La Parabole des Noces Expliquée en Cinq Sermons - Jean Claude - E-Book

La Parabole des Noces Expliquée en Cinq Sermons E-Book

Jean Claude

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Beschreibung

Monsieur Claude, ou Claude de Charenton (1619-1687), a été un ministre protestant très influent dans l'Église Réformée dans la période qui a précédé la révocation de l'édit de Nantes. Il a soutenu de puissantes controverses avec la hiérarchie catholique, avec Bossuet notamment, sur l'interprétation à donner à l'eucharistie, et sur la légitimité de la Réforme. Ses ennemis ne pouvant avoir raison de sa sagesse et de son talent, le firent exiler de France sur ordre du roi. Réfugié pour un peu de temps à La Haye, où son fils Isaac (1653-1695) était pasteur, il continua jusqu'à sa mort à encourager par sa plume les huguenots désormais cruellement persécutés. Ses oeuvres parurent de manière posthume en cinq gros volumes. Les sermons sur la Parabole des Noces font partie des rares qui ont été publiés de son vivant. Leur intérêt ne réside pas seulement dans la clarté et la force de leur exégèse, mais ils constituent de plus un excellent résumé de l'orthodoxie calviniste à cette époque. Les sujets relatifs à la vocation extérieure, la vocation intérieure, l'élection, y sont magistralement traités. Tandis que le monde évangélique connaît aujourd'hui un certain retour aux racines de la théologie réformée, cet ouvrage reste un incontournable de l'histoire de la prédication protestante au dix-septième siècle. Le texte de cette édition ThéoTeX est celui de 1675 en orthographe modernisée.

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Seitenzahl: 288

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322484423

Auteur Jean Claude. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.

ThéoTEX

site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]
La Parabole des Noces
Expliquée en Cinq Sermons
Jean Claude
1675
♦ ♦ ♦Thé[email protected] – 2014 –
Table des matières
Un clic sur ◊ ramène à cette page.
Dédicace
La Parabole
Sermon I
Sermon II
Sermon II
Sermon IV
Sermon V
◊A Monsieur PÉLISSARY

Monsieur,

On trouvera peut-être étrange qu'y ayant déjà tant de beaux et excellents sermons, que des hommes incomparables ont mis depuis longtemps dans les mains du public, et qui ont été lu avec beaucoup d'édification, je me sois avisé d'en donner aussi des miens. Comme les miens n'ont ni les mêmes grâces ni la force que ceux de ces illustres serviteurs de Dieu, il n'y a pas apparence qu'il puisse avoir le même succès. Le siècle a trop de lumières, et trop de discernement pour ne pas mettre de la différence entre des pièces achevées, et d'autres qui ne le sont pas, et pour leur donner à toutes une égale approbation. Mais quand cette raison n'aurait pas de lieu, et que je pourrais me flatter de l'opinion que mes sermons méritaient assez d'être reçus, je ne dois pas ignorer que quelques bonnes que soient les choses, l'abondance leur est fatale, qu'elle en diminue l'estime, et qu'on n'a qu'à en multiplier le nombre pour les faire mépriser. Il est vrai que si les hommes étaient bien sages, ils devraient au moins excepter la parole de Dieu, et les saintes explications que les ministres en donnent, et ne pas les soumettre à cette injuste loi, qui fait dépendre le prix des choses de leur rareté. Mais ils en usent autrement, et l'expérience ne justifie que trop qu'il n'y a pas de livres dont on soit plutôt rassasié que des livres de religion, et particulièrement de ceux qui ont pour but de toucher la conscience, et d'exciter la dévotion. Ce sont aujourd'hui des livres désagréables et fatigants, dont on ne saurait presque plus soutenir la vue. On en est importuné comme les israélites l'étaient de la manne lorsqu'ils disaient, nos yeux ne voient que manne.

Cependant, Monsieur, cela ne m'empêche pas de mettre en lumière les actions que j'y ai faites sur une des plus admirables paraboles de l'Évangile, et la richesse de la matière l'a emporté sur les raisons qui m'en pouvaient détourner. Je n'en attends pas beaucoup de fruits, car jamais siècle ne connut si bien les vérités du Ciel que fait le nôtre, et jamais siècle n'eut moins de dispositions à les pratiquer. Mais j'ai cru devoir cela à la dignité de mon sujet qui est un qui est un des plus grands et des plus beaux de toute la religion chrétienne. D'ailleurs je me suis appliqué ce que Saint-Paul disait à son disciple Timothée : insiste en temps, et hors de temps. Je suis même persuadé que notre endurcissement n'est pas si universel, qu'il n'est encore parmi nous plusieurs gens de bien qui s'appliqueront à cette lecture, et qui en feront leur profit. Vous serez sans doute, de ce nombre, Monsieur, et l'espérance que j'en ai est fondée sur la connaissance particulière que j'ai de votre piété, et du désir sincère que vous avez de faire votre salut. Vous avez entendu ces actions lorsque je les ai prononcées au milieu de notre troupeau, et vous ne serait pas marri de rappeler les idées passagères de la vive voix, pour les considérer encore, et pour les méditer avec plus d'application et de loisir.

