La défense pénale des fugitifs - Jean-Charles Teissedre - E-Book

La défense pénale des fugitifs E-Book

Jean-Charles Teissedre

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Beschreibung

Mandat d’arrêt, mandat d’arrêt européen, mandat d’arrêt international, notice rouge, extradition, autant de termes juridiques dont tout le monde a plus ou moins entendu parler sans savoir exactement ce qu’ils recouvrent. Ces expressions correspondent en réalité à des procédures pénales complexes qui ont tendance à effrayer les justiciables mais aussi les praticiens du droit, plus encore lorsqu’il s’agit de réagir dans l’urgence. Se poser les bonnes questions, identifier le cadre juridique, adopter les bons réflexes en cas d’interpellation, vouloir s’informer avant de se livrer à la police, permettre de mieux appréhender les évènements procéduraux, tels sont les objectifs de cet ouvrage. Un manuel de procédure pénale exigeant consacré aux droits des fugitifs.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Jean-Charles Teissedre est avocat depuis 2001. La pratique du droit pénal l’a conduit à s’intéresser aux procédures complexes et à traiter de nombreux dossiers atypiques. Il en a tiré un savoir-faire judiciaire qu’il met à la disposition de tous ceux qui, comme lui, ont la passion du droit quand il permet de sauver des situations désespérées ou de dénoncer l’injustice. 

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Jean-Charles TEISSEDRE

LA DÉFENSE PÉNALE DES FUGITIFS

INTRODUCTION

1. Prévoir des droits et envisager une défense pour des personnes condamnées qui de surcroît ont pris la fuite apparaîtra aux yeux de certains, y compris de certains juristes, comme un paradoxe voire même une provocation. Comment se peut-il que des personnes condamnées par la justice pénale puissent encore prétendre à une défense ? Ceux qui ont fait le choix de fuir la justice n’ont-ils pas joué avec les limites du droit et de l’Etat de droit ? Ces questions se posent plus encore lorsque l’on sait que la fuite peut s’avérer favorable au sort du fugitif : elle constitue un élément de complexité qui peut aboutir à l’annulation de la procédure et le fugitif peut bénéficier d’un droit aussi essentiel que celui d’être rejugé. Pourtant, à y regarder de plus près, ces paradoxes ne sont qu’apparence. D’abord parce qu’il faut accepter une évidence : l’institution judiciaire en France ou ailleurs, peut commettre l’injustice. Or, face à l’injustice, l’accusé aura du mal à accepter le verdict et à réfréner une furieuse autant qu’humaine envie de ne pas se soumettre. Le fugitif peut alors susciter l’empathie et prendre les traits de l’aventurier rebelle. Il peut aussi s’agir du militant activiste qui devra souvent combattre la qualification juridique de terrorisme, dans une époque qui semble de plus en plus propice aux engagements militants radicaux. Ensuite parce qu’une personne peut être considérée à tort par l’institution comme ayant fui, prêtant ainsi à l’absent des intentions qu’il n’a jamais eues. En effet, l’absence peut être le résultat d’une défaillance dans la notification d’un acte ou encore d’une simple négligence de la personne recherchée qui aura omis de déclarer un changement d’adresse. Loin d’être un cas d’école, cette situation est au contraire de plus en plus fréquente tant il est vrai que l’explosion du contentieux pénal de masse entraîne des situations insolites aux conséquences disproportionnées. Ce sera par exemple le cas d’une personne qui s’apprête à prendre l’avion et qui se fait interpeller par la Police Aux Frontières, à l’aéroport. Les autorités portent alors à sa connaissance une décision de condamnation - qu’elle ignorait - pour une conduite sans permis de conduire. Notre voyageur apprend dans le même temps que son nom figure sur le fichier des personnes recherchées. Et pour peu qu’il soit en plus impliqué dans un accident de la route, un mandat d’arrêt synonyme d’incarcération lui sera peut-être également notifié. On le voit, être pris pour un fugitif ne concerne pas toujours les autres. La récente histoire de ce brave homme arrêté en octobre 2019 à l’aéroport international de Glasgow parce que confondu par la police avec Xavier Dupont de Ligonnès est également là pour nous le rappeler. De manière générale, le juge amené à statuer en l’absence du prévenu ou de l’accusé aura tendance à interpréter la non comparution comme un signe de culpabilité et de défiance. Dans ce cas de figure, le praticien le sait, des peines de prison ferme peuvent être prononcées. Il serait alors excessif de ne pas offrir à l’intéressé, une fois appréhendé, la possibilité de s’expliquer devant un juge, ce qui suppose d’y avoir accès. Aussi les recours envisageables selon la nature de la décision de condamnation, avec l’importante question de la prescription des peines, seront-ils étudiés dans une première partie (Partie I). La pratique judiciaire conduit à un autre constat : les juges répressifs seront plus facilement sensibles à l’injustice si celle-ci s’est produite ou risque de se produire à l’étranger. On pense alors à la fameuse procédure d’extradition qui fait l’objet d’une étude approfondie dans la seconde partie (Partie II). Cette seconde partie est également consacrée au mandat d’arrêt européen qui remplace la procédure d’extradition lorsque sont mobilisées les autorités judiciaires de deux Etats membres de l’Union européenne. Il est à cet égard possible de parier, compte tenu des dissensions et des tensions grandissantes au sein même de l’Union Européenne, sur une multiplication des cas de refus d’extradition ou de remise de la personne recherchée. Les systèmes judiciaires ont en effet vocation à être de plus en plus critiqués selon le pays depuis lequel le regard est porté, ce qui est susceptible de constituer une opportunité supplémentaire pour le requérant. Le parti ici adopté est celui d’offrir au lecteur une grille de lecture aussi efficace que possible pour tenir compte de l’urgence des situations mais aussi de l’ordre dans lequel les questions peuvent se poser, sans que l’exigence universitaire ne soit jamais sacrifiée.

