La couleur des larmes - Luciano Cavallini - E-Book

La couleur des larmes E-Book

Luciano Cavallini

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Beschreibung

Nelly Pujold, fillette plutôt curieuse, vit avec sa grand-mère dans une grande propriété entourée d’un champ de lavande. Malgré une jeunesse insouciante et heureuse, elle s’inquiète sans cesse de devoir perdre un jour tous ceux qu’elle chérit profondément. Prenant conscience qu’il lui faudra voler de ses propres ailes, elle va en quête de cette âme sœur lointaine et évanescente, susceptible de combler le vide qui sera laissé. Que lui réserve cette aventure ? Jusqu’où ira-t-elle ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Fortement influencé par les écrivains naturalistes et humanistes comme Zola et Hugo, Luciano Cavallini explore les différentes nuances de sa plume. Dans La couleur des larmes, il nous propose un voyage dans l'enfance où s’entremêlent amour et deuil, dans un vocabulaire et un décor soigneusement choisis.

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Seitenzahl: 289

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Luciano Cavallini

La couleur des larmes

Roman

© Lys Bleu Éditions – Luciano Cavallini

ISBN : 979-10-377-6611-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

- Les carnets de nuit, Éd. Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1983 ;
- Le cancer d’Aphrodite, Éd. Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1985 ;
- Encre d’échine, Éd. Indigo-Montangero, Montreux, 2003 ;
- Le lys de verre, Éd. Persée, Paris et Cogolin, 2009 ;
- L’Affaire Jéricho, Éd. du Panthéon, Paris, 2014 ;
- Montreux fantastique et mystérieuse, Éd. Cabédita-Slatkine, 2019 ;
- Bleu-muet, Polar fantastique, Le Lys Bleu Éditions, 2020 ;
- La trahison de Mercure, Polar fantastique, Éd. Librinova, 2020 ;
- Exercices de stèles - Le grand retour des cendres, Le Lys Bleu Éditions, 2022.

À ma fille Gaïa, dont l’enfance éperdue éclate toujours

au fil de ces pages.

À Geneviève Beaucage, cette héroïne sans commencement ni fin, qui perdure à scintiller entre les lignes depuis novembre 2005.

Un

Nelly Pujold jouait depuis plusieurs heures déjà sur les graviers brûlants de l’allée.

Un été chaud frappait Montélimar, si chaud que de temps à autre la fillette s’arrosait le corps avec le tuyau du jardin. Elle sentait monter l’odeur de jute, regardait la terre boire l’eau avec avidité en formant des bulles.

De gros insectes s’enfuyaient, des coléoptères verdâtres, des fourmis, tout un monde venant d’interstices profonds et s’en retournant, passant entre les dalles disjointes ou le terreau habillant les dessous de balcons. Nelly observait ces voyageurs étranges, imaginant d’énormes contrées avec des abysses, des couloirs se perdant dans toutes les directions à la fois, possédant une reine tentaculaire, aux mâchoires cartilagineuses et des yeux rougeâtres en tête d’épingle.

Elle voulait s’évader…

— Tu rêves de près, ma fille ?

— Oh, grand-mère ! Tu m’as effrayée !

— As-tu des tracas, ma pitchounette ?

— J’aimerais m’en aller dans le pays des bêtes.

— En voilà de drôles d’idées ! Le pays des bêtes !

— Ce ne sont pas des idées.

— Tu es encore bien petite pour penser à t’envoler !

— Tout le monde me dit la même chose ! Ça m’escagasse à la fin ! J’ai beaucoup grandi depuis l’été dernier ! Tiens, regarde ! L’année passée, je ne pouvais pas toucher la corniche de ta fenêtre, eh ben maintenant, j’arrive sans peine à fermer toutes les persiennes !

— Eh bien, laisse-les seulement ainsi, sinon ce soir, on va cuire, et l’oncle Marcel va encore se plaindre de ses clous dans la nuque !

— Si on allait faire la sieste ? Tu sais, j’adore quand tu me racontes une histoire dans la pénombre.

Le plafond se met à bouger. Il prend la couleur des glycines, je vois les frissons danser, et je pars loin… Si loin ! En plus, le bois sent bon la vanille !

— Tu sais bien que je ne peux pas ! J’attends Lilette et Marcel, je viens de te le dire, voyons !

— Tu m’as pas dit pour Lilette ! Zut alors ! Elle va encore nous apporter ces gelées de coing dures comme de la gomme ! Et puis l’oncle, il me fait peur avec sa grosse voiture à manivelle, qu’il n’arrive jamais à démarrer ! en plus, c’est pas bien, il n’arrête pas de jurer et personne dit rien.

