La prophétie des contrées livre 1 - Chris Rose - E-Book

La prophétie des contrées livre 1 E-Book

Chris Rose

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Beschreibung

Contrée de la Bienveillance, Elffireda, cité des elfes. Leur joyau : la pierre de lune. Lorsque celle-ci se fait dérober, le roi Gauderic de Tresumand envoie ses chevaliers à la recherche de la pierre. Le prince des elfes les guidera dans cette quête. Mais la tâche s'avère difficile ! Aloïs Degarde, jeune fille rebelle et têtue, s'octroie le droit d'accompagner les combattants dans ce long périple. Son rêve le plus cher : devenir un chevalier ! Malheureusement, ils ne seront pas les seuls à suivre la piste du joyau. La contrée noire fera son possible pour stopper l''avancée des chevaliers et faire en sorte que la prophétie se réalise. Nos chevaliers parviendront-ils à retrouver la pierre de lune avant que le monde tombe dans l''oubli" ? Aloïs sera-t-elle digne de devenir un chevalier ?

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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« — La femme n’est pas seulement un objet de désir. Elle est fragile et délicate, elle sait se montrer sous son apparence diabolique et cruelle, tel un dragon qui crache sa flamme. Son pouvoir est très puissant et ses serres très acérées.Vous, les hommes, méfiez-vous du loup qui dort ! »

Chris Rose.

À mes enfants, Margot et Mathis que j’aime tant…

Par le même auteur :

- L’exécutrice des âmes damnées tome 1, Bod on Demand - L’exécutrice des âmes damnées tome 2, Bod on Demand - L’exécutrice des âmes damnées tome 3, Bod on Demand - Triade de nouvelles fantastiques, Bod on Demand

Carte des contrées

Sommaire

Carte des contrées

CHAPITRE I : Le retour des fils

CHAPITRE II : Demande incongrue

CHAPITRE III : Dur d’être chevalier

CHAPITRE IV : Le départ

CHAPITRE V : Elffireda

CHAPITRE VI : La contrée du milieu

CHAPITRE VII : La mort à chaque instant

CHAPITRE VIII : Tromperie

CHAPITRE IX : Le désir

CHAPITRE X : Aymeric et Aloïs

CHAPITRE XI : Imprévu

CHAPITRE XII : Rapprochement

CHAPITRE XIII : Le roi et la princesse

CHAPITRE XIV : Passion

CHAPITRE XV : L’évasion

CHAPITRE XVI : L’arrivée de l’enfant

CHAPITRE XVII : Plaie profonde

CHAPITRE XVIII : La lumière

CHAPITRE XIX : La fin de la contrée noire

CHAPITRE XX : La princesse de Tresumand

CHAPITRE XXI : Dénouement heureux

Le rêve d’Aloïs

CHAPITRE I Le retour des fils

Le village était bien calme lorsque le chevalier Aymeric et ses quatre compagnons rentrèrent de mission. Le jeune homme était devenu chevalier au service du roi Gauderic de Tresumand le sage il y a de cela quatre années, ainsi que ses quatre amis d’enfance : Balderic, Ferréol, Ysengrin et Théobald. Depuis, aucun d’entre eux n’était revenu dans le village de Shalisia, domaine de ce même roi, bon pour son peuple. Ils avaient combattu au côté des nomades du désert durant ces quatre années et avaient tant appris. Lorsqu’ils étaient partis, ce n’étaient encore que des adolescents. Aujourd’hui, nos cinq chevaliers étaient devenus des hommes et ils voulaient revoir les leurs avant que la mort ne les emporte un jour. Revenir dans leur village signifiait : fête, fierté, bravoure.

Ils virent une petite silhouette au loin, celle d’un enfant. Dès que leurs chevaux foulèrent le sol de l’autre côté du pont qui les séparait du château du roi Gauderic, l’enfant hurla en direction du village que leurs chevaliers étaient de retour ! C’est à ce moment que tout le monde sortit des habitations de bois et laissait à l’abandon leur ouvrage. Les cinq chevaliers furent acclamés comme des princes. On leur posait un tas de questions dont les réponses furent parfois furtives. Aymeric laissa ses compagnons y répondre et se dirigea vers sa mère qui l’attendait bras ouverts. Il la prit dans ses bras et la porta en la faisant tournoyer.

— Mère ! Vous m’avez tellement manqué, souffla-t-il gaiement.

Dès qu’il la reposa, Mélisande toucha le visage de son fils, ses yeux étaient humidifiés par les larmes qui coulaient sur son visage.

— Mon grand garçon. Comme tu es devenu un beau jeune homme.

— Mère, vous n’avez pas changé.

— J’ai quatre année de plus, mon fils. Mais, entre dans ta demeure et débarrasse-toi de tous tes habits superflus, je vais te préparer un bon bouillon.

Aymeric ne se fit pas prier et entra dans sa maison qu’il n’avait pas revue depuis fort longtemps. Il resta un moment sur le seuil à contempler la demeure. Rien n’avait changé ! Toujours la même table en chêne au milieu de la pièce, taillée par son père. Le petit bureau en bois de merisier placé sous la fenêtre, les escaliers en colimaçon qui menaient jusqu’aux deux chambres mansardées et le meuble bas qui servait à préparer les repas et nettoyer les écuelles. Sa mère, qui était déjà dans la maison, lui posa un bol de soupe sur la table en le regardant.

— Mais entres, voyons, mon fils !

Aymeric ôta son armure et sa cotte de mailles, puis il vint s’assoir à table. Il prit la cuillère en bois et la plongea dans son bol. Il la releva et souffla sur le contenu de celle-ci, puis, doucement, il avala le liquide orange que sa mère savait si bien préparer. Il ferma les yeux.

— Mmm… mère, ayant voyagé, je peux vous dire que votre soupe est la meilleure au monde.

Mélisande ébouriffa les cheveux cuivrés de son fils.

— Ne dis pas de bêtise ! Tu aimais aussi la soupe d’Isabeau.

Tout en mangeant, Aymeric posa ses questions.

— Comment vont-ils ? Je ne les ai pas vus ?

— Oh ! Isabeau va bien. Nous sommes toujours amies. Heureusement que son mari, Pierrick, était là pour moi lorsque tu es parti. C’est lui qui m’aidait pour les travaux. Ils m’ont beaucoup soutenu, tu sais, je leur dois beaucoup, mais ils ne me demandent jamais rien en retour. (Puis elle le regarda avec des yeux pleins de malice) Pourtant, ils auraient pu, vu que…que tu frayais avec leur fille.

Aymeric leva les yeux de son bol.

— C’était avant que je devienne chevalier, mère. J’étais très jeune !

— Mais oui, mon fils. Et ne compte pas la revoir, elle est mariée maintenant.

— Avec qui ? interrogea Aymeric.

— Wilfried !

— Elle le détestait !

— Apparemment non, mon fils. Et d’ailleurs, à part les enfants, toutes les jeunes filles de notre village sont promises. (Elle pointa son doigt vers lui en riant) Ce n’est pas ici que tu trouveras chaussure à ton pied, mon fils !

Puis elle se leva et alla jusqu’au meuble où était posé un bac d’eau. Tout en se lavant les mains, elle prononça ses mots doucement et clairement, pour que son fils comprenne bien :

— À part, peut-être, si quelqu’un arrive à la dompter… Aloïs.

Aymeric rejoignit sa mère et posa son bol dans le bac d’eau.

— Elle n’avait que douze ans lorsque je suis parti, c’était encore une enfant.

— L’enfant à bien grandit, Aymeric, suggéra Mélisande.

— Pourquoi dites-vous si quelqu’un arrive à la dompter ? Mélisande voulut répondre, mais un bruit d’épée venant de l’extérieur attira l’attention du jeune homme. Sa mère sourit.

