La gestion des cabinets d’avocats - Antoine Henry de Frahan - E-Book

La gestion des cabinets d’avocats E-Book

Antoine Henry de Frahan

0,0
67,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

« Je ne doute pas que cet ouvrage sera dans la bibliothèque de tous ceux qui doivent réfléchir à l’organisation et la définition de la stratégie d’un cabinet d’avocats ».
Didier Martin, Senior Partner, Bredin Prat

« Antoine tient le lecteur en éveil, il lui tend un miroir, qu’il fasse déjà partie depuis longtemps d’une association ou qu’il soit seulement sur le point de se lancer dans l’aventure associative. Il aborde dans son ouvrage tous les sujets liés aux aléas d’une association, sans aucun tabou. Il nomme également les pierres sur lesquelles achoppent certains cabinets. (…) L’ouvrage suit une logique implacable et offre de véritables outils ».
Olivier Wouters, Managing Partner, Claeys & Engels

« L’ouvrage est précieux car il met le doigt sur les nombreux pièges au niveau de la structuration des fondamentaux de l’association que l’on peut éviter ou redresser avec des stratégies assez simples ». 
Manou Hoss, Managing Partner, Elvinger Hoss Prussen

Contrairement à ce que l’on entend souvent, les cabinets d’avocats ne sont pas des entreprises comme les autres. Comprendre leur spécificité par rapport aux autres organisations est indispensable pour en aborder la gestion de manière pertinente et efficace. À l’inverse, l’ignorance de ce qui les distingue amène à bien des erreurs de gestion.

En s’appuyant sur une compréhension fine de ce qui distingue les cabinets d’avocats, l’auteur offre une vision à 360° de l’ensemble des enjeux de leur gestion : stratégie, développement de la clientèle, organisation du travail, gestion des ressources humaines, gestion financière, infrastructure et technologie. Une attention particulière est consacrée à la dynamique associative, autrement dit aux relations entre associés, et notamment aux facteurs de réussite des associations, à la gouvernance des cabinets d’avocats et au système de rémunération des associés. Derrière ces différentes questions, un même fil rouge : la nécessité et la manière de mettre l’association et le cabinet dans son ensemble au service de la création de valeur au profit des clients, des associés et des collaborateurs.

En puisant dans son expérience de terrain, l’auteur illustre ses analyses de nombreux exemples et les complète avec des conseils pratiques. Ce livre intéressera tous les avocats soucieux d’optimiser la gestion de leur cabinet, aussi bien au sein de grandes associations que dans des cabinets de petite taille.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
MOBI

Seitenzahl: 594

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



La collection « Droit, management et stratégies », développée en partenariat avec le Centre européen de Droit et d’Économie (CEDE) de l’ESSEC, analyse l’activité juridique des entreprises et ses implications managériales et stratégiques. Elle explore, à partir de cas concrets, des sujets novateurs et d’actualité, comme les stratégies judiciaires de déstabilisation, la diffusion de l’innovation juridique, ou la gestion des risques juridiques.

La collection publie les travaux des chercheurs du CEDE de l’ESSEC, mais également ceux des chercheurs d’autres institutions travaillant sur l’analyse managériale du droit.

Sous la direction de Antoine Masson, chercheur associé au CEDE de l’ESSEC.

CHAMPAUD C., Manifeste pour la doctrine de l’entreprise. Sortir de la crise du financialisme, 2011.

de BEAUFORT V., MASSON A. (dir.), Lobbying et procès orchestrés, 2011.

BOUTHINON-DUMAS H., MASSON A. (dir.), Stratégies juridiques des acteurs économiques, 2012.

KARILA-VAILLANT C. (dir.), Organisation et management de la fonction juridique en entreprise, 2012.

CHAMPAUD C. (dir.), L’entreprise dans la société du 21e siècle, 2013.

MASSON A. (dir.), BOUTHINON-DUMAS H., de BEAUFORT V. et JENNY Fr., Stratégies d’instrumentalisation juridique et concurrence, 2013.

de BEAUFORT V., HACQUE-COSSON Fr. (dir.), Lobbying : cadre, outils et stratégies, 2015.

VARNAV M., Gestion des risques juridiques bancaires, 2015.

BOUTHINON-DUMAS H., PIGNARD-CHEYNEL N., KARILA-VAILLANT Ch. et MASSON A. (dir.), Communication juridique et judiciaire, 2015.

MASSON A. (coord.), L’innovation juridique et judiciaire. Méthodologie et perspectives, 2018.

QUIQUEREZ A. (coord.), Stratégies internationales et propriété intellectuelle, 2019.

de BEAUFORT V., Du lobbying au E-lobbying, 2019.

QUIQUEREZ A., RHATTAT R., Droit des start-up et de l’innovation. Approche pratique du droit des affaires, 2021.

Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domainede spécialisation, consultez nos sites web via www.larcier.com.

© Lefebvre Sarrut Belgium SA., 2022Éditions LarcierRue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles

EAN : 9781109298567

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

À la mémoire de Thierry Claeyset Jean-Pierre Blumberg,avec ma profonde gratitude

Remerciements

Ce livre est avant tout l’émanation d’une expérience de terrain. C’est au contact des avocats qui ont fait appel à moi depuis l’an 2000 que j’ai développé, étendu et approfondi ma compréhension de la dynamique des cabinets d’avocats. Je les en remercie.

La rencontre avec mon associé, Barend Blondé, fut pour moi une étape importante dans ma vie professionnelle. Barend m’a éveillé à de nombreuses perspectives intéressantes et innovantes. Sa perspicacité sur de nombreux sujets, les auteurs qu’il m’a recommandés et dont la lecture fut pour moi décisive et nos échanges dans le cadre des missions que nous avons menées ensemble ont été autant de sources d’enrichissement.

Ma gratitude s’exprime également pour les trois personnalités qui m’ont fait l’honneur de préfacer mon ouvrage. Il est inhabituel de faire démarrer un ouvrage par trois préfaces au lieu d’une seule, mais j’avais à cœur de donner la parole à des acteurs éminents de trois grandes places juridiques qui me sont familières, la Belgique, la France et le Luxembourg.

Je remercie aussi Mme Laurence Ortegat pour ses conseils avisés – son talent pour aider les auteurs à avancer résolument dans le travail d’écriture est précieux – ainsi que Me Benjamin Reuliaux et M. Serge Cornet pour leur relecture du manuscrit et leurs judicieuses suggestions pour l’améliorer.

Et enfin, je remercie mon éditeur, M. Nicolas Cassart, pour sa confiance… et pour sa patience, le respect d’un calendrier d’écriture étant un objectif pour le moins aléatoire lorsque l’écriture s’ajoute à une activité professionnelle de consultance à temps plein.

Sommaire

Remerciements

Préface d’Olivier Wouters

Préface de Didier Martin

Préface de Manou Hoss

Introduction

PARTIE 1. VUE D’ENSEMBLE

Chapitre 1. Le modèle de la roue

Chapitre 2. Association, cabinet ou entreprise ?

Chapitre 3. La création de valeur systémique

PARTIE 2. LA STRATÉGIE

Chapitre 4. Qu’est-ce que la stratégie ?

Chapitre 5. Le modèle ACLD

Chapitre 6. Gérer la mosaïque stratégique

Chapitre 7. Réussir l’exercice stratégique

PARTIE 3. LE DÉVELOPPEMENT DE LA CLIENTÈLE

Chapitre 8. Les prérequis

Chapitre 9. Les cinq enjeux

Chapitre 10. Un enjeu critique : le cross-selling

PARTIE 4. L’ORGANISATION DU TRAVAIL

Chapitre 11. La création de valeur comme principe organisateur

Chapitre 12. Améliorer l’organisation

PARTIE 5. LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Chapitre 13. Vue d’ensemble de la gestion RH

Chapitre 14. De la stratégie RH à la réussite des embauches

Chapitre 15. De l’intégration au départ du collaborateur

Chapitre 16. Gérer le départ et animer le réseau des anciens

Chapitre 17. La gestion RH appliquée aux associés et au personnel

PARTIE 6. LA GESTION FINANCIÈRE

Chapitre 18. Introduction à la gestion financière

Chapitre 19. Optimiser les recettes

Chapitre 20. La politique de pricing

Chapitre 21. La gestion des dépenses

Chapitre 22. Le financement du cabinet

PARTIE 7. L’INFRASTRUCTURE ET LA TECHNOLOGIE

Chapitre 23. La technologie va-t-elle remplacer les avocats ?