— Tu sais, ma petite Nelly, je crois que je vois ce qui ne va pas chez toi. Si ta pauvre mère était encore en vie, elle aurait pu te construire un petit frère ou une petite sœur. Tu t’amuserais bien et ne t’ennuierais pas en compagnie d’une si vieille dame !

— Comment peux-tu dire ça ! Je t’aime tellement ! Tu veux donc me rendre bien triste pour la journée !

— Cela n’a rien à voir, Nelly, que tu m’aimes ou pas, si tu es seule ! Il faut te trouver une occupation pour l’été ! Tiens ! Pourquoi n’irais-tu pas aider le père Floriette dans son épicerie ?

— Quelle horreur ! Tu as vu ces mains ! Elles sont toutes sales ! Elles sont aussi noires et rugueuses que de la gravelle ! J’ai pas envie que ça me vienne pareil !

— Ne dis pas ça, Nelly ! Le travail ne salit jamais, tu m’entends ? Jamais ! Pis… Avec un peu de chance, il t’apprendra à cuisiner le meilleur pistou de tout le Midi !

— Je me fiche pas mal du pistou ! Moi, je voudrais entrer dans le nougat !

— Moi ! Moi ! Moi ! C’est que ça a son caractère cette pitchounette ! Tiens, j’y retrouve ta mère ! T’es pas la fille de ma petite Adeline pour rien, va ! Oui… Ta chère maman. Mais… Ne rêve donc pas, Nelly ! C’est pas parce que ça sent bon que c’est du facile ! Ça ne tiendra jamais, c’est une lubie cette fabrique ! Non, crois-moi, il faut vite t’enlever ces vilaines idées de la tête ! C’est qu’une mode, une lubie, rien de bien méchant, tu verras, comme toutes ces nouveautés ! Aide-moi plutôt à installer le service à thé dans le jardin, ça me sera bien plus utile. Et n’oublie pas l’anisette de l’oncle Marcel ! Pendant ce temps, je vais dresser les parasols !

Nelly pénétra dans la cuisine. Contrariée. Juste devant, le lavoir de pierre trônait, astiqué avec soin.

Lilette fouinait partout, et l’aïeule ne voulait pas se laisser paraître le parent pauvre de la famille. Il fallait que ça reluise partout. La fillette monta sur la demi-pointe afin d’attraper le bocal de thé noir, la théière argentée et la belle passoire à balancelle scintillant sur son support. Mais elle trouva la bouteille d’anisette vidée jusqu’à la dernière goutte. Il ne restait qu’une solution, courir à grandes enjambées chez le père Floriette, rue Saint-Gaucher.

Elle prit les sous enfermés dans la boîte à biscuit et s’esquiva le plus vite possible, claquant au passage la grille du jardin.

— Eh, là ! Où vas-tu, Nelly ?

— Y a plus de goutte ! Je cours vers le père Floriette !

— Ne tarde pas ! Je vous connais vous deux, quand vous partez dans vos histoires !

— Je peux acheter des baudruches ?

— D’accord, mais pas de bêtise hein ? Et passe chez Soubiran pendant que tu y es. Je n’ai plus d’alcool camphré pour le cou de l’oncle !

— Il a besoin que d’alcool celui-là !

— Reste brave, Nelly ! Ce n’est pas bon de parler mal !

Nelly parcourut les rues moites et crayeuses de Montélimar, s’arrêta dans le parc proche de la gare, regarda un instant les autres enfants jouer avec les bateaux de location, au pavillon du square. La partie ombragée du lieu dispensait une douce fraîcheur dans la chevelure de la gamine. Tandis que le manège de voilettes blanches tournait nonchalamment, Amandine installait les enfants sur les nouveaux chevaux, fraîchement repeints par Mathieu, son nouveau béguin.

Alors, à ce moment-là, voyant tant de chevaliers partir loin à la ronde, Nelly se dit que puisqu’elle demeurait seule, elle devrait trouver elle aussi un fiancé ; l’été florissant éclatait d’or pur, des myriades de gouttelettes de soleil filtraient au travers des jalousies, mouchetant la chambre d’un frémissement continu, de gazouillis d’oiseaux et bourdonnements d’insectes ; la vie bruissait de toutes parts, et quand on grandissait à hauteur de persiennes, on devait plus perdre son temps avec des gamineries.

Deux

— Alors, Pitchounette, te voilà bien gaillarde !

— Ah ça, père Floriette ! Il me faudrait vite des baudruches, du papier fort, bien fort hein, et de la colle d’amidon ou de poisson !