— Ce n’est pas pour rien que c’est la seule fille du village à porter un prénom de garçon ! souffla Mélisande à son fils.

— C’est seulement parce que ses parents ont cru avoir un garçon, lança Aymeric à sa mère tout en ramassant son épée et en ouvrant la porte. Et il se précipita à l’extérieur.

Mélisande sourit et nettoya la table.

Aymeric entendit les bruits de fer venir de l’enclos où l’on dressait les chevaux. Il courut rejoindre ses compagnons chevaliers qui se trouvaient devant la scène et regardaient curieusement ce qui se passait. Un jeune garçon était au sol, désarmé et affaibli. Une jeune fille, vêtue d’une robe de lin beige fendue sur le devant, laissant paraître un caleçon de cuir noir avec des cuissardes de cuir et sous son décolleté, très avantageux, remarqua Aymeric au passage, on pouvait apercevoir un corset noir. Son épée pointait le garçon au sol, ses grands cheveux bruns parsemés de mèches rouges ondoyaient au vent. Leur couleur avait toujours été source de paroles. Aloïs était née avec ces mèches, pour certains, c’était signe de malédiction. Aymeric remarqua son regard bleu intense qu’elle utilisait souvent pour amadouer ses parents et sa sœur. La jeune fille regarda la foule qui s’était réunie autour d’elle.

— À qui le tour, à présent ? lança-t-elle ironiquement. Un jeune homme, proche du chevalier, cria à la jeune fille :

— Personne dans notre village ne peut te battre, Aloïs ! Alors pourquoi t’entêtes-tu à vouloir nous faire souffrir ?

La jeune fille sourit.

— Parce que cela m’amuse ! Alors ? Personne ? s’exclama Aloïs guillerette.

Aymeric commença à avancer. Balderic lui attrapa le bras.

— Que fais-tu, Aymeric ? C’est une demoiselle !

Aymeric soutint le regard de son ami et eut un sourire amusé.

— Mais pas n’importe laquelle d’après ce que je vois ! Ysengrin posa la main sur l’épaule de Balderic.

— Laisse-le s’amuser, mon ami ! Il ne lui fera pas de mal, susurra celui-ci.

Balderic soupira, mais laissa son ami faire. Balderic était sage. C’était un grand chevalier. Il avait souvent sauvé la vie de son meilleur ami Aymeric. Il ne faisait rien sans lui et pourrait toujours compter sur lui. Mais Balderic n’aimait pas la violence envers les femmes et lorsque les positions ennemies s’entouraient du sexe féminin dans leurs armées, Balderic préférait les laisser à ses compagnons. Mais il avait confiance en son ami. Aymeric avança vers la jeune fille en souriant et en soufflant :

— Moi !

Aloïs posa ses yeux bleus dans le regard noisette du jeune homme. Aymeric tendit la main vers le garçon au sol.

— Allez, file ! Laisse faire un vrai chevalier !

Le garçon posa sa paume dans celle d’Aymeric et celui-ci l’aida à se lever. Le jeune garçon partit en courant rejoindre la foule. La jeune fille baissa son épée vers le sol et attendit. Aymeric fit tournoyer son arme dans sa main. Aloïs le contempla de bas en haut.

— Enfin de retour, Aymeric Le Grand, souffla-t-elle.

Ils commencèrent à tourner en rond en se regardant, prêts à brandir leur épée. Aymeric lui fit un sourire enjôleur.

— Aloïs Degarde, tu as bien grandi.

— Je ne suis plus la petite fille que tu as quittée !

De nouveau, le jeune chevalier fit tournoyer l’épée dans sa main droite. Aloïs cessa de tourner en rond et s’arrêta net, tenant son arme entre ses deux mains, écoutant les pas du jeune chevalier. Sa respiration se fit lente. Aymeric continua à tourner autour d’elle.

— Ne devrais-tu pas être en train de t’occuper de ton mari et de faire des enfants, Aloïs Degarde ? se moqua Aymeric.

La jeune fille soupira et ferma les yeux.

— Je ne veux pas d'un mari et encore moins d’un enfant, affirma celle-ci.

Aymeric sourit. Ce sera un jeu d’enfant de la battre ! Elle ne bouge même pas. Il prit son épée en pleine main, posa son pied droit devant le pied gauche et voulut frapper le premier, prenant Aloïs par surprise. Aloïs entendit le mouvement furtif du chevalier. Quel goujat ! La frapper dans le dos ! Elle attendit que l’épée d’Aymeric arrive au-dessus de sa tête pour lever la sienne et sans se retourner, elle stoppa de sa lame celle du chevalier. Aymeric en fut surpris, ce sera plus difficile qu’il ne le pensait. Aloïs se retournait tout en croisant le fer avec Aymeric. Leurs épées étaient entrecroisées et leur visage rapproché. On n’entendait que leur respiration. Ils se regardaient dans les yeux. Puis la jeune fille leva sa jambe, posa son pied sur le ventre du chevalier et poussa. Aymeric recula de quelques centimètres, juste assez pour qu’Aloïs puisse pointer son épée vers lui.

— Je n’aime pas beaucoup que l’on me colle de près ! ragea-t-elle.

Aymeric fronça les sourcils.

— Très bien. Tu veux te battre ! Allons-y ! Et son épée frappa de nouveau celle de la jeune fille, il y mit plus de force cette fois.

Aloïs le ressentit. Son pied arrière glissa sur la terre battue. Ils battaient le fer de la même cadence, de la même précision, sans jamais se blesser l’un et l’autre. Aloïs tournoyait avec grâce sur elle-même comme si son combat se résumait à des pas de danse. Ses longs cheveux bruns virevoltants au vent la faisaient ressembler à ces danseuses de la cour du roi qui se dandinaient pour le plaisir des hôtes. Aymeric avait toute la rage et la force que possédaient les anciens chevaliers. D’habitude, la foule se dispersait au bout de dix minutes de combat qu’Aloïs entreprenait, sachant lequel allait gagner. Mais là, voir la jeune fille affronter un chevalier du roi impressionnait les villageois. Même les enfants et les femmes, abandonnant leurs corvées, s’étaient réunis autour de l’enclos. Ils attendaient le dénouement du combat. En un instant, Aymeric fit glisser son bras sous la gorge de la jeune fille et la cloua au sol. Il se retrouva sur elle, la lame de son épée contre la gorge d’Aloïs. L’arme de la jeune fille était tombée au sol dans sa chute. Les spectateurs s’étonnèrent et poussèrent des cris de stupéfaction. Jamais Aloïs n’avait perdu ! Seuls les amis du chevalier restèrent concentrés, sachant que le combat n’était pas fini. Aymeric approcha son visage près de celui de la jeune fille. La respiration d’Aloïs se fit plus intense, son cœur battait la chamade. Les lèvres du chevalier se rapprochèrent des siennes.

— Abandonne Aloïs, j’ai gagné, souffla-t-il.

Elle sourit.

— Tu crois ? J’ai encore un atout !

— Lequel ? demanda Aymeric sur un ton ironique.

La tête de la jeune fille se leva rapidement et sans rien dire au chevalier, elle pressa ses lèvres contre celles d’Aymeric. Bougre ! se dit Aloïs, il apprécie le baiser !

Ysengrin mit un coup de coude à Balderic.

— Tu crois qu’elle l’embrasse vraiment ? Le chevalier sourit à son ami.

— Je crois plutôt que c’est un piège, Ysengrin.

Aloïs ne se laissa pas perturber et en un éclair, elle plia ses genoux contre sa poitrine et repoussa le chevalier qui tomba à terre. Elle se leva rapidement et ramassa son épée qu’elle pointa sur la gorge du chevalier en lui tenant le bras droit de son pied pour empêcher celui-ci de reprendre sa lame. D’un mouvement de tête, elle replaça ses cheveux derrière son dos et souffla haut et fort au chevalier, pour que tout le monde puisse entendre :

— Un atout auquel aucun homme ne résiste, chevalier !

