La Personne humaine un projet divin - Fulgence N’guetta - E-Book

La Personne humaine un projet divin E-Book

Fulgence N’guetta

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Beschreibung

Plonger dans l'itinéraire de Dieu à travers l'histoire de l'humanité, c'est explorer à la fois le mystère divin et celui de l'homme. Pour nourrir notre équilibre spirituel en tant que chrétiens convaincus et approfondir notre foi, l'étude de la doctrine de l'Église s'impose comme une nécessité. Transmise par le Seigneur Jésus aux Apôtres, cette doctrine, accueillie, vécue et proclamée, nous guide vers une maturité spirituelle authentique et tangible. Elle nous révèle une vérité essentielle : le Visage de Dieu se manifeste, aujourd'hui plus que jamais, aux croisements de la science et des chemins humains, illuminant nos quêtes et nos interrogations. Cette révélation nous enseigne que "La personne humaine est un projet divin". Quelle découverte lumineuse !

 À PROPOS DE L'AUTEUR

Fulgence N’Guetta, religieux-prêtre du Sacré-Cœur de Jésus, conjugue foi et savoir au service de l’humain. Formé à l’institut catholique de Paris en écoute et accompagnement psychologique et spirituel, il est aujourd’hui recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Bétharram, près de Lourdes. Scientifique de formation, il poursuit ses recherches en théologie spirituelle et morale à l’Institut catholique de Toulouse, enrichissant ainsi sa réflexion à la croisée de la science et de la foi. Auteur de "Dans les profondeurs d’une vie", publié par les Éditions Persée, il invite à une exploration spirituelle et humaine d’une rare profondeur.

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Seitenzahl: 280

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Fulgence N’Guetta

La Personne humaine

un projet divin

Essai

© Lys Bleu Éditions – Fulgence N’Guetta

ISBN : 979-10-422-6383-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Sublime dignité humaine qui nous a valu

l’incarnation, la mort et la résurrection du Fils de Dieu.

Prologue

Il y eut un grand dialogue… Celui entre le ciel et la terre, entre le divin et l’humain, entre le Créateur et sa créature. Au cours de ce dialogue, chacun des intervenants a été invité à se présenter avec ce qu’il a de plus cher. Dieu, qu’a-t-il de plus précieux si ce n’est son Fils, son unique ? Et l’homme, a-t-il vraiment quelque chose à donner ? Peut-être que non ! Mais une chose est certaine, il a quelque chose à préserver : sa dignité ! Le grand dialogue porte nécessairement sur ce qui coûte le plus à chacun des deux intervenants. Et il se présente alors comme la conséquence de la bienheureuse rencontre entre le Fils de Dieu Jésus-Christ et l’être humain dans sa dignité.

Cette dernière est une donnée fondamentale, un droit naturel absolu qui ne vient pas de l’homme mais est le propre de Dieu qui en est la source ultime. Dignité, valeur intrinsèque et intangible qui fait de l’homme un être à part entière, et sans laquelle il ne manque pas seulement de quelque chose mais manque de tout. Un manque fondamental qui l’habite et que Dieu, seul, vient combler par son incarnation.

Que l’homme vive, c’est un fait. Qui l’a appelé à cette vie n’en demeure pas moins une interrogation pour tous. Pourquoi l’homme est-il sur la terre ? Pour quoi a-t-il été créé ? Et pour qui vit-il ? (cf. Col 1, 16 ; Rm 11, 36 ; Pv 16, 4.) Questions qui ont occupé l’esprit des tout premiers hommes de la famille humaine comme celui de ceux d’aujourd’hui.

Même à notre époque encore, dans un siècle qui se veut scientifique et non plus religieux, la question de l’existence humaine n’est pas entièrement élucidée. Malgré les différentes théories scientifiques, nous n’en savons pas grand-chose. L’abondance même des hypothèses qui, émises un jour, sont remises en question le lendemain ne fait que donner la preuve, et de notre ignorance, et de notre curiosité passionnée sur l’origine réelle de l’être humain.

La vie humaine cependant ne trouve son explication et son sens pléniers qu’en Dieu seul. Le véritable sens de l’existence humaine et de la dignité de l’homme ne peut être élucidé qu’à travers le mystère de l’Incarnation. L’incarnation de Dieu est la preuve, la manifestation vivante et concrète de sa sollicitude et de son amour pour l’homme. Mystère au sens biblique du terme : « Dieu s’est fait chair : ce n’est pas seulement le premier des mystères de la vie de Jésus, c’est le mystère des mystères, qui est à la source de tous les autres1 ».