— Oh là ! Oh là ! Souffle un bon coup ! C’est qu’on va pas t’enlever la terre sous les pieds ! La boule tourne bien seule gaminette, ne pousse pas si fort ! Que veux-tu faire de tout ça ?

— C’est un secret. Des choses… Des choses pour trouver un béguin.

— Ouh, là ! Doucement Lisette avec ta layette ! T’as encore la robe amidonnée des collégiennes et tu voudrais déjà passer les nippes de mariée ! Voyez-vous un peu cette jeunesse ! À peine ça court que ça veut des ailes !

— C’était un secret et vous criez si fort ! Toute l’épicerie est au courant maintenant !

— Peuchère ! Où donc vois-tu la foule, toi ?

— C’est pas gentil, père Floriette !

— T’en auras bien assez vite de tes gentillesses ! T’as pas besoin de te faire du mouron, tiens ! Quand tu vas monter en fleur, il y a bien des jardiniers qui voudront t’arranger ! Mais ne te presse pas ! On fane bien plus vite qu’on est éclos ! Retourne vite chez la mère ! Profite de l’enfance, petite ! Le temps viendra de te rendre fada avec tes histoires de béguin ! Tiens, prends cette navette, et savoure l’insouciance jusqu’à la dernière bouchée ! Tu verras ! Le destin ne remplit pas la bouche que de bonnes choses !

— Merci, mais je préfère le nougat !

— En plus, on fait la difficile ! Le nougat ! C’est une mode ! Tout le monde me serine avec ce nougat, mais ça ne tiendra jamais ! Enfin… Est-ce tout ce que tu voulais ?

— Oui… On peut déjà aller loin avec ça ! Ah ! J’allais oublier… Avez-vous des bouteilles vides ?

— Toutes celles que me ramène Fabius ! Depuis qu’il m’achète la boisson à Châteauneuf, il ne trouve pas mieux que me laisser ces maudits flacons sur le dos ! Et le vin descend plus vite dans le gosier que mes jambes ne montent au grenier !

— Je peux les prendre ?

— Si ça te chante ! Mais ce sera bien encombrant pour ta frêle petite taille !

— Au début, oui. Mais par la suite, je prendrai des valises.

Le père Floriette regardait la gamine d’un air dubitatif, en secouant la tête, goguenard, les mains sur les hanches.

Nelly fit sonner ses chaussures sur les vieilles marches de bois. Elle ouvrit la porte craintivement, tendit le bras moins haut que le mois dernier, afin d’atteindre l’interrupteur. Il faisait chaud, les planches et les lattes craquaient, envahies par un étang de clarté tombant des lucarnes.

Elle louvoya dans la réserve de l’épicier, vit les gros fûts collants de marinades, d’olives et d’aulx, les bocaux de pistou, de miel, les gerbes de lavandes séchant contre les poutres, avec celles de mélisse et de sauge. Elle aperçut aussi le grand bac de sable prévu contre les incendies, en lequel elle se soulageait lorsqu’elle n’avait pas envie de retourner jusqu’au cabanon.

Elle demeurait au milieu de la pièce, entre le refuge des lessives suspendues, courant au milieu du linge sentant le savon et le bois délavé. Elle déroulait les gestes d’autrefois, en espérant retrouver les mêmes émotions qu’auparavant, mais elle ne savait pas pourquoi ce n’était plus pareil. Depuis un certain temps, elle se lassait vite de certains jeux, ses compagnons imaginaires s’éloignaient petit à petit. Ça l’attristait, elle se sentait perdue, et les allées parsemées de grands tissus blancs trahissaient l’espace. Le monde changeait, ses bras atteignaient des hauteurs inhabituelles.

Elle avait encore la fraîcheur et la naïveté d’antan, ou du moins, tentait-elle de la conserver, afin que ces errances conservent intactes leurs magies.

Elle observait les beaux flacons couchés dans la panière, saisit l’un d’eux en l’appliquant devant les yeux, afin de découvrir comment apparaissait la vie, ainsi changée par la verdeur du verre. Des gouttes de clarté perlaient sur sa peau, en pluie fine et douce.

Nelly prit la caisse de savon vide, la retourna et sortit la tête par la lucarne. Rien n’avait changé en ce lieu. Elle voyait la bordure aux hirondelles, le mystère des cheminées, cette espèce de trou noir, ou l’autre, élevée fièrement, avec sa coiffe de terre cuite. Où donc cela menait-il ?

Le ciel lisse tombait des tuiles sur la rue, plus besoin de lever la tête pour absorber l’azur, il régnait là, en avant et derrière le toit. On ne voyait pas la ville. Nelly demeurait plus haute que le monde, elle allait plus loin, au-delà, les pieds sans empreinte et sans poids.