Puis un applaudissement se fit entendre dans la foule et une voix s’éleva du brouhaha.

♣♣♣

— Bravo ma fille !

Aloïs laissa le chevalier au sol et courut vers la personne à laquelle appartenait la voix.

— Père ! Vous êtes revenu !

Son père l’enlaça dans ses bras et la souleva.

— Je n’étais parti que deux longs mois. Je t’ai tant manqué, ma fille ?

— Chaque fois que vous vous éloignez de moi, père.

Aymeric se releva et ramassa son épée. Il se dirigea vers ses compagnons. Les villageois se dispersèrent, ravis de cette petite récréation. Balderic posa sa main sur l’épaule de son ami.

— Ne sois pas si furieux Aymeric, elle t’a pris par surprise, tu es le meilleur chevalier !

— Laisse-moi tranquille ! ragea celui-ci.

Aymeric était en effet furieux et honteux. Se faire battre par une fille ! Ysengrin s’adossa contre la barrière en bois de l’enclos et soupira. Ses yeux pétillaient.

— Et bien moi, les amis, je crois que je suis amoureux, avoua celui-ci.

Aymeric le regarda, perplexe.

— D’Aloïs ?

— Bien sûr. Elle sait se battre et elle est belle comme une déesse. Elle a tout là où il faut !

— Et une langue de vipère ! ajouta Aymeric. Ysengrin le regarda, souriant.

— Pourtant, tu as aimé que cette langue tourne autour de la tienne ! Et il fit le geste à la parole.

Aymeric fut agacé, il le poussa. Les autres chevaliers rirent, même Ysengrin, qui se retrouva le cul par terre. Le jeune homme se dirigea vers sa maison. Il entra, furieux. Sa mère était en train de préparer le repas du soir, elle ne dit rien et le regarda du coin de l’œil en souriant. Aymeric posa son épée sur la table et s’assit.

— Humilié, mère ! Je suis humilié. Moi, un chevalier de premier ordre !

Sa mère lui parlait tout en épluchant ses légumes.

— Humilié ou envouté, mon garçon ?

Aymeric leva son visage vers sa mère.

— Quoi ? Envouté par cette donzelle ?

Mélisande laissa ses légumes en plan et vint s’assoir en face de son fils.

— Je n’ai pas eu le temps de te dire qu’elle était devenue une très belle demoiselle. (Mélisande prit la main de son fils) Mais tu t’en es rendu compte par toi-même, ajouta-t-elle.

Aymeric se détendit, oubliant son humiliation.

— Elle n’a vraiment aucun prétendant ? demanda-t-il.

— Oh ! À vrai dire, les jeunes hommes de ce village savent comment se comporte Aloïs et ils préfèrent être son ami que son mari. Mais il y a tout de même quelqu’un.

— Qui ? s’enquit Aymeric, curieux.

— Le prince des elfes. Il lui offre des cadeaux, mais Aloïs reste indifférente.

Aymeric écarquilla les yeux.

— Le prince Sillas ?

— Oui. Cela fait presque deux ans qu’il fait la cour à Aloïs et il ne désespère pas. (Mélisande se leva) Bon ! Le souper ne se fera pas tout seul. Et elle retourna à son ouvrage.

Aymeric ne dit rien et se leva de sa chaise. Il se rendit dans sa chambre pour préparer son bain. Il prit l’eau que sa mère avait fait chauffer sur le feu et l’emmena dans sa mansarde. Il se déshabilla et plongea doucement dans le bassin. C’était agréable. Sa mère entra sans prévenir. Aymeric plongea complètement son corps dans le baquet.

— Mère ! gronda-t-il. Mélisande sourit.

— Voyons, Aymeric, je suis ta mère !

— Ce n’est pas une raison, mère ! Je ne suis plus un enfant.

La femme posa un plateau d’herbes de parfum sur le guéridon et ressortit.

♣♣♣

Le soir était tombé. La nuit était fraîche, mais agréable. Aloïs regardait par la fenêtre. C’était si bon d’avoir sa propre chambre depuis que sa sœur était partie. Elle décida de prendre l’air avant d’aller se coucher. Elle sortit de la maison et marcha sur le sol en terre battue du village.

Théobald donna une tape amicale sur l’épaule d’Ysengrin.

— Tu es ivre, mon ami, tu as trop bu d’hypocras !

Chacun tenait une gourde dans sa main. Ysengrin vacilla de quelques mètres. Les autres rirent. Lorsqu’Ysengrin leva la tête, il aperçut quelque chose qui l’attira. Son cœur bondit dans sa poitrine. Balderic posa sa main sur son épaule pour le retenir.

— Je ne crois pas que…, souffla-t-il.

Mais le chevalier n’écouta pas son ami et se dirigea vers la jeune fille. Il se positionna devant elle. Aloïs le regarda, sourcils froncés.

— Tu es ivre, Ysengrin, laisse-moi passer !

Le chevalier approcha d’Aloïs doucement.

— Sinon tu… tu vas te… battre avec moi et m’embrasser pour…

— Laisse-moi, te dis-je ! ragea Aloïs.

Mais le chevalier insista et approcha son visage de celui de la jeune fille. Il titubait lorsqu’il marchait, mais arrivait à rester debout.

— Pourquoi… ne veux-tu pas m’embrasser ? Aloïs gardait son calme.

— Cela ne risque pas avec ton haleine fétide ! lança-telle.

Ysengrin commença à poser ses mains sur la taille de la jeune fille. Balderic soupira. Ysengrin approcha ses lèvres de celles d’Aloïs.

— Et Aymeric ? C’est ton… genre, hein ?

Aloïs le poussa violemment et leva son poing vers le visage d’Ysengrin. Elle fut interrompue par la main d’Aymeric qui retenait la sienne. Il la regarda sévèrement.

— Je t’interdis de frapper un chevalier !

— Ne peut-il pas se défendre seul ? demanda Aloïs rageusement. Je l’interdis de me toucher ! se défendit-elle.

Aymeric lâcha le poing de la jeune fille.

— Il ne l’aurait pas fait ! Il voulait juste que tu lui donnes un baiser.

— Et en quel honneur ? s’étonna Aloïs.

Aymeric approcha sa bouche de l’oreille de la jeune fille.

— Parce qu’il te trouve belle comme une déesse et que tu as tout là où il faut, susurra-t-il.

La jeune fille poussa Aymeric sur le côté et avança.

— Je ne fais rien sur demande, désolée !

Ysengrin se mit à genoux tout en regardant partir la jeune fille et hurla, en faisant semblant de supplier :

— Tu brises mon cœur, gente demoiselle ! Je suis amoureux de toi.

La jeune fille s’éloigna des chevaliers, en rage. Ceux-ci se moquaient d’elle ! Ils verront de quoi elle était capable ! Ils se mirent tous à rire aux âneries de leur ami Ysengrin. Aloïs retourna chez elle et claqua la porte d’entrée. Elle passa près de ses parents sans leur parler et entra dans sa chambre. Elle se déshabilla et se coucha. Demain sera un autre jour.

Aloïs

CHAPITRE II Demande incongrue

Isabeau entra dans la chambre de sa fille et ouvrit le volet.

— Dépêche-toi, mon enfant ! Tu vas être en retard au château. Hermine est déjà là, elle t’attend !

Aloïs se leva brusquement et s’habilla. Elle se nettoya le visage, se peigna et ne prit pas la peine de manger quelque chose. Elle attrapa juste un morceau de pain qui se trouvait sur la table et embrassa ses parents sur le front.