Il convient donc, avant toute chose, de reconnaître que ce dogme restera toujours au-delà des capacités d’appréhension intellectuelle de l’homme. Il semble, en fin de compte, que le silence serait paradoxalement la meilleure manière de parler du mystère de l’Incarnation. « Pourtant la Tradition chrétienne ne peut en rester à cette position muette. Car si elle reconnaît que Dieu reste “caché”, elle confesse aussi que Dieu lui-même a parlé dans l’histoire de l’humanité, qu’il s’y est lui-même “révélé”, qu’il s’y est même “incarné”, puisqu’il a pris figure humaine en Jésus de Nazareth, qu’elle confesse comme Dieu lui-même2 ».

Donc, toute réflexion sur la vie humaine trouve son point de départ dans le sublime mystère de l’Incarnation et conduit inévitablement à la croix pour enfin s’éclairer à la lumière de la résurrection du Fils de Dieu. Tout commence avec Dieu et trouve en lui son achèvement.

Le monde est le lieu où « s’affirme sans cesse la volonté des groupes, politiques, culturels, économiques, raciaux, idéologiques, à dominer, à éliminer, à nier, à anéantir tout ce qui ne peut être réduit à soi3 ». C’est dans ce tumulte que la dignité de l’homme – dont nous ignorons bien souvent la source originelle – est continuellement foulée aux pieds à notre temps. Derrière les problèmes de toutes sortes auxquels se trouve confrontée l’humanité, il y a implicitement ou explicitement la question de la négation de la liberté, de la valeur et de la dignité de l’homme. Il est donc plus qu’urgent de rechercher un chemin pour en redécouvrir et en promouvoir aussi bien son existence que sa dignité.

L’histoire de l’humanité nous enseigne que la dignité de la personne humaine ne peut être appréciée à sa juste valeur que dans un monde où tous privilégient le service, valorisant et faisant la promotion de tout ce qui peut l’être, le contraire de la puissance qui domine et écrase.

« Toujours présent à notre esprit, bien que peu formulé dans les textes proposés au sein d’universités laïques, voire islamiques, demeure le grand exemple qui est en même temps la grande source : Jésus de Nazareth4 ». Fils de Dieu fait homme, il manifeste aux hommes que Dieu ne se veut ni puissance ni domination, mais service ; c’est pourquoi il s’est fait lui-même Serviteur durant toute sa vie terrestre. Ainsi, « l’Homme-Dieu en qui s’unissent l’humain et le divin devient l’archétype anthropologique à imiter5 », totalité à tenir pour une véritable promotion de l’homme ; le mystère de l’Incarnation revêt un caractère éminemment anthropologique et actuel.

En effet, devant le triste constat de l’écroulement des valeurs morales dans le monde, un réveil des esprits s’impose ; devant les menaces qui planent sur l’être humain, sa personne, sa dignité et sa liberté, une révolution doit naître pour sauvegarder et promouvoir les valeurs de la personne humaine. L’une des voies, sinon la meilleure des voies, qui se présente à nous est un retour à la source, au fondement qui est le mystère même de l’Incarnation.

Traiter d’un si vaste et noble sujet n’est ni prétention ni inconscience de notre part mais plutôt pure nécessité car il appartient à tout chrétien d’approfondir ce mystère.

« Tout d’abord parce qu’il est au cœur de ce qui fait la radicale originalité du christianisme, et qu’un chrétien qui aurait une méconnaissance ou une mauvaise compréhension de l’incarnation serait en porte-à-faux vis-à-vis de sa propre foi et de sa propre identité6 » ; la foi, en fait, ne se réduit pas à une simple acceptation du salut. Elle est aussi connaissance, connaissance du mystère de Dieu et de sa vie intime (cf. Jn 17, 3). Car confesser le Christ de manière juste, dans un langage théologique approprié, c’est cela l’intelligence de la foi. De notre conception du Christ dépend la qualité de notre foi.