Chapitre 24. Réussir la transformation digitale du cabinet

Chapitre 25. La dématérialisation du cabinet d’avocats

PARTIE 8. LES CLÉS DU SUCCÈS DES ASSOCIATIONS PERFORMANTES

Chapitre 26. Vue d’ensemble

Chapitre 27. L’indispensable création de valeur associative

Chapitre 28. Dialoguer sur la valeur

Chapitre 29. Les alternatives à l’association

Chapitre 30. Optimiser la gouvernance de l’association

Chapitre 31. Comprendre les relations de pouvoir

Chapitre 32. Optimiser le système de rémunération des associés

Chapitre 33. Cultiver l’intelligence relationnelle des associés

Conclusion

Annexe 1. L’index fonctionnel

Annexe 2. Qu’est-ce qu’un excellent associé ?

Bibliographie

Préface d’Olivier Wouters

Quand Antoine Henry de Frahan fait les choses, il les fait assurément très bien. Il n’est pas du genre à se satisfaire d’un travail à moitié fait. Le présent ouvrage en constitue indéniablement un nouvel exemple !

Lorsqu’Antoine m’a sollicité pour rédiger une préface à son manuscrit, je n’ai pas hésité une seule seconde. Antoine connaît en effet mieux que personne le monde du barreau et j’étais à titre personnel très curieux de découvrir ses analyses et conclusions sur la gestion des cabinets d’avocats.

Antoine a lui-même travaillé plusieurs années en tant qu’avocat au sein d’un cabinet renommé, et il fournit depuis plus de vingt ans conseils et assistance à quantité de cabinets d’avocats, dont le cabinet Claeys & Engels. Vous avez dès lors sous les yeux un ouvrage de référence particulièrement intéressant dès lors qu’il ne s’assimile en rien à une reproduction abstraite de modèles théoriques d’organisation. Loin de là. Cet ouvrage est empreint de la large expérience de terrain accumulée par Antoine au cours des vingt dernières années tant en Belgique qu’à l’étranger.

Tout ceci confère au contenu du présent ouvrage une très grande crédibilité. Ce qui est essentiel puisque les avocats sont généralement des auditeurs ou lecteurs critiques, surtout lorsqu’il s’agit de gérer un cabinet. Il n’est d’ailleurs pas rare de surprendre un avocat affirmer sa conviction d’être le mieux placé pour le diriger.

À titre personnel, la date de publication de l’ouvrage me semble particulièrement bien choisie. Tout comme si Antoine l’avait magistralement ressenti. Nous nous trouvons en effet à l’aube d’une nouvelle décennie et nombreuses sont les organisations – et le monde du barreau n’y échappe pas – à se poser de multiples questions sur leur positionnement à l’ère post-Covid. Nombreux également sont ceux qui, en raison du grand isolement lié au (télé)travail, se sont interrogés au cours des derniers mois sur le sens de leur métier d’avocat et leur travail au sein d’une association. Antoine tente dans le présent ouvrage d’y apporter une réponse. On comprend dès lors mieux que le fond de son propos traite de l’indispensable création de la valeur associative. La thèse d’Antoine est la suivante : « Le fondement d’une association réussie, c’est la volonté délibérée des associés de créer de la valeur les uns pour les autres. »

L’ouvrage porte un regard positif, volontaire mais en même temps réaliste, si caractéristique de l’Antoine que je connais personnellement. L’ouvrage est à cet égard une littérature résolument plus optimiste que certains livres parus ces dernières années, qui brossaient un tableau apocalyptique de la fin de l’existence des cabinets d’avocats.

Le lecteur ne doit toutefois pas s’y tromper. Cet ouvrage ne s’apparente en rien à un horoscope où le lecteur pourrait puiser à l’envi ce qui lui conviendrait… Car Antoine tient le lecteur en éveil, il lui tend un miroir, qu’il fasse déjà partie depuis longtemps d’une association ou qu’il soit seulement sur le point de se lancer dans l’aventure associative.

Antoine aborde dans son ouvrage tous les sujets liés aux aléas d’une association, sans aucun tabou. Il nomme également les pierres sur lesquelles achoppent certains cabinets. L’ouvrage s’inscrit en outre parfaitement dans l’air du temps, comme il ressort de son propos sur l’impact de la numérisation et sur les modes de travail hybrides à l’ère post-Covid.

L’ouvrage suit une logique implacable et offre de véritables outils. On reconnaît bien là le talent pédagogique de l’auteur qui, au début de chaque chapitre, jette des ponts avec le chapitre qui précède. La gestion d’un cabinet ne peut en effet se réduire à une division artificielle. Il s’agit en quelque sorte d’un tout qui doit s’appuyer sur une seule vision et stratégie vues dans leur globalité.

Antoine pose d’abord les principes pour citer ensuite des exemples pratiques réels. Il énumère également les pour et les contre. Même si les exemples ont été anonymisés, ils restent plausibles et pertinents. L’ouvrage suscite surtout l’envie débordante de le mettre immédiatement à profit. Dans le même temps, Antoine sait également faire preuve de réalisme, raison pour laquelle il indiquera régulièrement au fil des pages que certains changements nécessiteront vraisemblablement beaucoup plus de temps. Le corps des avocats compte en effet de fortes têtes dans ses rangs. À certains moments, cette profession peut apparaître très individualiste, mais l’appel lancé par Antoine à dépasser cet individualisme ne peut qu’être entendu. Lorsqu’il explique par exemple l’importance du cross-selling. Notre devise au cabinet est que nous sommes beaucoup plus forts en groupe, notre charte de valeurs est d’ailleurs très explicite sur ce point. Tout l’art consiste à en faire un véritable travail d’équipe. À l’instar par exemple du football ou du hockey. Ces sports d’équipe comptent des joueurs au caractère fort qui ne pourront toutefois marquer que s’ils peuvent s’appuyer sur un véritable jeu collectif. Ce passage du livre où Antoine s’étonne que de nombreux cabinets ne disposent pas d’une véritable vision ou stratégie, trop préoccupés qu’ils sont à additionner les visions de chaque associé individuellement, m’a dès lors semblé particulièrement intéressant. C’est à juste titre qu’Antoine remet en cause cette manière de faire. Tout en souhaitant y apporter des solutions.

Le texte, haut en couleur, a été rédigé sous le sceau d’une grande passion, et comporte des graphiques très visuels. C’est comme si à certains moments l’on entendait Antoine déclamer son texte à haute voix. Antoine souhaite véritablement prendre son lecteur par la main. Les astuces qu’il prodigue n’ont rien de moralisateur. Son objectif est avant tout de partager généreusement sa riche expérience avec le lecteur. Il s’agit d’ailleurs pour moi d’un véritable cahier d’exercices. Au fil de ma lecture, j’ai été frappé du nombre de fois où j’ai surligné certains passages du manuscrit, soit pour les faire ressortir, soit pour compléter de très utiles listes de contrôle.

Cet excellent ouvrage contribue à une sérieuse remise en question tout en guidant le lecteur dans sa quête. La lecture des toutes premières pages du manuscrit a immédiatement fait renaître en moi les mots de mon propre patron, feu Thierry Claeys : « Oser se remettre régulièrement en question constitue la clé du succès pour le futur ». Il fut une époque où Antoine collaborait énormément avec Thierry, il ne fait aucun doute que ces mots résonneront également en lui.

Pour toutes ces raisons, je tiens à féliciter Antoine du fond du cœur pour ce si bel ouvrage ! Je vous souhaite, ami lecteur, d’en retirer beaucoup d’inspiration et de réflexion.