Quand vous prendrez le livre dans vos mains, souvenez-vous que les choses qui y sont, sont de vives sources de consolation, de piété, et de sainteté. Lisez-le dans cette vue, et non simplement parce que l'auteur vous le dédie. Ne songez pas à me faire honneur, mais songez à en tirer le fruit pour lequel il est destiné. Je vous les dédie pourtant, Monsieur, avec toute l'ardeur, et la joie dont je suis capable, et je m'y suis senti obligé, par l'estime que je fais de votre vertu et de votre mérite, et par la reconnaissance que je dois avoir de l'affection dont vous m'honorez. Recevez-en je vous supplie ce témoignage, et faites-moi la grâce de me continuer votre bienveillance, je la regarderai toujours comme un bien très précieux, et je tâcherai de la conserver par toutes sortes de services. Dieu veuille répandre de plus en plus ses bénédictions sur vous, et sur toute votre maison, et vous faire sentir tous les jours de votre vie les effets de son amour paternel. C'est le vœu que je fais pour vous, vous assurant que je suis, Monsieur,

Votre très humble et trèsobéissant serviteur,
Claude.
◊La Parabole Matthieu 22.1-12
Alors Jésus prenant la parole, leur parla derechef en similitude, disant : Le Royaume des Cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. Et il envoya ses serviteurs pour appeler ceux qui avait été conviés aux noces, mais ils n'y voulurent point venir. Derechef il envoya d'autres serviteurs, disant, dites à ceux qui étaient conviés, voici j'ai apprêté le dîner : mes taureaux et mes bêtes engraissées sont tuées, et tout est prêt : Venez aux noces ! Mais n'en tenant compte, s'en allèrent l'un à sa métairie, et l'autre à son trafic. Et les autres prirent ses serviteurs, et les outragèrent et les tuèrent. Quand le roi l'entendit il se mit en colère, et y ayant envoyé ses gendarmes, il fit périr ces meurtriers-là, et il brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Or bien, les noces sont apprêtées, mais ceux qui étaient conviés n'en étaient pas dignes. Allez donc aux carrefours des chemins, et autant que vous en trouverez, conviez-les aux noces. Alors ses serviteurs sortirent vers les chemins, et en assemblèrent autant qu'ils en trouvèrent, tant mauvais que bons, tellement que le lieu des noces fut rempli de gens qui étaient à table. Et le roi y étant entré pour voir ceux qui étaient à table, vit là un homme qui n'était pas vêtu de la robe de noces. Il lui dit : Compagnon, comment es-tu entré ici, sans avoir une robe de noces ? Et il eut la bouche close. Alors le roi dit à ses serviteurs, liez-le pieds et mains, et le jetez aux ténèbres de dehors ; là il y aura pleurs et grincement de dents. Car plusieurs sont appelés, mais peu sont élus.
◊Sermon premier

Mes Frères,

Entre tous les avantages qui relèvent l'excellence et le prix de l'Écriture sainte au-dessus de tous les autres livres, un des plus admirables et qu'elle joint ensemble, dans un parfait tempérament, deux choses qui semblent incompatibles, une grande douceur, et une grande majesté ; un air simple, et facile, et une extraordinaire élévation. Un ancien a fort bien dit que sa lecture était l'ouverture du ciel ; en effet quand on la lit et qu'on la médite c'est comme un nouveau ciel qui s'ouvre, où l'on voit briller, pour ainsi dire, mille feux et mille lumières, et les rayons qu'elle jette de toutes parts étonnent les yeux et les éblouissent à mesure qu'ils les éclairent. Ce caractère est si sensible qu'il se fait remarquer de soi-même, et il n'est pas si peu considérable, qu'on n'en puisse tirer une preuve certaine de la divinité de ce livre. On n'y voit paraître ni art, ni étude, ni philosophie, ni rhétorique, ni éloquence mondaine, et néanmoins, dénué de tous ces ornements, il ne laisse pas d'avoir ce que tout l'art du monde ne saurait donner, savoir une souveraine autorité, qui imprime le respect dans l'âme de ses lecteurs, avec une douce facilité qui attire et qui captive l'attention ; et n'est-ce pas là un argument convaincant qu'il n'y a que Dieu qui en puisse être l'auteur ?