Comme l’orthodoxie va toujours de pair avec l’orthopraxie, une présentation adéquate, claire de la doctrine chrétienne constitue un puissant remède face à l’athéisme et à l’indifférence religieuse. Mais aussi parce que l’intelligence du mystère de Dieu fait homme peut être l’enjeu d’une authentique annonce de la dignité de l’homme dans le monde contemporain. Car « en se révélant lui-même et son mystère, il révèle en même temps à l’homme, l’homme et son mystère7 ». Cependant, pourquoi choisir de mener cette recherche en convoquant à la table de discussion Dieu qui s’incarne et l’être humain dont la dignité fait l’objet de mépris de toutes sortes aujourd’hui ?

D’une part, parce que, dans l’incarnation, Dieu communique aux hommes et aux femmes de tous les temps ce qu’il a de plus cher. N’est-ce pas la dignité que l’être humain a de plus cher ? N’est-ce pas ce qui le définit et fait dans le même temps toute sa grandeur et sa noblesse ? N’est-ce pas ce pourquoi il ne cessera jamais de se battre et ce pourquoi il choisira de mourir plutôt que d’en être privé ? Une seule possibilité pour l’homme de se sentir et de devenir plus humain en effet : l’affirmation et le respect de sa dignité en tant qu’être humain. Les bafouer reviendrait à les détruire dans leur essence et leur existence même. Dans ce sens, incarnation et dignité humaine vont de concert.

D’autre part, si la théologie est le discours sur Dieu, et si Dieu – par son incarnation – se met au service de l’homme, une théologie qui n’a aucune incidence sur l’homme, qui ne le rejoint pas dans son quotidien et ne se met pas à son service, dans son combat pour une vie meilleure, est une théologie totalement abstraite, spéculative voire incomplète.

Dès lors, Dieu ayant pris visage d’homme pour le bien même de l’être humain, quelle vision de ce dernier la Révélation divine dévoile-t-elle ? Ou encore en quoi, le mystère de Dieu fait homme rejoint-il l’être humain dans le concret de sa vie ?

La présente recherche s’efforcera de répondre à ce problème central de façon aussi fondamentale qu’essentielle. En puisant dans la richesse du paradigme de l’incarnation, cette recherche est une contribution à la prise de conscience de la profonde détérioration des valeurs morales, mais aussi un cadre de réflexion théologique sur la mission du Christ : relever l’homme dont l’existence et la dignité sont bafouées. En d’autres termes, l’objectif recherché dans ce travail est de reconsidérer la personne humaine du point de vue de son développement et de sa dignité, de lui redonner tout son éclat et toute sa valeur. D’où l’exploration méthodique du sublime mystère de l’Incarnation et de la proximité de Dieu : « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné8 ». Depuis que, par l’incarnation, le Visage de Dieu a été dévoilé à la croisée des chemins humains, il n’y a plus rien en l’homme d’où Dieu doit être absent.

Ce qui est en jeu, en réalité, c’est le rapport de Dieu à l’homme. La révélation biblique fait donc prendre conscience de l’importance capitale des rapports interpersonnels pour l’existence humaine. De toutes ces relations de la personne humaine, il y en a une qui conditionne toutes les autres : il s’agit de la relation avec Dieu. Fondamentalement, il n’y a d’homme que de désir d’entrer en relation avec Dieu. Un homme, qui n’a pas de relation avec Dieu parce qu’il nie ou ignore son existence, est un homme abîmé dans ses relations avec ses semblables. C’est pourquoi une meilleure intelligence du mystère de Dieu permettra de mieux saisir le mystère de l’homme.

Ce livre propose une présentation du mystère de l’Incarnation en s’appuyant sur la doctrine des Pères de l’Église. Un examen particulier portera sur le rapport entre création et incarnation, création et évolution. Il se poursuivra sur le mystère de la Sainte Trinité en tant que condition d’auto-diction de Dieu, puis sur l’Incarnation – vérité principale de la Révélation –, sur les controverses ayant abouti à une définition plus élaborée de l’identité du Christ et de la foi, sur le motif même de l’Incarnation, et enfin sur l’incontestable présence de Marie dans le mystère du Christ et de l’Église.

