La territorialité de l'impôt sur les sociétés dans l'économie numérique - Camille Marpillat - E-Book

La territorialité de l'impôt sur les sociétés dans l'économie numérique E-Book

Camille Marpillat

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Beschreibung

Économie numérique et territorialité semblent être des expressions antinomiques. Pourtant, le droit fiscal tente d’appréhender les revenus issus du digital, rattachés à des acteurs nomades, en arguant de frontières physiques qu’ils ignorent. Dans ce contexte, les administrations fiscales ne sont plus à même de remplir leur rôle de perceptrice de l’impôt d’autant plus lorsqu’elles sont confrontées aux puissants géants du numérique en position dominante sur leurs différents marchés.

Face aux difficultés grandissantes de la fiscalité et des principes qui la compose, des solutions d’urgence mais aussi de fond, que cet ouvrage a vocation à identifier et analyser pour ce qui est du principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés, se précisent. Pourtant, force est de constater que les évolutions sont lentes face à un secteur en pleine croissance, en sus, synonyme de rapidité. Cependant, les initiatives nationales et internationales se multiplient et l’opinion publique attend des actions rapides suite aux récentes affaires médiatiques qui ont notamment révélées les pratiques d’optimisation fiscales des GAFA. Ainsi, les acteurs du numérique doivent se préparer aux transformations et changements à venir de la fiscalité pour s’y adapter et se couvrir des risques qu’ils représentent pour eux.

L’avenir de la territorialité de l’impôt sur les sociétés telle que nous la connaissons aujourd’hui est plus qu’incertain dans un monde économique sans frontière et l’avènement du numérique n’est que le catalyseur de ce phénomène. Dans un esprit de synthèse, cet ouvrage revient sur les difficultés rencontrées par le principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés, face aux acteurs du digital, tant sur le plan français qu’international et sur les solutions envisagées et envisageables pour faire évoluer ce principe afin de permettre aux États de taxer les revenus issus de ce nouveau secteur. Les pistes d’une fiscalité harmonisée au sein de l’Union européenne ou d’un projet spécifique à ce domaine au niveau de cette institution supra-nationale sont privilégiées bien que leur mise en œuvre semble, à ce stade, difficile.

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© ELS Belgium s.a., 2018

Éditions Larcier

Rue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

9782807906419

Remerciements

Merci à Nicole Stolowy et au cabinet Allen & Overy LLP sans qui cela n’aurait pas été possible.

Merci à Martine Rossetti d’avoir accepté de superviser cette étude.

Merci à mes parents, ma sœur Clémence et à Raphaël pour leur patience.

Avertissement

Cette étude a été réalisée en juin 2017 avant la publication des travaux parlementaires européens relatifs à l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés au sein de l’UE et notamment du rapport consultatif relatif au projet ACCIS1 adopté par la Commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen le 21 février 2018 et les discussions qui en découleront à l’Assemblée plénière du Parlement européen en mars 2018.

1 Projet de rapport sur la proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) de la Commission des Affaires économiques et monétaires du parlement européen n° 2016/0336 (CNS).

Préface

S’exprimant tout récemment au Forum de Davos, le Président Macron a proposé que soit établi un « contrat mondial » liant non seulement les gouvernements, mais aussi les entreprises et les investisseurs internationaux en vue d’une meilleure répartition des richesses. Dans ce cadre, il a appelé la Chine et les États-Unis à souscrire aux travaux de l’OCDE pour lutter contre l’optimisation fiscale et à trouver une solution à la défiscalisation des géants du numérique, souvent désignés par l’acronyme de GAFA (pour Google, Apple, Facebook, Amazon).

C’est à ce dernier sujet, éminemment controversé et au cœur de l’actualité économique européenne et même mondiale, qu’a choisi de se consacrer Camille Marpillat.

Avec beaucoup de pédagogie, toujours très utile pour les non-fiscalistes, Camille dissèque les différents mécanismes utilisés par ces acteurs de l’économie numérique, les GAFA (qu’on a pu qualifier de « passagers clandestins du monde contemporain »1), pour réduire leur exposition fiscale en profitant des failles des règles fiscales nationales exclusivement fondées sur le principe de territorialité.