Au reste si vous demandez pourquoi ces deux choses devaient se rencontrer ainsi dans l'Écriture, la raison n'en est pas bien difficile à rendre. C'est un livre que le Saint Esprit a dicté et qui contient les plus hauts mystères de Dieu, il fallait donc nécessairement qu'il y eût un air de majesté répandu dans ses principales parties, qui eût du rapport à la dignité de son auteur, et à l'excellence de sa matière. D'ailleurs puisque c'était un ouvrage destiné pour l'instruction et pour la consolation des hommes, et qui devait être dans les mains des plus simples et des plus petits, il fallait qu'il eût de la proportion avec la condition de ceux pour qui il était composé, et par conséquent qu'il eût de la simplicité et de la familiarité. La sagesse divine a voulu pour cette raison, faire un juste accord de ces deux choses. Et ce qu'il y a de plus admirable est que ce n'est pas seulement dans quelques endroits de l'Écriture qu'elle se trouve, mais généralement partout, n'y ayant presque pas un de ses chapitres, ni une de ses histoires, ni un de ses discours où l'on ne les y découvre, quelque peu qu'on y fasse de réflexion.

En particulier cela se justifie d'une manière fort sensible et fort évidente dans ces paraboles que les évangélistes rapportent, et dont Jésus-Christ avait accoutumé de se servir lorsqu'il enseignait les peuples. Car d'un côté la parabole est une espèce de langage figuré, familier et populaire, qui emprunte les images les plus communes et les plus connues, pour en faire naître d'autres qui d'elles-mêmes sont plus profondes et plus éloignées. C'est une manière engageante qui réveille l'esprit et qui l'applique agréablement, en lui donnant lieu parce qu'on lui dit, à méditer sur ce qu'on ne lui dit pas. D'autre part les choses que Jésus-Christ a cachées sous ces voiles sont les plus importants articles de sa doctrine, les secrets les plus relevés de la providence de son Père et du salut des hommes. La matière en est sublime, proportionnée à la grandeur de Celui dont il propose les mystères. La forme en est claire et facile, proportionnée à notre capacité. C'est ce qui vous paraîtra si vous jetez les yeux sur cette parabole des noces, que je viens de lire devant vous, et si désormais vous voulez bien être attentif à l'explication que j'ai dessein de vous en donner.

Elle se divise en deux parties générales. La première contient l'histoire de ceux qui avaient été au commencement conviés aux noces du prince, et la seconde celle de ceux qui furent ensuite appelés, sur le refus que les autres firent d'y venir. La première propose quatre grands mystères sous quatre différentes images :

la manifestation du Messie sous l'image des noces d'un fils de roi,la vocation des Juifs sous l'image des conviés qui furent appelés aux noces,la réflexion que ces mêmes Juifs firent du Messie, sous l'image du refus que les conviés firent de venir à ses noces,la punition exemplaire de ce peuple, sous l'image du châtiment que le roi fit de ces conviés.

La seconde partie représente quatre autres mystères, également importants, sous un pareil nombre d'images :

la vocation des Gentils, car c'est ce que signifie cet envoi des serviteurs pour appeler ceux qui étaient aux carrefours et aux grands chemins, le succès de cette vocation qui est que le lieu des noces fut rempli de gens qui étaient à table,le mélange des hypocrites, des mondains et autres pécheurs avec les vrais fidèles dans une même profession extérieure de l'Évangile, ce qui est représenté par la rencontre que le roi fit d'un homme qui n'avait pas la robe de noces,la punition de ces pécheurs et des ces hypocrites, car le roi dit à ses serviteurs : Liez-le pieds et mains et le jetez aux ténèbres du dehors.

Et enfin après tout cela il y a une conclusion que Jésus-Christ tire de toute la parabole, plusieurs, dit-il, sont appelés, et peu sont élus. Voilà le plan de ce texte, ou voyez ce qu'on vous a dit d'abord, beaucoup de simplicité, et beaucoup de majesté. Comme il contient un grand nombre de choses considérables, nous y destinons, moyennant la grâce de Dieu, plusieurs actions. Pour le présent nous nous arrêterons aux deux premières images de la première partie, qui sont les noces du fils du roi, et la vocation des conviés. Car pour le premier verset où l'évangéliste dit que Jésus prenant la parole leur parla derechef en similitude, nous n'y insisterons pas, puisque ce n'est que la liaison de ce chapitre avec le précédent. Il faut seulement remarquer qu'il parlait aux sacrificateurs, et aux principaux des Juifs, et qu'il avait dessein de leur reprocher leur incrédulité, et de leur prédire leur ruine.