Dans mon second livre, Il n’y a pas d’homme déchet, la réflexion ira plus en profondeur de façon beaucoup plus systématique sur la question de l’être humain, son développement et sa dignité dans le monde. Cette investigation prendra en compte la situation de l’homme concret de notre temps, ses misères, ses peines et ses désarrois. Elle rappellera avec insistance qu’aucun être humain ne doit être traité comme un déchet dont on doit s’en débarrasser. Par la suite, elle posera la cruciale question du développement, de la dignité de l’homme comme valeur sacrée. Elle présentera par ailleurs le Christ, visage de Dieu, à la croisée des chemins humains pour enfin exalter l’être humain, chef-d’œuvre de Dieu, sans oublier la fin dernière de celui-ci.

Introduction

Comment parler de Dieu à l’homme, et comment parler de l’homme à Dieu ? Seul celui qui est à la fois Dieu et homme est capable de parler avec exactitude de ces deux êtres, tout aussi mystérieux l’un que l’autre. Jésus, « Homme-Dieu », dis-nous comment parler de toi ? Que dis-tu de toi-même ?

Devant le mystère de Dieu, tout le genre humain se retrouve face à l’inconnu car il leur reste caché à tous. Objectivement, il ne peut y avoir de discours sur Dieu, mais plutôt une connaissance émerveillée de son mystère, grâce à ce que lui-même nous en révèle. Ainsi dans son désir passionné de s’auto-communiquer, Dieu, en Jésus de Nazareth, va se révéler à l’humanité.

Ce mystère, c’est d’abord aux Apôtres que « Dieu l’a révélé par l’Esprit. Car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu » (1 Co 2, 10). Il les a établis dépositaires de ses promesses et continuateurs de sa mission. Celle-ci fut ensuite confiée aux Pères de l’Église qui furent les authentiques garants de la Révélation dans la Tradition de l’Église.

Dans le souci d’une meilleure approche du mystère du Verbe incarné, une place de choix sera donc faite aux données de la Révélation biblique (Ancien et Nouveau Testaments), à la Tradition et au Magistère de l’Église, mais plus particulièrement aux apports des Pères sur ce noble sujet de l’incarnation. Il est clair que nous ne pourrons jamais nous contenter de répéter comme des perroquets les définitions du passé. Pourtant, il serait présomptueux de parler sans avoir d’abord écouté les Pères. Des hommes comme Athanase (…) Augustin (et) Basile (…) sont les Newton et les Einstein de la théologie. À côté d’eux, nous ne sommes que des pygmées. Nous n’aurons une chance de voir loin qu’en montant sur les épaules des géants9.

Au nom donc de la communion et de l’harmonie dans l’Église, nous ne pouvons nous passer des Pères. Ce serait un refus radical de tirer « de son trésor du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52) ; ce serait construire un château sans avoir posé la fondation au préalable. Bien au contraire, nous mettre à l’écoute des Pères, à l’écoute des anciens, c’est faire preuve de sagesse. Car, c’est toujours dans les pas d’un père que le fils qui veut aller loin pose ses premiers pas.

En vue d’une plus grande sincérité, la vocation d’un théologien doit dépendre de son intimité avec Dieu, de sa proximité avec la Sainte Écriture, « âme de la théologie10 », de l’influence de la grâce divine, de l’effort de la personne et, en dernier ressort, de la tradition théologique qui l’a façonné.

Ainsi la bonne gestion de l’héritage laissé par les prédécesseurs rendra fructueuses ses propres élaborations, à condition qu’il se mette à l’école de ces devanciers dans la foi qui, assis, voient plus loin que nous – qui sommes – debout ; plus encore, ils ont appris à approcher le mystère de Dieu dans la prière et à genoux. Toute la tradition chrétienne a essayé de comprendre comment le Créateur, en Jésus de Nazareth, est venu faire sa demeure en l’homme, et à travers lui dans toute la création. Œuvre gigantesque qui soulève de nombreuses interrogations : comment comprendre le rapport entre la création et l’incarnation ? Dans quelle mesure l’incarnation se présente-t-elle comme la vérité principale de la Révélation ? À quelle synthèse les controverses christologiques sont-elles parvenues dans la définition de l’identité du Christ et de la foi ? Quel est le motif même de l’Incarnation ? Comment interpréter la présence de Marie au cœur du mystère du Christ et de son Église ?

