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La Parole qui sauve - Tome I - Réflexions homilétiques de l’Avent à la Pentecôte est né de la volonté d’offrir, aux chrétiens de tout bord et aux âmes de bonne volonté, une autre possibilité de comprendre les Saintes Écritures. Il s’agit d’une interprétation éclectique de la Parole de Dieu ; herméneutique qui combine sens littéraire, mystagogique, morale, expériences pastorales, autorévélation et bagage intellectuel de l’auteur. Au fil des pages, entre analyses, commentaires et interprétations ayant pour visée de booster la création du sens de la vie et si possible atteindre le but ultime qui est le salut offert en Jésus Christ, vous êtes invités à vous redécouvrir.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Titulaire d’une licence en théologie et ordonné prêtre en 2009,
Benoît Serge Placide Melibi a été vicaire paroissial pendant un an et curé pendant six ans. Il poursuit également des études en sciences de l’éducation. Il signe, avec
La Parole qui sauve I, le premier volet d’une série d’ouvrages consacrée à des méditations profondes sur la Parole de Dieu.
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Seitenzahl: 645
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Benoît Serge Placide Melibi
La Parole qui sauve I
Réflexions homilétiques de l’Avent à la Pentecôte
Essai
© Lys Bleu Éditions – Benoît Serge Placide Melibi
ISBN : 979-10-377-6577-2
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Àmes défunts grands-parents et parents
À tous les croyants et chrétiens
Aux ouvriers apostoliques
Et à toute âme de bonne volonté
Présentation
On entend souvent dire que l’homme est un homo religiosus. L’énonciation de ce constat mérite cependant d’être expliquée pour mettre en lumière une dimension de l’homme qui souvent est mal comprise et même mal gérée dans les contextes où l’esprit du laïcisme et du modernisme bat son plein. Pour bien asseoir la compréhension de cette dimension de l’homme, il faut rentrer dans l’origine des termes. De fait, le terme religion vient du génitif latin religionis (religio). Et Le dictionnaire illustré de la langue latine1 explique religionis par : scrupulosité, consciencieux, conscience, exactitude, loyauté, sincérité. Définies par le nom ou par l’adjectif, la scrupulosité ou la conscience ne rendent pas compte de l’ensemble des actions qui sont à la base de la construction de la réalité de la religion. Voilà pourquoi il faut repartir des verbes : religere ou religare qui signifie attacher, relier. Il s’agit alors de relier ou d’attacher le scrupule, la conscience, la loyauté, la sincérité à un lieu, une personne, un objet, une attitude. C’est ici qu’émerge la notion du sacré ou réservé. Par ailleurs, le mot religionis signifie aussi un ensemble de rites pour le culte2, parmi lesquels ceux qui rendent sacré, c’est-à-dire béni et réservé. Toutefois, ce qui est dit jusqu’ici ne nous plonge pas totalement dans l’univers de création des convictions qui sont le support de la religiosité. Voilà pourquoi il faut ajouter le verbe rilegere qui signifie : relire. Il s’agit de la relecture du réel pour déchiffrer les codes et les lois de sorte qu’il en ressorte un sens. Et dans le domaine religieux, le sens implique la causalité et la finalité, un début et une fin. On observera alors cette forte tendance du religieux à canaliser le sens de l’existence dans ce couloir téléologique. La relecture du réel, en ressortant les codes et les lois qui y sont inscrits, porte ainsi les experts du religieux et du spirituel à construire un sens qui lie le créé à un ordre cosmique sacré, à la Transcendance. L’homme qui est un être rationnel met donc son intelligence à contribution pour trouver la logique cachée derrière ce qui existe. De cette construction ressortent un ensemble de vérités capables de lui procurer une certaine sécurité face à l’immensité de l’univers et la densité des réalités et vérités à découvrir. Entendu que le réel ne nous livre pas tous les secrets au premier regard, l’immensité du créé plonge l’homme dans une angoisse existentielle due à l’ignorance. Ce qui provoque une forme d’insécurité. Le fait de décoder, découvrir la vérité et donner un sens, restitue quelque peu cette sécurité.
Ainsi, l’homme est homo religiosus parce qu’il use de son intelligence et de sa volonté pour construire le sens de son existence en incluant la loyauté, la sincérité et la scrupulosité. La religion devient alors un ensemble d’attitudes et de comportements culturels et cultuels qui expriment la relation de l’homme avec le divin ou la Transcendance3. La religion dans sa forme cultuelle a donc pour devoir de mettre l’accent sur ces aspects fondamentaux. Par ailleurs, le domaine du culte s’appuie sur deux autres piliers très déterminants pour la religion. Il s’agit de la foi et de la spiritualité. Nous définissons la Foi comme la ferme conviction des choses qu’on espère. Il ne faut surtout pas oublier que cette conviction dépend de la qualité et de la véracité du sens qu’on se construit à partir de l’intelligence du réel. Donc si le circuit de construction du sens est biaisé et faussé, la foi l’est aussi. La spiritualité n’échappe pas à cette logique de fausseté, vu qu’elle est la mise en pratique, sous forme de rites, d’attitudes et des comportements, de ce que la relecture du réel et les convictions prescrivent.
L’homo religiosus est confronté à certains problèmes issus de la construction du sens basée sur la recherche des causes premières et du discours téléologique. En effet, la diversité et la multiplicité du créé le mettent face à la multiplicité des perceptions, des compréhensions et des interprétations. La venue du monde de la science et de la connaissance rend plus complexe ce qui autrefois jouissait d’une estime, d’une considération et d’un ensemble de prérogatives et faveurs illimités. Voilà ce qui engendre le sécularisme et le laïcisme poussé ; tous surgis du rationalisme et de l’illuminisme. L’actuelle révolution techno-scientifique ne facilite pas davantage la situation, tout comme la pluralité des perceptions qui engendre la multiplicité des cercles cultuels plonge l’humanité dans une confusion de plus en plus palpitante. Entre philosophies, magies, ésotérisme, religions, sectes, spiritismes, spiritualités et matérialisme-consumérisme, l’homo religiosus ne sait plus trop à quel saint se vouer. Tous prétendent offrir à l’homme le meilleur sens, la vérité et la sécurité.
En même temps que nous trouvons pertinents certaines remarques qui viennent de certains savants qui pensent qu’il ne faut pas réduire l’histoire de l’humanité à deux mille ans de christianisme et surtout au christianisme hégémonique occidental, en même temps nous ne pouvons pas nier l’impact positif et déterminant du même christianisme qui a provoqué une véritable mutation historique dans la compréhension et la définition du sens de la vie. La scrupulosité fondée sur la crainte de Dieu répandue par le christianisme, en mettant l’accent sur la loi de l’amour, est une révélation exceptionnelle par rapport à l’ensemble des valeurs qu’elle fait émerger ensuite. La conscience d’être des êtres de Dieu et des êtres pour Dieu, en partant du principe de rationalité de l’homme, l’aide à travailler sa volonté pour la faire correspondre au plan ou dessin de Dieu. La multiplicité des cultes et des pratiques religieuses ne doit donc en aucun cas conduire à l’oubli de l’unique enjeu qui est celui du salut de l’homme. Dans la mesure où tous veulent le salut, la pluralité des propositions ne doit nullement éluder la pertinence de la loi d’amour qui régit les êtres. Pour nous chrétiens, elle est le cœur et la beauté même du christianisme. Sans elle, on ne saurait parler de miséricorde, de service, de sacrifice, de fraternité universelle et de toutes ces valeurs qui distinguent le christianisme des autres propositions religieuses et philosophiques. La fragmentation du christianisme ne doit pas, elle aussi, être motif et occasion de dénaturation et de dépréciation de la proposition religieuse et spirituelle, fruit de la loi d’amour proposée par le Christ. C’est par ailleurs une des raisons pour lesquelles il m’a semblé important de méditer la Bible et surtout les textes liturgiques pour en ressortir, dans une approche personnelle, quelques réflexions homilétiques qui sont et peuvent être développées à partir de ces écrits.