Tous les matins depuis une année, la jeune fille se levait aux aurores et se rendait avec son amie Hermine au château. Elles y travaillaient comme aide-cuisinière. Ce n’était pas très intéressant pour Aloïs, mais cela aidait sa famille à se nourrir. Elle gagnait un écu tous les sept jours. Le roi Gauderic était bon avec son peuple et très ami avec Pierrick, cela avait contribué à son emploi au château, emmenant sa meilleure amie.

Aloïs sortit de la maison. Hermine l’attendait, assise sur un banc en bois.

— Quand même ! Nous allons être encore en retard, et dame Frangénie ne sera pas contente, gronda celle-ci.

Aloïs prit la main de son amie et la fit se lever du banc.

— Cette vieille bique ! Elle ne sait même pas faire la cuisine ! lança Aloïs.

Isabeau passa la tête par la fenêtre, mécontente. Elle avait entendu sa fille.

— Aloïs ! On ne traite pas les gens ainsi, même si cela est vrai, sermonna Isabeau.

— Pardon, mère ! lança la jeune fille au-dessus de son épaule. Et nos deux amies se mirent en route pour le château.

Elles avaient déjà traversé le pont lorsqu’elles entendirent des sabots de chevaux fouler le sol derrière elles. Hermine se retourna.

— Ce sont les chevaliers ! Ils vont sûrement au château ! s’exclama-t-elle.

L’un d’eux se tint à côté d’Hermine, assit sur son cheval, qui trottait à la même cadence que la jeune fille. Hermine rougit lorsque celui-ci lui parla.

— Bonjour, charmante demoiselle.

— Bonjour, Ferréol, susurra Hermine timidement.

— Jusqu’où vas-tu comme ça ?

— Au château, soupira celle-ci, ravie que le chevalier l’ait remarqué.

— Moi de même. Tu irais plus vite si je t’emmenais.

Aloïs pressa la cadence, elle ne voulait pas s’éterniser avec les chevaliers. Un cheval brun se positionna à côté d’elle et une voix la fit sortir de ses gonds.

— Bonjour, femme de ma vie.

Elle se tourna vers le chevalier et cessa de marcher.

— Laisse-moi, Ysengrin ! bougonna-t-elle.

— Je peux t’emmener si tu veux ?

— Non merci ! (Puis elle prie le bras de son amie) Allez viens ! ordonna-t-elle à Hermine.

Mais Hermine ôta la main d’Aloïs rapidement.

— Non ! affirma-t-elle. Je vais monter sur le cheval de ce charmant chevalier.

Ferréol tendit sa main vers la jeune fille et celle-ci la lui agrippa. Le jeune homme la tira vers lui et l’assit sur le devant du cheval. Alors, les chevaliers dépassèrent Aloïs restée seule. Sauf un soldat, dont le beau cheval blanc se dressait à côté de la jeune fille, à pas cadencés. Aloïs ne dit rien. Aymeric commença.

— Tu irais plus vite à cheval. Aloïs regarda droit devant elle.

— Non merci. Ysengrin m’a déjà proposé sa monture.

Aymeric se mit en travers de son chemin avec son cheval, l’empêchant d’avancer. Il lui tendit sa main.

— Allez ! Monte !

— Non ! affirma Aloïs d’une voix grave.

Aymeric amena sa main sur la lanière du harnais.

— Bon très bien, soupira-t-il. Il ne te reste plus qu’à courir ! Et il rejoignit ses camarades dont les chevaux galopaient déjà.

Aloïs ragea. Mais elle finirait le chemin à pied.

♣♣♣

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu’Aloïs franchit le pontlevis du château. Elle se dirigea directement aux cuisines. Madame Frangénie l’attendait devant l’entrée.

— Vous êtes en retard, Aloïs !

La jeune fille fit une révérence à la vieille dame.

— Excusez-moi, dame Frangénie, mais j’ai fait très vite pour ne pas vous nuire.

— Levez-vous plus tôt la prochaine fois ! réprimanda la vieille dame.

Puis elle fit un signe de la main à Aloïs de s’en aller. Aloïs prit son tablier sur le meuble de l’entrée de la cuisine et le passa. Elle alla s’assoir à côté d’Hermine qui épluchait déjà les légumes. Son amie la regarda.

— Enfin !

Aloïs croisa son regard.

— Merci pour ton soutien, s’enquit Aloïs.

— Désolé, Aloïs, mais… je n’avais pas envie de me faire gronder encore une fois.

La jeune fille prit son épluche-légumes et commença son travail. Hermine continuait la conversation.

— Sais-tu qu’Ysengrin est vraiment amoureux de toi ?

— Quelle importance, souffla Aloïs.

— Et Ferréol est très beau.

— Tant mieux si tu as trouvé chaussure à ton pied ! railla

Aloïs.

—Je vois, Aloïs. Mais Aymeric ne t’est pas indifférent.

La jeune fille brune se leva brusquement et mit les légumes qu’elle venait d’éplucher dans le bac de cuivre d’eau qui chauffait sur le feu.

— Non, je… il ne m’intéresse pas du tout ! protesta Aloïs.

— Bien sûr, souffla Hermine d’un air satisfait. Et elles finirent leur ouvrage.

Puis Aloïs débarrassa la table. Tout en frottant le bois, elle demanda à son amie :

— Et sais-tu pourquoi les chevaliers sont venus voir le

roi ?

— Du fait, c’est lui qui les a fait demander au château, pour une nouvelle mission.

— Oh ! Je vois.

—Ils sont en ce moment en train d’en discuter. (Hermine regarda son amie) Troisième porte à gauche après le grand couloir, souffla-t-elle.

Aloïs l’embrassa sur la joue et traversa le couloir en un rien de temps, puis resta plantée devant la grande porte en bois, son oreille collée contre la paroi. Elle écoutait attentivement.

♣♣♣

Le roi Gauderic le Sage était assis dans son fauteuil. Une jeune femme déposa de la nourriture et de l’hydromel sur la table face au roi. Les chevaliers étaient assis sur des chaises sculptées et l’écoutèrent parler.

— Chers chevaliers, je vous ai fait venir, car j’ai besoin de vous. Vous devrez accomplir une nouvelle mission pour mes amis, les elfes.

Balderic prit la parole.

— Que se passe-t-il, mon roi ? Pourquoi les elfes demandent-ils notre aide ?

— La pierre de lune qui était en leur possession depuis des siècles a été dérobée. Ils l’ont localisé dans la contrée de nonretour. Ils ne savent pas comment cela s’est produit. Les elfes pensent qu’un magicien de la contrée noire s’est introduit dans leur domaine et s’est fait passer pour l’un des leurs.

Aymeric sourit et ironisa.

— Pour des êtres magiques, pas doués, nos hommes aux oreilles pointues !

Le roi soupira, mais ne tint pas compte de cette remarque provenant du jeune homme, c’était son meilleur chevalier et presque son fils. Il savait qu’Aymeric n’aimait pas beaucoup les elfes. Il les rendait responsables de la mort de son père. Celui-ci s'était fait tuer dans une bataille que les elfes avaient entreprise pour leur survie. On ne pouvait pas le lui en vouloir. On frappa à la porte. Le roi se leva de son fauteuil.

— Entrez ! ordonna-t-il.

L’un de ses soldats entra en posant le genou à terre, tête basse.

— Sir ! Nous avons trouvé une servante derrière votre porte, elle écoutait votre conversation.

Le roi s’avança devant le soldat.

— Amenez-la-moi, suggéra-t-il.

— Oui, messire.

Deux soldats tenaient à bout de bras une jeune fille qui se débattait. Aymeric soupira. Balderic se racla la gorge, le cœur d’Ysengrin battait très fort dans sa poitrine, Ferréol siffla, Théobald se trouva mal à l’aise. La jeune fille rageait.

— Lâchez-moi ! proféra-t-elle.

Le roi fit un signe de la main aux gardes.

— Vous pouvez lâcher cette servante !