Chapitre 1

Création-incarnation

création-évolution

L’incarnation du Fils de Dieu dans le monde est la venue de la lumière dans nos ténèbres humaines. Dieu, en se faisant homme, fait lever sa lumière au fond de notre nuit. Et elle resplendit pour éclairer tous les hommes ainsi que leur intelligence. Le Fils s’incarne donc pour sortir l’humanité des ténèbres qui l’emprisonnent afin de la faire entrer dans la lumière du Père où tous les hommes, dans la puissance de l’Esprit, participeront à la gloire trinitaire.

Après une lecture humble et intelligente de la Bible, il ressort que la création du monde est l’œuvre de Dieu le Père, par sa Parole et dans la puissance de l’Esprit. Les premiers versets de la Genèse la lui attribuent avec cette parole initiale : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre (…). Dieu dit (…) » Formule qui va rester habituelle pour parler de cette activité de création : « “Dieu qui a fait le ciel et la terre” quelques fois complétée par cette autre mention : “les êtres visibles et invisibles”. Ces deux binômes, ciel et terre, visible et invisible, reposent sur une représentation cosmique du monde tel qu’il se présente à nos yeux.11 » Mais comment Dieu crée-t-il ?

Au fond, l’origine de la création c’est Dieu le Père parce qu’il est la source divine. C’est de lui qu’émane l’idée, le projet de création. Il ressort des deux récits de la création que c’est le Verbe qui est l’artisan de cette création, puisque le Père crée par sa Parole. Et au commencement de la création, l’Esprit planait sur les eaux : la création a donc été réalisée dans la puissance de l’Esprit Saint. Voilà toute la dimension trinitaire de la création.

Une précision est cependant nécessaire : « Les récits bibliques de création ne racontent nullement une histoire événementielle. Ils expriment un sens en présentant, sous forme de récits imagés, des symboles enracinés dans notre expérience la plus courante.12 »

L’histoire biblique est avant tout une histoire sacrée, il ne s’agit pas d’une histoire profane. C’est le discours qui est fait sur ce qui s’est passé ou ne s’est pas passé qui importe et non l’événement. En réalité, l’œuvre de la création est sortie des mains de Dieu. Il n’y avait aucun témoin humain.

Bien qu’il ne fût pas présent, l’homme, qui ne se contente pas de vivre uniquement, se pose les questions de son existence. Ainsi c’est le besoin de combler un vide qui l’a amené à élaborer ces récits de création. Toutefois, le plus important est que c’est poussé par l’Esprit Saint que des hommes, faisant usage de leur imagination et de leur intelligence, ont parlé de la part de Dieu (cf. 2 P 1, 21) pour produire ces récits. Les récits de la création, au même titre que tous les autres récits bibliques, sont inspirés divinement.

En hébreu, le verbe créer se traduit par « bara », verbe qui n’a pour sujet que le personnage divin; d’autres mots sont employés pour traduire, de façon imagée, la même réalité de la création : « faire, façonner, affermir, construire, et même engendrer13 ». Dans la conception biblique de la création, Dieu prend la libre initiative de créer sans que rien ne l’y oblige ; il est ainsi un Dieu personnel, parfaitement transcendant à l’univers créé. Étant éternel et indépendant de sa création, Dieu lui est antérieur.

Dans la perspective biblique, Dieu ne fait pas que créer le monde, il le soutient aussi. Bien plus, il le crée pour être habité. Ainsi, « Dieu a créé l’homme à l’intérieur d’un dessein qui a un but. La création est le premier temps d’une entreprise qui commence avec elle pour conduire l’homme à son bonheur à travers une histoire14 ».

Création et incarnation

Le rapport entre la création et l’incarnation tient du fait que toutes deux sont des œuvres divines. La seconde non seulement suppose mais révèle aussi le sens de la première. Autant la création est la première forme de révélation de Dieu autant l’incarnation en est le sommet.

1. La création, le commencement de l’histoire des hommes

« L’homme éprouve le besoin fondamental de connaître ses origines et, ce faisant, de saisir le sens de son existence15 ». Les deux premiers chapitres de la Genèse nous présentent chacun un récit de la création. D’une manière étrange, en lisant ces deux récits de la création, il est évident qu’ils ne sont pas parfaitement en harmonie l’un avec l’autre. En effet, « Ces deux récits proviennent de traditions différentes et se suivent en vertu du “montage” opéré par le rédacteur final. Or il se trouve que le second récit est plus ancien que le premier 16» ; c’est-à-dire que, chronologiquement, le second récit précède le premier. Il convient donc en toute logique de l’étudier en premier.