*

Mais entrons en matière. Le Royaume des Cieux, dit-il, est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. Un des premiers fondements qu'il faut poser pour l'intelligence de toute cette parabole est que dans le style de l'Écriture cette expression le Royaume des Cieux, ne signifie pas d'ordinaire la félicité éternelle du paradis comme on pourrait se l'imaginer. Elle signifie simplement l'état de l'Église sous l'Évangile, la manifestation du Messie, et en un mot la religion chrétienne, tel que nous l'avons reçu de Jésus-Christ et de ses apôtres. C'est dans ce sens que le Seigneur lui-même l'emploie en plusieurs autres endroits. Le Royaume des Cieux, dit-il, est semblable à un homme qui a semé de bonnes semences dans son champ, mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi est venu qui a semé de l'ivraie parmi le blé. Le Royaume des Cieux est semblable au grain de semence de moutarde que quelqu'un a pris et a semé dans son champ. Le Royaume des Cieux est semblable au levain qu'une femme prend, et qu'elle met parmi trois mesures de farine, jusqu'à ce que la farine soit levée. Le Royaume des Cieux est semblable à un filet jeté en la mer, qui amasse toutes sortes de choses. ailleurs il dit que le Royaume des Cieux est forcé, que les violents le ravissent, et que le plus petit au Royaume des Cieux est plus grand que Jean-Baptiste. Et encore ailleurs, celui, dit-il, qui rompra un des plus petits de ces commandements, et qui enseignera ainsi les hommes sera tenu pour le plus petit au Royaume des Cieux, mais celui qui les aura faits et enseignés, celui-là sera tenu pour le plus grand au Royaume des Cieux.

On pourrait rapporter sur ce sujet plusieurs passages semblables, mais cela ne reçoit à mon avis aucune difficulté. Il suffit de vous dire que cette manière de parler, qui non seulement est ordinaire dans le Nouveau Testament, mais qui même était commune parmi les Juifs, semble avoir été prise des révélations du prophète Daniel. Car il est dit au chapitre second, que le Dieu des cieux devait établir un royaume qui ne serait jamais dissipé, qui ne passerait point à un autre peuple, mais qui briserait et consumerait tous les autres royaumes, et serait établi éternellement. Et au chapitre septième ce prophète rapporte qu'il vit en vision comme le Fils de l'homme qui venait avec les nuées des cieux lequel s'approcha de l'ancien des jours, et que l'ancien des jours lui donna domination, et honneur et règne sur tout peuple, nation et langue. Quoi qu'il en soit on peut raisonnablement assurer qu'il y a peu d'expressions dans l'Écriture qui expliquent mieux la nature, l'essence et les qualités de l'Évangile que celle-ci. Car l'Évangile est à la vérité un royaume, ou un gouvernement monarchique, mais c'est un royaume qui n'a rien de commun avec ceux de la terre. Son origine est immédiatement du ciel, le roi en est céleste, et les sujets bien que ce soient des hommes, et des hommes vivant encore dans le commerce du reste du monde, sont pourtant appelés des bourgeois ou des citoyens des cieux. Outre cela, les maximes, les lois, les armes, les biens, les récompenses, les châtiments, les intérêts, tout en est céleste, c'est-à-dire spirituel, tout y regarde non le corps ou la vie temporelle, mais la conscience, l'homme intérieur et la vie spirituelle. C'est un règne de l'âme, un règne de religion, non un gouvernement mondain et politique.