Elle rêvait ainsi, lorsque la voix puissante du père Floriette la héla.

— Et alors ! Tu te prends mal là-haut ?

— J’arrive, père Floriette, ne craignez rien ! Je regardais la vue !

— C’est dangereux ! Je t’ai déjà maintes fois dit de ne pas grimper sur l’escabeau !

— Je ne peux pas tomber ! Le cadre de la lucarne m’enserre le cou ! Et maintenant je n’ai plus besoin de cet escabeau !

— Ça ne fait rien, tête de mule ! Un jour, il te viendra bien l’envie de pousser sur la corniche, je te connais bien avec tes marottes !

— Je ne suis plus une gaminette !

Nelly, forte de ses jambes croissantes, fila vexée et à toute allure, chercher l’alcool camphré chez Soubiran, le grand pharmacien famélique et vêtu d’un deuil perpétuel, la bouche arrondie et toujours étonnée. Elle se regarda longuement devant la vitrine et lâcha satisfaite : « C’est dont vrai. Je suis devenue bien haute ! »

Trois

Le village assoiffé tardait au bord des fontaines, les chevaux traînaient lamentablement leurs sabots, la poussière s’infiltrait à l’intérieur des calèches. Le pire arrivait lorsqu’une de ces nouvelles automobiles passait, le tintamarre effrayait les bêtes, on les voyait effectuer de dangereux écarts surprenant les passants peu enclins à ce modernisme nauséabond.

— Ceci va leur tourner les sangs aux bourgeois, ces machines infernales !

— Bah ! Ça prendra jamais ! D’ici que ce soit au point, on a le temps de voir venir !

Les commentaires allaient bon train, eux, plus que ces mécaniques défaillantes. Le soir, devant les anisettes, on voyait monsieur le maire passer tout tranquillement dans son char puant, se tenant bedonnant et fier, tel un gros bonhomme de papier mâché, tout prêt d’éclater.

La petite Nelly repoussa le portail des « Vanils », la propriété blanche de sa grand-mère, lourdement chargée de ses emplettes. La tante Lilette venait d’arriver, avec l’oncle Marcel.

Cette dernière parlait lentement, d’une voix aiguë. Elle avait confectionné une tarte aux abricots et déposé sur la table ses sempiternels pots de gelées aux coings trop recuits.

On la voyait fuir avec une belle avance sur le gâteau ; comme on dit aussi, le sourire séchait à l’air !

Lilette portait des lunettes d’écaille noires, mais ne semblait pas mieux voir pour autant. Quant à l’oncle Marcel, à part le cou perlant de prurit, il devenait sourd comme un vase. Son vaste cornet à pavillon l’accompagnait partout, parfois il le déposait sur la table, lorsque par exemple sa mâchoire rognait menu, une grande quantité de fromage bien fait et de café au lait.

On ne pouvait ignorer l’embout jaunâtre et peu ragoûtant, de cette énorme pipe posée à quelques centimètres de l’assiette !

La table, au milieu du jardin, embaumait le sucre et la cannelle, que les guêpes venaient savourer à la dérobée. Nelly tendit le flacon d’alcool camphré au protubérant Marcel, qui, comme à son habitude, empestait la vieille lavette douteuse. Ça finissait par un baiser poisseux sur les joues, dont la petite se débarrassait dans la baignoire de la salle de bain, devant la fenêtre hublot. Elle s’enduisait ensuite d’une eau de Cologne bleutée, qu’elle utilisait également pour s’évader dans un univers océanique, restant des minutes ainsi, prostrée, le flacon posé devant les yeux, à observer le jardin, écouter les oiseaux, immergée dans ce nouveau monde.

— Elle est serviable cette pitchoune, fit l’oncle. Un vrai cœur sur la main !

— Je ne suis plus petite l’oncle !

— Viens vers moi, fit Lilette ! C’est pas faux ! Tu deviens haute !

— Et nous, reprit l’oncle en hurlant, on s’approche du trou !

— C’est quoi ce trou que vous parlez tout le temps, les grandes personnes ?

— Oh, Nelly, s’il te plaît ! On dit pas : « Ce trou que vous parlez tout le temps, enfin ! »… Une grande fille comme toi, ça doit bien savoir parler et observer une certaine allure dans la société. Plus tard, ça te servira, crois-moi ! Ce trou ? Eh bien… C’est rien… C’est seulement un endroit qui fait peur aux adultes. Ça concerne pas les enfants.

— Ah ? Ils vous punissent aussi les grands ? Comme pour nous, quand vous nous racontez qu’il y a des rats dans la cave, et que vous allez nous y enfermer ?