2. Le deuxième récit biblique de la création (Genèse 2, 4-24)

Le cœur de ce récit est la création de l’homme et de la femme. Le récit décrit trois éléments : le jardin, l’homme puis la femme. Avant même de faire le jardin, Dieu fait « sortir » l’homme de la terre.

La création de l’homme

Comme un potier, il modela l’être humain avec de la terre, lui donnant ensuite le souffle de la vie. Concrètement, le récit met en évidence la question de la matière humaine : au-delà des mythes et des légendes, l’homme est « modelé aux entrailles de la Terre » (Ps 138, 15) ; en clair, il sort de la terre, la chose la plus simple et la plus réelle qui soit. Ainsi la pâte humaine n’est pas différente de celle de l’arbre, des bêtes des champs ou de l’oiseau.

Le récit précise que Dieu tire l’homme de la terre. Par conséquent, en mourant, il retourne à la terre. La terre semble donc représenter en quelque sorte la mort, l’homme sans vie. De ce fait, la création d’Adam constitue dans le même temps sa résurrection : Dieu sort Adam de la mort. C’est pourquoi il lui demande de tout faire pour ne pas y retourner : « Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir. » (Gn 2, 16-17)

Il est clair que l’homme, loin d’être un maître absolu, n’est qu’un intendant. À ce stade déjà, on peut en déduire que par la création de l’homme – le sortir de la terre – Dieu annonce, de façon voilée, la résurrection des morts dans son Verbe éternel.

Dans ce second récit, le terme d’image de Dieu n’est pas utilisé comme dans le premier, mais le « modelage » correspond à la même idée. Au début du IIIe siècle, Tertullien méditera, en termes vigoureux, sur le mystère de ce « modelage ». Alors que pour l’ensemble de la création, Dieu se contente de donner un ordre, pour la création de l’homme il se met véritablement au travail17 :

Pourquoi donc cette création n’aurait-elle pas été réalisée instantanément d’un contact de Dieu sans plus d’ouvrage ? Mais si grande était l’entreprise que cette matière était l’objet d’un travail. Elle est en effet d’autant plus honorée que la main de Dieu la prend, la touche, la pétrit, l’effile et la façonne. Représente-toi Dieu tout entier occupé à donner figure à l’œuvre de sa main ; il y applique son intelligence, son action, son conseil, sa sagesse et sa providence, et avant tout son affection. Car ce qui était imprimé dans ce limon, c’était la pensée du Christ, l’homme à venir.18

D’une façon tout à fait extraordinaire, Tertullien a deviné l’intention, l’affection et l’amour de Dieu qui s’expriment à travers la scène du modelage qu’il décrit si bien. Avant lui, Irénée parlait avec tendresse de l’attitude de Dieu à l’égard de « l’ouvrage par lui modelé ». Dieu consacre une attention particulière et amoureuse à façonner l’homme.

La dernière phrase de la citation de Tertullien montre son génial bon sens qui découvre « les correspondances mystérieuses entre les différentes étapes de l’histoire du salut ». Quand Dieu créait l’homme, il pensait au Christ, l’homme à venir. C’est donc à la ressemblance du Christ, du Verbe de Dieu qui devait s’incarner dans la même chair que l’homme est créé en fin de compte.

Dépeinte comme l’acte libre d’un Dieu personnel, la création est aussi un acte d’amour : l’homme, fruit de l’amour de Dieu ! Comment ne pourrait-il pas être appelé à la vie et à la liberté ? On comprend alors que la création elle-même est ordonnée à l’avenir et au bonheur de l’homme. Dieu, faisant sortir la femme du côté d’Adam, montre toujours son amour et son souci de combler l’homme.

La création de la femme

Tirant l’homme en premier de la terre, Dieu le place dans le jardin d’Eden. « Le Seigneur Dieu dit : “Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Je veux lui faire une aide qui lui correspondra” » (Gn 2, 18). C’est ainsi qu’il façonne aussi les arbres et les animaux. Faisant défiler ces derniers devant l’homme, il lui permet de donner à chacun son nom. Pourtant, l’homme n’était pas comblé.