Le « double sandwich hollandais-irlandais » n’aura ainsi plus de secrets pour le lecteur.

Dans la deuxième partie, après s’être intéressée aux armes dont disposent les autorités françaises et communautaires pour, à tout le moins, tenter d’atténuer les phénomènes d’évasion fiscale constatés, l’ouvrage passe en revue les différentes pistes possibles pour tenter de remédier à ce qui est (enfin !) devenu une question de première importance pour nos gouvernants.

Ainsi, la Commission envisage-t-elle de fixer des règles permettant de taxer non pas les bénéfices (localisés volontairement dans des pays à faible fiscalité tels que l’Irlande ou Malte), mais le chiffre d’affaires et ce dans chaque pays de l’Union où il est réalisé.

On perçoit, à la lecture de ces pages, à la fois combien les États sont mal outillés et aussi le danger que pourrait représenter des réponses élaborées à partir du corpus de règles existant et donc désordonnées.

Ce faisant, l’auteure nous donne les clés pour comprendre combien la solution, pour être efficace, devra être elle-même « disruptive » et soutenue par une forte volonté politique venant à la fois porter les propositions de la Commission via les directives ACCIS et ATAD (et ses autres projets plus récemment exposés) et montrer la voie vers une harmonisation fiscale sans laquelle il semble que de véritables progrès ne pourront être constatés.

Paris,Le 28 janvier 2018

Jean-Claude Rivalland

Associé – Gérant Allen & Overy Paris

1Discoursd’EmmanuelMacronsurl’EuropeàlaSorbonnele26septembre2017.

Principales abréviations

ACCIS

Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt sur les sociétés

ACIS

Assiette Commune pour l’Impôt sur les sociétés

BEPS

Base Erosion and Profit Shifting

BMC

Bénéfice Mondial Consolidé

CA

Chiffre d’Affaires

CAA

Cour Administrative d’Appel

CE

Conseil d’État

CGI

Code Général des Impôts

CJUE

Cour de justice de l’Union européenne

CPO

Comité des Prélèvements Obligatoires

ES

Etablissement Stable

GAFA

Google, Apple, Facebook, Amazon

IS

Impôt sur les sociétés

LPF

Livre des Procédures Fiscales

NATU

Netflix, Airbnb, Tesla, Uber

OCDE

Organisation de Coopération et de Développement Économique

PLF

Projet de Loi de Finances

RAS

Retenue À la Source

STIC

Services de Technologies de l’Information et de la Communication

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TIC

Technologies de l’Information et de la Communication

TVA

Taxe sur la Valeur Ajoutée

UE

Union européenne

Introduction

Lors des révolutions industrielles successives qu’a connues la France, la population française a vécu un bouleversement de son quotidien tant au niveau professionnel que personnel. L’avènement de nouveaux outils de production, de nouvelles énergies telles que la machine à vapeur, l’électricité ou encore le pétrole, ont transformé le quotidien des grandes puissances de l’époque. Le 21e siècle est lui-même le spectateur d’une nouvelle révolution, différente dans sa matérialité, mais qui métamorphose également l’économie : la révolution du numérique. Si certains se refusent à dire qu’une nouvelle révolution industrielle est en cours, car aucune nouvelle énergie n’a été découverte comme ce fut le cas jusqu’ici, force est de constater que les conséquences de l’apparition d’Internet et des nouvelles technologies sont toutes aussi importantes. Cette révolution du numérique s’est accompagnée d’une nouvelle économie aujourd’hui désignée comme « l’économie du numérique » qui s’oppose à l’économie traditionnelle.

L’économie numérique concerne « les activités économiques et sociales qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique »1. L’observatoire du numérique distingue quatre catégories d’acteurs de l’économie du numérique2 : « les entreprises des secteurs producteurs des services des technologies de l’information et de la communication », « les entreprises dont l’existence est liée à l’émergence des TIC (services en ligne, jeux vidéo, e-commerce, médias et contenus en ligne…) », « les entreprises qui utilisent les TIC dans leur activité et gagnent en productivité grâce à elles (banques, assurances, automobile, aéronautique, distribution, administration et tourisme…) » et « les particuliers et les ménages qui utilisent les STIC dans leurs activités quotidiennes ».