Pour aider le chrétien à vivre sa foi, l’Église propose aux fidèles un ensemble de rites et de cérémonies qui prennent le nom de liturgie. Cette liturgie est conçue sous forme de sanctification du temps élaborée autour d’un chronogramme qui regroupe des périodes bien déterminées, bien agencées ; périodes pendant lesquelles la Parole de Dieu est proposée aux fidèles. Elle connaît des moments d’alternance entre mélancolie, joie et ordinarité. Les rites sont vécus avec ces orientations précises et accompagnés par un langage symbolique marqué par les gestes et les couleurs. Du premier jour du temps de l’Avent à la célébration du Christ Roi, en passant par les solennités, les fêtes et les mémoires, la structure du temporal est soit tricyclique, les années A-B-C, soit bi-cyclique, les années paires et impaires. Dans ces tomes, nous voulons mettre ensemble le cycle qui part de l’Avent à la Pentecôte (tome 1), tous les dimanches du temps ordinaire (tome 2), la liturgie quotidienne des années impaire et paire (dans un volume encore à concevoir). Certaines solennités, fêtes et mémoires constitueront un tome à part. De façon générale, le chronogramme des activités liturgiques, cultuelles et spirituelles est constitué :
Des solennités de précepte (les dimanches de l’Avent, les dimanches du carême et de Pâque, le Triduum Pascal,
Les solennités simples, c’est-à-dire qui ne sont pas de précepte (la commémoration de tous les fidèles défunts, le mercredi des Cendres, les trois premiers jours de la semaine sainte, l’octave de Pâque.
Les dimanches du temps de Noël et du temps ordinaire, les fêtes.
Les féries de l’Avent du 17 au 24 décembre (féries de l’octave de Noël et les féries du carême).
Les mémoires obligatoires (les féries de l’Avent jusqu’au 16 décembre, les féries du temps de Noël jusqu’au 2 janvier, les féries du temps de Pâque).
Les féries du temps ordinaire.
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Les périodes fortes de cette sanctification du temps sont organisées autour des préparatifs et célébrations de l’Avent à toute la période natale, et le carême et toute la période pascale. Il s’agit de la célébration des deux mystères de l’incarnation et de la résurrection. Toutes les prescriptions qui accompagnent le culte divin sont consignées dans le document conciliaire Sacrosanctum concilium sur la sacra liturgia, dans les différentes rubriques qu’on peut lire directement dans les livres liturgiques (Missels).
L’histoire du salut, rendue présente dans la célébration, révèle dans le temps de l’Église, l’action du Père qui, par la puissance du Saint-Esprit, envoie le Fils, afin que l’homme puisse retourner à la sainteté de sa première origine. Cela s’effectue dans un cheminement de transfiguration radical configuré au mystère pascal. L’Année liturgique est essentiellement la mémoire de l’évènement de la résurrection et des autres mystères qui caractérisent l’historique du déploiement du premier. Le sens chrétien de l’histoire met le Christ au centre pour que la communauté exprime en lui sa foi, le célèbre et espère en Lui en attendant d’être transfigurée dans la liturgie céleste. Il s’agit là de l’intention de manifester la présence du ressuscité au milieu de ses amis. Cette présence mystérieuse est rompue par les sacrements qui sont la modalité par laquelle l’Église en prière manifeste cette présence mystérieuse5.
Dans tout ce processus de sanctification du temps, les Saintes Écritures sont l’élément clé à partir duquel et autour duquel tout est élaboré. Elles sont et manifestent, pour nous chrétiens, la présence du Verbe incarné de Dieu. Elles sont le creuset dans lequel le chercheur de Dieu peut approfondir sa relation avec Lui. À travers les lignes que vous lirez, nous avons voulu proposer une interprétation éclectique, c’est-à-dire qui associe le sens littéraire, le sens mystagogie, parfois quelques remarques critiques, et plus de parénèse basée sur certaines compétences, fruits de notre profil de formation où se croisent philosophie, théologie, expérience pastorale et pédagogie sociale. En l’absence physique du Fils, les Saintes Écritures continuent la mission du Salut qu’il nous a apporté. Elles sont donc comme son Auteur, la Parole qui sauve. Parole qui sauve parce qu’elle éclaire l’homme, l’enrichit de la bonne et de la vraie connaissance. Elle est annoncée à l’homme pour qu’il sorte des sphères de la destructivité où règnent l’instinct et ses forces dévastatrices. Elle est Parole qui sauve parce qu’elle met l’emphase sur les joies et transforme les peines en perspectives de gloire. Elle sauve parce qu’elle invite à viser haut, à exploser les limites du fini pour tendre vers l’infini et l’atteindre ; si on en devient passionné. Elle sauve parce qu’elle ouvre le voile qui couvre les potentialités qui destinent l’homme à construire une humanité meilleure, une humanité fondée sur la fraternité universelle et qui vit de l’unique loi qui gouverne tout, qui se fait contempler dans le créé ; loi qui est chantée dans le cantique des cantiques. Celle-là même qui est exprimée par l’alliance de sang scellée entre l’homme et Dieu sur la croix : l’Amour. Dieu crée par amour, il nous sauve aussi par amour. Il nous invite par la contemplation du créé à construire nos actions et nos interactions fondées sur la Charité qui ne finit point.
Jean Baptiste, photo : Be.Mel
Textes : Is 2, 1 – 5 ; Ps 121 ; Rm 13, 11 – 14 ; Mt 24, 37 - 44.
Le temps de l’Avent dans la liturgie catholique est toujours un temps de prédilection pour la préparation de la venue du Seigneur. Il est question, selon les Saintes Écritures, de faire attention aux péripéties qui traduisent la déliquescence des mœurs. Ce qui conduit à une société en perte des valeurs fondamentales qui garantissent le vivre-ensemble et les possibilités de paix et de bonheur pour tous. C’est cela même qui plonge le monde dans une nuit profonde. Nuit due à l’obscurité du mal consenti par l’humanité. Cet éloignement de la vie vertueuse donne l’occasion au prophète Isaïe d’interpeller la communauté et surtout de l’inviter à monter vers la maison du Seigneur. Car c’est là le dernier rempart où subsiste encore la lumière.
Le thème de la montagne, comme lieu, traduit le passage des bas-fonds vers les hauteurs. Le bas-fond étant ici symbole de l’obscurité et du mal ; et la montagne le lieu élevé où on prend de l’altitude pour contempler la lumière. Dans la culture biblique, la montagne est un lieu où se sont accomplis des événements tant malheureux qu’heureux6. Oui, après la nuit, il faut se réveiller, ainsi insinue Saint Paul aux Romains. Le réveil survient parce que l’homme abandonne ses mauvaises habitudes, il élève son âme en passant des tréfonds de l’impiété vers les sommets de la piété, de la contemplation de la loi, de la Parole de Dieu en vue du Bien. Les difficultés arrivent généralement du fait que l’homme habitué par l’impiété et le vice n’entend pas abandonner ce qui désormais semble être sa nature.