— C’est pire que ça, reprit Marcel ! Bien pire ! Pour vous, c’estdes fables, mais pour nous, c’est la vérité, et on y passe tous une fois ou l’autre !

— Ah bon ? Ça veut dire que vous êtes méchants alors ?

— Tu nous poses des questions trop difficiles Nelly !

— C’est parce que vous ne savez pas répondre qu’on vous colle ?

— C’est bien pire qu’à l’école, reprit Lilette !

— Rien n’est aussi pire que l’école, Tante !

— « Aussi pire » reprit la grand-mère, d’un air débonnaire… Allons, allons ! On va lui mettre des idées noires dans la tête, la petite est impressionnable, vous le savez bien !

Nelly goûta tranquillement, mais il n’empêche que cette histoire de trou où les adultes sont punis la poursuivait. S’il en est ainsi, c’est que grand-mère aussi pouvait être prise, comme l’a sûrement déjà été sa maman, lorsqu’elle est née. On l’a certainement attrapée parce que je suis venue au monde trop vite et que c’était pas prévu. On ne m’a rien dit, jamais. Je le sais depuis que j’ai grandi. Depuis aujourd’hui.

Je vais aller contre l’armoire, je suis sûr qu’il me faudra encore élever le trait de crayon.

Je ne devais pas être là, c’est ça. C’est la réponse à toutes ces questions embarrassantes qui mettent grand-mère mal à l’aise. Raison de plus pour me fabriquer le voyage permettant de la sauver du grand régent. Mon fiancé nous protégera tous, si je le prends bien courageux !

Mais où donc trouver un tel beau prince ?

Lilette croquait les tranches de tarte avec avidité, ramenant régulièrement sa tasse de thé en bouche, brunie par les franges du lait s’effilochant au-dessus de la porcelaine.Les fleurs dessinées en surfaces cachaient un instant l’éclat dentaire jouxtant la lèvre inférieure. Les résidus d’abricots coloraient la coupe d’un jour tranché à la spatule. Nelly observait les mains, les membres de ces accoudés discutant de choses incompréhensibles, donc forcément sérieuses. Il faisait bon sous les arbres, les pas de l’enfance protégée crissaient sur le gravier, les martinets décochaient des flèches d’un toit à l’autre, par traits multiples et stridents.

Derrière les volets clos, encombrés de glycines, qui sait ce que l’ombre fomentait ?

— Est-elle rêveuse, notre petite Nelly ! Lilette la regardait, derrière l’éclat du monde clos de ses lunettes.

— Elle a toujours été solitaire. Ce n’est pas nouveau. Ça m’inquiète parfois…

— Tu n’as pas d’amie, reprit Lilette, pas de copines d’école ?

— L’école n’est pas mon amie ! Donc je peux pas avoir des copines !

— Serais-tu sauvage, par hasard ?

— Ils ne parlent que des tâches, de ce qu’ils échangent pendant les récrés, et leurs jeux de balles stupides « m’escagassent » ! Les ballons, c’est comme les taons ; j’ai tous envie de les éclater !

— On voit bien qu’elle est unique, reprit Lilette ! Ça devient égoïste avec le temps !

— Du moment qu’elle est heureuse ainsi, reprit l’oncle Marcel.

Son menton luisait de victuailles, de temps à autre, une bouillie indéfinie surgissait entre les fentes labiales. Il disait la vérité le sourd. Parce qu’il n’entendait plus ce stupide monde, inquiété d’actions n’ayant rien de comparable avec la magnificence des lieux et ce dont il en émanait. Nelly ne le savait peut-être pas, mais à sa naissance, en partant, sa mère n’avait point complètement clos la porte.

— Mais enfin reprit Lilette, à quoi rêves-tu donc, ainsi ?

— Je ne rêve pas, tante. Je jette l’amour en l’air. Peut-être que quelqu’un l’attrapera au vol !

Quatre

Depuis ce jour ensoleillant la belle ville de Montélimar, Nelly montait sans cesse dans le grenier de sa grand-mère, malgré la chaleur suffocante régnant sous la charpente. Ça sentait bon, c’était plein de tissus, de bric-à-brac empoussiéré, et la rumeur de la ville s’écoulait sous une douce torpeur. La pâte lumineuse ne blessait plus la peau, les bras voguaient au milieu d’une multitude de lucioles luminescentes.

Elle bricolait, crochetait, fabriquant un livre de ses mains, avec de belles pages recomposées à la colle forte.

L’encrier du grand-père, parti jeune à la légion, fut rempli d’une liqueur aussi noire qu’un point de nuit au centre d’une serrure. Souplement, le tissage des doigts écrivait l’histoire sérieuse d’un secret entre elle et celui qui découvrirait le trésor, quelque part dans le vaste monde.