PREMIÈRE PARTIE :fugitif recherché par une juridiction française

2.Définition de la personne en fuite. Avant d’explorer le sujet proposé, définissons ce qu’il convient d’entendre par personne en fuite. Car si le code de procédure pénale utilise cette expression, elle n’est pas réellement définie. Or, de nombreuses conséquences juridiques, nous le verrons, s’attachent à cette notion. Ainsi, lorsqu’unepersonne fait l’objet de poursuites pénales, elle est tenue de comparaître et de se mettre à la disposition de la justice. Un individu est « en fuite » si, sommé de comparaître par un juge ou une juridiction, il choisit de ne pas se présenter devant lui. Unepersonneest donc en état de fuite lorsqu’elle manifeste l’intention de se soustraire à l’action de la justice qui lui a officiellement fait savoir qu’elle avait décidé de l’entendre ou de la juger ou de la voir exécuter une peine d’emprisonnement. Cette condition de soustraction volontaire à la justice a été rappelée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Ci-après Cour EDH) dans un arrêt du 11 octobre 2012. Dans cette affaire, qui a donné lieu à une nouvelle condamnation de la France, la Cour conclut à la violation de l’article 6§1 de la Convention au motif qu’il n’était pas démontré que le requérant fût en fuite. Elle estime qu’aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer avec certitude que le requérant avait connaissance du fait pour lequel il était recherché et que ce dernier n’avait jamais été informé de ce que des poursuites étaient dirigées contre lui. Elle ajoute que la simple absence du requérant de son lieu de résidence habituel ou du domicile de ses parents ne suffisait pas à considérer qu’il avait connaissance des poursuites et du procès. Il ne pouvait donc en être déduit qu’il était en fuite pour avoir essayé de se dérober à la justice1. La Cour de cassation, nous le verrons, a consacré la définition européenne du fugitif.