C’est ce qui arrive dans la description que nous livre Jésus dans l’évangile de Matthieu. En faisant référence à l’époque de Noé, et pour caractériser l’abandon de la piété et de la vertu en général, l’homme a sombré dans le blasphème et le mépris de son prochain. Cette série apparemment historique peut aussi couvrir toutes les époques. Car chaque fois que l’homme tourne le dos à Dieu pour se consacrer lui-même comme un dieu, commence alors une lutte contre la Transcendance et contre son semblable. L’homme sans la lumière de Dieu est réduit à la simple expression de la bêtise. elle se traduit alors par le manger, le boire, le pouvoir, l’avoir ; bref par toutes les tendances bestiales. Voilà un être créé par Dieu qui se retourne contre son Créateur. La préparation dont il s’agit dans le temps de l’Avent consiste alors à s’arrêter un tant soit peu pour se remémorer son statut de créature et de fils de Dieu. Le rapport entre les deux traduit d’une certaine façon le rapport entre la nature et la culture, ou même entre la nature et la grâce. Il faut ici souligner la corrélation et la collaboration entre la culture et la grâce au service de la nature. À dire vrai, la nature abandonnée à elle-même, c’est-à-dire sans la grâce et la culture, se limite à la créature. Voilà qui nous réduit à l’état animal. Parmi les éléments fondamentaux de la culture qui participent au perfectionnement de la nature et à exprimer l’affiliation au divin, se trouve : la religion, la foi et la spiritualité7. L’Église est l’institution gardienne de cette lumière de la foi et de la relation à la Transcendance qui, à travers les cultures, participe à sa façon à garder l’humanité sur les sentiers de sa dignité.
La notion de veille qui traverse le temps de l’Avent participe donc de cette volonté d’aider l’humanité à rester sur le droit chemin. Je préfère le verbe veiller à attendre parce que l’un, le premier, traduit une attitude de vigilance, d’activité. Le second, attendre, ouvre la possibilité de la passivité, de la somnolence, de l’inertie. Le thème de l’attente est cependant abondamment développé dans les Écritures8, les pères de l’Église et le magistère. Il faut veiller non seulement pour combattre les bas instincts animaliers qui coexistent avec la capacité de s’améliorer, mais surtout pour créer et maintenir la filiation que nous recevons en adhérant au monde de la foi et surtout se souvenant qu’on est créé à l’image et ressemblance du Créateur. L’homme est capable de Dieu, il est capable du bien. Il n’y a donc pas de raison qu’il se laisse traîner dans la boue de l’indignité pour revendiquer sa nature bestiale au lieu de sa nature divine.
Bien-aimés du Seigneur, le premier dimanche du temps de l’Avent, pour nous qui venons à la montagne du Seigneur, nous consacre comme le petit reste de ceux qui continuent à assumer leur filiation ; ceux qui doivent maintenir le cap, sachant que la tentation est forte, celle d’abdiquer en revendiquant notre prétendue liberté dans la possession des honneurs et de la vanité passagère qui sont le lot quotidien des soucis de cette vie.
Textes : Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2-7 ; Ps 79/80 ; 1 Co 1, 3-9 ; Mc 13, 33-37
Le thème récurrent pour l’Avent est celui de l’attente du Seigneur qui vient. L’Église en prière agit parfois comme le prophète qui crie vers Dieu et Lui demande de déchirer les cieux et de descendre pour que la terre soit secouée, qu’elle se réveille et se rende compte de son existence. Le discours sur l’éveil suscite toujours en moi une certaine expérience vécue durant mon enfance. Plus jeune, papa avait l’habitude de sortir de la maison après l’école (il fut enseignant à l’école primaire) pour aller retrouver ses amis du village pour une partie de bière ou de matango (vin de palme). Quand ce fut le cas, il sortait toujours avec sa moto de marque Yamaha 100. Il rentrait parfois tard dans la nuit, à l’heure où tous étaient déjà endormis. Sa femme, ma mère, qui s’épuisait à faire l’enseignante, l’épouse et la mère de nombreux enfants que nous étions, ne pouvant plus résister à la fatigue de toutes les tâches accomplies en journée finissait par ne plus rester éveillée pour attendre son homme et lui ouvrir la porte. Quand il rentrait tôt, elle le faisait sans souci, mais s’il rentrait tard, il était presque certain que la maman ne réussirait pas à se lever du profond sommeil qui l’emportait. J’appris alors à rester éveillé pour attendre le papa quand il rentrerait. L’éveil était beaucoup plus difficile quand il allait à la chasse nocturne, loin dans les villages voisins ou lointains au camp scolaire où nous habitions. Pour réussir l’équation, je m’adaptai selon ses modalités. J’appris à reconnaître le roulement et le vrombissement de sa moto parmi tant d’autres. Ainsi quand il fut proche de la maison, je me levais et allais ouvrir la porte, si la maman était profondément endormie. Et s’il était allé à la chasse, j’appris à dormir d’un sommeil très léger, de façon à entendre les pas sur la cour, la véranda ou quand il toquait à la porte. Je peux conclure aujourd’hui que si papa avait été Dieu, il m’aurait trouvé en éveil et prêt à lui ouvrir la porte quand il rentrait.
Cette historiette est racontée pour montrer comment nous devons réagir face à l’exigence de la promptitude que nous demande le Seigneur pour sa venue. De manière spécifique, le prophète indique, pour aujourd’hui, le besoin de monter vers la maison du Seigneur. Nous y voici, en pleine célébration de sa Parole, celle qui nous indique ses voies et nous exhorte à briser nos épées, à déconstruire l’art des crises, des conflits, des guerres qui minent et nos familles et nos sociétés. Dieu veut nous éveiller par sa Parole, nous arracher aux griffes du péché qui nous endort dans la mort, nous éloigne de Lui. Oui, notre salut est désormais plus proche de nous. Il consiste à écouter cette Parole, à nous comporter honnêtement non seulement comme on devrait le faire en plein jour, mais de tout temps. Jetons les œuvres des ténèbres et endossons les armes de la foi pour attendre celui qui vient.
Textes : Jr 33, 14-16 ; Ps 24/25 ; 1Thes 3, 12 -4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36
Ce que la Parole de Dieu de ce dimanche m’inspire : « au lieu de maudire la nuit, allume la lumière ».
Depuis ma naissance, j’ai toujours vécu dans mon pays d’origine. Je n’y suis jamais sorti jusqu’à la quarantaine. Ayant choisi d’être prêtre, je fus choisi par mon évêque pour aller en mission d’étude en Italie. Ma petite expérience sur le sol italien m’a fait comprendre quels peuvent être les états d’âme d’une personne face à certaines situations de danger mortel dans la vie. En effet, ayant toujours vécu dans un contexte tranquille, de paix et de sérénité, malgré la pauvreté ambiante, je n’avais jamais connu des situations de guerre, de troubles et de crises sociales, de tremblement de terre, d’accident de quelque genre que ce soit. Ce qui ne me prédisposait pas forcément à comprendre la puissance de la Parole annonciatrice de la fin de toute chose. Car en fait, on se dit toujours que la fin n’est pas pour bientôt. Et même quand il m’était arrivé de vivre des moments tristes de séparations d’avec des personnes que j’aimais, je ne percevais pas aussi le sens de l’imminence et de la permanence de la fin en termes d’implication individuelle et personnelle. Elle semblait pour ceux qui sont morts. Pour cela, entendre souvent certaines personnes appliquer cette lecture apocalyptique des événements de la vie, nous porte à penser qu’elles exagèrent. Nous aimons bien le monde et nous voulons qu’il continue d’exister au moins pour d’autres milliards d’années. Le désir de vivre longtemps cette vie nous habite tellement que nous ne pensons pas de suite à un arrêt.