Olivier WoutersAvocat au barreau de BruxellesManaging partner, Claeys & Engels

Préface de Didier Martin

Antoine Henry de Frahan a commencé ses études juridiques à l’université libre de Bruxelles puis a rejoint la Columbia Law School à New York. Après avoir été collaborateur de cabinets internationaux, il a intégré le service juridique d’un grand groupe international. Profitant de sa formation universitaire et de sa carrière professionnelle il est devenu un expert de la gestion des cabinets d’avocats et des services juridiques plus particulièrement des sociétés multinationales.

L’auteur s’est nourri de livres de référence sur le management et l’organisation. Il en a acquis une vision opérationnelle des cabinets.

Enseignant dans une école de commerce il a maintenant décidé d’écrire un livre s’inspirant de son expérience qui constitue une véritable source de réflexion pour la profession.

Les cabinets américains ou britanniques sont conseillés pour leur organisation depuis au moins une trentaine d’années. Les experts sollicités ont écrit les premiers ouvrages sur l’évolution de la profession et les réflexions à mener pour définir une stratégie. Quelques livres sont parus plus récemment sur ce sujet en Europe continentale. Celui-ci fera date.

Tout en constatant que cette profession est caractérisée par un fort intuitu personae, l’auteur détaille les raisons pour lesquelles l’avocat doit se confronter aux principes et règles de fonctionnement des entreprises. Il rappelle qu’il est essentiel de se poser les bonnes questions avant de déterminer un plan d’action.

L’ouvrage est composé comme un recueil de conseils pour la création d’un cabinet mais aussi comme un guide pour les associés qui veulent le développer. Sont ainsi concernées les associations qui ont déjà dépassé un certain seuil d’organisation et qui doivent réfléchir à leur évolution.

Le panorama est complet : les relations entre les associés, la stratégie générale, le développement de la clientèle, le traitement des dossiers, la gestion des collaborateurs et du personnel, la technologie, l’infrastructure et la logistique.

L’auteur va au-delà des apparences et fait preuve d’une grande perspicacité. Prenons l’exemple de la notoriété, il est justement relevé qu’elle n’est pas nécessairement synonyme de prospérité ou d’attractivité probable de nouveaux dossiers. Elle ne peut avoir cet effet que si elle s’insère dans une réflexion plus construite.

Les recommandations concernant les rémunérations sont éclairantes avec différentes propositions. Cette question est, comme on le sait, déterminante pour l’entente entre associés et la cohésion de toute association.

Les courts développements consacrés à la gestion des risques et le regret qu’il n’y ait pas d’enseignement à la faculté sur cette question illustrent la pleine appréhension par l’auteur de l’attente des clients d’un avocat. Ceux qui concernent la création de valeur associative permettent de comprendre ce qu’une association peut apporter à chacun de ses membres. Cette partie du livre mérite d’être lue attentivement.

Les encadrés du livre contiennent des réflexions pleines de bon sens et des leçons d’expérience fort utiles.

Les différents questionnaires permettent de mieux déterminer les raisons qui guident les réussites ou les échecs d’un cabinet. Il en est ainsi, par exemple, pour le cross-selling. Le dernier qui se trouve en annexe a pour objet d’apprécier, non sans une certaine ironie, ce qu’est un excellent associé.

Contrairement à ce que des conseils anglo-saxons avaient prédit il y a une quinzaine d’années en intitulant un livre « la mort des juristes », le constat est fait que l’intelligence artificielle et les nouveaux outils digitalisés ont aidé et vont plutôt aider les avocats dans les services qu’ils peuvent rendre. Cette observation est assez convaincante avec le recul que nous avons maintenant à l’égard des nouvelles technologies.

Je ne doute pas que cet ouvrage sera dans la bibliothèque de tous ceux qui doivent réfléchir à l’organisation et la définition de la stratégie d’un cabinet d’avocats.

Didier MartinAvocat à la CourSenior partner, Bredin PratParis

Préface de Manou Hoss

L’ouvrage d’Antoine Henry de Frahan dépasse la simple théorie de la gestion et offre des pistes de réflexion et des conseils pragmatiques pour les choix stratégiques tant au niveau du développement de la clientèle qu’au niveau de la gestion interne.

Les nombreux exemples et anecdotes agrémentent les passages plus théoriques et donnent un côté vivant et réel à l’exposé. Le lecteur averti retrouve, traitées avec légèreté et une pointe d’humour, des caractéristiques humaines et professionnelles de nombreux confrères.

J’ai été marquée par trois idées fondamentales.

Premièrement, Antoine Henry de Frahan a la sagesse de mettre l’association et les choix faits par les associés au cœur de la gestion des cabinets d’avocats tout en insistant de manière complète et pragmatique sur les autres défis managériaux de gestion communs à toute entreprise (finances, ressources humaines, technologies, gestion de l’information, etc.). L’ouvrage est précieux car il met le doigt sur les nombreux pièges au niveau de la structuration des fondamentaux de l’association que l’on peut éviter ou redresser avec des stratégies assez simples à condition d’être attentifs aux signes avant-coureurs. Ainsi, il incite à une vraie réflexion stratégique et développe les nombreuses alternatives qui s’offrent aux cabinets.

Deuxièmement, j’ai apprécié la mise en avant de la création de valeur. D’abord comme mission primordiale, la création de la valeur pour les clients, mais au-delà de cette mission première aussi la création de la valeur pour les autres parties prenantes au sein du cabinet, c’est-à-dire les associés, les collaborateurs et le personnel. Sur ce point, Antoine souligne l’importance de la valeur financière, mais insiste surtout sur les autres plaisirs professionnels, les dossiers intéressants, les réflexions juridiques souvent complexes, la camaraderie, le partage du know-how, la reconnaissance de ses pairs, le tout dans un environnement intellectuel et confraternel stimulant.

Finalement, la lecture fait clairement ressortir que même si les avocats sont souvent perfectionnistes, la perfection n’est pas de ce monde et que, pour réussir la gestion d’un cabinet d’avocats, ceux-ci doivent sortir de leur programmation initiale critique et se mettre dans un monde collaboratif afin de soutenir les choix de leur association. En effet, nous sommes professionnellement formés pour être critiques et sceptiques. Pour nos clients, ce sont nos points forts. L’enjeu pour la gestion du cabinet est de favoriser une culture interne qui préserve ces forces tout en veillant à ce que dans les relations des uns avec les autres, la cohésion l’emporte.

L’ouvrage adresse avec pertinence ce challenge constant de la définition et de l’adhésion au projet commun. Il insiste surtout vers la fin sur la remise en cause et l’adaptation régulière dudit projet pour garder toute sa pertinence et la dynamique de développement nécessaire à la réinvention et à l’adhésion des nouvelles générations.

En ce sens, la lecture de cet ouvrage est intéressante pour ceux qui se destinent à la gestion d’un cabinet à créer ou à briguer un mandat de managing partner et elle est également enrichissante pour tous ceux qui sont déjà associés ou qui ont l’ambition de devenir associés dans un cabinet existant pour en comprendre et éventuellement en discuter les choix stratégiques.

Manou HossAvocateManaging partner, Elvinger Hoss PrussenLuxembourg

Introduction

La gestion des cabinets d’avocats m’a toujours intéressé. Je me souviens, à l’aube de ma carrière professionnelle, de la délectation avec laquelle je dévorais les articles de David Maister, le père incontesté de la discipline. Je les avais trouvés, rassemblés dans un classeur, dans la bibliothèque de Jean-Pierre Blumberg, mon maître de stage. Ces articles mettaient des mots sur des choses que je pressentais sans pouvoir encore les nommer, proposaient des analyses éclairantes et présentaient des pistes de solutions qui me semblaient prometteuses. Surtout, ils m’outillaient pour mieux comprendre l’environnement dans lequel j’évoluais et pour distinguer les dynamiques à l’œuvre. Cette passion pour la compréhension et l’amélioration des organisations ne m’a jamais quitté. C’est donc assez logiquement qu’après une dizaine d’années consacrées à la pratique du droit, je me suis lancé, en l’an 2000, dans une carrière de consultant avec l’ambition d’aider notamment les cabinets d’avocats à relever les défis d’organisation et de stratégie auxquels ils sont confrontés.

