La rédemption de Zane - Tina Folsom - E-Book

La rédemption de Zane E-Book

Tina Folsom

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Beschreibung

En tant que vampire garde du corps, la dernière mission que Zane souhaite remplir est de surveiller une jeune femme hybride, mi-vampire, mi-humaine, dont le père souhaite préserver la virginité. Connu pour la violence de son tempérament et son manque de compassion, Zane renferme une rage incontrôlable qui provient de la cruauté dont il a été victime durant l'Holocauste. Il est obsédé par un désir de vengeance qu'il ne pourra assouvir qu'en retrouvant le dernier de ses bourreaux. C'est là le but ultime de sa vie. Portia est une jeune femme aux prises avec un sérieux dilemme. Dans quelques semaines, son corps se figera sous sa forme définitive. Douée d'immortalité, elle doit rapidement trouver un amant si elle veut éviter de rester vierge sa vie durant. Voulant l'en empêcher, son père engage Zane pour la chaperonner. Dès l'instant où Portia et Zane se rencontrent, les règles du jeu commencent à plier. Une attirance interdite voit le jour, bien plus chaude que les flammes de l'enfer que Zane a vécu dans son passé. C'est ce passé, justement, qui menacera de les séparer à moins qu'ils ne surmontent leurs préjugés, en remplaçant la haine par l'amour, et la vengeance par le pardon. À PROPOS DE LA SÉRIE La série Scanguards Vampires est pleine d'action rapide, de scènes d'amour torrides, de dialogues pleins d'esprit et de héros et héroïnes forts. Le vampire Samson Woodford vit à San Francisco et possède une société de sécurité et de garde du corps, Scanguards, qui emploie à la fois des vampires et des humains. Et éventuellement des sorcières. Ajoutez quelques gardiens immortels et quelques démons plus tard dans la série, et vous aurez compris ! Chaque livre peut être lu seul et est toujours centré sur un nouveau couple qui trouve l'amour, mais la série est plus agréable lorsqu'elle est lue dans l'ordre. Et bien sûr, il y a toujours quelques blagues - vous comprendrez quand vous rencontrerez Wesley, un aspirant sorcier. Bonne lecture ! ⭐️ ⭐️ ⭐️ ⭐️ Lara Adrian, auteure de la série Midnight Breed, vendue dans le New York Times : "Je suis accro aux livres de Tina Folsom ! La série des Scanguards® est l'une des choses les plus chaudes qui soient arrivées à la romance vampirique. Si vous aimez les lectures torrides et rapides, ne manquez pas cette série palpitante !" Les Vampires Scanguards La belle mortelle de Samson (#1) La provocatrice d'Amaury (#2) La partenaire de Gabriel (#3) L'enchantement d'Yvette (#4) La rédemption de Zane (#5) L'éternel amour de Quinn (#6) Les désirs d'Oliver (#7) Le choix de Thomas (#8) Discrète morsure (#8 ½) L'identité de Cain (#9) Le retour de Luther (#10) La promesse de Blake (#11) Fatidiques Retrouvailles (#11 ½) L'espoir de John (#12) La tempête de Ryder (#13) La conquête de Damian (#14) Le défi de Grayson (#15) L'amour interdit d'Isabelle (#16) La passion de Cooper (#17) Le courage de Vanessa (#18) Gardiens de la Nuit Amant Révélé (#1) Maître Affranchi (#2) Guerrier Bouleversé (#3) Gardien Rebelle (#4) Immortel Dévoilé (#5) Protecteur Sans Égal (#6) Démon Libéré (#7) Le club des éternels célibataires Séduisant (#1) Attirant (#2) Envoûtant (#3) Torride (#4) Attrayant (#5) Passionné (#6) Hors d'Olympe Une Touche de Grec (#1) Un Parfum de Grec (#2) Un Goût de Grec (#3) Un Souffle de Grec (#4) Les Vampires de Venise Nouvelle 1 : Raphael & Isabella Nouvelle 2 : Dante & Viola Nouvelle 3 : Lorenzo & Bianca Nouvelle 4 : Nico & Oriana Nouvelle 5 : Marcello & Jane Nom de Code Stargate Ace en Fuite (#1) Fox en Vue (#2) Yankee dans le Vent (#3) Tiger à l'Affût (#4) Hawk en Chasse (#5) La Quête du Temps Changement de Sort (#1) Présage du Destin (#2) Thriller Témoin Oculaire

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Seitenzahl: 528

Veröffentlichungsjahr: 2025

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LA RÉDEMPTION DE ZANE

VAMPIRES SCANGUARDS - TOME 5

TINA FOLSOM

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Épilogue

À propos de Buchenwald

Ordre de Lecture

Autres livres de Tina

À propos de l’auteur

RÉSUMÉ

En tant que vampire garde du corps, la dernière mission que Zane souhaite remplir est de surveiller une jeune femme hybride, mi-vampire, mi-humaine, dont le père souhaite préserver la virginité. Connu pour la violence de son tempérament et son manque de compassion, Zane renferme une rage incontrôlable qui provient de la cruauté dont il a été victime durant l’Holocauste. Il est obsédé par un désir de vengeance qu’il ne pourra assouvir qu’en retrouvant le dernier de ses bourreaux. C’est là le but ultime de sa vie.

Portia est une jeune femme aux prises avec un sérieux dilemme. Dans quelques semaines, son corps se figera sous sa forme définitive. Douée d’immortalité, elle doit rapidement trouver un amant si elle veut éviter de rester vierge sa vie durant. Voulant l’en empêcher, son père engage Zane pour la chaperonner.

Dès l’instant où Portia et Zane se rencontrent, les règles du jeu commencent à plier. Une attirance interdite voit le jour, bien plus chaude que les flammes de l’enfer que Zane a vécu dans son passé. C’est ce passé, justement, qui menacera de les séparer à moins qu’ils ne surmontent leurs préjugés, en remplaçant la haine par l’amour, et la vengeance par le pardon.

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© 2013 Tina Folsom

Scanguards est une marque déposée.

Ce livre est dédié à la mémoire de mon grand-père, Josef Veselak, prisonnier numéro 29658. Il a péri dans le camp de concentration de Dachau, le 26 juillet 1942.

1

Zane entendit un cri, mais choisit de l’ignorer afin de prolonger le délicieux repas qu’il était en train de savourer à même l’excellent cou de ce jeune latino qu’il avait coincé dans une ruelle de la Mission. Ce quartier de San Francisco, à prédominance mexicaine et sud-américaine, était un secteur inachevé où, d’un côté, l’on retrouvait les restaurants et boîtes de nuit branchés qui attiraient les riches habitants du nord de la ville, et de l’autre, les pauvres immigrants qui trimaient pour des salaires minimums dans leurs boulots sans avenir. Malgré tout cela, Zane s’était senti chez lui dès l’instant où il y avait posé le pied.

Alors qu’il plongeait plus profondément ses canines pour extraire davantage de sang, il tendit l’oreille pour écouter le retentissement des battements de cœur de l’adolescent, tout à fait conscient du grand pouvoir qu’il détenait sur la vie de ce dernier. Quelques millilitres de trop, et il le saignerait complètement. Le cœur cesserait de battre, et le souffle s’échapperait, pour la dernière fois, des poumons du jeune garçon, le réduisant à l’état de coquille sans vie.

Voilà comment Zane aimait se nourrir, directement d’un humain. Cela lui permettait de sentir toute la vie qui battait entre ses mains, tandis que le sang, riche et chaud, lui enrobait la gorge. Au-delà du simple fait de se nourrir, cela comblait son besoin de se sentir supérieur, puissant, en contrôle de la vie qu’il tenait dans ses bras. Rien ne pouvait remplacer cette sensation. Certainement pas une bouteille de ce sang donné, exempt de vie, que lui préféraient ses collègues de Scanguards.