Les hommes lui obéirent et sortirent de la pièce. Aloïs plia un genou et baissa la tête.

— Pardonnez-moi, monseigneur, s’enquit-elle. Le roi Gauderic avança vers la jeune fille et lui tendit la main.

— Relève-toi, Aloïs !

La jeune fille posa sa main sur celle du roi, qui était gigantesque par rapport à la sienne, et se releva. Le roi lui sourit.

— Qu’as-tu entendu, mon enfant ?

Les chevaliers regardaient sans dire un mot. Ils n’y étaient pas conviés, à moins que le roi ne le leur demande. Pourtant, Aymeric explosait. Quel toupet cette fille ! Aloïs respira profondément.

— J’ai entendu que les elfes avaient perdu la pierre de lune et je sais combien elle est importante pour leur survie, et la nôtre de surcroît. (Elle hésita à continuer de parler, mais le roi ne dit rien et lui demanda de poursuivre) Ils savent où elle se situe et les chevaliers doivent la retrouver, ajouta-t-elle. Je voudrais faire partie de cette mission, monseigneur ! Vous savez que les elfes m’autoriseront à mener cette quête.

Le roi posa sa main sous son menton et caressa sa barbe tout en réfléchissant.

— Je le sais, mon enfant… mais, qui peut me prouver que tu peux te battre, jeune demoiselle ?

— Tous vos villageois, monseigneur.

— Oui, je ne doute pas de toi, mais as-tu vraiment combattu un adversaire digne des plus grands ?

Balderic se leva de son siège et se présenta devant le roi. Aymeric lui fit un signe de tête négatif en fronçant les sourcils méchamment, mais cela ne découragea pas le jeune chevalier.

— Sir, j’ai vu cette jeune fille à l’œuvre, elle manie très bien l’épée. Elle s’est battue contre l’un d’entre nous.

Le roi sourit et plissa le front.

— A-t-elle gagné, chevalier Balderic ?

— Oui, monseigneur. Elle a mis le chevalier à terre. Le roi Gauderic se tourna vers les autres chevaliers.

— Et pourrais-je savoir lequel d’entre vous à manger la poussière à cause de cette jeune fille ?

Les chevaliers se regardèrent l’un et l’autre. Aymeric soupira et se leva. Son humiliation était encore plus grande.

— Moi, monseigneur, avoua-t-il. Le roi écarquilla les yeux, surpris.

— Toi ? Un chevalier de premier ordre ! Comment cela est-ce possible ?

Les yeux d’Aymeric se posèrent dans ceux d’Aloïs. Il rageait.

— Elle s’est jouée de moi.

Le roi regarda la jeune fille, puis le jeune homme. Son instinct lui disait que le destin de ces deux jeunes gens était lié et il ne se trompait jamais. Il s’approcha plus près d’Aloïs.

— Et de quelle ruse as-tu joué, mon enfant ?

Aloïs leva timidement les yeux vers ce grand homme.

— De celle que toutes femmes possèdent, monseigneur, le charme.

Ysengrin se mit à rire.

— Elle l’a embrassé ! lança-t-il en imitant le baiser.

Le roi ne se tourna pas vers le jeune homme et regardait toujours la jeune fille. Puis son rire envahit toute la pièce.

— Ah ! Ah ! Ah ! Une ruse des plus agréables ma foi, dont aucun homme ne peut résister ! Je te félicite, demoiselle.

Le roi retourna près de son fauteuil doucement et s’assit. Aloïs se tenait toujours près de Balderic, satisfaite. Ils attendaient tous que le roi parle, ce qu’il fit dès qu’il reposa sa coupe de cuivre sur la table.

— J’ai quelques questions à te poser, Aloïs.

La jeune fille redressa la tête et se prépara. Le roi commença.

— Si tu devais choisir entre la vie d’un de tes compagnons ou celle d’un enfant, lequel sauverais-tu ?

— Je ne choisirai pas, monseigneur, je sauverai les deux.

— Bon. As-tu peur de souffrir ?

— Non, monseigneur.

— Donnerais-tu ta vie pour l’un de tes compagnons ?

— Oui, monseigneur.

Le roi toucha de nouveau sa barbe et sa voix devint plus sèche.

— Même si ton corps devait être souillé ?

Aloïs respira doucement. Elle mit un moment avant de répondre. Les chevaliers attendaient aussi. Aymeric sourit, se réjouissant à l’avance. Aloïs releva son menton.

— S’il le faut, oui, monseigneur ! Une femme a le pouvoir de séduire son ennemi.

— Et pour ton roi, que ferais-tu ?

—Je le protégerai toute ma vie, monseigneur, surtout si ce roi est bon et juste. J’exécuterai toujours ses ordres, monseigneur !

— Et pourquoi veux-tu chercher la pierre de lune ?

— Si cette pierre n’est pas retrouvée, sir, notre monde sera anéanti par le mal. Les elfes ne pourront pas la retrouver sans aide, ils ont des pouvoirs magiques, certes, mais ce ne sont pas des combattants… (La jeune fille ferma les yeux) et ceci est important pour moi. Je veux prouver à tous les peuples qu’une femme peut devenir un chevalier et être respectée comme un homme.

Les chevaliers gloussèrent silencieusement. Aloïs les regarda sévèrement. Le roi soupira. Il se resservit de l’hydromel et but sa coupelle.

— Garde ! lança-t-il en direction de la porte.

Un homme courut vers lui et s’agenouilla, tête basse.

— Oui, monseigneur ?

—Veuillez faire venir immédiatement Pierrick Degarde !

— Oui, monseigneur !

Le garde sortit rapidement de la pièce. Le roi regarda la jeune fille

— Je dois m’entretenir avec ton père, Aloïs. Tu vas retourner aux cuisines et je te ferais convoquer lorsque j’aurai pris une décision.

Les yeux de la jeune fille pétillèrent et un large sourire se lisait sur son visage. Elle fit une révérence très rapide.

— Oui, mon roi. (Elle tourna son visage vers Balderic) Merci chevalier, susurra-t-elle. Et elle sortit en courant de la grande salle.

Aloïs retourna aux cuisines où l’attendait son amie Hermine, tout ouïe. Aloïs sautilla sur place en tapant des pieds, joyeuse. Levant les poings en l’air, elle cria à son amie :

— Le roi a fait appeler mon père ! Je crois que c’est gagné, Hermine !

Elles s’enlacèrent et tournèrent en rond comme des petites filles jusqu’à ce que dame Frangénie les interrompe.

♣♣♣

Dès que la jeune fille sortit, le roi demanda au chevalier Balderic de se rassoir. Ce qu’il fit en croisant le regard meurtrier de son ami Aymeric. Celui-ci lui en voudrait pendant un moment. Comme ses compagnons ne disaient rien, Aymeric se leva et posa ses mains sur la grande table, il s’adressa au roi sans même y avoir été convié.

— Sir ! Quelle que soit votre décision, et je pense qu’elle sera juste, je voudrai vous donner mon avis ?

Ses amis le regardèrent, stupéfaits. Le roi, qui était en train de manger un fruit, le reposa doucement et croisa ses mains devant lui tout en regardant le jeune chevalier.

— Je t’écoute, chevalier Aymeric.

— Je ne pense pas qu’il serait bon qu’Aloïs nous accompagne.

— Pourquoi, chevalier Aymeric ?

— Parce que c’est une fille et qu’elle ne… Le roi le coupa.

— Tu penses qu’une femme n’est pas digne d’être chevalier ?

— Ce n’est pas cela, sir, c’est juste qu’Aloïs est si jeune et sans expérience. Elle ne…

Le roi le coupa de nouveau.

— Si jeune ? Pourtant, tu ne l’as pas trouvé trop jeune sur certains points, chevalier Aymeric, comme tes camarades, évidemment.