Une fois encore, Dieu va déployer son amour pour créer la femme : « Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit ; il prit l’une de ses côtes et referma la chair à sa place. Le Seigneur Dieu transforma la côte qu’il avait prise à l’homme en une femme qu’il lui amena. » (Gn 2, 21-22.)

L’homme se trouva enfin comblé et ne cacha pas sa satisfaction : « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci, on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise » (Gn 2, 23). L’idée, ici, soulignée, est celle de la similitude de l’homme avec la femme : en hébreu, homme se dit îsh et, femme, îsha. Ce qui n’est pas le cas avec les autres créatures.

En effet, on remarque dans le récit une différence : l’homme, les arbres et les animaux sont sortis directement de la Terre tandis que la femme, elle, est tirée de l’homme. La femme a été faite de ce qui a été retiré de l’homme. Elle est donc une part de celui-ci. Et sans elle, il lui manque inévitablement quelque chose.

3. Le premier récit biblique de la création

(Genèse 1, 1-31 ; 2, 1-3)

Il traite de la création de la terre, de l’univers, du monde végétal et animal, et enfin des êtres humains. « Dieu dit… et cela fût » : c’est par sa parole que Dieu crée le monde. « Dieu parle et le texte le souligne particulièrement puisque dix fois l’expression “Dieu dit” est mentionnée dans le récit de la création. (…) Ce n’est pas la seule fois dans la Bible qu’un texte est décompté en dix paroles : “Et le Seigneur a écrit sur les tables les dix paroles de l’alliance”.19 »

Le rapprochement entre ces deux textes peut éclairer le processus de la création. Création du monde et alliance entre Dieu avec son peuple sont deux événements capitaux pour les humains. « Dans ces deux circonstances, Dieu se révéla uniquement par sa parole. Dans les deux cas, il s’agit d’un texte fondateur. Dieu fonde l’alliance sur la base de dix paroles au Sinaï, il fonde notre monde avec les dix paroles rapportées dans le premier récit de la création.20 »

En prononçant ainsi ces dix paroles, Dieu crée les conditions nécessaires et suffisantes pour la rencontre et le dialogue avec les êtres humains : tel est le projet de Dieu et le but même de la création.

La création de l’Univers

Le premier récit biblique se présente comme un long poème, tel un chant de création avec des couplets et un refrain selon le rythme des six jours : « Il y eut un soir, il y eut un matin ». Ce sont les paroles donc de ce chant qui racontent la création de la lumière, la séparation du ciel et de la terre et celle de la terre et de la mer.

Elles disent ensuite comment les végétaux sont créés « selon leur espèce », les grands luminaires et les animaux selon leur espèce. Comme un ordonnancement, l’homme et la femme apparaissent au sommet de la création. Commençant par « Dieu dit » et se terminant par « Dieu vit que cela était bon », une exception est toutefois notable à propos de la création de l’homme et de la femme qui s’achèvent par « c’était très bon ».

La création de l’homme et de la femme

« La création de l’homme est l’achèvement et le couronnement de la création (Gn 1, 25-28)21 ». C’est au sixième jour que l’être humain, en effet, fait son apparition dans l’ordre de la création. Comme si tout avait été absolument préparé pour célébrer son entrée dans l’univers des créatures. L’être humain est créé homme et femme, c’est-à-dire pluriel et distinct. En d’autres termes, l’homme et la femme, distincts l’un de l’autre, partagent une même substance humaine, unicité dans la différenciation sexuelle.

Cet être humain est dit « créé à l’image et à la ressemblance de Dieu » comme si cette distinction sexuelle en l’être humain appartenait à l’image de Dieu. L’expression « image et ressemblance » pourrait bien traduire « une proximité particulière entre Dieu et l’homme22 ». Dieu semble projeter sur l’être humain ce qu’il est en lui-même : un Dieu qui fait l’expérience de son unicité et de sa tri-personne. C’est le Verbe de Dieu qui constituera l’exégèse, l’herméneutique du Père en en dévoilant le mystère par son incarnation.

L’ordre d’apparition de l’homme dans la création traduit déjà la place stratégique qui est la sienne et, de façon obvie, en représente le but : « Au cœur de cette création, il y a l’homme, merveille des merveilles et objet de la sollicitude de Dieu23 ». À ce titre, dans toute la création, rien de plus noble que l’être humain ! C’est la raison pour laquelle sa vie doit être respectée : « Qui verse le sang de l’homme par l’homme verra son sang verser ; car à l’image de Dieu, Dieu a fait l’homme » (Gn 9, 6).