Lorsqu’on entend parler ceux qui ont vécu de grands événements traumatisants comme la guerre, le terrorisme, les tremblements de terre, les inondations, là encore nous restons, tout au plus, au niveau de l’empathie, c’est-à-dire, émus avec eux pour la douleur et les souffrances qu’ils ont réussi à survivre. Mais lorsque la chose vous concerne à la première personne, la perspective change. En effet, arrivé en Italie, j’ai vécu successivement le tremblement de terre trois fois. À chacune des fois, j’ai eu la nette perception que la fin était imminente pour moi. À ce moment-là, on ne pense pas forcément à l’implication de la fin pour tous, ce qui vous vient à l’esprit c’est, ça y est, mon tour est venu. Parfois on n’y pense même pas, on est apeuré, on réagit par instinct de survie et on cherche soit à se mettre à l’abri, soit on court dans tous les sens en pensant qu’il faut se tirer du danger. Le premier tremblement de terre j’étais couché, dormant. Je crus que je rêvais, que mon lit tournait avec moi. C’est le lendemain que j’appris qu’il s’agissait d’un tremblement. La deuxième fois, j’étais assis sur ma table en train d’étudier. Paniqué, je suis resté figé sans bouger. Et la troisième fois nous étions en pleine célébration eucharistique au sous-sol. Je vis les confrères s’affoler et chercher les portes pour fuir. Cette fois-là, curieusement j’étais paisiblement assis et ne sortis point de la chapelle, j’avais même une paix intérieure que je ne réussissais pas à expliquer.
Le témoignage précédent nous amène à dire que la parousie ou fin des temps peut aussi être notre fin de vie et nécessite qu’on soit prêt. Quand Jésus dit que notre cœur pourrait s’alourdir dans les mondanités, on comprend que l’homme en goûtant au bonheur de cette vie peut oublier que ce dernier est passager, éphémère. Il peut tellement s’y attacher qu’il pourrait penser que la Vie c’est ici-bas. L’épicurisme est un de ces courants philosophiques qui voulait pousser loin la satisfaction des désirs dans cette vie. Ce faisant, la fin paraîtrait comme une injustice, une méchanceté, une précocité, une surprise. Voilà pourquoi il est important de veiller. L’éveil consistera donc à définir le juste et bon sens de la vie en établissant les liens entre la vie et la Vie.
Les événements du tremblement de terre ont ravivé en moi la permanence d’un possible et surprenant départ de cette vie. La conscience de cette imminence doit stimuler en nous le désir d’une relation à Dieu et au prochain fondé sur la surabondance d’amour, seule loi sur laquelle nous serons jugés. Nous qui avons choisi d’être à la suite du Christ, nous restons éveillés pour sa venue si nous assumons notre appartenance à lui de sorte que nous devenions le germe de justice, de paix, de bonté et de charité qui reflète sa présence au milieu du monde.
Textes : Is, 4, 2-6, Ps 121, Mt 8, 5-11
Ils viendront du Levant et du couchant et prendront place à table au festin du royaume. Telle est la conclusion de la péricope évangélique de ce jour sur le fait de l’admiration que porte Jésus à l’endroit du centurion de l’armée romaine. En fait, le désir de Dieu et son dessein pour l’humanité sont de la voir partager sa félicité éternelle. C’est pour cela que, selon le prophète Isaïe, son germe doit croître au milieu de son peuple. Cependant il est très difficile dans les conditions d’un monde en proie à la désolation, à toutes les formes de guerres, d’injustices, de crises, de discriminations, et autres souffrances, de garantir la croissance effective de ce germe qui n’est rien d’autre que la Parole de Dieu dans le cœur de l’homme. En effet, comment faire pour accueillir la Parole de Dieu en soi, la laisser germer et la faire croître ? L’Église, mère et maîtresse, qui assume les devoirs de la culture de la parole et de sa croissance au cœur du monde et de l’homme en particulier depuis des millénaires a organisé le travail. Mais souvent, la méthode, les instruments et les moyens pourraient déjà à leur manière souffrir des limites inhérentes à la nature humaine et au contexte.
En effet, de nos jours, il n’est pas évident de garantir l’efficacité de la transmission de la parole par la communication. Les instruments de la communication, tout comme les méthodes et les moyens, ne sont pas toujours suffisamment mis à la disposition du Prophète. Il faut aussi compter avec le talent de ce dernier ; qui peut être soit de qualité soit médiocre. Ainsi entre Le Messager et le récepteur du message, il y aurait, dans certains cas, la difficulté de réunir les armes pour une bataille où la victoire doit être assurée. Comment éduquer le peuple de Dieu sans moyens, sans instruments et sans méthodes ? Et parlant de limites de l’homme, la semence divine qui doit s’enraciner dans ce cœur rencontre beaucoup d’obstacles. Elle doit lutter pour survivre contre les barricades de la peur, de l’angoisse existentielle, des différents traumatismes dus à la souffrance, à l’égoïsme, les injustices, les guerres, les maladies…
Le dessein de Dieu de rassembler ses fils sur la montagne pour leur donner sa parole et nourrir leurs âmes afin de les illuminer est la procédure inévitable pour sauver l’humanité des tendances au nihilisme. D’une certaine façon, on pourrait dire : Dieu propose et l’homme dispose. Car, en fait, la proposition de sauver l’homme d’une possible perdition dépend de sa disposition libre et volontaire à répondre au dessein de son Créateur. En son temps, saint Augustin disait déjà que Dieu, qui nous a créés sans nous, ne nous sauvera pas sans notre désir et notre participation. Ceci suppose alors l’abaissement et l’humilité pour accepter de se façonner à l’école de la Parole qui est Vie pour toute la création ; mais surtout vie pour l’homme. L’exemple patent de l’évangile de ce jour le signifie avec force. Le centurion dit clairement : dis seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. Il est ici clairement établi que la parole donne la vie, la parole est signe de vie, la parole est vie. Mais alors quelle parole ? Bien évidemment celle qui bénit, non celle qui maudit.
Le temps de l’Avent est effectivement le temps où Dieu nous rassemble sur le mont Sion de l’Église à l’écoute de la parole. Le temps où nous nous faisons humbles à l’image du centurion pour prier non seulement pour nous-mêmes, mais aussi et surtout pour les autres.