Aymeric se pinça les lèvres, encore une humiliation à cause de cette fille. Au silence du jeune homme, le roi sourit. On frappa à la porte et le roi fit entrer le garde qui était accompagné de Pierrick. Le souverain ordonna à son garde de sortir et se dirigea vers l’homme qui se tenait au milieu de la pièce. Arrivé face à lui, il lui prit l’avant-bras et l’enlaça.

— Pierrick, mon ami.

— Sir !

Le roi cessa son étreinte et regarda l’homme.

— Je t’ai fait venir, car je dois te parler de ta fille, Pierrick.

L’homme fronça les sourcils.

— Qu’a-t-elle encore fait, sir ?

Le roi posa sa main sur l’épaule de Pierrick.

— Rien, mon ami, rassure-toi, dit-il. Nous allons parler dans mes appartements. (Puis il se tourna vers les chevaliers) Attendez-moi ici et mangez, ce repas ne doit pas être gâché ! leur ordonna-t-il.

Le roi sortit par une petite porte en compagnie de son ami. Les chevaliers se servirent dans les plats, sauf Aymeric. Tout ceci lui avait coupé l’appétit. Il préféra sortir dans la cour.

♣♣♣

Hermine et Aloïs puisaient l’eau au puits, situé au milieu de la cour. Elles avaient chacune un linge dans les mains et le frottaient sur le bord du trou. Hermine vit le chevalier sortir de la porte en bois et s’adosser contre le mur. Elle le contemplait. Elle pouvait admirer sa beauté, car celle-ci était située en face de lui. Elle regarda son amie.

— Il est vraiment beau garçon, souffla-t-elle.

Aloïs leva les yeux sur Hermine et plissa le front.

— Qui ? demanda-t-elle.

— Aymeric ! Il est derrière toi, adossé au mur.

Aloïs hésitait à se retourner.

— Si l'on veut, soupira-t-elle.

Hermine plaqua son linge sur le rebord du puits et fixa son amie.

— Tu ne le trouves pas séduisant ?

— Je m’en fiche, Hermine, c’est tout ! gronda Aloïs.

Hermine reposa son linge dans le panier prévu à cet effet et le prit dans ses mains. Elle soupira.

— Je ne te comprends vraiment pas, Aloïs ! Et elle marcha devant son amie qui la suivit.

Aloïs ne répondit pas, à quoi bon. Hermine passa près du chevalier. Il lui sourit et lui ouvrit la porte qui menait dans les cuisines. Lorsqu’Aloïs voulut franchir la porte à son tour, Aymeric lui agrippa le bras et l’emmena à l’écart, dans un recoin du château. Il la plaqua contre la pierre froide, approcha son visage face à celui de la jeune fille en lui soufflant amèrement :

— Pourquoi m’humilies-tu ainsi ?

Aloïs déplaça son bras pour qu’Aymeric lâche prise, mais le jeune homme serra plus fort. La jeune fille ne pouvait pas se servir de ses mains puisqu’elle portait le panier et le lâcher consisterait à laver de nouveau ce linge et elle n’en avait vraiment pas envie !

— Tu t’humilies tout seul, chevalier ! Je ne fais rien pour ça, protesta la jeune fille.

Aymeric fronça les sourcils, l’agacement se lisait sur son visage. Aloïs plongea son regard bleu dans celui du jeune homme. Alors, son cœur palpita. Ses mains devinrent moites, son corps frissonna. Le chevalier ôta sa main du bras d’Aloïs.

— Si tu crois que tu deviendras chevalier, tu rêves, Aloïs ! ragea-t-il.

La jeune fille repositionna le panier qu’elle portait sous ses mains moites en soufflant au chevalier :

— Tu as peur que je devienne meilleur que toi ! C’est tout !

Aymeric posa sa main sur le panier de la jeune fille et l’empêcha d’avancer vers la porte.

— Toi ! Meilleur que moi ! Cela m’étonnerait, Aloïs. Tu es…

Il fut interrompu par une voix.

— Aymeric ! Nous t’attendons ! Le roi est revenu.

Le jeune chevalier enleva sa main et répondit à son ami en regardant la jeune fille dans les yeux.

— Je viens, Balderic !

Puis il disparut derrière la porte en bois. Balderic sourit à Aloïs qui était restée sur place.

— Il veut que tu viennes aussi, Aloïs. Je crois que tu as gagné, souffla-t-il doucement.

La jeune fille posa son panier de linge par terre. Tant pis s’il fallait relaver celui-ci ! Mais, elle ne pouvait plus attendre. Elle courut jusqu’à la grande salle.

♣♣♣

Le roi et son père étaient assis côte à côte. Les chevaliers autour d’eux. Seule Aloïs se tenait au milieu de la pièce à contempler son père, espérant apercevoir le moindre signe de sa part qui lui permettrait de savoir déjà la réponse du roi. Mais Pierrick restait impassible. Il ne souriait pas à sa fille. Le roi Gauderic de Tresumand se leva de son fauteuil et respira profondément. Aucune expression ne se lisait sur son visage. L’anxiété d’Aloïs monta. Le roi tapa trois fois sur la table à l’aide de sa bague et parla enfin.

— Aloïs Degarde, fille de Pierrick Degarde et d’Isabeau Degarde, je sais que ton courage est grand, que tu me seras fidèle et que, quelle que soit la situation, tu protégeras tes amis. Quoi qu’il en soit, une femme est à ce jour, jamais parvenue à devenir chevalier. D’ailleurs, aucune à ma connaissance ne m’a demandé une requête aussi incongrue. Tu es la première et ne sera peut-être pas la seule dans les années à venir. Pourtant…

Aloïs croisa ses doigts. Son cœur battait très fort. Elle regardait attentivement le roi qui s’approchait d’elle. Elle retenait sa respiration. Le roi stoppa face à elle et sourit.

— Il me fallait parler à ton père pour prendre ma décision. Nous sommes parvenus à nous entendre…

La jeune fille regarda son père. Il était toujours impassible. Elle regarda ensuite les chevaliers un par un, mais ne put déceler la moindre expression sur leur visage. Le roi leur apprendrait sûrement la nouvelle en même temps qu’elle ! Elle se raidit lorsque le roi posa sa main sur son épaule.

— Une jeune fille qui a su affronter un chevalier de premier ordre ne peut être laissée en retrait. C’est pourquoi, moi, Gauderic le Sage, roi de Tresumand, j’accepte que tu participes à cette quête…

Aloïs ouvrit de grands yeux et se retint de hurler. Elle écoutait les mots qui sortaient de la bouche du roi attentivement, elle voulait être sûre que ce qu’elle entendait était vrai.

— Néanmoins, tu ne deviendras pas chevalier aujourd’hui. Si tu reviens indemne de cette mission, je t’adouberai à ton retour. Cette quête qui te tient tant à cœur sera ton initiation.

Le roi fini, Aloïs sautilla sur place et se jeta dans les bras de celui-ci. Ce qui ne se faisait pas, évidemment. Son père en fut surpris et les chevaliers choqués. Les gardes qui se trouvaient près de la porte se dirigèrent vers elle. Le roi Gauderic leva une main vers eux pour les stopper. Aloïs cessa son étreinte et tint la main du roi.

— Pardon, monseigneur. Mais je suis tellement ravie.

Je…

Le roi leva son doigt devant elle pour la faire taire.

— Avant de te mettre en route avec nos chevaliers, Aloïs, tu devras te préparer. Tu as deux jours ! Pas plus, pour que les chevaliers ici présents puissent te donner un entraînement furtif qui te permettra de combattre tes ennemis. (Le roi se tourna vers les chevaliers qui ne disaient rien) Ils ne seront pas tendres avec toi, reprit-il. C’est pour cela que j’ai fait venir ton père, pour qu’il leur donne sa permission. Es-tu prête à subir cette fatigue qui te rongera le corps ?

