La navigation aérienne - Gaston Tissandier - E-Book

La navigation aérienne E-Book

Gaston Tissandier

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Beschreibung

La Navigation aérienne, écrit par Gaston Tissandier, est un livre fascinant qui explore le monde de l'aviation et de la conquête des airs. Publié pour la première fois en 1886, cet ouvrage est considéré comme l'un des premiers à traiter de manière exhaustive de la navigation aérienne.

Gaston Tissandier, un scientifique et aéronaute français renommé, nous emmène dans un voyage captivant à travers l'histoire de l'aviation. Il nous fait découvrir les premières tentatives de vol, depuis les montgolfières jusqu'aux ballons dirigeables, en passant par les machines volantes imaginées par les pionniers de l'époque.

Avec une plume précise et érudite, Tissandier nous dévoile les avancées technologiques et les expérimentations audacieuses qui ont marqué cette période. Il nous fait également part de ses propres expériences en tant qu'aéronaute, nous offrant ainsi un aperçu unique de la sensation de voler et des défis auxquels les premiers aviateurs étaient confrontés.

Au-delà de l'aspect technique, La Navigation aérienne aborde également les implications sociales et culturelles de cette nouvelle forme de transport. Tissandier explore les réactions du public face à ces machines volantes, ainsi que les perspectives futures de l'aviation et son impact sur la société.

Ce livre est un véritable trésor pour les passionnés d'histoire, d'aviation et de sciences. Il offre une plongée captivante dans l'univers de la navigation aérienne, nous permettant de mieux comprendre les origines de cette incroyable aventure humaine.

Que vous soyez un amateur d'aviation ou simplement curieux de découvrir les débuts de cette révolution technologique, La Navigation aérienne de Gaston Tissandier est un ouvrage incontournable qui vous transportera dans les airs et vous fera rêver de conquêtes aériennes.



Extrait : "Des ailes ! Des ailes ! a pu dire le poète dès les premiers âges du monde. Oui des ailes, pour voler comme l'oiseau, pour parcourir l'espace sans rencontrer d'obstacles, pour planer dans cet océan sans rivages que nous appelons l'atmosphère."

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Seitenzahl: 311

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Couverture

Page de titre

Avertissement des Éditions Ligaran

L’ouvrage que vous détenez est la réédition d’un ouvrage ancien. Malgré tout le soin que nous avons apporté à sa réalisation, il se peut que vous y trouviez quelques défauts et anomalies : certaines coquilles peuvent subsister ; le texte a pu bénéficier d’un effort de modernisation du français afin d’en améliorer son intelligibilité ; les gravures et les images étant celles d’origine, la qualité de ces dernières n’est pas toujours optimale.

Parmi les livres publiés aux Éditions Ligaran, certains contenus peuvent heurter le public par le vocabulaire utilisé ou les idées exposées ; ceci doit se comprendre et s’inscrire dans le contexte de l’époque.

Les Éditions Ligaran déclinent toute responsabilité relative à d’éventuelles omissions, inexactitudes ou erreurs qui pourraient exister dans les contenus.

L’aérostat dirigeable de MM. les Capitaines Renard et Kreus au-dessus de l’usine aéronautique de Chalais-Meudon

Préface

Parmi les nombreux problèmes que l’homme s’est proposé de résoudre, il n’en est peut-être pas de plus difficile que celui de la navigation aérienne.

Des ailes ! Des ailes ! a pu dire le poète dès les premiers âges du monde. Oui des ailes, pour voler comme l’oiseau, pour parcourir les espaces sans rencontrer d’obstacles, pour planer dans cet océan sans rivages que nous appelons l’atmosphère. Mais la mécanique impuissante n’a pas encore su les construire.

Il a fallu, après des milliers d’années de conceptions vaines, que les frères Montgolfier aient songé à remplir d’air chaud et raréfié, un sac de papier de grand volume, et l’art aéronautique a été créé. L’hydrogène remplaçant l’air chaud, le ballon à gaz a succédé à la Montgolfière.

L’aérostat a permis à l’explorateur de s’affranchir des lois de la pesanteur, de quitter la surface du sol, pour traverser les nuages, visiter le domaine des météores et pénétrer dans les hautes régions, au-delà des limites que l’aigle lui-même n’a jamais atteintes.

On demande au ballon plus encore aujourd’hui. Bouée flottante au sein des courants, on exige de lui qu’il devienne vaisseau ; on veut qu’il obéisse à l’action d’un propulseur puissant et léger, et qu’il nous conduise, non pas où le vent le mène, mais où nous voulons aller.

Grand problème, dont les conséquences sont incalculables.

La conquête de l’air par les aérostats dirigeables, déjà commencée depuis peu, sera continuée dans le présent, et achevée dans l’avenir.

C’est notre conviction profonde. Nous avons essayé de la faire partager à nos lecteurs, non par des mots mais par des faits ; non par des conjectures et des hypothèses, mais par l’exposé méthodique des idées émises, des essais proposés, des travaux accomplis, et des expériences réalisées.

G.T.