Chaque nuit, il devait cependant se faire violence pour maintenir sa victime en vie. Et qu’il s’agît, à chaque fois, d’un humain différent n’y changeait rien. En son for intérieur, le combat qu’il livrait restait le même : mettre un terme à son repas, alors que l’humain vivait toujours ; ou s’abandonner à l’envie de détruire et d’assouvir son besoin de vengeance. Car, qu’il se nourrît d’un jeune latino, d’une noire ou d’un asiatique, leurs visages se ressemblaient tous lorsque les réminiscences de son passé prenaient le contrôle de son esprit. Toutes leurs caractéristiques propres se modifiaient pour se fondre en celles d’un homme blanc aux cheveux blond foncé, aux yeux bruns et aux pommettes saillantes. C’était là le visage d’un de ses tortionnaires, le seul en fait qu’il n’eût réussi à attraper après quelques soixante-cinq années de traque. Le seul qu’il n’eût encore pu zigouiller. Du moins jusque-là !

Lorsqu’il se rendit compte que le sang ne se précipitait plus avec la même pression dans les veines de l’adolescent, Zane retira ses canines. Et tandis que celles-ci se rétractaient pour reprendre profondément leur place dans ses gencives, il lécha rapidement la plaie pour la refermer et éviter que le sang ne s’en écoulât davantage. Sa faim était apaisée. Pour l’instant. Son propre cœur martelait furieusement dans sa poitrine, alors que sa victime s’affaiblissait, mais cela ne l’empêcha toutefois pas de percevoir les faibles pulsations du latino. Il sut alors qu’il n’était pas allé trop loin. Il avait encore gagné la bataille de cette nuit, mais l’agitation qu’il ressentait depuis ces derniers mois ne cessait d’augmenter, et cela le poussait à prendre plus de risques avec la vie de ses victimes.

Il était arrivé à San Francisco neuf mois auparavant, en mission pour Scanguards, la boîte de gardes du corps qui l’employait depuis plusieurs décennies. Et ce qui ne devait être qu’une mission temporaire s’était transformé en un séjour permanent. Au début, il avait pensé que ce changement de décor, en passant de New York à la tranquillité de cette ville de la Côte-Ouest fréquemment engloutie dans le brouillard, lui apporterait la paix. Mais le contraire s’était produit. La traque de son tortionnaire avait stagné et s’était terminée dans une impasse. Depuis lors, cet échec n’avait fait qu’exacerber sa colère et sa haine. Il avait besoin de faire payer quelqu’un. Et vite.

Un bruit se fit entendre, et Zane tourna brusquement la tête. Il déposa le jeune latino sur le sol et l’adossa à l’édifice. Il ferma les yeux un instant, concentré sur la voix lointaine qu’il avait perçue. Au-delà du bruit qui témoignait d’une grande activité nocturne dans la ville, une faible lamentation, où s’entremêlaient peur et désespoir, dériva vers lui. Cela venait de loin, mais son acuité auditive de vampire l’amena à réaliser qu’il s’agissait d’un appel à l’aide.

— Merde !

Il n’aurait pas dû jouer la carte de l’indifférence face à ce cri qu’il avait entendu quelques instants plus tôt. Il aurait dû se douter que quelque chose ne tournait pas rond. Tant ses instincts vampiriques que son entraînement en tant que garde du corps le lui confirmaient. Sans même poser un dernier regard sur sa victime, Zane sortit de la ruelle et se précipita en direction du bruit, espérant qu’il ne fût pas déjà trop tard.

Le long du trottoir, des ivrognes allaient, trébuchant, leurs murmures incohérents faisant obstacle aux sanglots de détresse qu’il pistait. Avait-il perdu son chemin ? Zane bifurqua pour faire une pause au coin suivant tout en se focalisant sur son ouïe. Pendant un instant, le calme régna. Le bruit se répéta alors, intensifiant son pressentiment que quelqu’un avait besoin de son aide.

Cette fois, le cri était accompagné d’une voix grave et masculine qui chuchotait :

— Tais-toi salope, ou je t’étripe.

L’instinct de Zane prit alors le dessus, et ce dernier contourna le coin pour pénétrer dans l’allée où se dressaient deux immeubles à appartements délabrés. L’acuité de sa vision nocturne prit instantanément le pouls de la situation : un homme forçait une jeune femme, couteau sur la gorge, à se tenir tête baissée contre une benne à ordure. Son pantalon, descendu jusqu’aux genoux, dévoilait des fesses nues qui se mouvaient frénétiquement d’avant en arrière. Il la violait.

— Merde !

Zane bondit sur l’homme qui, ayant entendu son juron, avait tourné la tête dans sa direction.

Les canines de Zane s’allongèrent durant son envol, et ses doigts se métamorphosèrent en griffes acérées capables de réduire un éléphant en lambeaux. Zane sépara l’agresseur de sa victime d’un geste vif, plantant ses griffes dans les épaules de l’individu et lacérant nettement son pull à capuchon.

Le premier cri de l’homme fut d’abord causé par l’effet de surprise, mais le suivant fut provoqué par la douleur des griffes de Zane lorsqu’elles pénétrèrent encore plus profondément dans sa chair. Le vampire se délecta de ce son et fit délibérément trainer l’une de ses mains à travers la pleine largeur de l’épaule de l’assaillant, déchirant les chairs et lacérant les muscles et tissus nerveux. Le sang gicla de cette plaie ouverte, emplissant ainsi l’air de son odeur métallique. Zane fit entrevoir ses canines et s’assura que le salopard pût clairement les distinguer.

— Noooon !

La protestation désespérée de l’homme n’empêcha pas Zane de passer à l’attaque. À l’aide de son autre main, il prit volontairement le temps de déchirer les muscles de l’épaule gauche, l’endommageant tout aussi fort. Le violeur ne pouvait maintenant plus se défendre, car ses bras, dont les nerfs et tendons avaient été sectionnés, ne soutenaient plus aucun mouvement.

Il était à sa merci.

Si Zane avait eu un cœur, il aurait mis un terme à tout cela immédiatement. Mais il était trop tard. Un seul regard en direction de la jeune fille apeurée qui le fixait, bouche bée devant l’horreur, fut suffisant pour que son passé prît le contrôle. Soudain, les traits de la victime, ses cheveux blond vénitien et ses yeux bleus remplis de terreur se transformèrent en un visage qu’il connaissait très bien, un visage qu’il n’avait pas vu depuis des décennies, mais qu’il n’avait jamais oublié.

Les cheveux brun foncé de la jeune fille se terminaient en boucles qui entouraient son visage et caressaient ses pâles épaules. Son innocence perdue, elle regardait Zane de ses yeux brun chocolat, le suppliant de lui porter secours, de la sauver.

— Zacharias . . .

La voix de la jeune victime s’affaiblit, alors que Zane tentait de s’approcher d’elle. Pétrifiée, elle recula.

— Rachel, murmura-t-il, n’aie pas peur.

Prenant conscience de l’homme qui luttait contre lui, Zane détacha son regard de la jeune fille. Il tuerait celui qui lui avait fait du mal ; qui avait fait du mal à sa petite Rachel.

Zane projeta le violeur contre le mur à quelques mètres de là. Il fut comblé de satisfaction lorsqu’il entendit le bruit des côtes qui se brisaient. D’un pas décidé, il parcourut la distance qui le séparait de l’homme. Il laissa son corps se crisper davantage et apprécia le regard horrifié qu’il lisait dans les yeux de sa victime. Mais ce n’était plus le violeur qu’il voyait à présent. Un changement s’était opéré : il avait affaire à un homme aux cheveux blond foncé et aux yeux bruns. Il vit enfin la peur briller dans les yeux de son adversaire ; la certitude que son heure était venue. L’homme s’était fait prendre et, cette nuit, il allait devoir payer pour tous ses crimes.

Sans autres considérations, Zane enfonça ses griffes dans la poitrine de l’individu et la lui ouvrit avec l’infaillible précision d’un habitué de ce genre d’ouvrage. Ignorant les cris à glacer le sang, il y plongea les mains plus profondément et arracha les côtes. Le sang jaillit de la poitrine ouverte et gicla sur lui. Zane en huma le parfum, l’odeur de la vie et de la mort, aussi intense l’une que l’autre. Et, bien que s’étant nourri peu de temps auparavant, il sentit la faim surgir de nouveau. Mais cette fois, sa faim était différente. Il n’avait plus envie de nourriture, mais soif de vengeance. Plus douce que la faim, celle-ci le suppliait de lui accorder satisfaction, de la seule façon qui fût possible.