Aloïs fit une révérence en lançant au roi, sûre d’elle :

— Oui, monseigneur !

Le roi se tourna vers les chevaliers.

— Maintenant, vous pouvez parler, chevaliers, je vous écoute.

Ferréol leva sa main et soupira.

— Je n’ai rien à dire, monseigneur.

Ysengrin et Théobald firent de même. Balderic croisa ses mains sur la table.

— Je serai ravi de manier mon épée aux côtés de cette jeune fille.

Ils attendirent tous qu’Aymeric parle. C’était un chevalier de premier ordre et le chef, il était au-dessus de ses compagnons, il devait donner son avis. Même s’il contredisait le roi. Le jeune homme se leva en posant ses mains sur la table et regarda son souverain.

— Je n’ai pas le choix. J’accepte, monseigneur, souffla celui-ci amèrement.

Le roi se tourna ensuite vers son ami de toujours et lui montra les chevaliers d’un signe de la main.

— À toi, à présent, mon ami, de choisir un chevalier pour former ta fille.

Pierrick se leva et vint près d’Aloïs. Celle-ci l’embrassa.

— C’est comme s’il allait demander à l’un d’entre nous de prendre sa fille en épousailles, susurra Théobald en direction de ses compagnons.

Ils se mirent tous à glousser, sauf Aymeric. Pierrick se dirigea vers les chevaliers et stoppa devant Aymeric. Ses compagnons étouffèrent leur rire.

— Aymeric le Grand, commença Pierrick… je t’ai choisi, car tu es le plus grand chevalier de notre domaine. Je suis sûr qu’avec toi, ma fille saura combattre ses ennemis. Elle sera bien formée !

La jeune fille souffla. Elle aurait préféré que son père choisisse Balderic. Il est plus tendre et plus gentil. Il l’a toujours été, même lorsqu’ils étaient plus petits. Aymeric regarda Pierrick.

— Vous savez très bien que je ne serai pas tendre avec elle.

— Je sais, Aymeric. Je ne m’inquiète pas.

Il posa sa main sur l’épaule du jeune homme et lui sourit. Le roi fut satisfait et déclara :

— Très bien ! L’entraînement se passera au château. Pendant ces deux jours, vous résiderez tous les cinq ici. Un peu de compagnies me fera du bien ! Et le roi ferma les yeux.

Il repensa à sa femme Eloïse. Elle était si belle et si courageuse. D’ailleurs, Aloïs lui ressemblait beaucoup. C’est pour cela qu’il aimait cet enfant. Il n’avait aucun descendant, sa femme avait disparu un jour et retrouvée morte. Jamais il n’avait pu se résoudre à se remarier. Ce n’étaient pourtant pas les propositions qui manquaient. Un jour, il devra choisir un héritier, car il ne voulait en aucun cas que le fils de son cousin prenne le trône. Il sortit de sa rêverie et demanda aux serviteurs de préparer les chambres. Les chevaliers quittèrent la pièce. Aloïs était encore debout au milieu de celle-ci. Elle regarda le roi.

— Et moi ? Que dois-je faire, monseigneur ? Dois-je retourner chez moi ?

— Bien sûr que non, ma petite Aloïs ! Ton père m’a donné la permission de te garder ici. Ton entraînement commencera très tôt demain. Hermine prépare ta chambre en ce moment même, elle viendra te chercher en cuisine dès que celle-ci sera prête. Maintenant, tu peux disposer !

Aloïs lui fit une révérence et se tourna vers son père. Elle l’embrassa.

— Je vous promets d’être à la hauteur, père, je ne vous décevrai pas !

— Je le sais, ma fille. Je suis fier de toi ! J’embrasserai ta mère pour toi.

— Dites-lui que je l’aime beaucoup.

— Elle sera à mes côtés le jour de ton départ. Nous serons là pour vous dire au revoir.

Aloïs embrassa son père de nouveau et rejoignit les cuisines.

Pierrick resta seul avec son ami. Ils s’assirent tous les deux. Pierrick soupira.

— Crois-tu que je fais bien, Gauderic ?

— Ta fille est très têtue, mon ami, elle attendait cet instant depuis longtemps. Tu lui as appris à se battre. Tu la considères comme le fils que tu n’as jamais eu. Elle a fait son choix.

— Mais c’est quand même ma petite fille et je crains pour elle, même si je respecte son choix de devenir chevalier.

Le roi posa sa main sur celle de son ami.

— Elle est entre de bonnes mains, Pierrick ! Je surveillerai ces deux jours de formation. Mais tu sais que je ne pourrai pas intervenir, elle doit être forte !

— Je sais. Aloïs y arrivera. Et les deux hommes trinquèrent à la santé d’Aloïs et de son courage.

♣♣♣

Hermine longea les couloirs du château suivie de son amie. Elles étaient presque arrivées à la moitié du chemin lorsqu'Hermine vit le chevalier Ferréol sortir de sa chambre. Elle lui fit un petit signe de la main. Le chevalier arriva jusqu’à elles. Hermine ne bougea plus et l’attendit. Aloïs leva les yeux au ciel en soupirant. Ce chevalier n’avait rien de spectaculaire ! On aurait dit que son amie était envoutée. Ferréol baisa la main d’Hermine.

— Bonsoir, charmante demoiselle.

Les joues de la jeune fille rougissaient. Le chevalier posa sa main sur son visage et le lui caressa. Il approcha ses lèvres de son oreille.

— Je t’attendrai ce soir dans ma chambre, charmante demoiselle, susurra-t-il.

Hermine lui sourit béatement. Aloïs en avait assez. Elle prit le linge qui se trouvait dans les bras de son amie.

— Ma chambre, Hermine ! Laquelle est-ce ? lui lança-telle, agacée.

Sans la regarder et toujours les yeux plongés dans ceux du chevalier, la jeune fille répondit :

— La troisième porte sur ta gauche. Et il y a une robe sur ton lit, le roi veut que tu la portes !

Aloïs contourna les deux jeunes gens et se dirigea vers la porte que lui avait indiquée son amie. Elle ne savait pas si Hermine accepterait l’invitation, fort avancée, de Ferréol et ne désirait pas le savoir. Son amie était déjà sortie avec des garçons, contrairement à elle, sa vertu avait peut-être déjà disparu depuis longtemps ! Aloïs ouvrit la porte de la chambre qu’on lui avait attribuée et entra. C’est sûr que c’était plus spacieux que sa petite chambre. Un lit à baldaquin était positionné contre un mur, deux petites tables de chevet étaient disposées de chaque côté de celui-ci, une coiffeuse se trouvait contre le mur du fond ainsi qu’une commode. Posée sur un fauteuil, Aloïs aperçut une magnifique robe. Elle déposa la pile de linge sur le lit et toucha la robe. Le velours était doux. Elle était rouge avec de la dentelle au niveau du décolleté et des poignets. La taille était parfaitement cintrée et une large ceinture de cuir brun l’accompagnait. Elle ôta ses vêtements et la passa. Elle se dirigea ensuite vers la coiffeuse et prit la brosse qui était posée dessus. Elle se coiffa les cheveux. Elle ouvrit le tiroir de celle-ci et y trouva un diadème de perles qu’elle posa dans sa chevelure brune aux mèches rouges. Puis, elle ouvrit une petite boîte qui contenait de la poudre de garance. Un bois, qui en séchant, donnait de la poudre rouge pour colorer les lèvres. Elle en enduit son doigt et se le passa sur les lèvres. Elle alla ensuite se regarder dans le miroir. Cette robe de velours rouge la mettait en valeur, elle ne se reconnaissait pas ! On aurait dit une vraie princesse ! Elle attendit dans sa chambre que l’on vienne la chercher pour le souper. Elle ouvrit sa fenêtre et regarda à l’extérieur. Le soir était tombé et la fraîcheur se fit ressentir. On frappa à la porte.