Textes : Is 11, 1 - 9, Ps 71, Lc 10, 21 - 24
Les Saintes Écritures en ce jour nous mettent devant des figures difficilement conservables et acceptables. Dans le livre d’Isaïe au chapitre 11, des versets 1 à 9, le Prophète décrit l’avènement d’un monde merveilleux où les ennemis d’hier seraient désormais amis. Le loup dormira avec l’agneau, La Panthère s’allongera à côté du cabri, le veau et le lionceau brouteront le même pâturage guidés par un enfant… toutes ces figures entrent difficilement dans la conception des relations entre le prédateur et la proie. Mais le présupposé est que surgisse le bourgeon instigateur de la liaison entre les ennemis d’antan. La question est : qu’est-ce qui pourrait bien taire les querelles entre la proie et le prédateur ou alors, qu’est-ce qui amène au bouleversement de l’ordre de la nature ? Apparemment le fils d’homme issu de la racine de Jessé, comme dit le Prophète, et rempli de l’Esprit du Seigneur ; l’esprit de sagesse et d’intelligence de conseil et de force, de connaissance et de crainte du Seigneur. C’est sûrement cet esprit qui œuvrera à l’anéantissement des forces contraires qui établissent un rapport violent entre les êtres créés. S’il est vrai que la relation naturelle de prédation obéit à la loi de survie, il est aussi vrai que l’esprit qui est la source de toute vie peut dans sa sagesse et son intelligence modifier l’ordre des choses. L’homme qui sait en faire usage est capable d’opérer le miracle dont il est ici question. En tant qu’être doué d’intelligence, l’homme est capable aujourd’hui de modifier ses relations déprédation. Il est capable de rendre dociles toutes les bêtes sauvages. Mais la préoccupation de fond n’est pas celle de tuer les lois de la nature, mais plutôt de les équilibrer. Certainement, le lion restera lion pour le veau et la panthère demeura un danger pour la chèvre au cours de leur existence. Bien entendu, la prédation étant l’unique moyen pour le prédateur de rester en vie.
Toutefois le passage de ce message du premier degré au second degré en l’appliquant aux relations interpersonnelles n’envisage pas le statu quo. Parce que par son intelligence et sa volonté, l’homme est capable de se différencier des bêtes des champs. Ce qui suppose des dispositions intérieures à accueillir la Parole de vie. L’instinct animal en l’homme lui commande de faire comme les bêtes, tandis que sa rationalité l’oriente vers plus de dignité. C’est vrai, la loi naturelle impose même à l’homme de sacrifier les autres êtres pour vivre, il n’en demeure pas moins que sa responsabilité d’intendant du créé le guide vers plus de transcendance. Tendre vers cette transcendance présuppose une prise d’élan fondée sur l’intériorité et le silence pour l’écoute de ce que dit l’esprit en lui ; c’est-à-dire se prédisposer à la crainte du Seigneur, la tempérance, l’humilité et la force. Pour l’évangile du jour, la vertu d’humilité est le far à l’œuvre dans les relations des uns vis-à-vis des autres. Jésus dit explicitement : je te rends grâce, Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux savants et aux sages et tu les as révélées aux tout-petits. Oui, les tout-petits sont les humbles, c’est-à-dire ceux qui acceptent d’assumer la place de créature et de fils ; ceux qui reconnaissent leurs limites et éprouvent le désir d’être liés au Créateur. C’est à ceux-là que Dieu se révèle, parce qu’ils se sont mis dans les dispositions à l’accueillir dans leur cœur.
Rendons grâce au Père éternel par son Fils et Verbe éternel qui nous invite en communauté priante à travailler à plus d’humilité pour briser les cornes de l’adversité entre nous. Seul ainsi les ennemis d’hier pourraient redevenir amis d’aujourd’hui. À la fin je me demande : sommes-nous prêts à nous faire tout petits ? Sachons tout de même que l’Avent est un moment favorable. Mettons-nous donc à pied d’œuvre.
Textes : Is 25, 6 – 10a ; Ps 22 ; Mt 15, 27 – 39
Le désir omniprésent au sein des peuples et des cultures de réaliser ou de vivre sans douleur et sans souffrance hante depuis toujours l’humain. Se rendant compte de la limite du créé, l’homme se rend aussi compte qu’une prétendue félicité sans souffrance ne peut s’accomplir dans la dimension matérielle physiologique. Car c’est en elle que se catalysent et se cristallisent tous les maux. Ne pouvant donc parvenir à ses fins par lui-même, la foi et la religion l’orientent vers cette destinée tant voulue et désirée. Dans ce cas, c’est Dieu, le Seigneur qui est l’organisateur dudit monde et de ladite vie où tout va véritablement mieux, où la quantité et la qualité ne sauraient faire défaut. Oui, l’homme désire accéder à la connaissance complète, à la perfection du plaisir dans le manger et le boire. Il désire accéder à un monde où il n’y a ni deuil, ni larme, ni souffrance. Cette aspiration profonde en s’avoisinant de l’épicurisme, n’enlève en rien la réalité de la perfection du bien sous-jacente. En assumant une approche antithétique, nous ne pouvons ne pas intuitionner le fait que l’existence de l’imperfection suppose celle de son contraire. Par conséquent, autant la vie suppose la mort, autant la finitude suppose l’infinitude. Et l’homme en est conscient depuis toujours.
Toutefois, le défi est celui de la corrélation et de la continuité à établir entre les deux dimensions. Souvent le passage du fini à l’infini, de la guerre à la paix, de la souffrance à la joie, de la vie à la mort, et de la terre au ciel souffre de la difficulté à saisir la liaison ou le cordon. C’est cela même qui permettrait à l’homme de tenir le juste milieu à lui nécessaire pour son existence. Ainsi le raisonnement par dissociation et distinction ou même différentiation opère une césure exclusive sur des réalités qui doivent être comprises comme une continuité et rester unies. Et dans ce sens le religieux pèche souvent en dissociant au moins à travers la terminologie, le temps et l’éternité, le matériel et l’immatériel, l’invisible et le visible. Les deux sont imbriquées et impliquées dans une interaction qui exige de tenir chaque chose à sa place et de ne pas les séparer. On dirait, les deux faces d’une médaille.
La réaction de la multiplication des pains dans l’évangile du jour manifeste à point nommé la volonté pour Jésus de lier les besoins matériels aux besoins immatériels et spirituels. Il est alors celui qui rassemble sur le mont pour nous nourrir du pain matériel et du pain spirituel. Souvent, la dichotomie, que nous installons entre les réalités qui n’en ont pas besoin, finit par engendrer soit des êtres centrés exclusivement sur des besoins matériels, ou alors des esprits désincarnés ; tellement l’enracinement spirituel nous fait penser que nous sommes au-delà du sensible. Que non ! Les deux interagissent. Du moment où l’homme peut le comprendre, l’engagement à rendre perceptible l’invisible visible n’est plus facultatif. Car c’est aussi en travaillant à multiplier les pains de blé et à les partager que nous partageons aussi la vie et la joie. La faim et la fatigue qui sont les précédents de la mort sont changées par la vitalité du pain, du partage et la joie de vivre qui en découle. Voilà aussi comment rendre le banquet du ciel visible, c’est cela lier le ciel à la terre.
Textes : Is 26, 1-6 ; Ps 117 ; Mt 7, 21.24-27
Le chrétien n’est pas un perroquet, c’est un être conscient, intelligent et volontaire qui croit, prie et vit ce qu’il croit et prie non par motivation extrinsèque, mais par conviction personnelle.