Zane inséra une main à l’intérieur de la paroi thoracique et atteignit le cœur. Il l’enserra dans sa paume et y sentit battre l’organe vital, pulsant de spasmes qui demeuraient forts et luttaient contre l'inéluctable.

— Tu ne feras plus jamais de mal à personne.

Dès qu’il eut extirpé le cœur de ce corps, les yeux de l’homme s’éteignirent. Zane regarda l’organe qui continuait de battre, tandis que le sang chaud s’écoulait des veines et artères déchirées et se répandait le long de sa main et de son poignet. Telle une rivière, il coulait sous la manche de sa chemise noire, la détrempant et la collant contre sa peau. Zane sentit alors les battements de son cœur ralentir pour atteindre un niveau quasi normal.

C’était fait.

— Rachel, il est mort. Tu es sauve maintenant.

Zane se retourna, mais Rachel était partie. La jeune femme aux cheveux blond vénitien se tenait à sa place, recroquevillée contre la benne à ordures, gémissant et frémissant comme une feuille. Son mascara noir, dissous dans ses larmes, avait laissé de longues traînées foncées le long de ses joues. Ses lèvres tremblaient.

Zane cligna des yeux. Rachel n’était pas sauve. Rachel était partie, et il ne pouvait pas la ramener. Mais cette fille devant lui était en vie, et son assaillant était mort.

Il fit un pas vers elle pour lui annoncer la bonne nouvelle, mais elle eut un mouvement de recul.

— Noooon ! s’écria-t-elle à bout de souffle, ses yeux cherchant désespérément une voie pour fuir, comme si elle craignait que Zane ne l’attaquât à son tour.

— Je ne te ferai aucun mal.

Il tendit ses mains couvertes de sang vers elle, mais cela la fit crier de panique.

Zane comprit ce qu’elle avait vu : son jeans et sa chemise détrempés par le sang. Le liquide chaud et visqueux avait même coulé dans ses bottes. Mais là n’était pas le pire. La fille qu’il venait de sauver avait été témoin de son côté vampire. Elle avait vu ses griffes mortelles, ses canines acérées qui dépassaient de ses lèvres ; et ses yeux rouges qui brillaient et lui donnaient l’aspect du Diable. Sa tête chauve accentuait l’aura de danger qui s’était toujours dégagée de lui, même lorsqu’il avait eu forme humaine. Les gens avaient peur de lui. Et à juste titre !

Il avait massacré un homme, sans aucun remord, tel un boucher abattant un porc. Il avait fait ce qui s’était avéré nécessaire, même si cela semblait impossible à comprendre pour la plupart des gens. Le Mal devait être annihilé instantanément, sans lui laisser le temps de croître et de se répandre comme un cancer purulent susceptible d’éradiquer tout un peuple. Tel que cela s’était déjà produit par le passé, alors que le monde n’avait fait que regarder sans agir.

Ils s’étaient tenus là, sans bouger, jusqu’à ce qu’il fût trop tard, jusqu’à ce que le pire se produisît.

— Je vais te faire oublier tout ça, promit-il à la fille effrayée, tout en utilisant ses pouvoirs mentaux afin de prendre le contrôle de son esprit et effacer tout ce qui venait de se produire, viol y compris. Quand elle se réveillerait, le lendemain, elle ne se souviendrait plus de cet homme qui l’avait attaquée, ni de celui qui l’avait sauvée de ce monstre.

N’était-ce pas plutôt Zane le monstre ? Lui qui faisait le mal en souhaitant venger ce qu’on lui avait fait subir, tant à lui qu’à sa famille ? N’était-ce pas lui qu’on devait craindre ?

Alors qu’il reprenait sa traque nocturne, le sang chaud de sa victime séchant rapidement sur sa peau et ses vêtements, il vit encore une fois le visage de son tortionnaire flotter devant lui en le narguant. Il se devait de le retrouver pour mettre un terme à ce chapitre de sa vie. Sans cela, il ne pourrait jamais connaitre la paix, et le mot bonheur continuerait d’appartenir à une langue qui lui était étrangère.

2

— Mais où avais-tu donc la tête ?

Samson, fondateur de Scanguards, claqua le journal sur l’imposante table qui meublait son bureau et se leva. Il faisait plus d’un mètre quatre-vingt et était légèrement plus large de carrure que Zane qui, bien que plus mince, n’en était pas moins dangereux que son vampire de confrère. Très rarement avait-il pu voir Samson dans un tel état de colère, mais ce soir, son patron était furieux.

Zane jeta un œil au grand titre : Un monstrueux tueur sectionne le cœur d’un fêtard innocent. Foutaise ! Il n’avait rien sectionné du tout ; les reporters feraient mieux de rapporter correctement les faits. Et puis, sa victime n’avait rien d’un innocent.

— Il était en train de la lui mettre. . .

— T’ai-je simplement permis de parler ? rétorqua Samson dont les canines commençaient à poindre et à dépasser de ses lèvres. Tu n’as pas réfléchi une seule seconde, n’est-ce pas ? C’était quoi, Zane, une boucherie ? Tu n’as pas pu te retenir cette fois ? Tu ne pouvais pas simplement te contenter de te nourrir ?

Le cœur de Zane battait de plus en plus vite au fur et à mesure qu’il entendait les accusations non fondées que Samson proférait contre lui.

— Je ne me suis pas nourri.

Samson parut surpris.

— Tu l’as tué de sang-froid ?

Zane aurait juré qu’il pouvait encore entendre les cris de douleur et d’épouvante du type. Rien qu’à y penser, ses gencives se mirent à le chatouiller, signe évident que ses canines n’avaient qu’une envie : sortir jouer.

— J’ai savouré chaque seconde de cet instant.

— Mais tu n’as pas de cœur ! dit Samson dans un mouvement de recul dicté par son instinct en entendant les surprenants aveux de Zane.

— Ce n’est pas exactement ce que je dirais. L’espace d’un instant, j’en ai même eu deux.

Samson écrasa son poing sur le bureau, n’appréciant apparemment pas ce genre d’humour. Mais Zane s’en moqua. Il n’était pas le bouffon du roi Samson !

— T’as une idée des risques que tu as pris ? Tu aurais pu nous exposer !

Zane se pencha sur le bureau et s’y appuya, les mains croisées.

— T’aurais fait quoi à ma place, hein ? Ce foutu trou-du-cul était en train de violer une innocente ! En la menaçant d’un couteau !

Il remarqua, avec satisfaction, que les yeux de Samson commençaient à s’ouvrir.

— Ouais, bien sûr. Il faut toujours que tu t’attendes au pire avec moi, c’est ça ?

C’en était le cas de tout le monde.

— C’était une innocente, et il l’a violée en lui plaçant son couteau sur la gorge. Et si elle avait été ton épouse ou ta sœur ? Et si quelqu’un faisait ça à ta fille ? Tu resterais ici à tenir ce discours pompeux sur le risque qu’on nous découvre ? Ou ne t’empresserais-tu pas plutôt de lui faire la peau à ce salaud ?

Sachant qu’il avait gagné ce round, Zane leva le menton d’un air de défi.

En tant que vampire au sang-mêlé, Samson était férocement protecteur envers son épouse Delilah, une humaine, ainsi qu’envers son bébé de deux mois, Isabelle. Il donnerait, sans hésiter, sa propre vie pour protéger la leur et ne réfléchirait pas longtemps avant de tuer quiconque les menacerait.

Lorsque Samson fit une pause et ferma les yeux tout en se passant une main dans ses cheveux noir corbeau, l’agressivité de Zane retomba.

— Tu aurais pu le tuer proprement. Cette boucherie n’était pas nécessaire.

— C’était nécessaire.

Il en avait eu besoin. Il avait eu besoin de le voir souffrir. Le tuer proprement ne l’aurait pas satisfait.

— Lui casser le cou ne lui aurait pas fait mal. Je devais en faire un exemple.

— Un exemple de quoi au juste ?

— Que le mal sera éradiqué ; que les violeurs paieront pour leurs crimes.

— Tu ne peux te servir de quelqu’un pour en faire un exemple, alors que personne ne sait ce qui t’a motivé à le faire !

Zane inspira brusquement.