Plus loin que les abords de la carte de géographie qu’elle n’arrivait jamais à replier, ainsi que ses territoires intimes.

Nelly savourait le temps, protégée par le grand aigle empaillé surplombant la dernière poutre.

Lui seul savait.

Elle plissa quelques belles conques en forme de bateau, qu’elle entra délicatement dans les bouteilles du père Floriette. Il restait le problème des baudruches. Mais elle savait qu’au feu de la Saint-Jean, un monsieur s’installait, avec d’étranges cartouches qui soufflaient dans la bouche des ballons un air magique pouvant les faire voler. Elle attendrait jusque-là. Les vacances seraient suffisamment longues, le plus important étant de préparer les cartes à fixer au bout des ficelles. Son adresse, son nom, sa ville, ce qu’elle recherchait, rien ne serait ignoré du monde où elle grandissait !

Grand-mère l’emmènerait en Bretagne, puis à Marseille. De l’iode et du midi, voilà ce qu’il fallait pour bâtir une fillette robuste !

Nelly regorgeait de soleil. Elle était née lys, elle grandissait en rose, telles les hampes recouvrant en arceau, l’allée principale de la maisonnette. Cette aurore timide colorait délicatement la préciosité de son visage, encadré de fins cheveux, que des mains plus fragiles encore semblaient sertir en tentant vainement de dompter les mèches rebelles.

Son nom retentit dans le jardin. Des bruits de chaises déplacées la firent émerger d’une profonde escapade. Ça montait par bribes, depuis la base de la façade.

L’oncle Marcel et la tante Lilette venaient de plus en plus régulièrement, il fallait donc constamment s’interrompre, pour la pénible séance de bisous mouillés.

— Viens dire au revoir, Nelly ! L’oncle Marcel et la tante Lilette s’en vont !

Elle savait ce que tout cela voulait dire. Ce serait l’instant de morale accrue, devant la fine vaisselle ciselée et tachée de rouge à lèvres, de miettes informes au fond des tasses. De ces tasses qui allaient si longuement survivre aux lèvres.

— Travaille bien en classe, sinon tu vas faire du chagrin à ta grand-maman ! Tu sais bien, elle n’est plus très alerte, tout comme son cœur, il te faut l’épargner, elle n’est pas éternelle !

Et voilà. Encore l’histoire du trou, de la punition.

— Tu es grande désormais ! Tu peux comprendre !

Bonne nouvelle ! Elle avait grandi d’un coup, depuis qu’elle fabriquait les pièges à attraper l’amour ! C’est fou, se dit-elle, comme les adultes ont le pouvoir d’accélérer les ans selon leurs caprices immédiats !

Nelly passa la moitié des vacances à bâtir ses envies, à forger un avenir, œuvrant dans l’exploit de trouver quelque part au monde, le chevalier immaculé.

Les bouteilles étaient prêtes, bien scellées, elle les lancera au large de Marseille, sur le bateau de l’oncle Marcel. La troisième, la dernière, sera jetée au bout de la môle de Bénodet, lorsque les grands chenaux de marées basses expirent leurs terres dénudées loin vers le large. Quant aux ballons, ils seront lâchés le lendemain.

Elle ira la première, vers le grand monsieur noir, gonfler les joues de cuir. Les billets sont parés, bien collés, elle s’était donné une peine terrible en réalisant les enluminures bleutées des étiquettes.

Elle pouvait souffler.

Accroupie, au sol, sous la canicule ou lors d’un orage, lorsque la pluie plantait ses clous sur le verre de la lucarne, Nelly tissait inlassablement les toiles circonvoisines de l’existence.

Elle voyait le sol grisâtre marqué d’une présence continue, et dans un coin, la grande malle noire dont l’intérieur sentait le talc ambré. Il y avait tous les livres de famille sommeillant perpétuellement, des photos, des gens tachés par les années de décombres, que l’on ressortait de temps à autre, de plus en plus effacés du monde.

Le crépuscule arriva lentement. Montélimar sentait partout le biscuit. Dans le sirop de l’air, mille frissons vinrent partager l’espace que la fillette fleurissait. Elle devint la seule gerbe vivante de l’endroit empaillé par le temps, l’unique chair au milieu des poutres.

Il arriva enfin à destination, le grand jour du lâcher de ballons ! La grand-mère s’était bellement parée pour la circonstance, on fêtait les jeunes filles de la Saint-Jean, sa petite Nelly. L’aïeule portait une robe bleue, surmontée d’une chasuble blanche crochetée à la main, ainsi qu’un sac noir fraîchement ciré. Nelly était en robe claire, bras nus, un long narcisse ondulant, attirant partout le regard des badauds. Lorsqu’elle arriva devant le stand pour qu’on lui gonflât sa baudruche, elle demeurait toute fébrile. Elle en avait trois ! En fixant les étiquettes, son cœur battait à tout rompre, elle craignait tellement d’en laisser échapper une par inadvertance !