L’aventure a été passionnante, et elle continue à l’être. Elle m’a fait parcourir l’Europe du Nord au Sud et d’Est en Ouest, m’a conduit en Chine, en Amérique du Nord et dans les pays du Golfe, et m’a donné l’occasion de rencontrer et de travailler avec des avocats et des juristes des cinq continents. Au fil des ans, les enjeux pour lesquels mes clients me consultaient se sont multipliés et complexifiés : enseignement des soft skills, développement de la clientèle, optimisation du pricing, expansion internationale, gestion des collaborateurs, définition de la stratégie, mise au point du système de rémunération des associés, gestion des tensions entre associés, projets de fusion, création de nouvelles associations, mise en place de plans de carrière pour les collaborateurs, structures de gouvernance… Chaque mission a été l’occasion de découvrir de nouvelles choses, d’affiner mes outils d’analyse et de remédiation et d’entrer plus loin dans une compréhension fine du fonctionnement des cabinets d’avocats.

Ce livre est le résultat de cette expérience de terrain de plus de vingt années. Il est écrit pour les avocats qui s’intéressent à la gestion de leur cabinet, qu’il s’agisse d’une microstructure unipersonnelle ou d’un grand cabinet international. Il est aussi écrit pour les managers professionnels qui les assistent en matière de gestion des ressources humaines, de marketing, de gestion financière, etc. ainsi que pour les consultants qui les conseillent.

Mon idée initiale n’était de parler que de la dynamique associative, de montrer l’importance de la relation entre les associés, les nombreuses « pathologies » de cette relation et les manières de les prévenir et d’y porter remède afin de rendre les associations pérennes et florissantes. Cette question est abordée dans la partie 8. Mon éditeur m’a cependant convaincu d’étendre le propos à la gestion du cabinet dans son ensemble, sans me limiter aux relations entre associés. Le livre qui en résulte est donc ambitieux : il vise à donner une vue synthétique de tous les leviers de la gestion d’un cabinet d’avocats. Mon éditeur a eu raison de m’y inciter, car une telle vision synthétique est indispensable pour diagnostiquer et remédier à certains problèmes : ce qui se présente comme un problème en matière de gestion des ressources humaines peut en effet être le révélateur d’un manque de clarté de la stratégie générale ; la solution à un problème que l’on pense lié à la gestion financière peut se trouver dans la manière d’aborder les clients ; ce que l’on pense être un manque de clients peut en réalité signaler une politique de pricing inadéquate. Et ainsi de suite. Tout est lié. Par conséquent, la perspective de ce livre est large et complète, mais du coup tout n’est pas détaillé, loin de là. De nombreux sujets abordés, parfois juste effleurés, mériteraient sans aucun doute des développements plus approfondis. Mais précisément, mon ambition est de donner une vision panoramique et reliée de tous les enjeux de la gestion des cabinets d’avocats. Ce que l’on perd en détail, on le gagne en vision systémique.

Le fil rouge commun aux différents chapitres est l’idée de création de valeur. J’ai, dans un livre précédent, exploré cette notion en détail. Je l’applique ici au cas particulier des cabinets d’avocats.

À l’aube de ma vie professionnelle, j’avais formé le vœu secret de devenir un « théoricien du pragmatisme ». Je voulais expliquer le pourquoi des choses, analyser les dynamiques sous-jacentes, proposer des modèles, mais sans me cantonner à des considérations théoriques sans utilité pratique et en veillant autant que possible à prolonger la réflexion théorique dans des conseils concrets. J’espère me rapprocher de cet idéal de jeunesse dans ce livre. Le lecteur y trouvera des idées que j’espère inspirantes, mais aussi de nombreux exemples tirés de situations réelles et autant de recommandations pratiques. J’ai bien entendu soigneusement brouillé les pistes pour rendre vaine toute tentative de déceler l’identité des cabinets et des personnes qui se cachent derrière les protagonistes de mes exemples.

Trente ans après ma découverte de l’œuvre de David Maister, c’est à mon tour de m’engager sur la voie tracée par l’illustre maître en prenant la plume. Si au fil des pages, le lecteur trouve de la nourriture stimulante pour l’esprit et de l’inspiration pour l’action, j’aurai pleinement atteint mon objectif.

PARTIE 1

VUE D’ENSEMBLE

CHAPITRE 1

Le modèle de la roue

Penser utilement la gestion du cabinet d’avocats requiert de disposer d’une vue d’ensemble de la question. Pour éviter d’aborder les choses de manière incomplète, partielle ou fragmentaire, pour relier en elle toutes les facettes de la gestion, un modèle global s’impose et constitue le point de départ logique de la réflexion.

Les six fonctions clés

Gérer un cabinet d’avocats de manière optimale consiste, fondamentalement, à organiser et à assurer six fonctions clés. Celles-ci s’imposent quelle que soit la taille du cabinet, depuis l’activité exercée en solo jusqu’aux grandes associations internationales :

■La fonction commerciale. Même si le terme rebute parfois les avocats quand on l’applique à leur profession, il désigne un impératif évident : la mise en place de dispositifs efficaces pour acquérir des clients et attirer des nouvelles affaires. C’est ce que l’on appelle « marketing & ventes » dans les entreprises ordinaires, et « développement de la clientèle » dans les cabinets d’avocats (où l’on utilise souvent, pour désigner la même chose, les termes de business development ou de client development, voire de client relationship management).

■La fonction opérationnelle. Celle-ci consiste à organiser le travail de la meilleure manière possible en apportant des réponses claires et précises à quelques questions simples : par rapport au travail qui doit être accompli, qui fait quoi, quand, où et comment ? Même si la réponse se limite dans certains cas à des règles élémentaires (les pièces dans la farde rouge, la correspondance dans la farde bleue et les avis dans la farde verte), une bonne organisation est indispensable pour que le travail soit accompli de manière efficace, rentable, dans les temps, avec un niveau de qualité homogène, le tout aboutissant à un degré élevé de satisfaction des clients.

■La fonction de gestion des ressources humaines. Les cabinets d’avocats doivent attirer et engager des collaborateurs et du personnel (assistants, réceptionniste, personnel d’encadrement, etc.) et les encadrer tout au long de leur carrière, sauf dans le cas de l’avocat isolé, choisissant non seulement de ne pas s’associer mais en plus de n’engager ni collaborateur, ni stagiaire, ni assistant. Pour les autres, quand on connaît les difficultés que rencontrent la plupart des cabinets pour attirer et conserver des collaborateurs compétents et motivés, on mesure l’importance capitale de cette fonction.

■La fonction financière. Les cabinets d’avocats doivent facturer et encaisser des honoraires, payer les factures, gérer leur trésorerie et tenir leur comptabilité. L’enjeu est de le faire de manière optimale.

■La fonction technologique. On imagine mal aujourd’hui un cabinet d’avocats démuni d’ordinateurs, de logiciels et d’outils informatiques, ou ne se souciant guère de la cybersécurité. À l’heure où la transformation digitale des entreprises fait la une, les cabinets d’avocats n’échappent pas à cette lame de fond.

■La fonction logistique : du choix des bureaux à leur aménagement, en passant par l’entretien du bâtiment, les achats de fournitures de bureau et les mille détails pratiques de vie quotidienne, gérer un cabinet d’avocats consiste aussi à prendre soin et à faire des choix en matière d’infrastructure et d’organisation concrète du quotidien.

On peut représenter l’ensemble des fonctions clés sous forme d’une roue :

L’image de la roue illustre l’idée que pour que « ça tourne » et que « ça avance », il faut que la roue soit parfaitement ronde : il ne peut manquer aucun des quartiers, et si l’un d’eux est déformé ou n’occupe pas correctement sa place dans le cercle (par exemple, si la gestion financière est inadéquate), c’est toute la roue – toute l’entreprise – qui est affectée et qui n’avancera pas.