3. Lorsqu’une personne recherchée est appréhendée en France, le premier acte qui est généralement pris est celui de porter à la connaissance de l’intéressé la décision de justice en vertu de laquelle l’autorité agit. Cette notification va ouvrir des droits très importants au condamné puisque celui-ci pourra éventuellement être rejugé. Le nouveau procès se tiendra soit devant la même juridiction – tribunal correctionnel, cour d’assises -, on parle alors d’opposition, soit devant une juridiction du second degré, une juridiction d’appel. Nous verrons également qu’un pourvoi en cassation est parfois possible et qu’il peut lui aussi aboutir à un troisième procès. Il convient donc de distinguer ces différents recours pour examiner les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent être exercés. Concomitamment à la notification de la décision de condamnation, le mandat d’arrêt, qui est par hypothèse assorti à la décision de condamnation et qui est un ordre d’incarcération, sera également notifié à la personne interpellée, de sorte qu’après avoir examiné les recours envisageables, nous examinerons les droits attachés à la notification du mandat d’arrêt, français ou européen, émis par une juridiction française (Chapitre II). Cet ensemble ne sera toutefois étudié que dans un deuxième temps car avant d’envisager un recours contre une décision de justice, il convient préalablement de se poser la question de la prescription de la peine (Chapitre I). En effet, faire un recours contre un jugement ou un arrêt de condamnation alors que la peine est prescrite peut s’avérer inopportun et donc préjudiciable aux intérêts de la personne appréhendée.

1 CEDH , 11 oct. 2012, n° 43353/07 , Abdelali c/ France

CHAPITRE I : LA PRESCRIPTION DE LAPEINE

4. S’intéresser à la prescription d’une peine suppose de se pencher sur trois aspects que sont les délais de prescription de la peine (section I), les actes interruptifs de prescription (section II) et les effets de la prescription (section III). Précisons toutefois dès à présent que la notion de prescription de la peine ne doit pas être confondue avec la notion de prescription de l’action publique puisque cette dernière obéit à un régime très différent, notamment quant aux délais légaux à l’intérieur desquels des poursuites peuvent être engagées contre une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction. Celui qui bénéficie de la prescription de l’action publique est relaxé ou acquitté selon qu’il s’agit d’un délit ou d’un crime. Dans ce cas, le justiciable ne peut plus être condamné. La prescription de la peine suppose au contraire qu’une condamnation définitive a été prononcée mais qu’elle n’a jamais pu être ramenée à exécution.

SECTION I : LES DELAIS DE PRESCRIPTION DE LAPEINE

5. La loi du 27 Février 2017 a modifié les délais de prescription de la peine2. Le principe est que le délai de prescription de droit commun des peines criminelles est de vingt ans3 à compter du caractère définitif de la décision de condamnation. La loi nouvelle n’a pas modifié sur ce point la règle. Le délai est de six ans pour les peines délictuelles4 étant toutefois précisé que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, ce délai était de cinq ans à compter du caractère définitif de la décision de condamnation. Il existe aussi des délais spéciaux concernant certaines infractions revêtant pour le législateur une gravité particulière. Ces délais spéciaux sont le plus souvent de 20 ans ou de 30 ans. Le délai de 20 ans concerne les infractions suivantes :

•Délits liés aux produits stupéfiants ;

•Délits à caractère terroriste ;

•Délits de guerre ;

•Délits relatifs à la prolifération d’armes de destruction massive et leurs vecteurs, lorsqu’ils sont punis de dix ans d’emprisonnement.

Le délai de 30 ans concerne les délits suivants :

•Crimes liés aux produits stupéfiants ;

•Crimes à caractère terroriste ;

•Crime de disparition forcée ;

•Crime contre l’espèce humaine ;

•Crime contre l’humanité ;

•Crimes de guerre.

Le crime contre l’humanité est quant à lui imprescriptible.