— Et le fait qu’il avait le pantalon descendu sur ses chevilles n’en dit pas assez ? Mais qu’est-ce que vous voulez tous, à la fin ? Qu’il porte un écriteau sur lequel on pourrait lire « violeur » ?

— L’article ne dit pas qu’il avait baissé son pantalon.

— Alors, tu devrais peut-être d’abord vérifier les faits auprès de ton contact chez les flics avant de m’accuser d’être un meurtrier de sang-froid.

En raison de l’amitié qu’il entretenait avec le maire, lequel était hybride – mi-vampire, mi-humain – Samson avait ses entrées dans la police, ce qui s’était avéré pratique à plusieurs reprises. Il aurait peut-être pu s’en servir avant de tomber sur le dos de son employé.

Zane se redressa et se tourna vers la porte lorsque, d’une voix calme, Samson s’adressa à lui.

— Non, je n’ai pas terminé.

Zane sourcilla et se retourna pour lui faire face.

— Le fait demeure que tu as abattu un homme, et que tu as laissé son corps à la merci de quiconque pouvait le trouver. Cela va à l’encontre de tout ce que Scanguards représente.

Lorsque Samson cessa de parler, une nausée s’empara de Zane. Son patron s’apprêtait-il à le renvoyer ? Scanguards, c’était sa vie, sa famille, son seul lien avec l’humanité. Sans eux, il s’enfoncerait dans les ténèbres et s’abandonnerait aux pires de ses désirs. Il ne vivrait que pour la vengeance et rien d’autre, et cela le conduirait, à coup sûr, sur le chemin de sa propre perte. Il était assez intelligent pour comprendre que, si Scanguards n’existait plus pour le brancher à la réalité, il perdrait le peu d’âme qui lui restait et deviendrait aussi mauvais que l’homme à l’origine de sa transformation.

— Non ! s’écria-t-il, alors que sa gorge se resserrait à la pensée de perdre tout ce qui représentait quelque chose pour lui. Il se remémora les visages de ses collègues et amis : le visage couvert de cicatrices de Gabriel, le second dans la hiérarchie et le premier à l’avoir engagé ; Thomas, le motard gay, féru d‘informatique ; Amaury, son ami qui avait la carrure d’un défenseur, et dont l’apparence faisait oublier qu’il était d’une douceur que Zane n’avait jamais rencontrée chez aucun autre homme, en particulier lorsqu’il était question de sa partenaire de sang-mêlé, Nina ; et même Yvette, la précieuse, qui avait été une vraie plaie jusqu’il y a deux mois, lorsqu’elle avait enfin trouvé l’âme sœur en ce sorcier devenu vampire, Haven.

Ses pensées le ramenèrent encore plus loin, à New York, et à son ami Quinn qui lui avait sauvé la vie. Si celui-ci ne l’avait pas tiré de la spirale destructrice dans laquelle il s’était enfermé et ne l’avait pas présenté à Gabriel, il ne serait plus que poussière maintenant. Il ne pouvait pas se permettre de les abandonner. Ces personnes étaient ses amis, les seuls êtres sur lesquels il pouvait compter.

— Assieds-toi, ordonna Samson.

— Je préfère rester debout.

Si Samson voulait le mettre à la porte, il y ferait face comme un homme.

— Comme tu veux. Je vais m’entretenir de ta situation avec Gabriel, mais je suis certain que nous partagerons le même avis.

Évidemment ! Quand avait-on vu ces deux-là être en désaccord, en particulier lorsqu’il était question de punir un de leurs pairs ? À cheval sur les règles, tous les deux ! Mais merde, il était un vampire, pas un humain idiot. Il obéissait à ses propres règles.

— En attendant, continua Samson, je te retire ta mission et te destitue de ton statut de classe A.

Zane serra les mâchoires. Se voir démis de la plus haute fonction au sein de Scanguards signifiait qu’on ne lui confierait plus aucune mission dangereuse ou de première importance. Cela voulait dire qu’on le reléguait à des tâches routinières. Samson aurait tout aussi bien pu lui couper les deux mains que cela n’aurait pas été pire.

— Tu ne peux pas. . .

Il n’était tout de même pas qu’un simple petit gardien de sécurité bedonnant et mal coiffé qui s’asseyait, la nuit durant, dans le lobby d’un édifice désert pour surveiller des bureaux vides.

Samson leva la main.

— Avant de dire quoi que ce soit que tu pourrais regretter plus tard, j’aimerais que tu m’écoutes.

Zane soupira. Le mot regret ne faisait pas partie de son vocabulaire. Pas plus que le mot remords.

— Je ne peux pas courir le risque d’avoir un élément imprévisible dans mon personnel. Jusqu’à ce qu’on trouve un moyen d’atténuer le risque que tu représentes, tu travailleras dans un secteur où le danger et le stress sont minimes. Je te ferai part de ma décision finale d’ici deux jours.

Zane hocha la tête avec dépit.

— Très bien, dit-il les lèvres serrées, pour ne pas montrer ses canines qui s’étaient mises à descendre lorsque la rage s’était emparée de lui.

Sans danger ! Sans stress !

Mais qu’est-ce que Samson voulait insinuer ? Qu’il faisait une dépression nerveuse ? Des trucs pour les femmelettes, pas pour les hommes comme lui ! Une dépression nerveuse, il leur en ferait avaler une s’ils n’arrêtaient pas de le faire chier de la sorte.

Zane quitta le bureau de Samson tout en résistant à la tentation de claquer la porte. Ses longues jambes parcoururent rapidement la distance qui le séparait du hall d’entrée, tandis qu’il traversait le sombre et long corridor dont les murs étaient revêtus de lambris en bois. Il était impatient de quitter cette maison victorienne qui, soudainement, l’oppressait. Il avait besoin de frapper quelque chose.

— Sans stress ! murmura-t-il.

— Bonsoir Zane !

La douce voix de Delilah provenait de la gauche.

Il tourna la tête et la regarda descendre le large escalier en acajou, portant son bébé dans les bras.

— Delilah, dit-il sans être capable de manifester plus de civilité. Après tout, son mari venait tout juste de l’insulter.

Elle lui sourit. Elle fronça les sourcils lorsqu’elle entendit le bruit d’une sonnerie électronique en provenance de la cuisine.

— C’est pas vrai, les biscuits, je les avais presqu’oubliés.

Àpeine eut-il le temps de réaliser ce qu’elle voulait faire, que Delilah allongea les bras et lui posa le bébé contre la poitrine.

— Tiens, prends-la un petit instant. Je dois sortir ces biscuits du four, ou ils carboniseront. . .

D’instinct, les bras de Zane attrapèrent le bébé, et Delilah se précipita vers la cuisine.

— Mais, je. . . protesta-t-il.

Mais il était trop tard. Merde !

Il observa la petite dans ses bras, ne sachant trop que faire lorsque le bébé ouvrit les yeux. Des yeux aussi verts et aussi beaux que ceux de sa mère. La fillette le regarda. Elle était hybride – mi-humaine, mi-vampire – et possédait donc les attributs des deux espèces.

Elle pourrait sortir à la lumière du jour sans être brulée mais, lorsqu’elle serait grande, elle posséderait la force et la vélocité du vampire. Enfant déjà, elle serait plus forte et grandirait plus rapidement qu’un enfant purement humain. Elle pourrait manger de la nourriture, mais également se sustenter de sang. Une fois mature, elle cesserait de vieillir, tout comme un vampire au sang pur.

Elle avait le meilleur des deux mondes, c’était une petite merveille. Seuls les vampires masculins étaient fertiles, et ils ne pouvaient se reproduire qu’avec des femmes humaines avec lesquelles ils avaient mêlé leur sang. Les femmes vampires étaient infertiles. Mais cette petite fille avait de la chance : ses gènes humains lui assureraient la fertilité. Un jour, elle ferait de Samson un grand-père, et ses enfants seraient hybrides, tout comme elle, qui que soit le père.

Complètement obnubilé, Zane regarda le petit miracle qu’il tenait dans ses bras et caressa ses joues potelées. Une telle douceur ! Il n’en avait pas senti de pareille depuis sa sœur, lorsqu’elle était bébé. De dix ans son aîné, il s’en était souvent occupé ; l’avait nourrie ; l’avait bercée pour l’endormir.