Fonctions clés et sous-fonctions

Ces six fonctions clés peuvent à leur tour être décomposées en sous-fonctions. Par exemple, « la fonction des ressources humaines » comprend notamment le recrutement, l’intégration des nouveaux, la formation et le développement des collaborateurs, les plans de carrière, la gestion de la performance, la politique de rémunération, etc.

Le lecteur aurait d’ailleurs pu s’étonner, en parcourant la liste des six fonctions clés, de ne pas y trouver la gestion des connaissances : la qualité de celle-ci est en effet un enjeu d’une importance évidente pour les cabinets d’avocats, mais je la définis comme une des sous-fonctions de la fonction clé « organisation du travail ». Cela dit, si certains veulent la considérer comme une fonction indépendante sur le même pied que les autres, libre à eux : la liste proposée n’a évidemment rien d’obligatoire, chacun pouvant l’adapter selon sa vision des choses.

Lorsque l’on détaille, pour chacune des fonctions clés, les sous-fonctions qui la composent, on obtient une liste exhaustive, concrète et précise de toutes les fonctions qu’englobe la notion de gestion appliquée aux cabinets d’avocats. Le lecteur en trouvera un exemple dans les annexes au présent ouvrage, étant entendu qu’il ne s’agit que d’une proposition et qu’il appartient à chaque cabinet de l’adapter à sa situation particulière1.

La place centrale de la stratégie

Il manque cependant à notre schéma le moyeu de la roue, cette partie centrale à laquelle les différents rayons s’arriment et qui assure la solidité de l’ensemble. C’est le rôle de la stratégie, que l’on définira – pour le moment – comme la direction générale commune qui s’impose à toutes les fonctions clés. En d’autres termes, la stratégie oriente l’ensemble des fonctions clés et assure de cette façon la cohérence de la gestion du cabinet : chaque fonction clé n’est pas administrée de manière indépendante l’une de l’autre mais est mise au service d’une stratégie qui la « transcende ». Complétons donc notre schéma comme suit :

Dans ce cabinet d’avocats, la personne en charge du recrutement des collaborateurs était dans une situation impossible. Elle recevait constamment des instructions contradictoires des différents associés. Pour les uns, il était indispensable que les candidats aient un diplôme complémentaire obtenu dans une prestigieuse law school américaine ou britannique et une excellente connaissance de l’anglais. Pour les autres, cela était superflu et même indésirable, car on était obligé d’offrir des rémunérations plus élevées pour des qualifications et des compétences dont on n’avait pas besoin.

Il était par conséquent impossible à cette personne de recruter un candidat sans se fâcher avec la moitié des associés. La compétence de ce responsable n’était toutefois pas en cause car le problème provenait de l’absence de choix stratégique de la part des associés : le cabinet avait-il pour vocation d’attirer une clientèle internationale, pour laquelle la connaissance de l’anglais était évidemment indispensable, ou ambitionnait-il plutôt de servir une clientèle locale ? Cette question, éminemment stratégique, n’était pas tranchée, les associés étant divisés en deux clans sur ce point. Cette absence de ligne stratégique claire rendait impossible pour le responsable RH d’agir de manière cohérente et efficace.

L’association, « cœur du cœur » du cabinet

Si la stratégie doit être placée au centre des six fonctions clés, l’efficience associative mérite d’être placée au cœur de la stratégie. Cela ne concerne bien entendu que les avocats qui exercent leur profession au sein d’une association, et pas les avocats sans associés et qui n’envisagent pas d’en acquérir.

Une bonne stratégie est nécessaire pour aligner les six fonctions clés, mais dans le cas des associations, l’élaboration de cette stratégie nécessite que les associés aient collectivement la volonté et la capacité de dialoguer et de prendre des décisions, précisément pour formuler et mettre en œuvre cette stratégie : c’est ce que j’entends par « efficience associative ». Celle-ci est donc, dans les associations, au cœur de tout le dispositif de gestion du cabinet, car si les associés peinent à s’entendre, la stratégie du cabinet risque d’être vague, incohérente ou inexistante, et cela se traduira immanquablement dans des difficultés au niveau des six fonctions clés.

On me demande de donner à l’équipe de management d’un cabinet (le marketing manager, le HR manager, l’office manager, l’IT manager et le finance manager) une formation au management, au motif que les personnes considérées seraient dénuées de compétences en la matière. Selon les associés qui me confient la mission, « ils sont complètement nuls ».

J’entreprends donc de leur enseigner les bases du management, à commencer par l’art de formuler des objectifs. À ce moment, les participants se mettent à rire. Interrogés sur le point de savoir si j’ai dit quelque chose de drôle, ils me répondent que, en ce qui concerne la fixation des objectifs, ce ne sont pas eux qui devraient assister à la formation, mais plutôt les associés : ceux-ci, d’après les participants, sont incapables de s’entendre sur des objectifs communs, chacun y allant de ses instructions aux managers, le tout résultant en une constante cacophonie. On leur reproche d’être incompétents, mais comment pourraient-ils travailler avec efficacité quand chacun des associés attend d’eux des choses différentes et contradictoires ?

J’en fais part à l’associé avec lequel je suis en contact pour cette mission, suggérant qu’il serait utile de réunir les associés pour aborder la question. Il convient de l’exactitude du diagnostic mais exclut d’emblée le traitement proposé : « Si on se met autour de la table pour tenter de définir des objectifs communs, on ne va pas en sortir vivant ! » En réalité, le climat entre les associés est tendu au point de rendre impossible toute discussion sérieuse sur la stratégie du cabinet. Pour éviter l’explosion, mieux vaut donc, selon l’associé en question, laisser les choses en l’état…

Il faut donc compléter le schéma en plaçant l’association au centre. Celle-ci a beau n’être qu’une partie de l’ensemble, elle n’en a pas moins un effet global sur toutes les fonctions : la santé associative est une condition essentielle de la prospérité des entreprises d’avocats. Gérer une association d’avocats, ce n’est donc pas seulement attirer des clients, fournir un travail de qualité, engager et conserver des bons collaborateurs, etc. C’est aussi, et avant tout, assurer le bon fonctionnement du groupe que forment les associés.

Utilisation concrète du modèle

Le modèle de la roue, tel qu’on vient de l’exposer, est plus qu’une simple représentation de ce qui compose la gestion d’un cabinet d’avocats. C’est un outil que l’on peut utiliser concrètement de multiples façons :

■ pour composer l’ordre du jour des réunions d’associés ou du comité de gestion, l’idée étant de parcourir systématiquement ces différents points afin de s’assurer de n’avoir rien oublié (« Qu’y a-t-il d’important à dire, cette semaine, à propos de chacune des six fonctions clés ? ») ;

■ pour répartir les responsabilités entre les associés ou entre différents comités, l’un s’occupant de l’informatique, un autre des finances, etc., pour autant bien sûr que les personnes concernées possèdent un bagage suffisant en la matière et ne considèrent pas celle-ci comme leur fief exclusif ;

■ pour réaliser un « audit minute » : sur une grande affiche sur laquelle est imprimée la roue en question, on invite tous les associés à inscrire, pour chacun des quartiers, une croix verte (tout va bien), rouge (la situation est grave) ou orange (la situation n’est pas encore grave mais pas optimale non plus). On peut ainsi, en quelques minutes, faire une photographie du cabinet révélant ses points forts et ses points faibles (ou à tout le moins de l’opinion des associés à ce sujet) ;

■ pour fixer les objectifs annuels ou trimestriels, l’exercice consistant à définir les trois objectifs prioritaires pour chacun des segments de la roue pour la période à venir.

De la roue au tableau à double entrée

Bien entendu, la santé du cabinet ne nécessite pas seulement que chacune de ces fonctions clés soit performante, mais aussi que les interactions entre elles soient harmonieuses et fructueuses. L’idée est évidente et banale, sa mise en pratique sur le terrain l’est beaucoup moins. Le fonctionnement « en silos », où chacune des fonctions exerce ses attributions sans se concerter avec les autres, aboutit immanquablement à des impasses.