La création à l’image de Dieu fonde l’éminente dignité de la personne humaine. Elle en constitue une garantie pour la vie éternelle : « Dieu a créé l’homme pour qu’il soit incorruptible et il l’a fait image de ce qu’il possède en propre » (Sg 2, 23). La collaboration de l’homme à l’œuvre de Dieu est donc inscrite dans son dessein. Comme en témoignent les deux récits de la création.

4. Pourquoi y a-t-il deux récits de la création ?

Oser poser cette question est nécessaire : pourquoi deux récits de la création ? Décrit de façon admirable l’être humain dans ces chapitres 1 et 2 de la Genèse n’est-il pas surprenant ? Pourquoi la Bible, Parole de Dieu, s’ouvre-t-elle sur ce mystère de la création de l’homme ? Peut-être parce que « l’homme est l’homme de Dieu, tandis que Dieu est par excellence le Dieu de l’homme24 » ? D’autant plus si nous considérons que les hommes et les femmes de la Bible, comme nous aujourd’hui, sont tirés de la même terre et faits de la même argile.

Toutefois, bien qu’il y ait deux récits de la création, il ne s’agit aucunement de rechercher lequel est vrai. Ces deux textes, en fait, sont primitivement distincts. Il serait plutôt intéressant de creuser du côté des contextes de composition de ces récits. Nous savons que le second est plus ancien que le premier. Pour éviter toute confusion, disons plutôt que le premier récit est plus récent que le second ; il en est non seulement un commentaire mais aussi une mise à jour. Leur simple lecture montre que, dans le premier, le jardin du second est devenu une totalité : le jardin devient toute la création ; et les hommes et les animaux sont tous ensemble. Plus de séparation entre les uns et les autres. Et l’homme domine. Examinons maintenant le contexte de ces récits en commençant par le plus ancien.

Le contexte du deuxième récit de la création (Genèse 2) est celui de l’exil à Babylone ; c’est-à-dire la perte provisoire du territoire ou du pays. Les Juifs ont été déportés à Babylone par Nabuchodonosor. Ils se retrouvent donc au milieu des païens. Le problème de fond est celui-ci : est-ce que les hommes (c’est-à-dire les Juifs) peuvent-ils vivre ensemble avec les animaux (c’est-à-dire les païens) ? Le jardin, avec en son sein les hommes et les animaux, représente Babylone avec les Juifs et les païens. Les Juifs ne peuvent pas rester au milieu des païens. Que faut-il faire donc ? Il faut sortir. Le thème porteur ou crucial de ce récit est « sortir ». Il faut donc sortir du jardin, de Babylone pour aller construire, ou du moins reconstruire, le pays. Telle est la théologie qui se dégage de ce récit.

Quant au premier récit de la création (Genèse 1), le contexte c’est la diaspora avec la perte définitive du pays. Il n’y a donc plus de pays à reconstruire. Par conséquent, la première histoire (dans le second récit) ne tient plus, une fois le deuil du pays fait. Alors les Juifs relisent leur histoire et l’ancien texte ; ils en font une mise à jour théologique. Le nouveau problème de fond se présente sous cette forme : comment est-il possible à des Juifs de vivre au milieu des païens ? Il est possible de voir une traduction de cette question dans l’expression « selon leur espèce » qui, dans le même temps, représente le thème porteur de ce récit. La séparation par la frontière géographique n’est plus possible, à l’inverse de celle par la race, celle dans la chair et « selon leur espèce » qui est toujours possible. Telle est la théologie qui se dégage de ce contexte.

Une fois la question du double récit de la création résolue, une autre pourrait tout de même surgir : condamnés à vivre au milieu des autres, comment la cohabitation entre Juifs et païens va-t-elle se réaliser ?

Dans le verset 28 du premier chapitre de la Genèse, Dieu bénit l’homme et la femme et leur demande d’être féconds, de peupler la terre et de la soumettre ; et enfin de dominer sur les animaux. Il ne s’agit pas d’une théologie de domination politique, mais plutôt simplement d’une théologie d’élection : c’est à cela que renvoie le terme « dominer ».