— Joli petit trésor, lui chuchota Zane en la voyant ouvrir la bouche pour lui sourire. De minuscules canines pointaient des gencives supérieures du bébé.

La petite allongea la main pour attraper l’index de Zane, lequel ne l’en empêcha pas, que du contraire. Elle avait une forte poigne et tirait le doigt pour l’amener près de son visage. Avant que Zane n’eût le temps de réaliser ce qui se passait, elle engouffra le doigt dans sa bouche et l’entoura de ses petites lèvres. Ses canines aiguisées percèrent la chair.

— Aïe ! s’exclama Zane en retirant son doigt. Du sang s’en écoula. Il regarda la fillette et la vit se frotter les lèvres l‘une contre l‘autre, comme si elle en voulait davantage. Cette petite diablesse l’avait mordu !

Il secoua la tête et leva les yeux, rencontrant ceux de Delilah. Stupéfaite, bouche bée, elle regarda le doigt ensanglanté de Zane, ainsi que la bouche de sa fille.

— Elle t’a mordu.

Ce n’était pas une question, mais une affirmation.

— Elle n’avait jamais mordu personne avant. Tu sais ce que cela signifie, n’est-ce pas ?

Et merde ! Oui, il ne le savait que trop bien.

3

Portia Lewis referma son ordinateur portable et le glissa, avec son bouquin, dans son sac à bandoulière. Elle attendait que sa meilleure amie Lauren fît de même.

— Vas-tu à la fête que Michael donne ce soir ?

Portia secoua la tête. Les deux amies tentaient de se frayer un chemin à travers la foule d’étudiants qui sortaient de l’amphithéâtre.

— Je dois encore étudier pour l’examen de psychologie criminelle de demain.

Lauren rejeta l’idée d’un geste de la main.

— Ah, ça, c’est du gâteau. De toute façon, dit-elle en s’approchant et en parlant moins fort, tu peux toujours utiliser tes pouvoirs.

Portia recula et lui lança un regard réprobateur.

— Tu sais bien qu’on n’a pas le droit de faire ça !

Cela lui avait été inculqué d’aussi loin qu’elle pouvait se rappeler. Son père, un vampire pur-sang, et sa mère, une humaine, lui avaient appris qu’elle devrait toujours cacher ce qu’elle était réellement : hybride, soit mi-vampire et mi-humaine. La seule raison pour laquelle elle pouvait parler de ces choses avec Lauren, c’était parce que son amie était comme elle.

Quand Portia et son père s’étaient installés à San Francisco six mois auparavant, à la suite de l’accident de la route qui avait causé la mort de sa mère, la jeune fille s’était prise d’amitié pour la fille du maire, Lauren. Elles s’étaient inscrites aux mêmes cours à l’Université de San Francisco, une école catholique privée. L’aura des hybrides était très différente de celle des humains. Les deux filles s’étaient, dès lors, reconnues instantanément ; chacune d’entre elles étant si heureuse d’avoir, pour meilleure amie, quelqu’un avec qui elles pouvaient partager toutes ces choses qu’elles avaient en commun.

Lorsqu’elle avait mis son père au courant de cette nouvelle amitié, il avait semblé déçu. Portia s‘était demandée s‘il n‘était pas envieux qu‘elle se fût immédiatement trouvé une amie, alors qu’il continuait, quant à lui, de pleurer la perte de son épouse. Sa mère lui manquait terriblement, mais la vie continuait. Fort heureusement, Portia avait toujours fait preuve d’une certaine aisance à se faire des amis. C’était un mécanisme de survie qu’elle avait dû développer, car sa famille ne restait jamais au même endroit plus d’une année. Dès qu’elle commençait à se sentir chez elle, son père les emmenait dans une autre ville. D’une certaine façon, elle pouvait comprendre. En tant que vampire, il devait faire en sorte de ne pas attirer l’attention. Les humains des alentours pouvaient trouver bizarre qu’il ne sortît jamais de la maison durant la journée ; qu’il n’invitât ni n’acceptât jamais d’invitation à dîner ; et qu’il ne vieillît pas. Elle avait su accepter ce fait mais, en même temps, elle aurait tant aimé un endroit où elle aurait pu prendre racines et s’installer pour de bon.

— Eric sera là, fit Lauren en tentant de l’appâter et de la ramener à la conversation. Tu sais qu’il t’aime bien.

Portia sentit ses joues s’enflammer et se surprit à espérer que son côté vampire l’empêchât de rougir. Malheureusement pour elle, seuls les vampires pur-sang ne rougissaient pas. Comme elle l’avait fait si souvent auparavant, elle camoufla son sentiment d’insécurité envers les garçons par une remarque faussement détachée.

— Il n’est vraiment pas mon genre, tu sais. Et j’ai rencontré des garçons beaucoup plus excitants que lui.

Quelle connerie venait-elle de dire là ? Elle n’avait jamais eu de petit ami, mais même Lauren n’en était pas au courant. Elles avaient beau être les meilleures amies, Portia n’avait pas encore été capable de lui confier que l’idée même de se dévêtir devant un garçon la terrifiait.

— Quoi ? Tu me fais marcher ? Eric n’est rien de moins que l’idole numéro un sur le campus.

— Shh. . . pas si fort, fit Portia, je n’ai pas besoin que tout le monde nous entende parler de lui.

Nerveusement, elle jeta un regard par-dessus son épaule, espérant qu’aucun des amis d’Eric ne fût près d’elles.

Lauren posa la main sur le bras de son amie, l’arrêtant dans son élan. Portia se retourna en se demandant pourquoi Lauren lui lançait soudainement un regard si intense.

— Quoi ?

Les yeux de Lauren plongèrent en elle.

— Dieu du ciel ! Comment se fait-il que je n’aie pas vu venir ça plus tôt ?

Une voix se fit entendre de derrière. L’agacement y était perceptible.

— Eh, bouge de là, ôte-toi de mon chemin.

Portia fit un pas de côté afin de laisser passer cette personne, mais Lauren l’agrippa et l’attira vers la porte la plus proche.

— Qu’est-ce que tu fais ? protesta Portia.

— Il faut qu’on se parle, insista Lauren en observant prudemment le corridor, comme si elle était sur le point de révéler un immense secret. Elle ouvrit la porte qui donnait sur une petite salle de lecture. La trouvant vide, elle y fit entrer Portia et referma la porte derrière elles.

— Lauren, j’ai cours dans cinq minutes, dit Portia en regardant sa montre, l’air impatient et serrant son sac sur sa poitrine. Je t’ai déjà dit que j’avais cet examen de psychologie criminelle, et que je ne pouvais pas aller à cette fête. Honnêtement, je me suis rendue à bon nombre de fêtes de ce genre, et elles se ressemblent toutes. On s’y ennuie vite. Alors, cesse de m’embêter avec ça.

Lauren émit un soupir d’énervement.

— Oublie la fête. Il y a quelque chose de plus important.

Que pouvait-il y avoir de plus important qu’une fête, alors qu’en ce moment, tout ce qui intéressait Lauren dans la vie, c’était de se divertir ? Cela suffit à convaincre Portia d’accepter d’être en retard à son cours.

— Ah, ça c’est bien nouveau ! Mais qu’est-ce que tu racontes ?

— Parle-moi de ton dernier petit ami.

Le ton décontracté de Lauren contrastait avec l’intensité de son regard, comme une tigresse attendant de bondir sur sa proie.

Portia fronça les sourcils, se demandant bien en quoi son amie était soudainement si intéressée.

— Y’a vraiment rien à en dire. Pourquoi tiens-tu tant à en savoir plus à son sujet ?

— Réponds simplement à ma question.

— Il était gentil. On s’est fréquentés pendant quelques mois, on a rompu, j’ai déménagé. Fin de l’histoire.

— Ah bon. Et le sexe. . . c’était comment ?

Instinctivement, le corps de Portia se raidit, et elle se mit à serrer davantage son sac sur sa poitrine.

— C’était bien.

— Bien ? C’est tout ce que tu trouves à dire ? Pas super excitant, chaud, hallucinant ?

Face aux questions pressantes de Lauren, Portia éprouva une sensation d’inconfort le long de sa colonne vertébrale.