C’est à peine si elle put croquer une pomme d’amour, elle ne fut pas plus intéressée à pousser les bateaux sur le bassin, elle dédaigna les rondes autour du feu, ainsi que la couronne de lavande qu’on voulut déposer sur son front. Une seule chose comptait ; laisser monter dans l’air tiède et balisé d’essences foraines, ses bulles d’espoir, autant de vies à part allant à la rencontre du vaste ciel, enfin libre de toute entrave. Elle s’imaginait elle-même en train de s’élever lentement au-dessus de la foule, échappant aux maillons humains, sentant les dernières saveurs et les ultimes frissons frémir autour des frêles embarcations.

Au moment crucial, les trois lunes blanches étoilèrent le firmament, à la recherche des anges gardiens sachant trouver la bonne étoile, bien au-delà des nues.

Cinq

Les années passèrent. Nelly grandissait, devenait de plus en plus épanouie, elle avait d’ailleurs remporté le premier prix de la plus belle fille de la Drôme, à l’occasion du défilé annuel des chars fleuris.

À Marseille, elle passa ses dernières grandes vacances chez l’oncle Marcel et la tante Lilette.

Une maison de trois étages, plantée au beau milieu d’un grand champ de lavande, avec aux alentours des vagues violettes et le mistral parfumant ses joues. Les fenêtres explosaient de feux, les poules entraient dans la cuisine, où également, dans une corbeille d’osier, tante mettait des œufs en couveuse. Elle n’avait pas son pareil pour élever les poussins, et souvent, le matin, alors que les langues odorantes du café chatouillaient ses narines, on entendait de petits gazouillis égayer la pièce.

Elle savourait les tartines sur la terrasse, dans de gros bols rouges à pois blancs, enfouissait ses joues jusqu’aux tempes, restant ainsi immergée dans la volupté subtile des arômes.

Grand-mère devint malade. Un vilain coup de froid reçu depuis l’automne dernier, ne se remettant pas.

Plusieurs nuits de suite, Nelly s’était levée, le cœur palpitant d’angoisse, entendant gémir l’aïeule depuis sa chambre. Elle accourait, toute ruisselante de sueur au pied du lit, clouée sur place, dans l’air froid et les angles obscurs de la pièce ayant mystérieusement changé de places. Elle reconnaissait à peine le plafond, d’étranges stries s’y projetaient, se faufilant à travers les lattes des persiennes. Une maison dont les limites fondant comme des capes, pouvaient engloutir à jamais les jambes apeurées de l’enfance cherchant à s’enfuir. Était-ce grand-mère ce poitrail blanc, ce tréteau recouvert de linceuls ?

Une nuit, elle avait même hurlé.

L’aïeule se débattait, en râlant, écumant une salive mousseuse, poussant des cris de possédée, avant de s’assommer net sur le marbre de la table de nuit.

On avait décidé que ce n’était plus possible, que ce genre de spectacle ne devait plus se reproduire devant les yeux d’une enfant déjà par trop sensible de nature. Elle était trop petite pour comprendre, et lorsqu’on lui révéla que sa grand-mère subissait une attaque de haut mal, elle en fut toute glacée d’effroi.

Le haut mal prenait une forme de Gévaudan cherchant à l’attraper parmi les tuyaux de la chaufferie.

Depuis ce jour elle vivait chez son oncle et sa tante, sanglotant en cachette dans la chambre du premier étage, afin de ne point peiner ces braves gens prenant soin d’elle comme s’il se fut agi de leur propre enfant.

Grand-Mère ne rentra plus. Lorsqu’on lui rendait visite, elle poussait des petits cris stridents, semblait vouloir lever un bras, pour aussitôt le laisser choir, plus pesamment qu’auparavant, le regard lointain et la bouche ébahie. Un jour, sur une feuille, elle avait griffonné cette terrible phrase : « Je veux me jeter au Rhône » !

Nelly commença à raconter son histoire, à sa manière, dans un petit carnet, qu’elle n’enverrait ni dans les airs, ni par l’onde, mais qu’elle garderait pour elle seule, afin de se rappeler longuement les heures dorées de l’enfance commençant à ternir cruellement.

Six

La jeune fille devint coquette. La fleur se rafraîchissait sous une ombrelle, en dessinant délicatement ses lèvres ressemblant aux cerises. Des gouttes rouges rehaussaient le teint cave du visage, souvent accaparé d’une mauvaise toux.