6. Le problème est de savoir à partir de quelle date commencent à courir ces délais. En effet, le caractère définitif d’une décision de justice peut être facilement déterminé lorsque le prévenu ou l’accusé était présent le jour de l’audience jusqu’au délibéré : dans ce cas, le jugement correctionnel ou l’arrêt criminel sera rendu contradictoirement ce qui veut dire que le délai de prescription de la peine courra en cas de condamnation à compter de l’expiration du délai d’appel qui est de dix jours. Lorsque la décision est rendue contradictoirement mais à signifier, ce qui correspond à l’hypothèse du prévenu ou de l’accusé informé de la date de son procès qui ne se rend pas à l’audience, ou par défaut - le prévenu ou l’accusé ne s’est pas rendu à l’audience parce que la date du procès qui lui est fait n’a jamais été valablement portée à sa connaissance - c’est la signification du jugement ou de l’arrêt à domicile, à étude d’huissier de justice ou à parquet, qui fait courir le délai d’appel ou le délai d’opposition. Ce délai d’appel ou d’opposition est de dix jours en matière délictuelle. Le délai de prescription de la peine court alors à compter de la date de signification de la décision à laquelle il faut ajouter dix jours. Or, il est fréquent qu’un laps de temps plus ou moins important s’écoule entre le moment où la décision a été prononcée et le moment auquel la décision a été régulièrement signifiée5. Il est donc important de tenir compte des modalités d’exécution des décisions rendues en matière pénale car les dates sont souvent trompeuses et on sait que la prescription se joue parfois à un jour près. En matière criminelle, toutefois, le condamné par défaut n’a pas la possibilité de faire opposition car lorsqu’il se rend aux autorités ou qu’il est arrêté dans un délai qui n’excède pas celui de la prescription de la peine, la condamnation est de plein droit considérée comme non avenue ce qui veut dire que le condamné, qui redevient accusé, aura automatiquement droit à un nouveau procès. C’est la raison pour laquelle en cas de défaut criminel, c’est le jour du prononcé de la décision qui fait courir le délai de prescription de la peine puisque l’affichage ou la publication de l’arrêt de condamnation rendu par défaut n’existe plus depuis la loi du 9 mars 2004. Il se pourrait toutefois que les dispositions de l’article 133-5 du code pénal soient inconstitutionnelles en dépit de la décision QPC n° 2018-712 du Conseil constitutionnel du 8 juin 2018 dès lors que cet article dispose qu’au-delà de la prescription de la peine, en matière criminelle, le condamné par contumace dont la peine est prescrite n’est plus amené à purger la contumace6. Cela voudrait dire que dans cette hypothèse le condamné n’aurait pas droit à un nouveau procès. La procédure de contumace qui concernait les accusés jugés par défaut devant les cours d’assises ayant été jugée contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, tant en ce qui concerne la cour d’assises de première instance7 que la cour d’assises d’appel8, l’article 133-5 du code pénal semble donc une résurgence d’un passé désormais définitivement révolu. En cas de pourvoi en cassation formé contre un arrêt de condamnation, le délai de prescription de la peine ne court qu’à compter du jour où le recours a été rejeté. Enfin, lorsque le condamné, écroué, s’évade, il faut considérer que le délai de prescription de la peine commence à courir, s’agissant du reliquat de peine restant à effectuer, à compter du jour de l’évasion et non pas à compter du jour du jugement ou de l’arrêt de condamnation.