On peut encore dire que ce me semble avec beaucoup de vérité que cette expression ne pouvait être ni plus juste ni plus heureuse qu'elle est pour distinguer la religion chrétienne non seulement de l'idolâtrie des païens, et en général de l'état de l'homme sous la servitude du péché, mais aussi de la religion de Moïse et de tout le ministère ancien. Car quant à l'idolâtrie païenne, et à l'état du péché, c'était à proprement parler le règne de l'enfer, et non celui du ciel, la puissance du démon et non celle de Dieu, un empire d'erreur et de corruption bâtie sur les ruines de la première innocence dans laquelle Dieu avait créé l'homme, et c'est pourquoi l'Écriture l'appelle le royaume des ténèbres, et l'empire de la mort. Et pour ce qui regarde la loi ancienne ou la religion des Juifs, il est vrai que c'était un règne de Dieu, et même en plus d'un sens. Car outre que Dieu en était et l'auteur et le fondateur, et que Moïse, qui en avait dressé le service, n'avait rien fait que selon le patron qu'il en avait vu sur la montagne, outre cela, dis-je, Dieu lui-même s'était fait dès le commencement le Roi temporel de ce peuple. En cette qualité il faisait sa demeure au milieu d'eux, il marchait à la tête de leurs armées, il leur avait donné des lois politiques, il recevait d'eux un tribut pour marque de leur sujétion, en un mot il avait pris à leur égard tous les droits de la monarchie, et il s'était chargé de tous les soins qu'un véritable roi peut avoir à l'égard de son peuple.

Mais quelque divin que fut cet empire, il faut pourtant avouer qu'il était beaucoup plus charnel et terrestre, que céleste et spirituel. Tout était littéral, cérémoniel, et typique ; la loi y était gravée non sur les cœurs, mais sur des tables de pierre, le tabernacle et le temple y étaient matériels, la Canaan et la Jérusalem y étaient terrestres, les victimes y étaient charnelles, les promesses y étaient temporelles, et presque tout le culte y était établi dans des choses extérieures. Ainsi quand on fera comparaison de cet ancien ministère avec le nouveau, on pourra fort bien dire que celui-là était un règne de la terre, au lieu que celui-ci est un vrai royaume du ciel, parce que comme j'ai dit, tout y est spirituel et céleste.

Mais si cette expression est propre à faire connaître la nature de la religion chrétienne et à la distinguer des autres religions, elle ne l'est pas moins à réfuter plusieurs erreurs que la vanité de l'esprit humain a introduites dans le monde ; et il ne sera peut-être pas hors de propos que nous y fassions quelques réflexions, avant que d'aller plus loin. Premièrement donc elle condamne la folle et chimérique opinion d'un messie temporel dont les Juifs ont été de tout temps infatués. Ils se figurent, comme vous savez, un conquérant qui par la force des armes, se fera jour partout, qui s'assujettira les nations, et qui sera accompagné d'heureux succès et de prospérité mondaine. Cette imaginaire espérance a toujours été si fortement enracinée dans leur esprit qu'elle leur fit au commencement rejeter Jésus-Christ avec outrage, parce qu'ils ne trouvèrent pas en lui ses grandeurs dont ils s'étaient formé l'idée. Ils en sont encore aujourd'hui si préoccupés que c'est pour cela qu'ils persévèrent dans leur incrédulité aimant mieux blasphémer contre la sacrée personne du Fils de Dieu que d'abandonner une erreur qui leur est si chère. On voit même par l'histoire de l'Évangile que les disciples de notre Seigneur, quoiqu'élevés dans son école et imbus de ces principes, ne furent désabusés que fort tard de cette imagination, car selon toutes les apparences ce fut elle qui leur fit dire encore après la résurrection : Quand est-ce que tu rétabliras le royaume d'Israël. Mais il est facile de comprendre que ce n'était pas là ce qu'ils devaient espérer. Le Royaume des Cieux n'a rien de commun avec cet éclat et cette pompe terrestre.

En second lieu l'on trouve ici la condamnation de l'injuste pensée de tous ceux qui entre les chrétiens ont voulu faire du gouvernement ecclésiastique un empire temporel et mondain. Ceux-ci ne sont pas Juifs, mais ils ont pourtant en quelque sorte imité les Juifs, car en s'accommodant du principe de ces infidèles, ils ont prétendu relever les ruines de l'ancienne puissance des Romains, et en recueillir tous les droits, ou pour mieux dire les débris sous la forme de ce qu'ils appellent la Hiérarchie. C'est dans ce dessein qu'ont été forgés les deux glaives dont on a armé quelquefois les papes, c'est de là que sont sorties ces fausses et ridicules donations de Constantin, ces fières entreprises des pontifes contre les rois et les empereurs, ces superbes titres, ces éclatantes dignités, et ces biens immenses dont la nouvelle Rome s'est enrichie à la faveur de la religion. Mais qui ne voit encore que ce n'est pas là le Royaume des Cieux ? Jésus-Christ au chapitre 17e de saint Luc renversa formellement la prétention des Juifs touchant les victoires de leur messie, lorsqu'étant interrogé par les pharisiens quand le règne de Dieu viendrait, il leur répondit : Le règne de Dieu ne viendra point avec apparence, et l'on ne dira point : Il est ici, où il est là, car voici le règne de Dieu est au-dedans de vous. Il renverse aussi formellement cette autre prétention de la cour romaine au chapitre 10me de saint Marc, lorsqu'il dit à ses disciples : Vous savez que ceux qui dominent sur les nations les maîtrisent, et que les grands usent d'autorité sur elles. Il n'en sera pas ainsi parmi vous. Mais il renverse également l'un et l'autre par cette expression dont il s'agit maintenant : le Royaume des Cieux, car un royaume céleste n'a point ce faste ou ces termes mondains qui se voient dans la hiérarchie romaine.