PREMIÈRE PARTIELa locomotion aérienne avant les Montgolfier

… Terras licet, inquitet undas. Obstruat ; at cœrte cœlum patet : ibimus illac… (La terre et les ondes nous sont fermées, mais le ciel est ouvert : nous irons par ce chemin.)

Ovide, Métamorphoses, lib. VIII, fab. IV.

Peut estre sera inventée herbe moyennant laquelle pourront les humains visiter les sources des gresles, les bondes des pluyes et l’officine des fouldres.

Rabelais, Pantagruel, liv. III, chap LI.

ILa légende des hommes volants

Dédale et Icare – La flèche d’Abaris – La colombe volante d’Archytas – Roger Bacon – Dante de Pérouse – Appareil volant de Besnier – Les poètes et les romanciers – Cyrano de Bergerac – Pierre Wilkins – Rétif de la Bretonne – M. de la Folie.

Il est certain que dans tous les temps, les hommes de hardiesse qui, dès les premiers âges du monde, avaient le sentiment de l’exploration, le goût des voyages, le désir de parcourir les mers et de s’éloigner du rivage sur des barques plus ou moins primitives, ont du se demander s’il ne serait pas possible d’imiter l’oiseau et de quitter la terre en s’élevant dans l’atmosphère. Les légendes de l’antiquité abondent en récits de tentatives de ce genre. Ovide a retracé notamment les aventures de Dédale qui, pour fuir la colère de Minos, roi de Crète, fabriqua des ailes qui lui permirent de se sauver de l’île où il était prisonnier avec son fils Icare. Dédale réussit à s’évader, mais Icare ayant volé trop haut, la cire qui liait ses ailes se fondit au soleil, et il tomba dans la mer.

Des histoires analogues se retrouvent dans des temps plus reculés encore. Dans le tome Ier des Religions de l’Inde, on lit : « Hanouman monta sur le sommet d’une colline et, après avoir pris les conseils du sage Jambaranta, il s’élança dans les airs et alla tomber dans le Lanka, ainsi qu’il l’avait espéré. » La Bible rapporte que le prophète Élie fut enlevé par un char de feu.

Dans la Salle des dieux, au musée égyptien du Louvre, il existe une petite plaque de bronze d’une haute antiquité, où l’on voit en relief un homme volant les deux ailes étendues (fig. 1).

Fig. 1– Bronze égyptien représentant un homme volant.

Il est vrai que l’on s’accorde à considérer cette pièce comme une composition symbolique plutôt que comme la représentation d’un appareil d’aviation.

Abaris, d’après les récits de Diodore de Sicile, aurait fait le tour de la Terre, assis sur une flèche d’or. L’oracle du temple d’Hiéropolis se serait élevé dans les airs. Sous Néron, Simon le Magicien aurait aussi connu le moyen de voler dans l’espace. Les Capnobates, peuple de l’Asie Mineure, dont le nom signifie marcheurs par la fumée, auraient trouvé le moyen de s’élever à l’aide de l’air raréfié par le feu.

Reproduire avec détails des fables de ce genre, n’aurait qu’un intérêt purement mythologique. Là n’est pas notre but ; nous voulons passer en revue les expériences qui ont pu être faites, et les idées rationnelles qui ont pu être émises au sujet de la navigation aérienne avant les Montgolfier. Sans chercher des documents dans les traités d’aérostation écrits depuis un siècle et qui, la plupart du temps, se recopient les uns les autres, je me suis efforcé de remonter aux sources originales afin d’offrir au lecteur des renseignements inédits, sûrs et précis.

Le premier document que les historiens spéciaux aient signalé au sujet des appareils de vol mécanique, est relatif à la colombe volante d’Archytas. On a beaucoup écrit à ce sujet, mais en oubliant trop souvent le texte original. Il n’existe, à notre connaissance, aucun autre texte que celui des Nuits attiques d’Aulu-Gelle. Or, voici ce qu’Aulu-Gelle a écrit, d’après la traduction française de la collection Nisard : « Les plus illustres des auteurs grecs, et, entre autres, le philosophe Favorinus, qui a recueilli avec tant de soins les vieux souvenirs, ont raconté du ton le plus affirmatif qu’une colombe de bois, faite par Archytas à l’aide de la mécanique, s’envolait ; sans doute elle se soutenait au moyen de l’équilibre, et l’air qu’elle renfermait secrètement la faisait mouvoir. »

Voilà tout ce que l’histoire a laissé ; cette phrase laconique n’autorise en aucune façon les affirmations qui ont été publiées postérieurement par des écrivains trop crédules. Dans plusieurs autres auteurs, Cassiodore, Michel Glycas, etc., on trouve des histoires vagues d’oiseaux artificiels qui volaient et qui chantaient. Il semble à peu près certain qu’il s’agit de contes imaginaires, bien plutôt que de faits réels.

Il n’en est pas moins vrai que des appareils d’aviation ont été expérimentés depuis des temps très reculés.

Au onzième siècle, Olivier de Malmesbury, savant bénédictin anglais, entreprit de voler en s’élevant du haut d’une tour, mais les ailes qu’il avait attachées à ses bras et à ses pieds n’ayant pu le porter, il se cassa les jambes en tombant, et mourut à Malmesbury en 1060.