SECTION II : LES ACTES INTERRUPTIFS DE PRESCRIPTION DE LAPEINE

7. Pour savoir si une peine est prescrite ou non, il ne suffit pas de compter le temps passé, il faut aussi et toujours s’interroger sur l’existence d’éventuels actes interruptifs de prescription. L’état du droit en ce domaine révèle quelques surprises. En effet, jusqu’à la loi du 27 mars 2012, aucun acte n’était susceptible d’interrompre le délai. Dans une affaire ayant donné lieu à un important arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 26 juin 20139, le procureur général avait saisi la chambre de l’instruction aux fins de voir dire que la prescription avait été interrompue par un mandat d’arrêt européen délivré le 30 décembre 2011 à l’encontre d’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité par arrêt de contumace rendu le 17 janvier 1992 par la cour d’assises du Rhône. Au soutien de sa demande, le procureur général s’appuyait sur un article D48-5 du code de procédure pénale, issu du décret 2004-1364 du 13 décembre 2004, aux termes duquel la prescription de la peine est interrompue par les actes et décisions du ministère public qui tendent à son exécution. C’était oublié que les règles de droit relatives aux délais de prescription de la peine sont du domaine de la loi, de sorte que la chambre de l’instruction puis la Cour de cassation ont écarté les dispositions de l’article D48-5 du code de procédure pénale en refusant à l’émission du mandat d’arrêt européen un effet interruptif de prescription. Dans son arrêt du 26 juin 2013, la Cour de cassation considère que « d’une part, en l’absence de disposition législative le prévoyant, les actes préparatoires à l’exécution d’une peine n’étaient pas de nature à interrompre le délai de sa prescription et, d’autre part, la loi du 27 mars 2012 qui a inséré de telles dispositions dans l’article 701-1 alinéa 5 du code de procédure pénale n’est applicable, conformément à l’article 112-2 4° du code pénal, qu’aux peines dont la prescription n’était pas définitivement acquise, selon le droit antérieur à la date de son entrée en vigueur, soit le 29 mars 2012 ». L’enseignement qui peut être tiré de cette jurisprudence est que les personnes qui sont appréhendées en exécution d’un arrêt criminel définitif depuis le 28 mars 1992 peuvent arguer de la prescription de leur peine. Ces cas de figure, bien que marginaux, sont parfaitement susceptibles de se présenter. D’autant qu’il est tout à fait possible que les brigades de recherche des fugitifs, qu’il s’agisse de la brigade nationale de recherche des fugitifs (BNRF) rattachée à l’office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO), basé à Nanterre, où des brigades constituées au sein de SRPJ, aient omis de prendre, après l’entrée en vigueur de la loi du 27 mars 2012, des actes interruptifs comme le prévoit désormais l’article 707-1 du code de procédure pénale. Dans cette hypothèse, des peines criminelles définitives au-delà de l’année 1992 peuvent être également prescrites. Dans le domaine délictuel, les prescriptions de peine sont beaucoup plus fréquentes puisque le délai de prescription est beaucoup plus court (cinq ans désormais six ans pour ce qui relève du droit commun) même s’il est exact que des délais spéciaux existent et alignent la prescription de certains délits sur celle de la plupart des crimes.