D'ailleurs ce titre que Jésus-Christ donne à son Évangile, enferme évidemment la condamnation de ceux qui veulent établir la religion par le fer et par le feu, par les violences et par les injustices. Pour voyez bien que ce n'est pas un caractère qui convienne au Royaume des Cieux. Saint Paul au moins ne l'entendait pas ainsi quand il disait, que les armes de notre guerre ne sont pas charnelles, ou quand il ne donne à son soldat mystique pour toute épée que l'épée de l'esprit qui est, dit-il, la parole de Dieu. C'est aussi dans cette vue que les prophètes et les apôtres se sont contentés de mettre les armes de Jésus-Christ dans sa bouche. Ésaïe, au 49me chapitre de ses révélations, l'introduit parlant de cette sorte : l'Éternel a rendu ma bouche semblable à une épée aiguë, il m'a rendu semblable à une flèche bien polie, il m'a serré dans sa trousse. Et saint Jean dans la description qu'il en fait au chapitre premier de l'apocalypse dit que de sa bouche sortait une épée à deux tranchants. Les armes et la parole dans le Royaume des Cieux ne sont qu'une même chose.

Vous pouvez encore conclure d'ici la condamnation de ceux qui ont chargé la religion chrétienne d'un nombre presque infini de cérémonies, de cultures extérieures, comme si le peuple de Dieu était encore sous la loi, et non sous la grâce, sous le joug de Moïse, et non dans le Royaume des Cieux. Car le Royaume des Cieux, selon le témoignage de Saint Paul, ne consiste ni en viande, ni en breuvage, mais il est justice, joie et paix par le Saint Esprit, c'est-à-dire qu'il ne consiste pas dans toutes ces observations extérieures et corporelles, mais qu'il est tout de l'âme et de la conscience.

Enfin on peut encore se servir utilement de cette façon de parler de Jésus-Christ contre quelques esprits fanatiques de notre siècle, qui sous prétexte de la domination du Fils de Dieu veulent renverser tout ordre, ou toute forme de gouvernement politique s'imaginant que le règne de l'Évangile ne laisse plus de lieu au règne et aux empires temporels. Notre Seigneur et les apôtres ont combattu en divers lieux cette erreur pernicieuse, comme lorsque Jésus-Christ répondit à celui qui le priait d'obliger son frère à partager avec lui l'héritage de leur père : Ô homme, dit-il, qui m'a établi juge ou partageur sur vous. Saint Paul de même décide nettement la question : que tout âme, dit-il, soit sujette aux puissances supérieures. Et Saint Pierre rejoint ensemble ces deux choses comme deux devoirs inviolables, craindre Dieu et honorer le roi, en quoi il suit la doctrine de son Maître qui avait dit avant lui, qu'il fallait rendre à César ce qui était à César, et à Dieu ce qui était dû à Dieu. Mais sans aller plus loin, cette expression le Royaume des Cieux règle clairement ce qu'on doit tenir sur ce sujet, qui est que l'Évangile est un règne céleste, lequel laisse les royaumes du monde en leur entier, sans faire aucun préjudice à leur véritable droit.