L’économie numérique est trans-sectorielle. Elle devient le nouveau support de certains secteurs de l’économie traditionnelle. Par exemple, les plateformes de e-commerce (Amazon, Apple), la plateforme Airbnb pour la location de logements, la plateforme de transport Uber en concurrence avec les taxis ou encore le site Internet Booking pour la réservation d’hôtels. Cette nouvelle économie recouvre également des secteurs qui sont nés avec l’émergence des nouvelles technologies comme les producteurs de services Internet ou les plateformes de recherche sur Internet.

Une « gratuité en trompe-l’œil »3 caractérise également l’économie numérique. Beaucoup d’acteurs du numérique proposent des services gratuits financièrement parlant aux consommateurs. Cependant, il le rémunère sans s’en apercevoir via les données qu’ils génèrent. Les acteurs du numérique tireront profit de ces données qui sont ensuite valorisées dans les comptes de ces entreprises.

La contribution de l’économie du numérique à la croissance française est estimée à 5,5 % de valeur ajoutée. Ainsi, le poids de cette nouvelle économie ramené au PIB français est plus important que celui de l’agriculture ou des services financiers4. L’enjeu fiscal pour la France est donc considérable or les problématiques fiscales liées à l’économie du numérique ne cessent de s’accroître car les États ne parviennent pas à appréhender les revenus issus de cette nouvelle économie. La TVA, l’IS et l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont les impôts les plus en difficulté. Nous concentrerons notre étude sur l’imposition des revenus des entreprises soumises à l’IS lorsqu’elles sont actrices de l’économie numérique (qui sont principalement des sociétés de capitaux5).

Si l’évasion fiscale en matière d’IS touche l’ensemble des secteurs de notre économie mondialisée, l’économie numérique est au cœur des préoccupations puisqu’elle accentue le phénomène6. Son caractère international couplé à la dématérialisation des échanges qu’elle entraine permet aux acteurs de cette nouvelle économie de délocaliser artificiellement leurs revenus très facilement. L’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (BEPS)7 dans des pays à fiscalité avantageuse ou privilégiée se fait d’autant plus aisément. Consommation des services et établissement des sociétés n’ont plus à être réunis dans un même État. En outre, « les principaux éléments de la chaine de valeur comme l’utilisation de données personnelles ne sont pas soumis à des transactions financières »8.

Les géants de l’internet, surnommés les « GAFA », sont la cible des administrations fiscales à travers le monde, leurs stratégies fiscales d’optimisation agressives entrainant la perte de ressources fiscales importantes pour les États. Même si notre étude a un caractère général, les développements qui suivront s’appuieront régulièrement sur les pratiques des GAFA. Ces entreprises permettent de mettre en exergue, de par leur taille et leur puissance, les problématiques liées à l’économie numérique. En outre, les nouveaux acteurs de l’économie numérique ne sont pas en reste puisque les « NATU »9 qui sont Netflix, AirBnb, Tesla (acteur à mettre à part puisqu’il n’est pas un acteur du numérique) et Uber ont mis en place les mêmes stratégies que les GAFA.

Le rapport de France stratégie met en avant 4 caractéristiques qui sont propres à l’économie numérique10 et qui permettent de comprendre pourquoi la fiscalité traditionnelle peine à s’appliquer à cette nouvelle économie : « (i) un brouillage des frontières géographiques qui rend plus complexe l’attribution d’activités à des juridictions précises, (ii) des externalités de réseau importantes qui donnent un pouvoir de monopole aux plates-formes en raison de problèmes de coordination des utilisateurs, (iii) ses marchés multi-face, car les plates-formes sont utilisées pour connecter différents acteurs, et les stratégies de fixation des prix sur les différentes faces de la plate-forme sont interdépendantes, (iv) la collecte et l’exploitation de données personnelles téléchargées, comme intrants dans la chaîne de valeur de la plate-forme ».

« Dans l’économie de l’immatériel, en effet, la matière imposable et les contribuables sont semblables aux oiseaux migrateurs qui, au moindre changement de climat fiscal, reprennent leur envol »11.