Au douzième siècle, un Sarrasin, qui passa d’abord pour magicien, fit, d’après la légende, une tentative de vol aérien à Constantinople, sous le règne d’Emmanuel Comnène. Il était monté sur le haut de la tour de l’hippodrome. Il était debout, vêtu d’une robe blanche fort longue et fort large, dont les pans, retroussés avec de l’osier, lui devaient servir de voile pour recevoir le vent. Il s’éleva comme un oiseau, mais son vol fut aussi infortuné que celui d’Icare. Il se brisa les os.

Au treizième siècle, le moine anglais Roger Bacon a affirmé, dans son livre : De mirabili potestate artis et naturæ, que l’homme pourrait un jour voler dans l’atmosphère ; mais il ne donne aucune indication sur un mécanisme quelconque, et il se contente d’une simple prophétie :

« On fabriquera des instruments pour voler, au moyen desquels l’homme assis fera mouvoir quelque ressort qui mettra en branle des ailes artificielles comme celles des oiseaux. » Et rien de plus. Une hypothèse exprimée de cette manière, ne permet assurément pas de compter Roger Bacon au nombre des précurseurs des Montgolfier.

Au quinzième siècle, Jean Muller, dit Regiomontanus, aurait construit une mouche de métal qui se soutenait dans l’air, et un aigle de fer qui serait allé au-devant de l’empereur Frédéric IV et aurait volé sur un parcours de mille pas aux environs de Nuremberg. Ces récits sont peu vraisemblables.

On a encore souvent parlé de Dante de Pérouse qui, au quatorzième siècle, aurait réussi à construire des ailes artificielles au moyen desquelles il se serait élevé et aurait franchi le lac Trasimène.

Ce récit a été mentionné par Henri Paulrau dans son Dictionnaire de physique, en 1789. Je suis arrivé à me procurer un livre plus ancien, daté de 1678, et qui rapporte le même récit. Ce livre est intitulé : Athenæum Augustum in quo Perusinorum scripta publice exponientur. Il donne (p. 168) une courte biographie de Baptista Dantius Perusinus, et il affirme que l’expérience dont nous venons de parler a eu lieu ; mais on ne trouve aucun détail du mécanisme, ce qui ferait supposer que l’auteur reproduit un simple récit légendaire encore inspiré de celui d’Icare.

La tradition rapporte que sous Louis XIV un nommé Allard, danseur de corde, annonça qu’il ferait une expérience de vol, à Saint-Germain, en présence du roi. Il devait partir de la terrasse pour descendre dans les bois du Vésinet. L’expérience eut lieu, paraît-il, mais Allard tomba au pied même de la terrasse, et se blessa grièvement.

Il fut question en 1678 d’un appareil volant construit par un nommé Besnier. Les aviateurs ont souvent mentionné ce fait ; j’ai pu me procurer encore le document original où il est signalé. C’est le Journal des sçavans du 12 décembre 1678 ; voici in extenso ce qui est dit de l’expérience de Besnier avec la reproduction de la figure (fig. 2).

Fig. 2– Appareil volant de Besnier. Reproduction par l’héliogravure de la figure du Journal des sçavans (1678).

Extrait d’une lettre escrite a monsieur Toynard sur une Machine d’une nouvelle invention pour voler en l’air.

M. Toinard a eu avis que le P. Besnier serrurier de Sablé au païs du Maine a inventé une machine à quatre aisles pour vôler. Quoy qu’il en attende une Figure et une Description plus exacte que celle-cy : l’on a crû que parceque ce Journal est le dernier de ceux que nous donnerons cette année avec celuy du Catalogue de tous les Livres et de la Table des Matières par où nous finissons toutes les années, le Public ne seroit pas fasché d’apprendre par advance une chose si extraordinaire.

A, aisle droite de devant. – B, aisle gauche de derrière. – C, aisle gauche de devant. – D, aisle droite de derrière. – E, fisselle du pied gauche qui fait baisser l’aisle D, lorsque la main gauche fait baisser l’aisle C.– F, fisselle du pied droit qui fait baisser l’aisle D lorsque la main gauche fait baisser l’aisle C.

Cette machine consiste en deux basions qui ont à chaque bout un châssis oblong de taffetas, lequel châssis se plie de haut en bas comme des battants de volets brisés.

Quand on veut vôler, on ajuste ces bastons sur ses espaules, en sorte qu’il y ait deux châssis devant et deux derrière. Les châssis de devant sont remués par les mains, et ceux de derrière, par les pieds, en tirant une fisselle qui leur est attachée.

L’ordre de mouvoir ces sortes d’aisle est tel, que quand la main droite fait baisser l’aisle droite de devant marquée A, le pied gauche fait baisser par le moyen de la fisselle E l’aisle gauche de derrière marquée B. Ensuite la main gauche, faisant baisser l’aisle gauche de devant marquée C, le pied droit fait baisser par le moyen de la fisselle l’aisle droite de derrière marquée D, et alternativement en diagonale.