La méditation de ce jour se focalise sur le texte de l’évangile. Nous avons acquis l’habitude de penser que notre relation à Dieu dépend fondamentalement du psittacisme qui caractérise les différentes prières dont nous sommes capables de déployer au long du jour et de la vie. Ces paroles, qu’elles soient de louange, de demande, d’adoration, d’intercession, d’exhortation, de supplication, de lamentation… n’ont leur véritable sens que dans la mesure où elles s’enracinent véritablement dans le cœur de l’homme pour créer l’impulsion de l’action. De l’écoute à la mémorisation, de la mémorisation à l’assomption ou personnalisation, et de l’assomption à la mise en pratique, le chemin est long, ardu et semé d’embûches. Le bruit assourdissant des difficultés psychiques et problèmes y afférents, le pas alerte à trouver les solutions à nos préoccupations existentielles d’ordre matériel et psycho-affectif, finissent par nous plonger dans un ritualisme conformiste ; voilà qui ensuite réduit notre relation à Dieu à de simples automatismes. Dès lors, la prière est une formalité, une légalité. Pourtant l’Église notre mère enseigne : lex credendi, lex orandi, lex vivendi. Ce que nous croyons, c’est cela même qui guide nos prières et devrait aussi déboucher sur notre vécu. Le cloisonnement entre les différents stades de la vie de foi et de la spiritualité est un réel obstacle à l’éclosion du christianisme.
Le chrétien n’est pas un perroquet en qui on installe un mécanisme de répétition des paroles, faits et gestes. C’est un homme doué d’intelligence qui apprend à comprendre et à déceler la volonté de Dieu dans les Saintes Écritures pour en tirer les implications concrètes dans sa propre vie, dans sa relation à Dieu et dans la relation à son prochain. Si on conduisait une enquête de fond pour classifier les chrétiens, il en ressortirait certainement plusieurs catégories. Il y aurait ceux qui sont formalistes, c’est-à-dire ceux qui se contentent des formalités. Dans cette catégorie, on peut aussi associer les légalistes, les ritualistes. Les légalistes étant les observateurs stricts de la loi et les ritualistes des automates, réduits à la pratique par habitude, sans réelle conviction. Il s’agit ici juste du degré de compréhension, d’assomption, d’intégration de ce à quoi ils croient. Des chrétiens superficiels. Il y a aussi les périodiques, qui sont des chrétiens de circonstances (solennités et grands événements de joie ou de tristesse).
Le chrétien authentique est celui qui se conforme au-delà des normes et automatisme, à la volonté de Dieu en l’assumant non seulement dans les prières récitées, mais aussi dans ses convictions et sa vie. En parlant d’exigences et de normes, il faut noter le passage important à opérer entre la pression extérieure de la norme, et la pression intérieure de sa propre conscience. C’est cela même qui conduit à la maturité et à la responsabilité dans le domaine spirituel. Ainsi on prie, non par suivisme et légalisme, mais parce qu’on désire, qu’on aime, qu’on assume et qu’on s’assume. C’est enfin le même esprit qui caractérise l’agir chrétien par implication.
Textes : Is 29, 17-24 ; Ps 26 ; Mt 9, 27-31
En ces jours-là, les sourds entendront, les aveugles recouvreront la vue et tous les auteurs du mal disparaîtront… un discours qui nourrit depuis toujours l’espoir de la venue d’un monde où la création est parfaite dans la forme et dans le fond. L’ouverture des yeux et des oreilles souligne la correction de la forme et la disparition des injustices, de la stigmatisation et toutes autres formes de souffrances dues à la relation violente et agressive entre les êtres changera en crainte et louange au Seigneur, le Saint Dieu d’Israël. Oui, le Saint d’Israël, c’est le Fils de David, dont le nom est crié dans la péricope évangélique ; c’est Jésus. Il est celui qui opère le miracle qui ouvre les yeux aux deux aveugles, et qui certainement ouvre les oreilles des sourds et fait disparaître toute iniquité. Mais la question est, si miracle il y a avec les deux aveugles, peut-il aussi advenir avec tous les hommes de tous les temps ? Souvent la perception que nous avons des signes accomplis par le Christ pour les handicaps physiques et matériels peut l’emporter sur le besoin réel de guérison intérieure dont nous sommes tous nécessiteux. Quoiqu’il en soit, l’ouverture des yeux et/ou oreilles comporte la liaison du physique au métaphysique. Par la guérison de l’infirmité physique, il faut pouvoir passer à la guérison métaphysique ou spirituelle. Il faut aussi souligner que si l’ouverture des yeux restaure la vue et la visibilité, importante et agréable au bien-être entre l’homme et son entourage, la vraie visibilité à restaurer est celle de la qualité de ces relations qui dépendent des rapports qui génèrent toutes sortes de défauts qui finissent par rendre l’homme métaphysiquement aveugle.
L’intéressant est que la guérison des deux aveugles n’est pas œuvre d’une démarche personnelle de Jésus, ce n’est pas lui qui la leur propose. Les malades entendent parler du passage de Jésus, ils l’interpellent, avec insistance. Ils obtiennent ce qu’ils veulent. Il leur touche les yeux, qui s’ouvrent. Nous aussi, nous sommes invités à chercher Dieu, nous sommes des chercheurs de Dieu. Approchons-nous des milieux où on en parle, nous sommes ignorants et donc aveugles, laissons-nous toucher les yeux du cœur en toute humilité, accueillons la main posée du Christ sur nos cécités pour que s’opère le miracle. De nos jours il est plus plausible de penser et vérifier la guérison métaphysique. Elle s’opère par les prédicateurs de la Bonne Nouvelle. Et tous ceux qui, dans une démarche humble, acceptent d’être touchés par la Parole et changent leur vie sont le signe que, encore aujourd’hui, Jésus est notre lumière et notre salut, celui qui chasse les ténèbres de l’iniquité et des souffrances dont l’humanité est victime.
Textes : Is 30,16-21.23-26 ; Ps 146 ; Mt 9, 35 – 10, 1.5-8
La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Cette parole prononcée par Jésus à son époque garde certainement toute sa pertinence jusqu’aux jours d’aujourd’hui. Par conséquent l’exhortation à prier pour les vocations surtout religieuses garde tout son sens. En fait, au-delà de la métaphore utilisée, il faut comprendre que la courbe évolutive de la population mondiale reste croissante. Les statistiques sur le nombre de croyants et de chrétiens augmentent aussi. Mais la moisson dans le sens plénier ici ne saurait être circonscrite à ceux qui ont accueilli Dieu ou ceux qui sont chrétiens. Il s’agit aujourd’hui de l’élargir à l’humanité entière. Tous les hommes ont besoin du salut, ils ont tous besoin d’entendre une bonne nouvelle, ils ont tous besoin de la Bonne Nouvelle. Cependant, comment expliquer le manque d’ouvriers à la moisson dans un monde où la population augmente de façon inéluctable ? Au vu de la prolifération des églises et des pasteurs, dans un contexte comme le nôtre, peut-on aussi thématiser le manque d’ouvriers à la moisson ? Pour répondre à cette question, il faut certainement sortir de l’ornière du sens littéral, lequel nous réduirait à des calculs numériques et mathématiques. S’il est vrai que la croissance de la population entraîne un déséquilibre sur le ratio pasteurs-fidèles, il faut surtout faire une césure entre les chiffres mathématiques quantitatifs et les chiffres qualitatifs. Si le contexte grouille d’églises et de pasteurs, il n’en demeure pas moins qu’il se ressent le besoin de saints pasteurs ; c’est-à-dire, des guides vertueux, modèles et courageux au service de la vérité et de la communauté ; des guides qui défendent les faibles et les pauvres. Ceux-là mêmes qui acceptent véritablement de sacrifier leur vie pour les autres, parce qu’ils ont renoncé à eux-mêmes, parce qu’ils ont la passion du don de soi, la passion de l’autre. C’est cela même qui faisait dire à Jésus qu’il est le fils de l’homme, parce que passionné de l’homme et donc capable de s’offrir entièrement.