Le responsable des ressources humaines de ce cabinet mène une enquête auprès des collaborateurs pour déterminer les thèmes de formation qui les intéressent. Le développement de la clientèle arrive en tête. Le responsable lance donc un programme de formation sur le sujet en faisant appel à une agence, mais néglige d’impliquer le responsable du marketing, qui anime toutes les initiatives du cabinet dans ce rayon. Du coup, le contenu de la formation est déconnecté des projets et des orientations définis par le responsable du marketing, et la formation, plutôt que de mobiliser et de motiver les collaborateurs, leur offre le spectacle désolant d’instructions contradictoires et d’inefficience organisationnelle.

Le modèle de la roue que nous avons construit jusqu’ici a l’avantage de montrer les six fonctions clés, l’importance de la stratégie comme élément fédérateur et la place centrale de l’efficience associative au cœur de tout l’édifice. Néanmoins, il a l’inconvénient de représenter les différentes fonctions clés comme des domaines isolés et sans intersection, et parfois éloignés les uns des autres. (Dans le modèle de la roue, la fonction commerciale, par exemple, est à l’opposé de la fonction des ressources humaines.)

Il convient dès lors d’ajouter au modèle de la roue une autre représentation graphique pour mettre en lumière les multiples interfaces entre les différentes fonctions. Celle-ci nous est fournie par un tableau à double entrée dans lequel on retrouve la liste complète tant dans la rangée du haut que dans la colonne de droite. Ce tableau permet de mettre en relation tous les éléments les uns avec les autres et favorise par conséquent la réflexion sur les synergies possibles, les interdépendances, les effets indirects, etc.

Par exemple, le responsable de la gestion des ressources humaines, plutôt que de raisonner et d’agir en vase clos, serait amené, lorsqu’il utilise ce tableau, à se poser les questions suivantes :

■ Est-il nécessaire d’organiser des formations en gestion des équipes pour les associés ?

■ Les plans de formations qui visent les collaborateurs contribuent-ils aux objectifs stratégiques du cabinet ?

■ Dans quelle mesure les plans de développement de la clientèle élaborés par les associés et par le responsable du marketing nécessitent-ils une formation des collaborateurs, et pour développer quelles compétences exactement ?

■ Les avocats utilisent-ils de manière optimale les outils informatiques mis à leur disposition ? Sinon, ne conviendrait-il pas d’organiser, avec l’équipe en charge de l’informatique, une formation pratique à ce sujet ?

■ Etc.

**     *

Ce premier chapitre nous a permis de dresser un tableau synthétique de ce qu’il faut entendre par « gestion d’un cabinet d’avocats » et d’envisager comment les différentes composantes s’articulent les unes avec les autres. Au-delà de cette clarification sémantique, il a proposé deux graphiques, la roue et le tableau à double entrée, dont l’utilité pratique au quotidien est avérée pour structurer la réflexion, organiser l’information, rendre efficace la communication et favoriser une approche transversale de la gestion du cabinet.

Passons à présent à l’étape suivante en revenant sur une distinction déjà implicite dans tout ce premier chapitre, mais à propos de laquelle il reste des choses importantes à dire : la différence entre le cabinet, d’une part, et l’association, de l’autre.

1. Sur l’importance et l’utilité pratique d’une telle classification, voy. D. FINKEL et S. HARKNESS, Build a Business Not a Job, 3e éd., Bradstreet and Sons, 2017.

CHAPITRE 2

Association, cabinet ou entreprise ?

Association ou cabinet ?

Au sens strict, le terme « association » désigne le système formé par les associés et les interactions entre eux. Par définition, une association est formée par des associés, et rien que par eux. En revanche, l’ensemble de l’organisation dirigée par les associés, que l’on appelle « cabinet » ici, « étude » là-bas, ou law firm ailleurs, est un système plus large qui inclut les associés mais aussi les collaborateurs et le personnel salarié.

Association et cabinet ne sont donc pas des synonymes : la première est un sous-ensemble du second. On peut faire partie du cabinet sans faire partie de l’association ; c’est d’ailleurs souvent le cas de la majorité du personnel du cabinet.

Il peut d’ailleurs y avoir un cabinet sans association : c’est le cas des avocats solo et de ceux qui, bien qu’entourés d’une équipe de collaborateurs et d’assistants, n’ont pas d’associés.

Les termes n’étant donc pas synonymes, il est fâcheux d’utiliser l’un pour l’autre. La confusion entre association et cabinet et les erreurs sémantiques qui en découlent peuvent avoir des effets indésirables sur le sentiment d’appartenance et le moral des troupes…

Lors de son discours annuel devant l’ensemble du personnel du cabinet, le managing partner se félicitait des bons résultats de l’association au cours de l’année écoulée. Se rendait-il compte de l’effet délétère du choix des mots sur ceux et celles qui, précisément, ne font pas partie de l’association, des assistants au responsable de l’informatique, des stagiaires aux collaborateurs seniors, du responsable de la communication au comptable, etc. ?

Des entreprises comme les autres ?

Nous venons de distinguer l’association du cabinet. Qu’en est-il d’un autre usage consistant à définir un cabinet ou une association d’avocats comme une entreprise ? On entend en effet, souvent et de plus en plus, proclamer l’idée que les cabinets d’avocats seraient des entreprises « comme les autres » ? Est-ce le cas, et au-delà de la pureté du vocabulaire, en quoi la question importe-t-elle ?

Ceux qui assimilent les cabinets d’avocats à des « entreprises comme les autres » sont souvent animés de deux intentions.

Il s’agit d’une part de rappeler aux avocats qui l’auraient oublié (ou qui ne l’auraient jamais réalisé) que l’exercice de la profession d’avocat ne se limite pas à recevoir des clients, à rédiger des avis et des conclusions, à plaider et à négocier, mais qu’il implique aussi un important travail de gestion, et que l’avocat qui néglige d’y apporter le soin nécessaire s’expose à de sérieuses déconvenues.

Il s’agit aussi, dans certains cas, de légitimer la recherche du profit comme motivation essentielle de l’activité de l’avocat, à l’instar de ce qui se passe dans les « autres entreprises », au risque de faire passer au second plan des considérations telles que le respect de la déontologie, la confraternité, le service à la société, etc. Chacun se fera son opinion à ce sujet, mais la mienne est la suivante : réaliser un profit est une condition nécessaire – et donc un impératif – pour les cabinets d’avocats, mais ce n’est pas une condition suffisante à leur succès. Je définirais plutôt celui-ci comme la création de valeur systémique (qui inclut mais ne se limite pas à la création de richesse pour les associés), tel que ce concept sera développé au chapitre suivant.

Même si l’on peut souscrire aux intentions de ceux qui l’affirment, assimiler les cabinets d’avocats aux « entreprises comme les autres » fait l’impasse sur une double spécificité desdits cabinets lorsqu’ils sont organisés autour d’une association, et cette erreur peut mener, comme on le verra, à des décisions malencontreuses, contre-productives et coûteuses.

L’absence d’unité opérationnelle

Pour l’essentiel, un associé n’a pas besoin des autres pour faire son métier, ni même pour y exceller. Dans son travail quotidien, son autonomie est un fait. Pour relire un contrat, plaider devant le tribunal ou rédiger un avis, les associés n’ont guère besoin les uns des autres.

Autrement dit, la pratique du droit n’est pas un sport d’équipe. Explicitons cette métaphore sportive : si l’on considère le football, par exemple, la collaboration entre les membres de l’équipe est une nécessité. On ne peut jouer et gagner un match de football qu’en jouant ensemble. L’interdépendance entre les joueurs est inhérente au jeu lui-même. À l’inverse, dans un club de tennis, chaque joueur joue contre un autre et l’issue d’un match ne préjuge en rien de ce qui se passe sur le terrain d’à côté. Il n’y a pas matière à collaborer ou à coopérer, ou en tout cas moins : chacun doit jouer son match contre un adversaire différent et chaque match est différent. Insister pour qu’un joueur de tennis fasse preuve d’un plus grand « esprit d’équipe » n’aurait pas beaucoup de sens. Or, la pratique du droit s’apparente souvent plutôt au tennis qu’au football.