Toutes ces observations que nous venons de faire sont comme vous voyez d'une assez grande importance, et elle remplisse l'esprit de plusieurs méditations qui sont également agréables, solides et édifiantes. Mais il faut aller plus avant et suivre notre matière. Ce Royaume des Cieux nous est ici représenté sous l'image d'une noce, et d'une noce royale. Il est semblable, dit Jésus-Christ, à un roi qui fit les noces de son fils. Je ne m'arrêterai pas à pousser ici un parallèle important composé de toutes les conformités qui se peuvent trouver entre une noce et l'Évangile du Sauveur du monde, et beaucoup moins m'appliquerai-je à pousser avec excès cette figure de la noce, et à la convertir en allégorie. Ces manières allégoriques et paralléliques, si j'ose ainsi parler, sont d'ordinaire de méchants jeux d'esprit qui ont ce malheur de ne plaire à personne, mais qui de plus n'édifient nullement la conscience. Il me suffit donc de vous dire que l'intention de notre Seigneur est de vous faire concevoir touchant l'Évangile quatre notions, toutes quatre importantes et essentielles. La première regarde la dignité de la personne du Messie, c'est le fils du roi. La seconde est celle d'une communion intime et parfaite du Messie avec nous, ce sont des noces. La troisième est celle d'une joie publique et universelle, ce sont les noces du fils du roi. Et la quatrième est celle d'une magnificence royale, c'est le roi même qui fait les noces de son fils. Suivons ces quatre idées l'une après l'autre.

Premièrement c'est le fils du roi, c'est-à-dire le Fils de Dieu, le Fils du Roi des rois, le Fils du Créateur, et du Maître souverain du monde. Or puisqu'il est le Fils de Dieu, il est donc Dieu lui-même, d'une même essence, et d'une égale majesté avec son Père éternel. Car outre que cette qualité de Fils lui ferait d'elle-même tenir un autre rang que celui d'une simple créature, vous voyez qu'elle lui est ici donnée par opposition aux serviteurs, dont il est parlé dans la suite, et ses serviteurs sont les anges, Moïse, les patriarches, les prophètes, les apôtres, et les évangélistes. C'est pourquoi Saint Paul dans son épître aux Hébreux élève Jésus-Christ sur toutes les créatures par le seul titre du Fils de Dieu. Il l'élève au-dessus des anges ; car, dit-il, auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit, c'est toi qui es mon Fils je t'ai aujourd'hui engendré ? Il l'élève au-dessus de Moïse et des prophètes, quant à Moïse, dit-il, il a bien été fidèle dans toute sa maison comme serviteur, mais Jésus-Christ comme Fils est sur sa maison, et c'est nous qui sommes sa maison. Il l'élève au-dessus d'Aaron et des sacrificateurs, la loi, dit-il, ordonna pour souverains sacrificateurs des hommes infirmes, mais la parole du serment qui est après la loi ordonne le Fils qui est consacré pour toujours. Il l'élève au-dessus d'Abraham, car il remarque qu'Abraham même reçu la bénédiction de Melchisédek, qui était une figure du Fils de Dieu, et qu'il paya à Melchisédek la dîme pour une marque de sujétion. Il élève enfin au-dessus de Melchisédek même, puisqu'il enseigne que Melchisédek n'en était que le ministre et le type qui le représentait. Que pouvons-nous donc conclure de là, sinon la divinité éternelle de Jésus-Christ ? Car celui qui est élevé au-dessus de toutes les créatures, au-dessus des patriarches, des prophètes, des sacrificateurs et des rois, au-dessus de Moïse, d'Aaron, d'Abraham, de Melchisédek, au-dessus des anges mêmes, et qui par opposition à tout cela est le Fils de Dieu, que peut-il être que Dieu béni éternellement ? Tous les autres ne sont que des serviteurs, mais pour lui il est le Fils et l'Héritier. Il a donc une dignité souveraine et infinie.

La seconde notion est celle d'une communion intime et spirituelle de Jésus-Christ avec nous, puisque c'est un mariage mystique, c'est-à-dire la plus tendre est la plus étroite de toutes les unions. Non une simple relation de prince à sujet, ou de maître à serviteur, ou d'ami à ami, ou de frère à frère, mais une communion d'époux à épouse, qui est la plus parfaite qu'on se puisse imaginer. Pour la bien concevoir, il ne faut que se remettre devant les yeux ce que Jésus-Christ a fait pour l'établir entre lui et nous. Car c'est dans le dessein de cette divine alliance qu'étant le Fils de Dieu il a voulu se faire un fils de l'homme, c'est-à-dire revêtir notre nature et participer à la chair et au sang ni plus ni moins que nous. Il était nécessaire pour donner lieu à ce mariage spirituel qu'il y eût entre lui et nous une conformité de nature ou d'essence. Mais comment cela se pouvait-il ? Il est Dieu, et nous sommes de misérables créatures. Il est un Esprit éternel, et nous sommes une chair infirme, qui est née dans le temps, et qui doit mourir dans le temps. Nous n'avons rien de commun avec lui. Se pouvait-il faire que de notre part nous devinssions semblables à lui ? Non sans doute, car la créature ne peut pas se faire Dieu. Il a donc bien voulu de sa part devenir semblable à nous, il est descendu vers nous, lorsque nous ne pouvions pas nous élever jusqu'à lui, et c'est pour cette raison qu'il s'est fait homme.