Ce mouvement en diagonale a semblé très bien imaginé, puisque c’est celuy qui est naturel aux quadrupèdes et aux hommes quand ils marchent ou quand ils nagent ; et cela fait bien espérer de la réussite de la machine. Ou trouve néanmoins que, pour la rendre d’un plus grand usage, il y manque deux choses. La première est qu’il y faudroit adjouster quelque chose de très léger et de grand volume, qui, estant appliqué à quelque partie du corps qu’il faudroit choisir pour cela, pust contrebalancer dans l’air le poids de l’homme ; et la seconde chose à désirer seroit que l’on y ajustât une queüe, car elle serviroit à soutenir et à conduire celuy qui voleroit ; mais l’on trouve bien de la difficulté à donner le mouvement et la direction à cette queue, après les différentes expériences qui ont esté faites autrefois inutilement par plusieurs personnes.

La première paire d’aisles qui est sortie des mains du sieur Besnier a esté portée à la Guibré, où un Baladin l’a acheptée et s’en sert fort heureusement. Presentement, il travaille à une nouvelle paire plus achevée que la première.

Il ne prétend pas néanmoins pouvoir s’élever de terre par sa machine, ny se soutenir fort longtemps en l’air, à cause du deffaut de la force et de la vitesse qui sont nécessaires pour agiter fréquemment et efficacement ces sortes d’aisles, ou en terme de volerie pour planer. Mais il asseure que, partout d’un lieu médiocrement élevé, il passeroit aisément une rivière d’une largeur considérable, l’ayant déjà fait de plusieurs distances et en différentes hauteurs.

Il a commencé d’abord par s’élancer de dessus un escabeau, ensuite de dessus une table, après, d’une fenêtre médiocrement haute, ensuite de celle d’un second étage, et enfin d’un grenier d’où il a passé par-dessus les maisons de son voisinage, et s’exerçant ainsi peu à peu, a mis sa machine en l’estat où elle est aujourd’huy.

Si cet industrieux ouvrier ne porte cette invention jusqu’au point où chacun se forme des idées, ceux qui seront assez heureux pour la mettre dans sa dernière perfection, luy auront du moins l’obligation d’avoir donné une veüe dont les suites pourront peut-être devenir aussi prodigieuses que le sont celles des premiers essais de la navigation. Car quoy que ce que nous avons dit du Dante de Pérouse, que le Mercure Hollandois de l’année 1673 rapporte d’un nommé Bérnoin qui se cassa le col en vôlant à Francfort, ce que l’on a vu mesme dans Paris, et ce qui est arrivé en plusieurs autres endroits, fasse voir le risque et la difficulté qu’il y a de réussir dans cette entreprise, il s’en pourroit enfin trouver quelqu’un qui seroit ou plus industrieux ou moins malheureux que ceux qui l’ont tentée jusqu’icy.

J’ai souligné les passages qui m’ont paru devoir attirer l’attention, soit au point de vue des idées théoriques émises, soit au point de vue historique. On voit que l’appareil représenté par le dessin du Journal des scavans ne saurait être construit avec quelque chance de donner aucun résultat sérieux : le document historique que nous avons reproduit est insuffisant pour qu’il soit permis d’affirmer, comme on l’a fait, que Besnier ait pu réussir dans ses essais de vol aérien. Il ne serait pas impossible cependant qu’un appareil analogue ait fonctionné à la façon d’un parachute, mais alors il ne pouvait avoir l’aspect de la figure.

Si, comme l’affirmait Borelli, aucun homme n’avait pu réellement voler au moyen d’ailes artificielles, si comme nous le croyons aussi, l’expérience des hommes volants n’a jamais réussi, le problème du vol artificiel et de l’ascension dans l’atmosphère a toujours préoccupé les esprits. Les romanciers, dans tous les temps, ont souvent donné à leurs personnages imaginaires la faculté de parcourir l’espace. Parmi les procédés qu’ils ont inventés, il en est quelques-uns qui méritent d’être signalés.

On se rappelle le fameux tapis enchanté et le cheval de bronze des Mille et une nuits. On connaît aussi les récits de Cyrano de Bergerac et les aventures de son héros dans le Voyage à la Lune.

Voici comment je me donnai au ciel, dit Cyrano. J’avais attaché autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, sur lesquelles le soleil dardait ses rayons si violemment que la chaleur qui les attirait, comme elle fait les plus grosses nuées, m’éleva si haut, qu’enfin je me trouvai au-dessus de la moyenne région ; mais comme cette attraction me faisait monter avec trop de rapidité, et qu’au lieu de m’approcher de la lune, comme je le prétendais, elle me paraissait plus éloignée qu’à mon parlement, je cassai plusieurs de mes fioles, jusqu’à ce que je sentis que ma pesanteur surmontait l’attraction et que je redescendais vers la terre ; mon opinion ne fut pas fausse, car j’y retombai quelque temps après.