En revanche, dans les entreprises « ordinaires », c’est souvent l’inverse : l’interdépendance entre les différentes divisions de l’entreprise est élevée et impose un haut degré de coordination et de collaboration. Si l’objet de l’entreprise est, disons, de produire et de vendre des voitures, l’atelier de peinture ne peut pas fonctionner seul ; il ne peut fonctionner qu’en s’insérant avec précision dans une chaîne de production qui relie tous les acteurs. Une extrême coordination est requise pour assurer que ce qui se passe avant et après le passage à l’atelier de peinture ait lieu de manière correcte et prévisible. À l’inverse, dans une association d’avocats, il n’y a pas une chaîne de production unique, en tout cas pas souvent : la plupart du temps, il y a autant de centres de production qu’il y a d’associés, et pour l’essentiel ils sont fonctionnellement indépendants les uns des autres. Il serait par conséquent vain d’atteindre qu’une association ressemble et fonctionne comme une entreprise intégrée sur le plan opérationnel. C’est aussi pour cette raison qu’un associé peut, à tout moment et sans trop de difficultés, s’en aller avec armes et bagages (entendez avec ses clients, ses dossiers et ses collaborateurs) et poursuivre ses activités ailleurs, et d’ailleurs nombreux sont ceux qui le font. On imagine mal le chef de l’atelier de peinture décidant du jour au lendemain de s’en aller peindre ailleurs en emmenant avec lui un stock de voitures.

L’absence d’unité de commandement

Dans les entreprises « comme les autres », l’ensemble de l’organisation est placé sous l’autorité hiérarchique du dirigeant. On parlera tantôt de P-DG, tantôt de CEO ou de président du comité de direction, peu importe ; le principe fondamental qui régit l’organisation est la hiérarchie, même si l’on évite de trop prononcer le mot, si l’on diminue le nombre de niveaux hiérarchiques pour devenir une « organisation plate », et même si l’on s’efforce de mener des politiques « collaboratives » accordant une importante marge de manœuvre aux uns et aux autres. En réalité, même si elle se dissimule ou qu’elle se donne un visage avenant, l’autorité hiérarchique est toujours bien présente, et le dirigeant en reste le dépositaire légitime et reconnu. La relation avec les autres membres de l’organisation, y compris les cadres dirigeants, est asymétrique : l’un est le patron, l’autre un subordonné. Dans les entreprises, le lien de subordination est la caractéristique essentielle du statut de l’employé (en ce compris les cadres supérieurs).

Les choses ne se passent pas comme ça dans les associations d’avocats. Il n’y a entre eux, en tout cas officiellement et juridiquement, ni rapport hiérarchique ni lien de subordination. La relation entre associés est foncièrement égalitaire. Même si dans les faits certains ont plus de pouvoir que d’autres, et même si dans certaines grandes associations les statuts peuvent prévoir différentes catégories d’associés avec des droits différenciés, l’idée générale dans la plupart des associations est quand même que les associés sont égaux : aucun associé n’a le droit de donner un ordre à un autre. Chacun reste souverain. Les contraintes auxquelles on se plie, car il en existe évidemment, trouvent leur légitimité dans le libre consentement des intéressés.

On objectera que l’on trouve dans les cabinets d’avocats les mêmes organes que dans une entreprise ordinaire : l’assemblée générale des associés, le conseil d’administration composé de quelques-uns d’entre eux, un managing partner comparable au CEO, et enfin les associés jouant en quelque sorte le rôle de chefs de service. Mais il y a une différence de taille : dans une association on retrouve les mêmes personnes à tous les étages : les associés composent l’assemblée générale ; on retrouve certains d’entre eux au conseil d’administration ; le managing partner est un associé ; et enfin, ce sont encore les associés que l’on retrouve à la base de la pyramide comme « chefs de service ». Les mêmes personnes se trouvant à la fois en haut et en bas de l’échelle, on conviendra que l’idée de relation hiérarchique entre les niveaux n’a guère de sens. La représentation suivante est plus proche de la réalité des associations :

On objectera sans doute qu’il y a bien un primus inter pares : le managing partner. Celui-ci peut disposer d’une autorité personnelle et d’une influence considérables, mais les autres associés ne sont pas à son égard dans une position subordonnée. Il peut suggérer, conseiller, recommander, inviter, demander avec insistance, mais il ne peut guère dicter des ordres ni décider tout seul et contre l’avis des autres. Si malgré tout il le fait, c’est à ses risques et périls, et en particulier au risque de perdre sa crédibilité car il est désarmé si l’associé auquel il a donné un ordre refuse d’obtempérer. Son office est donc plutôt une magistrature d’influence. Il en résulte que les associations d’avocats n’ont guère d’unité de commandement, ou en tout cas pas une unité de commandement aussi forte et intégrée que dans les entreprises ordinaires dans lesquelles prévaut le principe hiérarchique. Par conséquent, les choses se passent rarement comme dans une entreprise « normale » où, en principe tout au moins, quand la direction générale décide, le reste de l’organisation exécute que cela lui plaise ou non. Dans les associations, en tout cas la plupart d’entre elles, chaque associé est en réalité un centre de décision autonome pour ce qui le concerne. En matière de discipline collective et d’exécution des décisions communes, un associé ne fait jamais que ce qu’il veut bien faire, et nul n’a vraiment le pouvoir de l’obliger à faire autrement. Le problème n’est pas que les choses se passent comme cela ; le problème est de s’étonner quand on s’en aperçoit et de vouloir – vainement – qu’il en soit autrement.

En réalité, les associations d’avocats ne sont pas les seules organisations où l’on peut observer cette indépendance opérationnelle et décisionnelle des individus : c’est aussi le cas, notamment, de la plupart des professions libérales et apparentées : cabinets de conseil, bureaux d’architecte, cabinets médicaux, etc. Dans les « entreprises libérales » (portant sur l’exercice d’une profession libérale), la valeur est en effet créée par les individus plus que par l’organisation elle-même. L’investissement en capital ne joue aucun rôle, ou ne joue qu’un rôle marginal. À l’opposé, dans une entreprise industrielle par exemple, la création de valeur dépend d’investissements importants dans la recherche et le développement et dans l’outil de production (achat de matières premières, investissement dans les usines, acquisition d’un réseau de distribution, etc.). Un individu, fût-il un cadre dirigeant, ne peut rien faire seul. Mais un avocat n’a pas besoin de grand-chose de plus qu’un ordinateur portable et une connexion internet pour être pleinement opérationnel. Sa dépendance à l’égard de l’organisation dans son ensemble est donc bien moindre.

Les recettes classiques du management ne fonctionnent pas

La méconnaissance de cette double spécificité des associations d’avocats est à l’origine de bien des déboires et de bien des échecs. Les personnes habituées au mode de fonctionnement des entreprises « normales » sont désemparées lorsqu’elles se retrouvent à l’œuvre dans une association d’avocats : à leur grand étonnement, les initiatives dont la pertinence leur paraissait pourtant évidente échouent, les réformes indispensables qu’elles tentent ne mènent nulle part, et les conseils qu’elles donnent s’avèrent inopportuns, inapplicables, voire contre-productifs. Les exemples suivants évoqueront sans doute des expériences familières au lecteur.

Une association d’avocats souhaite « renforcer sa visibilité » et engage à cette fin un directeur du marketing. Celui-ci a fait toute sa carrière dans des entreprises « ordinaires » et a fait largement ses preuves. Animé de grandes ambitions au moment de son arrivée, il conçoit un plan ambitieux de communication, mais confronté au manque d’intérêt des associés et à leurs demandes contradictoires (l’un voulant une chose, l’autre le contraire), et constatant son impuissance à leur imposer quoi que ce soit, il démissionne après trois mois, complètement découragé par une organisation qu’il estime « ingérable ».