— Entrez, souffla Aloïs.

Une jeune fille, qu’elle n’avait encore jamais vue, entra et lui fit une révérence.

— Excusez-moi, demoiselle, le souper est prêt. Le roi vous attend !

— Merci. Comment t’appelles-tu ? demanda Aloïs poliment.

— Jeanne, demoiselle.

— Moi, je me prénomme Aloïs.

La jeune fille au visage d’enfant la regarda.

— Bien, demoiselle. Je suis là pour vous servir durant ces deux jours.

Aloïs posa ses mains sur la poignée de la fenêtre et la referma tout en soufflant à la jeune fille :

— Dis au roi Gauderic que je viens !

— Bien, demoiselle ! Et la jeune fille sortit.

Aloïs se regarda une dernière fois dans le miroir en se disant que vêtue ainsi, elle ressemblait plus à une princesse qu’à un chevalier ! Mais bon, elle n’était qu’une fille après tout et elle devait être élégante lors de certaines occasions. Elle sourit en se demandant comment réagiront les chevaliers en l’apercevant.

♣♣♣

Aloïs sortit de sa chambre et longea le couloir jusqu’à la grande salle à manger. Quelques domestiques et gardes se retournèrent dès qu’elle passa près d’eux. Ils n’avaient plus l’habitude de voir une telle beauté marcher sur le sol du château depuis la mort de leur reine. Aloïs était obligée de relever le bas de sa robe en la tenant sur le devant avec ses mains pour éviter de trébucher sur le tissu. Elle stoppa devant la porte et soupira. Elle entendit les rires et les voix des chevaliers ainsi que du roi provenir de la pièce. Elle posa sa main sur la poignée et ouvrit la porte.

Le roi Gauderic et les chevaliers regardèrent au même moment dans la même direction. Ils cessèrent de parler et de rire. Un silence régnait dans l’immense salle.

Théobald lança un « — La vache ! » et Aloïs fit une révérence en baissant la tête.

— Excusez mon retard, monseigneur.

Le roi se leva et se dirigea vers la jeune fille.

— Redresse-toi, mon enfant.

Il lui tendit la main. Aloïs posa la sienne dans celle-ci. Le roi Gauderic l’emmena jusqu’à la table et la fit assoir sur son côté gauche. Elle se retrouva près d’Aymeric. Celui-ci la dévisagea. Son cœur battit rapidement. Il frotta ses mains sur son braie, car celles-ci devinrent moites. Une beauté épineuse, se disait-il. Pour lui, Aloïs ressemblait à une rose blanche qui pique lorsqu’on la touche. Le même parfum, les mêmes épines, la même sensualité. Le roi s’assit et posa sa main sur celle de la jeune fille.

— Tu es ravissante, mon enfant. La robe de ma tendre épouse disparue te va à ravir. Et ce diadème que tu portes est le sien.

— Excusez-moi, monseigneur, je ne le savais pas, je l’ai trouvé dans la coiffeuse, se défendit Aloïs.

— Allons, mon enfant, ce n’est pas grave. Il vaut mieux que celui-ci soit sur ta tête que de prendre la poussière dans ce meuble. Tu pourras le garder, il est à toi.

— Merci, monseigneur.

Balderic, qui était au côté d’Ysengrin, donna une tape dans le dos à celui-ci. Depuis qu’Aloïs était entrée, il avait la bouche grande ouverte et ne bougeait plus.

— Alors, mon ami ! As-tu vu un fantôme ? lui lança-t-il en riant.

— Non. Une princesse d’une beauté incroyable, souffla-t-il doucement. Et il regarda Aloïs.

Tous les chevaliers se mirent à rire, même le roi. Cela ne détendit pas la jeune fille. Elle se trouvait toujours mal à l’aise face à de tels compliments. Les serviteurs commencèrent le service et posèrent les plats sur la table. Tout au long du repas, Aloïs gardait le silence. Elle écoutait le roi et les chevaliers parler de leurs anciennes missions et des femmes. Lorsqu’elle voulut prendre sa coupe pour boire, sa main frôla celle du chevalier Aymeric. Elle ressentit de nouveau cette sensation. Son cœur battant la chamade, ses mains devenant moites, sa respiration plus abondante. Elle devait se ressaisir avant que quelqu’un ne le remarque. Quant à Aymeric, il n’avait même pas fait attention ! Le repas fini, la jeune fille s’excusa auprès du roi et préféra retourner dans sa chambre. Elle laissa les hommes entre eux. Elle ôta sa robe qu’elle reposa délicatement sur le fauteuil et rangea le diadème dans le tiroir. Elle mit la chemise que Jeanne lui avait déposée sur le lit pour la nuit et s’assit sur les draps blancs.

♣♣♣

Au milieu de sa lecture, Aloïs entendit des pas dans le couloir. Elle se leva de son lit et alla jusqu’à sa porte qu’elle entrouvrit. Son amie Hermine longeait les murs, une bougie dans sa main pour seul éclairage.

— Hermine ! héla Aloïs doucement. La jeune fille se retourna vers elle.

— Aloïs ? s’étonna Hermine.

Aloïs vint près de son amie et lui prit le bras.

— Tu ne vas pas le rejoindre ? chuchota-t-elle.

— Bien sûr que si !

— Mais tu n’es même pas sûr qu’il t’aime.

— Je le sais. Moi, ce que je souhaite, c’est juste être avec lui, rien qu’une nuit, avant qu’il ne s’en aille.

Aloïs fronça les sourcils.

— Mais je croyais que tu n’avais jamais… enfin, tu sais ?

Son amie haussa les épaules et ôta la main d’Aloïs de son bras.

— Et alors ! Il faut un début à tout ! affirma Hermine.

Puis elle se dirigea vers la porte du chevalier. Celui-ci l’ouvrit dès qu’Hermine fut face à celle-ci et regarda dans la direction d’Aloïs en lui faisant un clin d’œil. La porte se referma.

Aloïs était trop occupée à regarder dans la direction de la chambre de Ferréol pour ne pas voir que quelqu’un la contemplait. Aymeric avait aussi entendu les pas et la conversation des deux jeunes filles. La chemise de nuit blanche d’Aloïs était transparente à la lueur de la flamme de la bougie et l'on pouvait apercevoir la forme de ses seins et de ses hanches. Aymeric sourit. Elle était si insouciante et si innocente. Comment fera-t-elle pour survivre à cette quête ? Il doit lui apprendre à se battre, et cela, dès demain à l’aube. Pierrick lui avait confié sa fille et il n’hésitera pas à lui faire mal s’il le faut. Dommage, pourtant. Aloïs était une jeune fille que tous les hommes aimeraient conquérir. Sa beauté et son tempérament font battre des cœurs. Et son cœur à lui ? Battait-il pour Aloïs ? Il retourna dans sa chambre et se coucha.

Ferréol

CHAPITRE III Dur d’être chevalier

Aloïs fut réveillée par des bruits provenant de sa porte de chambre. Elle ouvrit les yeux. On frappait. Elle se leva et alla ouvrir. Elle ne prit pas la peine de se revêtir d’un par-dessus. Aymeric se tenait devant elle. Elle en eut le souffle coupé. Ses cheveux cuivrés bataillaient sur son crâne. Il ne la salua pas. Le jeune homme entraperçut encore le corps nu de la jeune fille au travers de sa chemise. Cela le gênait beaucoup.

— Prépare-toi ! Nous t’attendons pour ta formation ! lui souffla-t-il. (Aloïs voulut fermer la porte. Aymeric la retint) Et avant d’ouvrir la porte, passe quelque chose, s’il te plaît ! D’autres hommes pourraient profiter de la situation, ajouta-t-il fermement.