L’oncle Marcel et la tante Lilette l’avaient soutenue le mieux qu’ils pouvaient, lors de la terrible épreuve du décès de l’aïeule, survenue une semaine plus tôt. Elle paraissait simplement dormir sur un lit glacial, les mains jointes contre la poitrine. Ses mains ayant accompli tant de bonheurs sucrés resteront désormais prisonnières de doigts entrelacés. Les gens s’effaçaient un à un, la planète perdait le poids d’un corps, toutes les empreintes marquées par les semelles des disparus.

La belle Nelly montait en gerbes, elle était entrée dans le nougat, la petite entreprise sans avenir prenait de plus en plus d’ampleur, et la jeune fille, par sa finesse d’esprit et sa grande intelligence, attira l’attention de monsieur Fayol, le directeur. Elle apprit tous les rouages du commerce avec acharnement, ce qui lui valut très vite d’être promue chef de rang, puis attachée de direction. Il fallait la voir jongler ! Rien n’arrivait ni ne sortait, sans que cela passât par ses yeux et sa clairvoyance. Monsieur Fayol put investir les premiers bénéfices réalisés en réclames diverses. Grâce à la grande capacité d’organisation que la jeune fille déployait, le nougat de Montélimar se fraya un chemin jusqu’à Paris ! L’usine posséda même sa première automobile à essence, avec de belles plaques en faïence portant l’honneur de la maison sur la carrosserie. La haute cheminée dispensait son odeur de vanille sur toute la ville ; il fallut embaucher. Les confiseries possédaient tous leurs bâtons de nougat, la région devint connue, la Drôme, prospère.

Monsieur Fayol dut sa renommée grâce au savoir-faire et à la perspicacité de sa secrétaire de direction. Elle supervisait le moindre service, les moindres entrées, sachant trouver les bons mots devant certaines revendications ou difficultés survenues auprès des employés. Elle connaissait chaque famille des intéressés, saluait tous les collaborateurs rencontrés dans les couloirs, fussent-ils au plus bas de l’échelle.

Le directeur devint fortement épris de cet astre printanier illuminant le lieu. Elle ne vit rien, non pas qu’elle fut naïve, mais en aucun cas elle ne pouvait imaginer plaire, encore moins être consciente de sa grande beauté. Elle faisait partie de ces personnes que la nature pare à la dérobée de tous les charmes mis à sa disposition, par quelques feux d’en haut. Aussi, lorsque Monsieur Fayol lui demanda pour la vingtième fois si elle était disposée à venir dîner avec lui le soir, elle ne comprit pas ce qui lui valait l’honneur d’une telle requête.

— Chère mademoiselle, vos charmes diffusent suffisamment de flammèches pour que j’en aie reçu bien des éclats !

— Je n’ai point l’intention d’en perdre plus ! La journée fut fatigante ! La raison demande à ce que je me couche bien vite !

— Je vous en prie Nelly ! Direz-vous toujours non ?

— Mais monsieur… Vous n’avez jamais été si éloquent auparavant !

— N’avez-vous donc point suspecté quelques signes de ma part ?

— De quels signes parlez-vous, monsieur ? Je ne voudrais pas vous paraître ingrate ni hautaine, mais de ce que vous dites, je n’ai point d’idée !

— Vous êtes ravissante, mademoiselle ! Et je vous inquiète à ce sujet ! Je n’invente rien, en parlant de la sorte ! Vous transformez tout sur votre passage, et je vous dois la fortune que vous me fîtes, en la voulant avec vous partager !

— Ne voyez pas d’offense, mais…

— Mais ?

— Je traverse une période difficile me remplissant d’un chagrin pénible à réfréner.

— Me voici bien désolé ! Je ne voulais pas être indiscret, et encore moins aviver la flamme vous rongeant ! Tenez-moi au courant lorsque vous serez libérée de vos tourments ! N’ayez crainte, je vous laisserai en paix, désormais. Mais si l’ombre est par trop profonde, je serai à vos côtés si vous le désirez.

— Il ne s’agit pas de ce que vous pensez. J’ai perdu à jamais celle qui m’a élevée et donné tout l’amour que cette vie a pu jusqu’ici me prodiguer.

— Je suis confus. Je viens encore alourdir votre chagrin en secouant le poids sans délicatesse.

— Vous étiez ignorant du drame, comment pourrais-je vous en tenir rigueur ? Peut-être une autre fois, serais-je prête. Mais sincèrement, j’en doute…

Monsieur Fayol se roidit, puis se détourna sans rien dire.