SECTION III : LES EFFETS DE LA PRESCRIPTION DE LAPEINE

8. La prescription est un obstacle à l’exécution de la peine mais laisse subsister la condamnation. Ainsi, une peine prescrite reste inscrite au bulletin n°1 du casier judiciaire de sorte que l’autorité judiciaire aura connaissance de l’existence de cette condamnation avec toutes les conséquences de droit que cela suppose. Ces conséquences ont été récemment énumérées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 juin 2018 10. Le Conseil relève qu’une peine correctionnelle constitue, en application des articles 131-9 et 131-10 du code pénal, un premier terme de la récidive légale jusqu’à cinq ou dix ans après sa prescription. De la même manière, en application de l’article 132-30 du code pénal, en matière correctionnelle ou criminelle, le sursis simple ne peut être ordonné à l’égard d’une personne que lorsqu’elle n’a pas été condamnée au cours des cinq ans précédant les faits pour crime ou délit de droit commun à une peine de réclusion ou d’emprisonnement y compris si cette peine est prescrite. De plus, lorsqu’une personne mise en examen a déjà été condamnée à une peine d’emprisonnement sans sursis supérieure à un an, même prescrite, l’article 145-1 du code de procédure pénale prévoit, sous certaines conditions, une durée maximale de détention provisoire supérieure à quatre mois. Enfin, et c’est sans doute l’hypothèse la plus intéressante, le montant des dommages et intérêts qui peuvent être alloués à la partie civile par le juge pénal statuant sur intérêts civils fait partie des enjeux qui méritent une attention particulière. En effet, en l’absence d’opposition, le créancier peut, conformément à l’article L.114-4 du code des procédures civiles d’exécution, poursuivre l’exécution d’une décision de justice exécutoire pendant un délai de dix ans, soit en matière correctionnelle, au-delà du délai de prescription de la peine. C’est ce qui explique qu’un condamné conserve parfois un intérêt à faire opposition d’un jugement dont la peine serait prescrite alors pourtant que celle-ci ne sera jamais ramenée à exécution. Jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel du 8 juin 2018, un condamné en matière délictuelle ne pouvait plus faire opposition après la prescription de la peine. Cette disposition a été abrogée. Le Conseil constitutionnel abroge ainsi une partie de l’article 492 du code de procédure pénale en estimant qu’en « privant la personne condamnée par défaut de la possibilité, lorsque la peine est prescrite, de former opposition, lorsqu’elle n’a pas eu connaissance de sa condamnation avant cette prescription et alors que des conséquences restent attachées à une peine même prescrite, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif ». Il est toutefois primordial de bien réfléchir aux conséquences d’une telle opposition dès lors qu’elle constitue le point de départ d’un nouveau délai de prescription, celui de l’action publique, ce qui veut dire que les poursuites peuvent alors reprendre leur cours. Or, il n’est en effet pas évident que le juge saisi d’une opposition puisse constater la prescription de la peine quand bien même celle–ci était acquise avant l’opposition, ce qui veut dire que l’opposant se retrouvera exposé à une autre condamnation donc à une autre peine. Il est par ailleurs constant que l’opposition du prévenu à l’exécution d’un jugement prononcé par défaut ne laisse pas subsister la condamnation du civilement responsable dès lors que cette condamnation est nécessairement subordonnée à celle de l’auteur de l’infraction. Le jugement par défaut est dans ce cas non avenu en toutes ses dispositions. La question qui demeure est de savoir si le condamné par défaut à une peine criminelle aura droit à un nouveau procès si celui-ci est interpellé ou s’il se constitue prisonnier après la prescription de la peine. Il se pourrait en effet, comme nous l’avons vu, que le Conseil constitutionnel n’ait pas tiré toutes les conséquences de sa décision en n’abrogeant pas en toutes ses dispositions l’article 133-5 du code pénal puisque cet article continue de prévoir que « les condamnés par contumace dont la peine est prescrite ne sont pas admis à purger la contumace ». Cette disposition mériterait de faire l’objet d’une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité.

2 Les délais relatifs à la prescription de l’action publique ont également été modifiés

3 Article 133-2 du code pénal

4 Article 133-3 du code pénal

5 Une signification irrégulière donc nulle, de la décision rendue par défaut ne permet de faire courir ni le délai d’opposition ni le délai de prescription de la peine de sorte que dans ce cas c’est l’action publique qui peut être éteinte. D’où l’intérêt de bien vérifier les conditions de signification du jugement.