Il est allé plus avant, et afin d'établir une communion plus entière il s'est chargé de nos misères, et il les a faites siennes, non pour les partager simplement avec nous, mais pour nous en décharger, et en même temps il nous a donné ses biens, ses titres, ses droits, et sa gloire, afin que nous en jouissions avec lui. Nous puisons tous de sa plénitude, dit saint Jean, et selon le témoignage de notre apôtre, nous sommes tous transformés à son image de gloire en gloire. Peut-on concevoir une union plus étroite que celle-là ? Cependant ce n'est pas tout. Il est allé plus loin en notre faveur, il nous a communiqué son esprit, et sa vie, il a fait en sorte que nous ne sommes plus avec lui qu'un seul corps, et par manière de dire qu'une seule et même personne. Je vis, dit saint Paul, non pas maintenant moi, mais Jésus-Christ vit en moi, et ce que je vis dans la chair je le vis dans la foi du Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est donné soi-même pour moi. Dès qu'Adam se fut aperçu qu'Eve avait été tirée de son côté, il dit avec raison : Celle-ci est os de mes os, et chair de ma chair. Nous pouvons bien nous appliquer ces paroles à l'égard de Jésus-Christ, notre divin époux. Car nous sommes sortis de son côté, et nous en sommes sortis avec son sang. Mais nous pouvons aussi aller plus avant, et vivant comme nous faisons de sa vie, nous pouvons dire que nous sommes esprits de son esprit, et non simplement os de ses os, et chair de sa chair.

La troisième notion est celle d'une joie publique, telle qu'elle est dans les noces d'un fils de roi. La venue du Messie a été la joie de toutes les créatures. Elles étaient, dit saint Paul, assujetties à la vanité, non de leur volonté mais à cause de celui qui les avait assujetties, soupirant après leur délivrance, et espérant de participer elles-mêmes à la gloire des enfants de Dieu. Ç'a été la joie des anges, car c'est lui qui les a réunis en un seul corps avec les hommes. Le bon plaisir du Père, dit l'apôtre, a été de réconcilier par lui toutes choses à soi, savoir tant les choses qui sont au ciel que celles qui sont sur la terre ayant fait la paix par le sang de la croix. Mais ça été plus particulièrement la joie des hommes qui y ont un tout autre intérêt que le reste des créatures : Voici, disait l'ange, je vous annonce une grande joie laquelle sera à tout le peuple, c'est qu'aujourd'hui vous est né le Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Quelle joie à des captifs de voir un libérateur qui vient pour rompre leurs fers, et à des misérables de voir un Sauveur qui vient pour détruire les œuvres du diable, et pour changer leur opprobre en gloire, et leur malheur en félicité. Quelle joie de voir la vérité venir prendre la place que les erreurs occupaient, une piété solide succéder à l'idolâtrie et à la superstition, la liberté s'établir au lieu du joug commun des cérémonies, la justice au lieu des péchés, et la vie au lieu de la mort ? Mais cette joie a été d'autant plus grande pour nous, que nous sommes l'épouse même du fils du Roi, et que nous avons été appelés à ce bonheur inespéré lorsque nous en étions tout à fait indignes. Du temps que nous étions morts, dit l'apôtre, en nos fautes et en nos péchés, Dieu qui est riche en miséricorde par sa grande charité dont il nous a aimé, nous a vivifiés ensemble avec Jésus-Christ, et nous a fait asseoir ensemble aux lieux célestes en lui. Si l'ami de l'époux est tout réjoui pour la voix de l'époux, comme il est dit dans l'Évangile, combien plus grande doit être la joie de l'épouse, et d'une épouse qui se voit élevée d'un si bas lieu à une si grande gloire.

La dernière notion est celle d'une pompe et d'une magnificence royale, car c'est le roi qui fait les noces de son fils. Ne vous figurez ici rien de terrestre ni de charnel, mais représentez-vous comme vous devez cette magnificence céleste dont Dieu accompagna au commencement la publication de son Évangile. Concevez premièrement cette abondance presque infinie de lumière qu'il répandit sur toute la terre. En donnant le Messie au monde, tous les secrets divins furent manifestés, tous les trésors de la connaissance furent ouverts. C'est pourquoi Jésus-Christ est appelé la resplendeur de la gloire du Père, la marque gravée de sa personne, l'image de Dieu invisible,