— Mais enfin, qu’est-ce que tu veux, Lauren ?

— Tu n’as jamais fait ça.

Instinctivement, Portia recula, se heurtant au pupitre qui se trouvait derrière elle. Elle se reprit rapidement, forçant son visage à adopter cette expression d’indifférence qu’elle utilisait lorsqu’elle ne se sentait pas prête à faire part de ses sentiments.

— C’est. . . c’est complètement absurde. Bien sûr que j’ai déjà fait ça.

Admettre le contraire aurait été si humiliant !

— Je sais que tu mens quand tes yeux font ce genre de truc . . ., dit Lauren en faisant un mouvement circulaire de la main. De toute façon je te connais trop bien maintenant, je m’en étais rendu compte toute seule.

Portia soupira. Elle s’était fait prendre, alors qu’elle croyait parfaitement jouer son rôle : elle avait toujours feint d’être mondaine et sophistiquée et, à chaque fois que la conversation avait tourné autour des garçons et du sexe, elle en avait toujours parlé comme si elle était experte en la matière. Elle était même allée jusqu’à tout lire à ce sujet, ainsi qu’à donner sa propre opinion lorsque d’autres filles débattaient de leurs marques préférées de préservatifs. Quel gros mensonge que tout cela ! Et elle avait menti afin de ne pas paraître bizarre aux yeux des autres ; afin de se sentir intégrée, alors qu’elle savait qu’elle n’y connaissait rien. . .

Patiemment, Lauren attendit, balançant une mèche de ses longs cheveux noisette par-dessus son épaule, attirant l’attention de Portia sur son cou gracieux et la jolie tête qui y trônait. Portia prit tout son courage à deux mains pour lever les yeux et rencontrer ceux de Lauren.

— Je suis encore vierge.

— Pas bon du tout, murmura Lauren en secouant la tête.

— Je veux juste attendre de rencontrer le bon garçon.

— Désolée, mais tu ne peux pas te payer ce luxe, dit Lauren d’une voix pressante.

Cette situation la rendant mal à l’aise, Portia se tourna vers la porte. Elle était déçue que son amie ne semblât pas la comprendre.

— Je dois me rendre à mon cours.

À la vitesse du vampire, telle une lueur floue dans les yeux d’un humain, Lauren alla bloquer la sortie.

— Aujourd’hui, tu vas sécher ton cours. Dans la vie, il y a des choses plus importantes que l’école.

— N’en fais pas tout un plat. Ce n’est pas parce que les garçons et le sexe sont importants pour toi, que tout le monde doit penser de la même manière. Toi et moi sommes très différentes, dit Portia en serrant son sac aussi fort que possible pour se protéger des choses auxquelles elle ne voulait faire face.

— Je suis d’accord. Les garçons ne sont pas importants, mais le sexe l’est.

— Pour toi peut-être, dit Portia en roulant des yeux.

S’imaginer au lit avec l’un ou l’autre des garçons qu’elle avait déjà embrassés ne l’aidait en rien à nourrir son appétit pour la chose. Lauren semblait avoir placé la barre de ses principes un peu plus bas.

— Quand donc auras-tu tes vingt-et-un ans ? Dans cinq semaines ?

— Dans six semaines, répondit automatiquement Portia, confuse par ce soudain changement de sujet. Pourquoi ?

Lauren serra les lèvres et marmonna quelque chose, comme si elle était confrontée à un énorme problème, telle l’éradication de la faim dans le monde.

— Donc, il ne nous reste plus que six semaines pour te faire perdre ta virginité. D’accord, ce n’est pas énorme comme délai, mais les vilains garçons ne manquent pas, et nous pourrons y avoir recours si nous ne trouvons pas mieux. Je peux en compter au moins une bonne douzaine.

— Attends un peu ! Qu’es-tu en train de manigancer ? Je ne vais quand même pas aller perdre ma virginité avec n’importe quel idiot. Je le ferai quand je sentirai que c’est le bon moment. Et ceci dit en passant, je ne compte pas avoir de petit ami avant d’en avoir fini avec le collège. Je l’ai promis à mon père.

Ses parents lui avaient inculqué l’importance de trouver la bonne personne. Et à voir à quel point ils avaient été heureux ensemble, elle ne pouvait qu’être d’accord. L’amour qu’ils avaient éprouvé l’un pour l’autre avait été palpable. Portia souhaitait vivre la même chose. Elle ne voulait pas gaspiller sa virginité aux mains d’un quidam pour lequel elle n’éprouverait aucun sentiment. Jusqu’à présent, elle n’en avait jamais rencontré un qui eût pu lui donner le moindre soupçon d’envie de s’abandonner à lui.

— Tu n’as pas compris ? Tu n’as pas le temps d’attendre ! dit Lauren, comme si le monde était sur le point de s’écrouler. Tu te dois de perdre ta virginité avant ton vingt et unième anniversaire, ou tu resteras vierge pour toujours !

— C’est absurde ! À vingt-et-un ans, je serai toujours assez attirante pour les garçons. En plus, à cet âge, je cesserai de vieillir.

— C’est exact ! dit Lauren en avançant les mains d‘une manière dramatique. Et c’est exactement là où je veux en venir. À vingt-et-un ans, ton corps se figera dans sa forme définitive. Moulé à jamais comme de la pierre. Ta forme physique ne pourra plus changer. Ce qui veut dire que, si ton hymen est encore là, tu le conserveras pour toujours.

Le cœur de Portia faillit s’arrêter. Son hymen resterait intact ?

— Mais. . .

C’était impossible. . .

— Oui, après tes vingt-et-un ans, à chaque fois que tu auras des relations sexuelles, ça te fera mal parce que tu te feras déchirer l’hymen, encore et encore. Chaque jour, ton corps guérira, croyant qu’il est blessé, et il reconstruira ton hymen. Le sexe, pour toi, ça fera toujours mal. Tu comprends maintenant ?

Portia éprouva de la difficulté à déglutir. Ses genoux tressaillirent, et elle dut se tenir au pupitre derrière elle.

— Ce n’est pas sérieux. . . ça ne peut pas être vrai.

Elle se demanda pourquoi elle n’avait jamais entendu parler de cela. Sa mère ne lui en avait jamais pipé mot, et son père s’était simplement contenté de la prévenir contre les garçons. Elle souleva son regard en direction de son amie, la tête remplie de questions.

Lauren agita ses jolies boucles.

— Je te dis la vérité. Va demander à mon père. Il s’est lui-même assuré que je perde ma virginité sans perdre de temps. Bon sang, il a lui-même fait le tri entre les gars et m’a aidée à en choisir un.

Portia se remémora les quelques fois où elle s’était liée d’amitié avec des garçons.

— Une fois, mon père m’a surprise en train d’embrasser un garçon sur la banquette arrière d’une voiture. Une semaine plus tard, nous déménagions dans une autre ville, mais. . .

Sa voix se fit tremblante, tandis qu’elle se souvenait des moments de rapprochement qu’elle avait connus avec certains garçons. Il n‘y avait toutefois jamais rien eu de plus que quelques baisers et quelques légers attouchements. Qu’elle eût souhaité, ou pas, d’aller plus loin avec l’un ou l’autre de ces garçons, et elle se retrouvait soudainement dans une nouvelle ville et une nouvelle école. Lauren intervint.

— Ton père te tenait loin des garçons ? Il doit bien savoir ce que cela implique. Il ne peut pas ne pas savoir.

Portia agita la tête, refusant de comprendre ce que les paroles de Lauren impliquaient.

— Non, mon père m’aime. Il ne me ferait jamais de mal.

Et elle y croyait férocement. Il était son roc. Il serait toujours là pour elle. Et encore plus depuis le décès de sa mère. Il était tout pour elle.

— Tu as dit que tu lui avais promis de ne pas sortir avec un garçon avant la fin du collège. Ça venait de toi ou c’est lui qui te l’a demandé ?

— Demandé ? Elle regarda son amie tout en se remémorant la manière dont son père lui avait expliqué qu’elle ferait mieux d’attendre. Et elle avait été d’accord avec lui, secrètement soulagée de ne pas avoir à traiter cette question avant un certain temps.

— Il n’a rien demandé, nous en avons discuté.