**     *

Déterminée à enfin mettre de l’ordre dans son organisation, une association élit au poste de managing partner un associé plein d’idéal. Nourri par la lecture de nombreux livres sur le leadership et le management, il tente de se comporter en CEO entreprenant et inspirant. Après quelques mois, se heurtant à la résistance et aux desiderata contradictoires des associés, et à l’impossibilité de réaliser la moindre réforme sans l’assentiment de tous, il jette le gant, abandonne tout espoir de réforme, et se cantonne à la gestion des affaires courantes.

Parce que la nature d’une association d’avocats présente la double spécificité décrite plus haut, les modèles et les outils de gestion élaborés pour des entreprises dont l’organisation repose sur les principes d’unité opérationnelle et d’unité de commandement s’avèrent inadéquats. Par exemple, il semble évident qu’une entreprise doit être dotée d’une stratégie. Il en est logiquement de même pour une association d’avocats s’il s’agit d’une entreprise comme les autres. On devrait en conclure que ne pas disposer d’un plan stratégique est, pour une association d’avocats, une grave erreur. Pourtant, c’est le cas de bon nombre d’associations. Plutôt qu’une stratégie en bonne et due forme, elles ont un patchwork stratégique informel constitué des stratégies plus ou moins délibérées des uns et des autres. Cependant, l’absence de stratégie au sens ordinaire du terme n’empêche pas certaines de ces associations de prospérer. L’explication est simple : compte tenu de l’indépendance opérationnelle des associés, si chacun dispose – même à son insu – d’une bonne stratégie pour sa pratique individuelle, l’ensemble sera florissant alors même qu’il n’y a pas de stratégie globale.

Les avocats ont-ils un ego surdimensionné ?

Confrontés à l’échec des recettes classiques de la gestion lorsqu’ils tentent de les appliquer à une association d’avocats, les intéressés, à commencer par les associés eux-mêmes, plutôt que de remettre en question la croyance que l’association est une entreprise comme les autres, s’accusent d’être personnellement responsables de la situation : que de fois n’a-t-on pas entendu, avec un sourire en coin, que la source du problème est l’« ego » des associés ? Celui-ci serait en effet « surdimensionné ». On ne peut d’ailleurs s’empêcher de déceler une certaine fierté dans le chef des avocats lorsqu’ils en déplorent la dimension prétendument hors du commun. Cette enflure de l’ego serait donc la cause de l’impuissance des outils classiques de gestion. Cependant, cette psychologisation du problème passe à côté de la vraie question. L’inefficacité de la trousse à outils classique du management n’a rien à voir avec la psychologie ou l’ego des avocats et tout à voir avec la nature structurellement différente du métier de l’avocat sur les points mentionnés plus haut.

Proclamer les « valeurs » n’est pas la solution

De même, il est également fréquent de moraliser le problème en le posant en termes de « valeurs ». La cause de tous les maux serait dans ce cas un défaut d’adhésion des associés à des valeurs tel que l’esprit d’équipe et la collaboration. Les associés commettraient en quelque sorte une faute morale en manquant d’aligner leur comportement sur ces valeurs. La solution passe, pense-t-on, par une espèce d’évangélisation visant à convertir les associés. Il s’ensuit d’interminables retraites, séminaires et documents sur les « valeurs », souvent à grands frais, pour un résultat qui s’avère au bout du compte décevant. On est en effet, ici encore, passé à côté du problème. Plutôt que de reconnaître la nature particulière de l’association d’avocats, on tente un passage en force par une approche moralisatrice sur les valeurs, tout aussi naïve et inefficace que l’accent mis sur l’ego prétendument hors norme des avocats.

**     *

En conclusion de ce chapitre, convenons d’être attentif au choix des mots : « cabinet » et « association » ne sont pas des synonymes. De même, s’il est indiscutable qu’un cabinet d’avocats est une entreprise et à ce titre soumis aux mêmes impératifs de gestion et de rentabilité, ignorer la double spécificité des associations, à savoir l’absence d’unité opérationnelle et d’unité de commandement, conduit inévitablement à des erreurs d’appréciation, à des décisions inopportunes et à des résultats décevants. Il faut, pour comprendre et faire fonctionner une association d’avocats, d’autres modèles de lectures et d’autres méthodes de gestion – c’est précisément l’objet de ce livre.

Terminons cette première partie consacrée à une vue d’ensemble de la gestion des cabinets d’avocats par l’exploration du principe qui mérite d’être placé au cœur de leur organisation et d’inspirer, plus que tout autre, toutes les dimensions de la gestion : la création de valeur systémique.

CHAPITRE 3

La création de valeur systémique

Y a-t-il une idée de référence, un principe de base, qui, englobant et surplombant tous les autres, s’imposerait comme la source d’inspiration fondamentale pour gérer un cabinet d’avocats ? Ce principe existe : la finalité d’un cabinet d’avocats, la recette ultime de son succès, c’est de créer de la valeur systémique. Le terme peut paraître rébarbatif et nécessite une explication. Cela consiste, pour un cabinet, à identifier les personnes ou les catégories de personnes qui font partie de son système, autrement dit avec lesquelles il se trouve dans une relation d’interdépendance (les clients, les collaborateurs, etc.), et de rechercher délibérément à optimiser, d’une part, la valeur qu’il crée pour ces acteurs et, d’autre part, la valeur qu’il reçoit d’eux.

Dans un livre précédent1, j’ai, à l’appui de nombreux exemples, énoncé et soutenu la thèse que la création de valeur systémique est la meilleure stratégie pour assurer la prospérité, la pérennité et la légitimité des entreprises et des organisations en général, et que ce principe peut même en être considéré comme la raison d’être. Je ne vais pas reprendre ici l’intégralité du propos, mais m’en tenir aux éléments essentiels2 en les appliquant au cas particulier des cabinets d’avocats.

Le double flux de la création de valeur

Commençons par le système le plus simple possible, composé de deux acteurs : un avocat et son client. Selon le modèle de la création de valeur systémique, tout le dispositif de gestion de ce (micro)cabinet devrait être mis au service de deux objectifs : optimiser la valeur que l’avocat crée pour son client et celle qu’il reçoit de lui. La création de valeur systémique est en effet essentiellement un échange, un flux réciproque de valeur.

Cela suppose de s’être mis à l’écoute du client en question pour comprendre ce qui constitue pour lui de la « valeur » : admettons que ce soit, pour le client concerné, le fait de recevoir, dans des situations juridiquement complexes, un avis rapide et clair, recommandant une solution pratique. Dès lors, pour cet avocat, « gérer son cabinet » revient d’abord à s’organiser pour produire de manière habituelle et prévisible de tels avis. En parallèle, l’avocat doit déterminer ce qui, pour lui, constitue la valeur qu’il souhaite recevoir de son client : imaginons que ce soit le paiement rapide et sans discussion de ses honoraires. La liste des objectifs de la gestion du cabinet, limitée jusqu’ici au fait de produire des avis conformes aux critères du client, s’étoffe pour inclure ce nouvel objectif. Désormais, « gérer le cabinet » consiste à créer les conditions nécessaires non seulement pour assurer la fourniture à son client d’avis conformes aux critères de celui-ci mais aussi pour se faire payer rapidement et intégralement.

On voit tout de suite le problème qui se pose si l’avocat néglige l’un des deux flux de création de valeur, et a fortiori les deux. S’il échoue à créer de la valeur pour le client, celui-ci s’en ira voir ailleurs, discutera les honoraires ou refusera de les payer, et fera autour de lui une mauvaise publicité à l’avocat. À l’inverse, si tout en créant une valeur importante pour son client, il échoue à en créer pour lui-même (par exemple en facturant trop peu, ou trop tard, ou les deux à la fois), il sera constamment aux prises à des difficultés de trésorerie et ne dégagera pas de marge suffisante pour développer son organisation.