Dans sa relation des États du Soleil, Cyrano de Bergerac décrit une autre machine qu’il appelle un oiseau de bois. Swift dans ses aventures de Gulliver a décrit l’île de Laputa, qui plane au moyen de procédés électriques. Nous allons voir tout à l’heure l’électricité intervenir encore dans d’autres curieuses fantaisies aériennes

Un Anglais, l’évêque Wilkins, écrivain remarquable du dix-huitième siècle, a écrit un ouvrage sur les Hommes volants où il discute sérieusement l’histoire et les conditions du vol artificiel. Rétif de la Bretonne l’a imité, dans son livre rare et curieux : La découverte australe par un homme volant où il publie de charmantes vignettes représentant les aventures de son héros Victorin parcourant les divers pays au moyen de ses ailes artificielles.

Un autre livre rare et précieux que je possède aussi dans ma bibliothèque aéronautique, donne la singulière description d’une machine volante qui s’élève au moyen du fluide électrique. Ce livre est intitulé Le philosophe sans prétention, il est signé M. D.L.F. On sait que l’auteur était M. de la Folie, de Rouen.

Une planche fort bien gravée, placée en tête de l’ouvrage, représente la machine volante au moment où elle s’élève.

Nous reproduisons à titre de curiosité cette charmante vignette (fig. 3), où l’on voit l’inventeur Scintilla conduisant son appareil.

Fig. 3– Machine volante électrique figurée dans le Philosophe sans prétention (1775).

Depuis longtemps, dit Scintilla, dans l’ouvrage de M. de la Folie, les hommes ont recherché par quelles lois mécaniques ils pourraient, franchir les espaces. Je suis flatté de pouvoir vous offrir aujourd’hui la réussite de mes recherches. Le voici, dit-il, en présentant un écrit ; mais cet écrit ne suffit pas. La théorie quoique fort simple, ne serait peut-être pas assez intelligible dans une matière aussi neuve. Aussi avant d’en venir à la démonstration théorique, faisons l’expérience. Deux esclaves ont porté mon appareil sur la plate-forme de notre tour. Rendons-nous-y…

Je marchais avec les autres. Je calculais, je réfléchissais en moi-même que l’écart des leviers pour former une résistance suffisante, c’est-à-dire pour embrasser un grand volume d’air, exigeait une force ou puissance considérable…

Quelle fut ma surprise lorsque arrivé sur la plateforme, je vis deux globes de verre de trois pieds de diamètre montés au-dessus d’un petit siège assez commode ; quatre montants de bois couverts de lames de verre soutenaient ces deux globes. La pièce inférieure qui servait de soutien et de base au siège, était un plateau enduit de camphre et couvert de feuilles d’or. Le tout était entouré de fils de métal. Aussitôt que j’eus aperçu cette machine électrique de nouvelle forme je devins moins incrédule…

Enfin, il n’y eut bientôt plus aucun doute à former. Scintilla dont le corps était aussi alerte que l’imagination, monte lestement sur la mécanique, et poussant promptement une détente, nous vîmes les deux globes tourner avec une rapidité prodigieuse. Messieurs, dit-il, vous voyez que pour m’élever en l’air, mon principal moyen est d’annuler au-dessus de ma tête la pression de l’atmosphère. Observez que la percussion de la lumière agit actuellement au-dessous de ma mécanique. C’est elle qui va m’enlever sans beaucoup d’efforts, et, maître du mouvement de mes globes, je descendrai ou monterai en telles proportions qu’il me plaira. Vous voyez encore… Mais nous ne l’entendions plus. Sa machine entourée tout à coup d’un cercle lumineux, s’était enlevée avec la plus grande vitesse. Jamais spectacle si nouveau et si beau ne s’offrit à nos yeux. Nous le vîmes pendant quelque temps rester immobile, puis redescendre, puis s’élever de nouveau. Enfin nous le perdîmes de vue.

On est vraiment surpris de trouver ce récit dans un livre publié avant la découverte des aérostats. Ne croirait-on pas lire la description d’une ascension en ballon ? La machine imaginaire de l’auteur du Philosophe sans prétention donne assurément à penser, et le choix de l’électricité comme moteur, est remarquablement choisi, à une époque où l’on ne soupçonnait pas l’existence des moteurs dynamoélectriques.

N’a-t-on pas eu raison de dire : Poète, prophète.

Bien d’autres auteurs se sont servis de la fiction du vol à travers les airs pour faire voyager leurs héros. On se souvient que Voltaire a entraîné Micromégas d’une planète à l’autre, en le mettant à cheval sur une comète.

Après avoir mentionné ces rêves de l’imagination, dont quelques-uns peuvent être cités comme une sorte d’inspiration et de prévision singulières de l’avenir, revenons en arrière dans l’histoire, pour étudier la réalité des faits, et rentrer dans le domaine des études qui ont été entreprises pour la conquête de l’air.

IIL’aviation, du XVe au XVIIIe siècle

Léonard de Vinci – Étude du vol artificiel – L’hélicoptère et le parachute – Fauste Veranzio et le parachute de Venise – Le ptérophore de Paucton.

Léonard de Vinci, le grand artiste de la Renaissance, a sa place marquée dans l’histoire de l’aviation. M. Hureau de Villeneuve a résumé dans l’Aéronaute l’histoire des travaux de cet homme de génie, et nous reproduirons ici les faits les plus curieux qui se rattachent à ces études, fort intéressantes, puisqu’elles remontent au quinzième siècle.