— Fais-tu toujours tout ce que ton père veut que tu fasses ? Ne t’es-tu jamais rebellée ? siffla Lauren.

— Je n’ai aucune raison de me rebeller. C’est vrai, mon père est à cheval sur les principes, mais c’est parce qu’il veut ce qu’il y a de mieux pour moi. Et il est tout ce que j’ai. Sans maman. . . je n’ai personne d’autre. Aucune autre famille. Tu ne peux pas comprendre ça toi, tu n’as jamais été seule.

Lauren posa une main sur le bras de Portia.

— Je suis désolée. Je ne voulais pas te faire de peine. Mais tu dois affronter la réalité : il faut que tu perdes ta virginité. Tu dois te débarrasser de ton hymen.

— Et si mon père n‘en savait rien ? Il ne traîne jamais avec d’autres vampires. Nous n’étions membres d‘aucun clan ou d’aucun ordre de vampires. Nous ne nous sommes jamais intégrés au sein de leur société ; nous déménagions trop pour cela. Il n’est peut-être pas au courant.

— Il doit le savoir, dit Lauren en agitant la tête, les yeux empreints de dépit. On n’élève pas une enfant hybride sans savoir ce genre de choses.

— Je n’en crois pas un mot, rétorqua Portia, convaincue que Lauren avait tout faux. Je vais lui en parler dès ce soir.

4

Le soleil s’était déjà couché sur le Pacifique lorsque Portia rentra à la maison. Elle y trouva son père, assis sur le divan, fouillant dans un dossier qu’il referma dès qu’il la vit.

— Bonsoir mon cœur, comment se sont passés tes cours ? lui demanda-t-il avec un joyeux sourire.

Portia laissa tomber son sac au pied de l’escalier et s’avança dans le salon. Elle hésita, ne sachant trop comment engager cette difficile conversation.

— Bien, dit-elle en trépignant. Voulant éviter le regard de son père, elle fixa le mur derrière lui.

— Quelque chose ne va pas ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette.

— Enfin, euh. . . bien, il y a quelque chose dont je voulais te parler, dit-elle en ajustant son regard pour le recentrer sur lui.

Son père se redressa, bombant soudainement le torse.

— Quelqu’un te cause des ennuis ?

Elle secoua rapidement la tête.

— Non, ce n’est pas ça, tout va bien. C’est seulement que j’ai appris quelque chose aujourd’hui. Quelque chose que tu ignores, et. . .

Portia s’interrompit encore une fois, cherchant les bons mots à prononcer. Ceci allait être plus difficile qu’elle ne l’avait imaginé.

— Qu’est-ce que c’est ? Tu sais que tu peux tout me dire.

Bien sûr qu’elle le savait, mais c’était un peu gênant. À ce moment précis, elle souhaita que sa mère fût toujours vivante. Elle pourrait lui confier ses soucis, plutôt que d’aborder ce sujet délicat avec son père.

— C’est simplement qu’aujourd’hui, j’ai découvert qu’une fois que mon corps aura adopté sa forme définitive, je demeurerai toujours. . . Je garderai toujours mon hymen si je ne perds pas ma virginité avant.

Elle déglutit. À présent, c’était dit, et son père et elle allaient pouvoir discuter entre adultes.

— Qui t’a dit cela ? tonna la voix de son père qui se leva au même instant. C’est Lauren !

Il était apparemment en colère. Prise au dépourvu par la rudesse de cette réponse, Portia répliqua rapidement.

— Tu veux dire qu’elle ne m’a pas dit la vérité ?

— Elle n’a pas à te dire quoi que ce soit. Ce ne sont pas ses affaires. Tu ne dois savoir que ce que je te dis, et c’est tout ! C’est moi qui t’élève !

L’élever ? Elle était une adulte, à présent !

— Papa, je ne suis plus une enfant. J’ai le droit de savoir.

— Silence ! Lauren n’a pas le droit de te remplir la tête avec ces histoires. Ne te soucie pas de ça.

— Mais, avait-elle raison ? Est-ce ce qui va m’arriver ? dit Portia, confuse.

Son père la regarda, les yeux rouges de rage.

— Tu es ma fille, et je déciderai quand et à qui tu donneras ta virginité.

À cet instant précis, elle lut la vérité sur son visage. Il connaissait les conséquences. Il avait toujours su, mais il avait choisi de la maintenir dans l’ignorance.

— Pourquoi ? Comment peux-tu me faire une telle chose ?

Comment pouvait-il la traiter de cette façon ? Ne l’aimait-il pas ? Les larmes apparurent dans ses yeux.

— Tu finiras par comprendre, et. . .

Il dut s’interrompre lorsqu’il entendit la sonnerie de son portable. Il y jeta un coup d’œil, puis regarda Portia.

— J’ai une réunion. Va étudier dans ta chambre. Je serai bientôt de retour.

Il se retourna alors et sortit, tel un homme qui avait l’habitude qu’on obéît à ses ordres.

Portia resta figée sur place. Elle ne s’était jamais sentie aussi seule de toute sa vie.

Son père croyait qu’il avait le droit de la garder dans l’ignorance. Pire encore, il pensait qu’il pouvait choisir un homme à sa place et décider du moment où elle perdrait sa virginité. Que cela dût se passer endéans les six prochaines semaines, ou pas.

Elle ne put empêcher les larmes de couler sur ses joues. La déception lui clampa le cœur, tel un poing serré, l’écrasant jusqu’à ce que la douleur devînt insupportable. Son père ne l’aimait pas. Car, s’il l’avait aimée, il ne lui aurait jamais imposé ce destin. Elle l’avait admiré toute sa vie. C’était bel et bien fini.

Elle ne serait plus sa petite fille obéissante.

Sa vie lui appartenait, à elle, et elle seule déciderait comment la vivre.

* * *

La fête se déroulait dans un édifice communautaire situé tout près du campus. Plusieurs haut-parleurs émettaient une musique forte, la lumière était tamisée, et l’endroit empestait l’alcool et la fumée. Portia plissa le nez : cette fumée n’était pas tout à fait légale.

Il lui fallut dix bonnes minutes pour retrouver Lauren. Cette dernière était craquante dans son jean à taille basse et son top moulant qui aurait pu faire office de large ceinture.

— Je croyais que tu ne viendrais pas, dit Lauren en regardant Portia d’un air surpris.

— C’est vrai, mais j’avais besoin de te parler, et tu ne répondais pas à ton portable.

Lauren s’avança vers la foule.

— Il y a trop de bruit ici, je ne pouvais pas l’entendre sonner. Qu’est-ce qu’il y a ?

Au prix d’un grand effort, Portia se confia.

— Tu avais raison.

À ces mots, Lauren lui attrapa instantanément le bras et l’attira hors de cette pièce. Elles longèrent un long couloir et, un instant plus tard, se retrouvèrent dans une des salles de bain et s’y enfermèrent.

— Que s’est-il passé ? demanda Lauren. Portia renifla.

— Je le lui ai demandé. Il savait ce qu’il me faisait. Il savait que j’allais demeurer. . .

Elle ne put en dire plus. Lauren la prit dans ses bras et lui caressa les cheveux.

— Pauvre chérie, je suis si désolée.

Portia refoula les larmes qui menaçaient de couler. Elle ne pleurerait pas. Elle devait demeurer forte. Lentement, elle recula et se dégagea des bras de Lauren.

— J’ai réfléchi à la façon de procéder.

En effet, elle avait trouvé la parfaite idée pour se sortir de cette situation compliquée et, maintenant, elle avait besoin de l’aide de son amie.

— Très bien, Eric est déjà là. Quand je lui ai dit que tu ne viendrais pas, il a semblé déçu. Je vais le lui dire. . .

— Non ! Je ne suis pas ici pour ça. Je veux que tu viennes acheter un vibromasseur avec moi.

Elle tremblait à l’idée de devoir entrer dans un sex-shop toute seule.

Lauren écarquilla les yeux.

— Un vibromasseur ? Mais qu’est-ce que tu. . . Tu veux dire que tu vas te défoncer l’hymen avec ça ?

— Mais oui, c’est la solution la plus simple. Je ne tiens vraiment pas à coucher avec quelqu’un juste pour. . .