6 Voir sur ce point infra n°8

7 CEDH, 13 février 2001 n◦ 29-731/96 kroambach c/ France, JCP-G 2001, I, 342, obs. F. Sudre.

8 Décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2014 n◦2014-403 QPC, Droit pénal, mars 2013, n◦ 3, « De quelques aspects insoupçonnés d’une QPC, à propos de l’abrogation de l’alinéa 5 de l’article 380-11 du code de procédure pénale, Jean-Charles Teissedre

9 N◦ 12-88.265

10 Supra n◦5

CHAPITRE II : LA CONTESTATION DES DÉCISIONS ET MANDATS DE JUSTICE

SECTION I : LA CONTESTATION DES DÉCISIONS DE JUSTICE

§1. les décisions rendues par dÉfaut

9. Il faut distinguer selon que la décision est rendue par un tribunal correctionnel compétent pour juger les délits ou par une cour d’assises compétente pour juger les crimes car les règles ne sont pas les mêmes selon la nature de la décision rendue11. Un contentieux relativement important existe en matière délictuelle concernant la nature du jugement puisqu’une décision rendue par défaut et une décision contradictoire n’emportent pas les mêmes conséquences juridiques. Lorsqu’un jugement est rendu par défaut, le recours qui est formé à son encontre –l’opposition– anéantit la décision et l’affaire sera rejugée devant la même juridiction. Un jugement contradictoire n’est quant à lui pas susceptible d’opposition, la seule voie de recours qui existe est l’appel ce qui veut dire que celui qui est absent lors du procès mais dont le jugement est expressément qualifié de contradictoire va perdre un degré de juridiction. Classiquement, nous distinguons le défaut correctionnel (A) du défaut criminel (B).

A/ Le défaut criminel

10. La procédure de défaut criminel a remplacé l’ancienne contumace qui a été jugée contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (ci-après Conv. EDH). Cela veut dire concrètement qu’il n’y a pas d’opposition possible à un arrêt de condamnation. Celui qui est interpellé en exécution d’un arrêt de condamnation à une peine privative de liberté doit être rejugé peu importe que le condamné ait été jugé selon la procédure de contumace qui a été remplacée par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 entrée en vigueur le 1er octobre 2004 par la procédure de défaut criminel. En effet, les personnes condamnées par contumace avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004 instituant la procédure de défaut sont considérées comme condamnées par défaut12. Désormais, l’accusé absent – qui sera ou non considéré comme un fugitif – peut toujours être défendu par un avocat et user des voies de recours, ce qui n’était pas le cas dans les procédures de contumace. Lorsque l’accusé est en fuite, la date de l’audience au cours de laquelle il doit être jugé doit lui être signifiée à son dernier domicile connu ou à étude d’huissier de justice ou, à défaut, au parquet du procureur de la République du tribunal judiciaire où siège la cour d’assises, au moins dix jours avant la date de l’audience13. L’accusé absent sans excuse valable à l’ouverture de l’audience est jugé par défaut selon la procédure désormais classique. Il en est de même lorsque l’absence de l’accusé est constatée au cours des débats. Dans tous les cas, la cour d’assises peut également décider de renvoyer l’affaire à une session ultérieure, après avoir décerné mandat d’arrêt contre l’accusé si un tel mandat n’a pas déjà été décerné14. Lorsque l’affaire est retenue, l’accusé absent est jugé, en présence du ou des avocats mais la cour statue sur l’accusation sans l’assistance des jurés, sauf si sont présents d’autres accusés jugés simultanément lors des débats, ou si l’absence de l’accusé a été constatée après la fin des débats. En cas de condamnation à une peine de prison ferme, la cour décerne mandat d’arrêt contre l’accusé sauf si celui-ci a déjà été décerné15. Si l’accusé condamné par défaut se constitue prisonnier ou s’il est arrêté avant que la peine ne soit éteinte par la prescription, l’arrêt de la cour d’assises est non avenu dans toutes ses dispositions (y compris civiles) et il est procédé à un nouvel examen de l’affaire. Le mandat d’arrêt vaut alors mandat de dépôt de sorte que l’accusé demeure détenu jusqu’à sa comparution devant la cour d’assises qui doit intervenir dans le délai d’un an. Ce délai pourra le cas échéant être prorogé de deux fois six mois par la chambre de l’instruction et ce, à titre exceptionnel. Si ces délais ne sont pas respectés, l’accusé est immédiatement remis en liberté16.

11.