants ?

Dans le but de répondre à cette question, MM. les ingénieurs du service municipal se sont livrés à de longues et patientes recherches. Ils ont révisé soigneusement les projets de dérivation proposés à différentes époques : celui de l’Eure, sous Louis XIV ; celui de l’Yvette, par de Parcieux, en 1762 ; celui de la Bièvre, par M. Fer de Lanouerre, en 1782 ; et celui de la Beuvronne, par M. Brullée, en 1785. Ils ont exploré eux-mêmes ces cours d’eau, mesurant l’altitude de leurs sources, jaugeant la proportion de leur débit, déterminant leurs propriétés physiques et leur constitution chimique.

Ayant reconnu, par des investigations directes, qu’aucun de ces projets ne pouvait satisfaire aux conditions essentielles du programme municipal, et que la dérivation de l’Essonne et de la Juine était impraticable à cause des nombreuses et importantes usines que ces rivières mettent en mouvement, MM. les ingénieurs allèrent chercher loin de Paris des sources limpides, fraîches et salubres, que leur refusait le sol parisien.