Léonard de Vinci avait abordé le problème en suivant cette même méthode rationnelle qu’on retrouve dans tous ses écrits, et qui le distingue de ses contemporains. Avant d’arriver à la construction de ses appareils d’aviation, il commença par l’observation et l’étude du vol des oiseaux. Les quelques documents que l’on possède aujourd’hui du mémoire de Léonard de Vinci, font regretter la perte d’une grande partie de ses travaux. M. le prince Boncompagnoni a fait rééditer récemment les manuscrits qui restent du grand artiste italien ; mais beaucoup de cartons et divers manuscrits laissés à Milan ont été éparpillés et n’ont pu être retrouvés. Ces manuscrits étaient écrits à l’envers, d’une écriture fine et serrée, ce qui en rendait la lecture des plus difficiles et a dû contribuer à leur perte. On peut voir, dans les planches que nous donnons ci-contre, des échantillons de cette écriture bizarre que nous n’avons pu déchiffrer. Il est probable que cette manière d’écrire, intelligible pour l’auteur seul, était un moyen de conserver le secret de ses découvertes ; mais le penseur, en agissant ainsi, a eu le tort de ne pas comprendre que si l’inventeur a l’usufruit de ses découvertes, la nue propriété en appartient à l’humanité tout entière.

La partie capitale du manuscrit de Léonard de Vinci, est celle qui a trait aux principes mêmes du vol. Léonard établit que l’oiseau, étant plus lourd que l’air, s’y soutient et avance en rendant « ce fluide plus dense là où il passe que là où il ne passe pas ». Il avait donc compris que l’animal pour voler doit prendre son point d’appui sur l’air, et l’ensemble de sa théorie se rapproche beaucoup des théories modernes s’appuyant sur l’influence de la vitesse sur la suspension.

L’examen des dessins originaux du grand artiste italien est curieux à approfondir. Nous en reproduisons par l’héliogravure une planche complète (fig. 4) ; elle permet de suivre la pensée qui a présidé à son exécution. Nous laissons M. le docteur Hureau de Villeneuve l’interpréter.

Fig. 4– Fac-similé des dessins de Léonard de Vinci sur les ailes artificielles.

Nous voyons sur le second rang à droite un petit personnage assez analogue à un démon ou à un génie, car il porte sur la tête une flamme et, à côté de cette flamme, une croix latine. Il a les bras terminés par des doigts de chauve-souris. La figure n’est pas encore terminée que déjà Léonard reconnaît son insuffisance et, devinant le peu d’action musculaire des bras, pense à employer la force des jambes. Nous voyons donc un peu plus haut, dans la même planche, un homme vigoureux placé sur le ventre, les jambes repliées et s’apprêtant à lancer un violent coup de pied. Les muscles saillants, tracés par un crayon d’anatomiste, décèlent le grand peintre dans un dessin jeté sans prétention. Dans ce croquis, Léonard n’a pas encore pris de parti quant au mode d’attache des ailes, mais dans le dessin qui suit, supprimant l’homme dont il ne conserve plus que les pieds, l’auteur commence l’étude des détails de la construction. Une tige arrondie en forme de bât doit être appuyée sur le dos, les bras prenant un point d’appui sur les deux côtés. Au sommet du bât, sont deux anneaux fermés, recevant par deux autres anneaux la racine des ailes. Ce mode d’articulation fort simple, mais qui manque de précision, présente l’avantage de permettre à l’aile des mouvements limités de rotation autour de son axe. Le bat se continue en deux tiges repliées à une demi-ceinture placée derrière la taille. Sur les côtés du bât, se trouvent deux poulies portant des cordes à étriers qui, tirées par les pieds, servent à abaisser les ailes. Celles-ci sont relevées par deux tiges de bois actionnées par les mains. Une queue est fixée à une tige placée entre les deux jambes. Mais ici une préoccupation semble s’emparer de l’esprit, de l’inventeur. Les ailes s’appuieront sur l’air pendant l’abaissement sans doute ; mais pendant le relèvement elles détruiront leur action. Aussi Léonard cherche un moyen de supprimer cet inconvénient. Il donne aux doigts de sa chauve-souris la faculté de se plier en dessous sans pouvoir se relever au-dessus de l’horizontale. Voyez dans le reste de la page les différents systèmes de doigts articulés qu’il désire employer. Le premier à gauche se manœuvre au moyen de poulies de renvoi ; dans le second, les leviers relevés donnent une action plus énergique. Mais, ce n’est pas encore bien, le troisième nous montre un ressort fait de deux rotins agissant sur une roulette placée à la queue de la phalange. Enfin, dans le bas, il essaie des charnières métalliques.

Après ses études sur le vol, Léonard de Vinci a donné une idée de l’hélicoptère, et il a eu le mérite d’imaginer le parachute, avec une rare intelligence. Un savant italien, M. Govi, a résumé ces travaux à l’Académie des Sciences dans sa séance du 29 août 1881, à propos du petit propulseur à hélice que j’avais installé dans la nacelle du minuscule aérostat électrique de l’Exposition d’électricité.