Oui, la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux, parce que la vocation dans notre contexte est réduite à la sphère religieuse. Pourtant nous sommes tous appelés à nous offrir pour le salut de tous. La vocation à la sainteté implique le sacerdoce commun des fidèles, une interrelation qui fait de chaque métier et de chaque service le lieu et l’occasion de s’offrir pour le bonheur de l’autre et non le contraire. Une famille, une entreprise, une société ou un monde qui manque de l’esprit du don et la vocation au sacerdoce (service gratuit) entraînent la dégradation de la coexistence à travers des vices comme l’injustice, la corruption, l’appât du gain, la condescendance, la barbarie… Le monde actuel souffre effectivement du manque d’ouvriers à la moisson du bonheur partagé dans le don de soi et le service. La crise s’aggrave d’autant plus que les institutions religieuses, qui sont les organes sociaux promoteurs de cet esprit, se laissent happer par la vanité et l’éphémère. Il devient par conséquent impératif d’accentuer la prière pour les vocations en général, et pour les vocations religieuses en particulier. En somme, les pasteurs sont la locomotive de l’esprit du don et du sacrifice pour le salut de l’humanité. L’arme fatale contre les souffrances, les infirmités de l’homme et même la possession démoniaque est bel et bien l’amour et le don de soi et à Dieu et aux autres.
Textes : Is 11, 1-10 ; Ps71 ; Rm 15, 4-9 ; Mt 3, 1-12
Les ennemis d’hier peuvent devenir des amis aujourd’hui, pas forcément dans le monde politique. Cela est possible dans le monde de ceux qui croient en Dieu et en l’homme. L’esprit de Dieu en l’homme lui donne donc la sagesse et l’intelligence pour dompter la bestialité et concevoir sa dignité d’être créé à l’image et ressemblance de Dieu.
La méditation d’aujourd’hui est centrée sur la première lecture. Un texte qui développe la dialectique du loup et de l’agneau, du léopard et du cabri, du veau et du lionceau, la vache et l’ours. La description d’une scène ou d’un panorama où les ennemis d’hier deviennent des amis aujourd’hui et toujours. La rationalité et l’applicabilité d’une telle métaphore à la réalité semblent surréalistes et fantaisistes. Pourtant la prophétie d’Isaïe apparemment difficile à réaliser se vérifie dans le quotidien. Le problème ici n’est pas d’aller chercher à comprendre comment la proie et le prédateur deviennent amis, il risque y avoir contradiction et désolation dans la réalité. Car aussi longtemps que les lois de la création prévoient la survie des espèces, il y aura toujours un rapport de prédation entre les êtres. Cependant il faut savoir faire la part des choses entre la loi naturelle et la loi positive. Celle créée par l’homme qui, d’une certaine façon, modifie la loi naturelle et magnifie le rapport de prédation en aggravant l’équilibre dans les rapports entre les créatures.
Un proverbe camerounais chez les Beti dit : « si tu n’as pas un rapport conflictuel avec la panthère, elle ne t’agressera pas ». Dans ce registre, lié à la loi naturelle de prédation, les bêtes sauvages n’agressent les autres que si elles se sentent menacées, si elles sont affamées. Elles ont par conséquent toutes peur de l’homme. L’homme est cette superbe créature parmi les autres sur terre qui domine la nature et réussit aussi l’exploit de contrôler et dompter la sauvagerie animale. Dieu a donné à l’homme ce qui le rend puissant et « maître » de sa création. Peut-être faut-il souligner davantage son rôle d’intendant du créé, plutôt que d’accentuer la maestria. En s’adaptant au monde, l’homme par l’intelligence applique le même principe de prédation pour survivre. La dramatisation de ce principe naît de son application exacerbée à tous les êtres, même à ses semblables. À partir de là, l’homme devient un loup pour l’homme. C’est cela même qui est à l’origine de tout le mépris que l’homme peut avoir pour son prochain, à qui il retire la similarité, la dignité et le droit à la même existence pour qu’ils coexistent. Le principe de prédation érige et soutient les avatars que sont les guerres, les injustices, le nihilisme et bien d’autres. Toutes les stratégies et idéologies sont ainsi validées et propagées. L’homme refuse de comprendre que son semblable n’est pas son concurrent, mais celui qui le révèle et avec qui il partage le même destin.
L’allégorie du prophète Isaïe, en l’appliquant à la sphère humaine, laisse entrevoir la possibilité d’un monde où l’esprit de prédation est évacué au point que les ennemis deviennent des amis parce qu’ils peuvent manger le même repas dans le même plat et dormir sur le même lit. Il ne faudrait surtout pas tomber dans la naïveté de penser et croire que cela est totalement faisable dans un monde irréligieux. Il faut rentrer à l’école de la foi et la piété. Cette école où la virulence et l’agressivité de la prédation sont censées disparaître pour faire place à l’humilité, à l’accueil de l’autre, à l’écoute, au respect à la solidarité fraternelle, à la charité, en somme à toutes les valeurs qui façonnent le sens du scrupule. La spécificité de l’homme qui fait de lui un être différent réside dans cette capacité d’inventer la culture et surtout d’établir un ensemble de valeurs qu’il s’engage ensuite à observer par respect pour sa propre dignité, pour la dignité de son semblable et le respect de toute la création. Il opère par là un passage de l’être animal à l’être humain. Fait à l’image et ressemblance de Dieu, ceux qui ensuite assument leur filiation, comme le Christ, pleins de l’esprit de sagesse et d’intelligence et tous les charismes y afférents, domptent finalement la bestialité, parce que désormais à leurs yeux, la prédation entre humains n’a plus lieu d’être. Il s’y établit un rapport de paix et d’harmonie entre les créatures. Le temps de l’Avent devient alors un moment favorable pour méditer sur l’impact de la Parole dans ma vie et les engagements que cela suppose. Un moment pour stimuler la voix de l’Esprit en nous. Si nous ne voulons pas que se vérifie la qualificative « race de vipère » en nous ; voici un temps où en apprenant à assumer notre filiation, nous nous positionnons comme le rameau de Jessé qui germe pour porter le monde vers la réconciliation et la paix.
Textes : Is 40, 1-5.9-11 ; Ps84/85 ; 2P 3, 8-14, Mc1, 1-8
Nous voici rendus au deuxième dimanche du temps de l’Avent. J’entends l’écho sonore de ce refrain biblique : « une voix crie dans le désert, préparez les voies du Seigneur, rendez droits tous ses sentiers, abaissez les collines, comblez les ravins, aplanissez le terrain accidenté ». En méditant cette mélodie millénaire, sa beauté lyrique risque de me plonger dans la monotonie et l’activisme du déjà entendu qui lui-même peut conduire soit au laxisme, soit à des automatismes dénués de toutes convictions. Pourtant la métaphore continue de m’interpeller aux jours d’aujourd’hui.