— Portia. . . Ça ne fonctionnera pas.

Sidérée, elle regarda son amie.

— Pourquoi pas ? C’est aussi gros qu’un… tu sais. C’est une idée géniale.

— Oui, si ça marchait, mais ce ne sera pas le cas. Ça percera ton hymen, mais demain matin, il sera de nouveau intact. Seule la semence d’un homme peut le faire disparaître pour de bon.

Portia réprima son envie pressante de plaisanter.

— Mais alors. . . alors. . .

Elle cogita et tenta de trouver une alternative.

— Pourquoi ne pas m’en procurer ? Tu dois m’aider.

Elle prit Lauren par les épaules, la brusquant presque.

— Tu pourrais demander à l’un de tes amis de m’en donner. Je suis certaine que tu peux trouver un bon prétexte.

Lauren agita la tête et lui adressa un triste sourire.

— Ton idée pourrait vraiment être géniale, tu sais mais, malheureusement, ça ne marchera pas non plus. Le sperme en question doit être des plus frais et doit provenir d’un vrai membre, de chair et de sang. Alors, peu importe la méthode d’insémination que tu pourras imaginer, elle ne fonctionnera pas.

Cette révélation heurta Portia de plein fouet. Aussi fortement que la déception à laquelle elle avait dû faire face un peu plus tôt dans la soirée. Elle laissa retomber la tête par dépit.

— Mais pourquoi ? Pourquoi ?

— J’aimerais tant pouvoir te dire quelque chose d’autre, mais les choses sont ainsi faites.

Portia releva la tête.

— Et maintenant ?

— Je pense que nous devrions trouver Eric.

À cette perspective, Portia sentit ses mains devenir moites.

— Tout de suite ? Pourquoi n’attendrions-nous pas un moment pour voir si on peut trouver une autre solution. On doit pouvoir y arriver autrement.

Lauren remua la tête.

— Il n’existe aucune autre solution. Crois-moi, tu n’es pas la première jeune fille hybride. Tu vas y survivre. Et j’ai entendu dire qu’Eric n’est pas si mal sous les couvertures.

Portia émit un grognement.

* * *

Trente minutes plus tard, Portia avait déjà l’occasion de se rendre compte qu’Eric embrassait plutôt bien. Mais, malgré les efforts et contorsions que ce dernier imposait à sa langue, Portia restait de glace. Étrangement, elle demeurait comme détachée de la situation. En fait, aucun des garçons qu’elle avait embrassés auparavant ne lui avait procuré le désir de s’aventurer plus loin. Bien sûr, cela avait toujours été plaisant, mais pas plus qu’il lui était agréable de s’asseoir sous le soleil pour manger une glace.

Était-elle frigide ? Était-ce là la raison pour laquelle le sexe ne l’avait jamais vraiment intéressée, et qu’elle ne s’était jamais vexée du refus de son père de la laisser sortir avec des garçons ?

Non, cela n’allait pas fonctionner. Pas avec Eric. C’était un chouette type, sans l’ombre d’un doute, mais pour sa première fois, elle souhaitait que cela fût extraordinaire ; pas un fardeau. Elle voulait sentir ses jambes se dérober sous elle et son cœur frétiller ; elle désirait qu’un homme lui fît perdre haleine en l’embrassant ; que son toucher la fît frémir. Et Eric n’était, définitivement, pas ce genre d’homme.

Elle était sur le point de se dégager de son étreinte lorsque, soudainement, elle ressentit un picotement sur sa peau. Son cœur s‘arrêta presque de battre. Un autre vampire s’était introduit dans la chambre où Eric et elle s’étaient isolés pour s’accorder un peu d’intimité. Portia ne connaissait que trop bien la signature accompagnant l’aura de ce vampire.

Il ne fallut qu’une fraction de seconde avant qu’Eric ne fût projeté contre le mur. Portia vit son père lui lancer un regard furieux, tandis qu’il pointait son visage du doigt.

— Toi, jeune fille, à la maison ! Immédiatement ! Il prononça ces paroles d’une voix grave, tel un sombre rugissement. Un rugissement qui lui était bien familier.

Il était déchaîné. Mais, elle aussi.

Portia se redressa et haussa la tête. Avec ses talons de cinq centimètres de haut, elle atteignait le mètre soixante-quinze et parvenait à avoir les yeux pratiquement au même niveau que ceux de son père.

— Tu n’as pas à me dire quoi faire !

— Je suis ton père, et tu vas m’obéir !

La main de ce dernier se referma comme une pince autour de son poignet et, bien qu’elle possédât la force des vampires, elle ne faisait pas le poids devant son père. Il était plus âgé et bien plus fort qu’elle.

— Non ! Tu n’as plus le droit de me donner des ordres !

Droit qu’il avait perdu en la trahissant.

— Tu n’as pas encore l’âge !

Portia resta figée. Dans la communauté des vampires, les parents demeuraient les représentants légaux de leurs enfants jusqu’au moment où les corps de ces derniers adoptaient leur forme définitive, le jour de leur vingt et unième anniversaire. Un enfant hybride n’était reconnu mature que lorsqu’il avait atteint cet âge. Comment avait-elle pu oublier que c’était son père qui lui avait expliqué cette règle plusieurs années auparavant, lorsqu’elle était enfant ? Il avait tous les droits de lui donner des ordres. Mais elle en avait fini avec la soumission.

— Je ne resterai pas vierge !

— Je ne vais pas te laisser te jeter dans les bras d’un vaurien qui ne te mérite pas ! Tu ne t’uniras qu’à un garçon qui est ton égal ! Quelqu’un que je choisirai pour toi.

Elle secoua la tête, découragée. Non ! Elle ne se soumettrait plus à sa volonté. Quitte à se rebeller. Mieux valait tard que jamais.

Son père la tira vers la porte. Portia lança un regard à Eric qui, toujours étendu par terre, émettait des grognements de douleur. Elle focalisa ses pouvoirs sur lui afin de lui effacer les souvenirs de ces trente dernières minutes. Elle n’avait nullement besoin d’un témoin de son humiliation.

5

Alors qu’il continuait de faire les cent pas dans son bureau, Samson fit signe à ses amis, Gabriel et Amaury, de s’asseoir.

— Il doit être sanctionné, commença Gabriel.

— Je ne suis pas d’accord. Si on le punit, il déraillera complètement, dit Amaury en remuant sa crinière noire.

— Un tel crime ne peut rester impuni. Gabriel se tourna vers Samson et lui lança un regard qui le suppliait de lui accorder son appui.

— Je ne dis pas que nous ne ferons rien, mais si nous punissons Zane purement et simplement, il courra à sa perte.

Il a besoin d’être réhabilité, insista Amaury.

On frappa à la porte, et la discussion fut interrompue.

— Entre, répondit Samson. Il avait perçu l’identité de la personne désireuse d’entrer.

La porte s’ouvrit, et Thomas fit son apparition dans de lourdes bottes de motard qu’il trainait bruyamment sur le plancher en bois. S’excusant par le biais d’un sourire, il ôta son deuxième gant de cuir et les fourra tous les deux dans la poche de son veston. Le casque ayant aplati sa coiffure, il se passa ensuite les doigts dans ses cheveux blond sablé pour leur redonner du volume.

— Pardonnez mon retard. J’ai eu quelques petits ennuis avec ma moto.

Samson pointa le divan du doigt, et Thomas y laissa tomber sa carapace de cuir. L’impact de son corps sur l’assise fit grincer le canapé, son équipement de cuir l’alourdissant facilement de sept kilos.

— Je croyais que ta Ducati était nickel, s’enquit Amaury.

— Je n’ai pas pris la Ducati. J’ai voulu sortir la R6 pour faire un petit tour.

— Cette chose n’est qu’un tas de ferraille, commenta Gabriel en secouant la tête.

— C’est une pièce de collection remontant à la seconde guerre mondiale. J’ai passé les deux derniers mois à la retaper.

Samson sourit. La passion que vouait Thomas aux motocyclettes était légendaire, et il passait chaque minute de sa vie à s’amuser avec l’une de ses nombreuses acquisitions.

— J’aimerais bien qu’on discute de tes talents de mécanicien, mais nous avons d’autres choses plus urgentes à traiter.