Parmi les projets très nombreux et fort variés que l’on peut voir dans le Codice Atlantico, rendu en 1815 à la Bibliothèque ambroisienne de Milan, et dans les volumes restés à Paris et conservés à la Bibliothèque de l’institut, il y a (au volume B de la Bibliothèque de l’institut, feuillet 83, verso) le dessin d’une large hélice destinée à tourner autour d’un axe vertical (fig. 5), à côté et au-dessous de laquelle on peut lire (écrites en italien et à rebours) les deux notes suivantes :

À côté de la figure. – Que le contour extérieur de la vis (hélice) soit en fil de fer de l’épaisseur d’une corde, et qu’il y ait du bord au centre huit brasses de distance.

Au-dessous de la figure. – Si cet instrument, en forme de vis, est bien fait, c’est-à-dire fait en toile de lin dont on a bouché les pores avec de l’amidon, et si on le tourne avec vitesse, je trouve qu’une telle vis se fera son écrou dans l’air et qu’elle montera en haut.

Fig. 5– Principe de l’hélicoptère, dessin de Léonard de Vinci.

Tu en auras une preuve en faisant mouvoir rapidement à travers l’air une règle large et mince, car ton bras sera forcé de suivre la direction du tranchant de cette planchette.

La charpente de ladite toile doit être faite avec de longs et gros roseaux. On en peut faire un petit modèle en papier, dont l’axe soit une lame de fer mince que l’on tord avec force. Quand on laissera cette lame libre, elle fera tourner la vis (l’hélice).

On voit donc par là que, non seulement Léonard avait inventé le propulseur à hélice, mais qu’il avait songé à l’utiliser pour la locomotion aérienne, et qu’il en avait construit de petits modèles en papier, mis en mouvement par des lames minces d’acier tordues, puis abandonnées à elles-mêmes.

Fig. 6– Principe du parachute, dessin de Léonard de Vinci.

En consultant d’ailleurs le Saggio delle Opere di Léonardi da Vinci, publié à Milan en 1872 (1 vol. in-fol.), au chapitre intitulé : Leonardo letterato e scienziato (p. 20-21) et les planches photolithographiques qui l’accompagnent (pl. XVI, no. 1), on peut constater que cet homme de génie avait étudié le moyen de mesurer l’effort que l’on peut exercer en frappant l’air avec des palettes de dimensions déterminées, et qu’il avait inventé le parachute, dont il donne le dessin reproduit ci-dessus (fig. 6) ; il décrit l’appareil dans les termes suivants :

Si un homme a un pavillon (tente) de toile empesée dont chaque face ait 12 brasses de large et qui soit haut de 12 brasses, il pourra se jeter de quelque grande hauteur que ce soit, sans crainte de danger.

Les études faites par Léonard de Vinci sur les appareils d’aviation sont, on le voit, nombreuses et remarquables.

Si les expériences de vol aérien de Léonard de Vinci ne semblent pas avoir été exécutées en grand, il n’en est peut-être pas de même du parachute, dont l’emploi est beaucoup plus sûr. La description de Léonard de Vinci a été reproduite postérieurement, non sans une amélioration notable dans le mode de représentation de l’appareil, dans un recueil de machines, dû à Fauste Veranzio et publié à Venise en 1617.

Fig. 7– Le parachute de Venise (1617), d’après une gravure du temps.

La gravure ci-dessus (fig. 7) est la reproduction exacte du parachute que l’auteur définit d’autre part dans les termes suivants, assurément inspirés de ceux de Léonard de Vinci :

Avecq un voile quarré estendu avec quattre perches égalles et ayant attaché quatre cordes aux quattre coings, un homme sans danger se pourra jeter du haut d’une tour ou de quelque autre lieu éminent ; car encore que, à l’heure, il n’aye pas de vent, l’effort de celui qui tombera apportera du vent qui retiendra la voile, de peur qu’il ne tombe violement, mais petit à petit descende. L’homme doncq se doit mesurer avec la grandeur de la voile.

Il est impossible de donner plus nettement le principe du parachute, et l’appareil se trouve si clairement expliqué qu’il nous semble difficile que l’expérience indiquée successivement par Léonard de Vinci et par Fauste Veranzio n’ait pas été essayée. On voit qu’elle a pu être faite deux cents ans avant celle de Garnerin.

En 1768, plus d’un siècle après la publication de l’ouvrage de Fauste Veranzio, un savant mathématicien, Paucton, a esquissé le projet d’un véritable hélicoptère, qu’il a désigné sous le nom de ptérophore.