Si autrefois l’homme pouvait s’engager à creuser des routes à mains nues ; puis par un matériel rudimentaire fait de : machettes, houes, pioches, carrioles et autres, de nos jours, il s’est fourni en matériels un peu plus puissants. Tous les engins lourds pour faciliter le rasage des collines, combler les ravins, creuser les tunnels, construire des ponts, etc. La route a pour vocation de permettre la circulation des engins mobiles, catalyseurs des rencontres multiformes qui permettent à l’être humain de construire des relations multiples et variées. Réussir à se doter d’un sentier ou d’une route droite nécessite des dépenses énormes, que l’on se réfère à l’antiquité ou même aux temps modernes. Il s’agit en fait d’accepter de sacrifier du temps, de l’énergie, de l’argent, souvent aussi des vies. Dans les sociétés en voie d’appauvrissement, la réalisation d’une route digne de ce nom n’est pas la chose la plus aisée, pour des raisons multiples : on n’accepte pas de prendre le temps nécessaire, soit par manque de volonté et paresse, soit parce qu’on veut se lancer précipitamment. Tout comme on peut aussi être mû par l’autre dimension métaphysique et mystique de la métaphore, c’est-à-dire, être de ces personnes haut perchées qui estiment que le transport aérien est l’unique moyen que l’homme doit utiliser. Par conséquent, leurs résidences les plus affectionnées sont dans des lieux où seul l’avion peut les y conduire. Quelqu’un d’autre te dirait : « qu’il y ait même des lacs sur cette route, je m’achèterais un bateau pour traverser ». Quel dommage ! Et le sacrifice alors ? Et le travail ? Où est parti le patriotisme ? Voilà qui plombe le bien-être de soi et des relations humaines et de la société. Or l’autre nom de la sainteté, c’est le bien-être individuel et collectif. Nous voulons voir Dieu venir à notre rencontre, mais nous restons dans les recoins d’un monde aux routes sinueuses et dangereuses, où il ne se passe pas de jour sans qu’il y ait la narration calamiteuse des accidents à variances et variétés multiples, avec dégâts multilatéraux.
Dans les sociétés dites évoluées et modernes, que les autres du Sud sont admirant et copiant, les collines et les ravins ne sont plus un problème. La nature physique a été remplacée par la nature métaphysique ; ou la colline et les monts sont incarnés par l’orgueil exacerbé qui crée les ravins de l’isolement et la solitude. À cela s’adjoignent, l’exploitation de l’autre qui est d’ailleurs la création du capitalisme et du consumérisme… etc. Comment expliquer que les routes, au lieu de renforcer les relations humaines, les conduisent à la complexité, à la perplexité, au rejet (racisme et xénophobie) et à la damnation ? Il me semble que se préparer à célébrer le Dieu avec Nous revête alors une signification toujours actuelle à travers le redressement des sentiers, l’aplanissement des collines et des ravins. Ce refrain est une interpellation à installer la justice dans mon cœur, à assumer l’humilité ; toutes choses qui nécessitent un déploiement acharné de toutes mes forces et énergies pour briser l’orgueil de l’ego surdimensionné et enfin construire les ponts entre moi et les autres. Seigneur, viens en moi sans tarder !
Textes: Ba 5, 1-9 ; Ps 125/126 ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6
Le temps d’attente de cette semaine, est marqué par l’invitation de Jean le Baptiste à ses contemporains. Convertissez-vous, préparez les voies du Seigneur. Il le fit proposant un bain rituel symbolique et parcourant la région du Jourdain. On a envie de dire qu’il prêchait au bord du fleuve, à côté de l’eau qui devait servir pour la purification proposée. Je m’intéresse à quelques aspects de ce récit. Jean est une des figures centrales du temps de l’Avent. Nous connaissons son histoire. Pour plus de détails, on pourra revenir sur les textes de sa naissance (Lc 1, 5-25) et de sa mise à mort (Mc 6, 17-29) qui suit d’ailleurs ces épisodes de prédication.
Ici je m’intéresse à la voix qui crie dans le désert, comme dit le prophète Isaïe. Il est a priori un peu absurde de dire qu’un homme à la raison droite se lève et va crier une exhortation à la conversion à travers le désert. Mais au-delà de l’historicité et du lieu géographique, se joue une dimension allégorique très pertinente. Et dans ce sens il faut passer du désert de sable, lieu rude et de dangers divers, au désert des nouvelles sociétés construites à partir du sable de ces mêmes déserts ; où l’homme habite les maisons dures de béton et de pierres. On aura alors l’impression que le sable, les pierres et les scorpions ont pris place en remplacement du cœur de l’homme. Les sociétés actuelles, malgré l’avènement des droits universels de l’homme, continuent à allumer la chaleur des conflits et crises de tout genre. Ce qui n’est pas sans compter avec les serpents et les scorpions à la morsure brûlante comme : la haine, le terrorisme, l’exploitation, la prédation et autre… Quoi qu’il en soit, l’Église est la voix de Jean-Baptiste qui crie sans se fatiguer à l’oreille des hommes de tous les temps : convertissez-vous et préparez les voies du Seigneur. Souvent il est difficile de garder vive l’espérance d’un monde où tout peut bien aller, comme il est difficile de regarder les hommes continuer à se fourvoyer malgré les appels permanents à la conversion. Cela me rappelle cette parole d’un aîné dans le sacerdoce qui se demandait si les hommes écoutent même ce que les ministres des Cultes annoncent partout dans le monde. Et il répondit en disant, « malgré tout, il ne faut jamais cesser d’annoncer ». Car si la voix de tous les Jean-Baptiste de tous les bords du religieux et spirituel se tait, le monde tomberait en ruine ; et ce sans attendre plus d’un mois. C’est dire que l’action de Jean est un service à l’humanité pour l’humanité, dans le sens de la construction de sa dignité et de son salut. Et comment cela se fait-il ?
Jean, en plus de l’exhortation à se convertir, propose le baptême de purification. On peut y voir le ministère de l’Enseignement de la Parole et la proposition des sacrements, et particulièrement le baptême et la réconciliation. Le ministère de Jean préfigure déjà celui de l’Église. Sa Parole prépare et oriente le peuple vers le Christ. L’acte liturgique dans ce temps de l’Avent comporte cette même orientation et préparation en vue de la seconde venue. Et donc par les Paroles du Christ, l’Église dans la bouche de ses ministres continue d’une certaine façon ce travail du Baptiste. Cependant le baptême n’est plus un simple bain de purification. L’Église nous le donne pour nous affilier au Christ et nous incorporer à l’Église. Toutefois, si à l’époque de Jean il s’agissait de s’engager à changer après l’acte d’immersion dans l’eau du Jourdain pour la venue du Christ qui était imminente, nous pourrions plutôt nous demander ce que nous avons fait de notre filiation au Christ à travers le baptême reçu ?
De nos jours, beaucoup cherchent et reçoivent le baptême sans véritable approfondissement de la catéchèse des sacrements. Résultat des courses : les nouvelles générations de chrétiens sont superficielles et baignent parfois dans le formalisme, le ritualisme, le fondamentalisme. Quand on n’est pas enraciné dans la Parole, on finit souvent aussi par abandonner les pratiques de spiritualité. Or en s’éloignant de la fréquentation du monde de la foi, on se dénature à tel point que certains peuvent rentrer se percher sur les collines de l’orgueil et de la prétention. D’autres peuvent s’engouffrer dans les ravins de la haine, des jalousies et désirs insatiables de la concupiscence, et d’autres encore peuvent tordre leur intelligence en la pervertissant dans la malignité. Le message de Jean Baptiste reste alors d’actualité. Nous devons prendre conscience que le monde va mal parce que nous rejetons la proposition de conversion, et que la majeure partie, de nous qui avons choisi le Christ et qui sommes baptisés en son nom, ne reflétons pas suffisamment le visage de ce qu’il Est et qu’il veut que nous soyons à la face du monde. Il m’arrive souvent de penser que si les nations dites chrétiennes se convertissent, le monde peut s’améliorer d’au moins 40 % en un temps record. Quelle belle utopie ! Seigneur, viens à notre aide !