Un homme, dit Paucton, est capable d’une force suffisante pour vaincre le poids de son corps. Si donc je mets entre les mains de cet homme une machine telle que, par son moyen, il agisse sur l’air avec toute la force dont il est capable et toute l’adresse possible, il s’élèvera à l’aide de ce fluide, comme à l’aide de l’eau, ou même d’un corps solide. Or, il ne paraît pas que dans un ptérophore, adapté verticalement à une chaise, le tout fait de matière légère et soigneusement exécuté, il ne se trouve rien qui l’empêche d’avoir cette propriété dans toute sa perfection. Dans la construction, on aurait soin que la machine produisit le moins de frottement qu’il serait possible ; et elle doit naturellement en produire peu, n’étant pas du tout composée. Le nouveau Dédale, assis commodément, sur sa chaise, donnerait au ptérophore, par le moyen d’une manivelle, telle vitesse circulaire qu’il jugerait à propos. Ce seul ptérophore l’enlèverait verticalement ; mais pour se mouvoir horizontalement, il lui faudrait un gouvernail ; ce serait un second ptérophore. Lorsqu’il voudrait se reposer un peu, des clapets ou soupapes, ajustés solidement aux extrémités de secteurs de sciadique, fermeraient d’eux-mêmes les canaux hélices par où l’air coule, et feraient de la base du ptérophore une surface parfaitement pleine qui résisterait au fluide et ralentirait considérablement la chute de la machine.

On voit que Paucton expose nettement un projet d’un appareil d’aviation mû par deux hélices, l’une destinée à l’ascension, l’autre à la propulsion du système. Et cela en 1768 !

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil !

IIILe principe des ballons

Le père Francesco Lana et son projet de navire aérien, en 1670 – Le Brésilien Gusmaò – Expérience de Lisbonne, en 1709 – Le père Galien et l’art de voyager dans les airs, en 1756.

Si le parachute a été indiqué à la fin du quinzième siècle et nettement décrit au commencement du dix-septième siècle, nous allons voir que l’idée des ballons a été émise vers la fin du dix-septième siècle, en 1670, par Lana. On a beaucoup écrit sur le célèbre jésuite ; mais, ici encore, j’ai voulu me reporter au texte original. Après plus de quinze années de recherches, je suis arrivé à me procurer ce livre rare, où Francesco Lana a écrit le curieux chapitre intitulé : Fabricare una nave che camini sostentata sopra l’aria a remi et a vele ; quale si dimostra poter riuscire nella pratica (Construire un navire qui se soutienne dans l’air et se déplace à l’aide de rames et de voiles ; l’on démontre que ce projet est pratiquement réalisable).

Je vais donner ici la traduction de quelques-uns des passages les plus curieux de ce chapitre : ils montreront que les idées de Lana étaient excellentes au point de vue théorique.

Après avoir rappelé la fable de Dédale et le fait de l’expérience de vol de Dante de Pérouse, le savant jésuite s’exprime ainsi qu’il suit :

On n’a jamais cru possible jusqu’ici de construire un navire parcourant les airs, comme s’il était soutenu par de l’eau, parce qu’on n’a jamais jugé que l’on pourrait réaliser une machine plus légère que l’air lui-même : condition nécessaire pour obtenir l’effet voulu. M’étant toujours ingénié à rechercher les inventions des choses les plus difficiles, après de longues études sur ce sujet, je pense avoir trouvé le moyen de construire une machine plus légère en espèce que l’air, qui, non seulement grâce à sa légèreté, se soutienne dans l’air ; mais qui encore puisse emporter avec elle des hommes, ou tout autre poids, et je ne crois pas me tromper, car je n’avance rien que je ne démontre par des expériences certaines, et je me base sur une proposition du onzième livre d’Euclide, que tous les mathématiciens admettent comme rigoureusement vraie.

Lana, après ce préambule, entre dans de longues dissertations sur des expériences préliminaires dont la gravure ci-jointe (fig. 8), reproduite pour la première fois de l’original, avec l’exactitude que comporte la photographie, montre le dispositif. L’auteur considère d’abord un vase sphérique de cuivre ou de fer-blanc A (no III de la figure), muni d’une longue tubulure à robinet BC d’au moins 47 palmes romaines de longueur. Il remplit le système d’eau, il bouche l’orifice C et retourne le tout au-dessus de l’eau. Ouvrant alors le robinet B (no V de la figure), il indique que le vase A se vide d’eau, et que le tube restera rempli jusqu’à la hauteur de 46 palmes 26 minutes.

Fig. 8– Le navire aérien du Père Lana (1670). Reproduction par l’héliogravure de la figure authentique.

Il s’agit là de l’expérience très bien indiquée du baromètre à eau ; Lana montre que le vase A se trouve vide d’air et que, dans ces conditions, il a perdu de son poids. Sans entrer dans toutes les démonstrations qu’il fournit à ce sujet, sans parler de la méthode qu’il propose d’employer pour faire le vide, nous dirons seulement qu’il se trouve conduit à imaginer, pour la confection du navire aérien qu’il propose, quatre grandes sphères en cuivre mince ABCD (no IV de la figure), dans lesquelles on aurait fait le vide. Ces sphères ou ces ballons, comme Lana les appelle, seraient plus légers que le volume d’air déplacé ; ils s’élèveraient, par conséquent, dans l’atmosphère. Lana imagine de suspendre à ces ballons une barque où se tiendraient les voyageurs, et, tombant dans l’erreur que devaient commettre plus tard les premiers aéronautes qui voulaient diriger les ballons avec des voiles, sans se rendre compte que le vent n’existe pas pour l’aérostat immergé dans l’air, il munit son navire d’une voile de propulsion.