Il est aujourd’hui nécessaire de repenser notre système fiscal d’imposition des revenus des sociétés pour l’adapter aux enjeux du numérique et, de manière plus générale, aux enjeux de la mondialisation. L’OCDE identifie trois catégories de défis posés par l’économie numérique. Le premier défi est lié aux données personnelles génératrices de valeur pour les acteurs du numérique mais aujourd’hui non appréhendées par le droit fiscal. Le deuxième point soulevé par l’OCDE est celui de la qualification et la définition des revenus tirés de l’économie numérique12. Enfin, le troisième identifié par l’OCDE est celui du « nexus » c’est à dire la possibilité pour les acteurs économiques de réaliser des activités lucratives sur un territoire sans qu’ils n’aient besoin d’être présents physiquement sur ce-dit territoire grâce aux nouvelles technologies entrainant des difficultés pour établir un lien avec une juridiction fiscale. C’est autour de ce troisième point renvoyant au principe de territorialité de l’IS que notre étude sera réalisée puisque ce n’est pas tant le principe en tant que tel qui rencontre des difficultés mais la définition des critères qui le composent.

Le pouvoir d’imposer les entreprises dans un pays donné est fondé sur les règles internationales de territorialité de l’impôt. Ce pouvoir est l’une des expressions principales de la souveraineté des États. Traditionnellement, deux conceptions de la capacité à imposer un revenu par un État s’opposent au niveau des droits internes : le principe de mondialité et le principe de « territorialité à la française ». En matière d’impôt sur les sociétés, le système français est codifié à l’article 209 du CGI qui dispose en substance que : « l’impôt sur les sociétés s’applique aux bénéfices des entreprises exploitées en France »13. Ce principe constitue l’exception puisqu’il n’a été adopté que de manière très marginale par certains États de l’OCDE (France, Suisse, Danemark)14. Le système mondial repose quant à lui sur l’idée que les entreprises doivent être imposées pour l’ensemble de leurs revenus au lieu de leur résidence15.

Finalement, du fait du jeu des conventions fiscales internationales visant à éliminer les doubles impositions des revenus, principe de mondialité et principe de « territorialité à la française » aboutissent à un résultat équivalent. « Le droit français atteint donc en une seule étape un résultat que d’autres droits atteignent en deux étapes »16. En effet, « les règles internationales de territorialité de l’impôt ont vocation à maintenir un juste équilibre entre les intérêts de l’État de résidence (État du bénéficiaire des revenus) et ceux de l’État de la source (État d’où provient le revenu) »17. Le principe est l’imposition des bénéfices des entreprises dans leur État de résidence. Cependant, les revenus de source étrangère sont exemptés d’impôt sur les sociétés dans l’État de résidence si l’entreprise dispose d’un établissement stable dans l’État de source du revenu18. Par ailleurs, l’État source se voit parfois accorder la possibilité d’imposer un revenu, en l’absence d’Etablissement stable, de manière partagée avec l’État de résidence via une retenue à la source.

Les règles de répartition du pouvoir d’imposer entre les États sont issues du passé colonialiste des grandes puissances occidentales selon Gianmarco Monsellato, avocat associé chez Taj19. À l’époque, retenir comme principe international le fait d’avoir une imposition prédominante dans l’État de résidence permettait de garantir aux puissances colonialistes l’imposition d’une grande partie des bénéfices réalisés par leurs résidents dans les colonies. La France, suivie immédiatement par le Royaume-Uni, serait à l’origine de cette répartition du pouvoir d’imposer entre État de résidence et État de source ensuite reprise par les conventions fiscales internationales, toujours selon Gianmarco Monsellato. Sur ce point, les règles internationales rejoignent en grande partie les règles françaises ce qui amène à relativiser l’exception française en matière de territorialité de l’IS.

Les règles de territorialité de l’impôt tant nationales qu’internationales impliquent une nécessaire présence physique des entreprises sur le territoire des États source des revenus, sans qu’elles n’aient besoin d’y avoir leur résidence, pour qu’ils disposent de la possibilité de les soumettre à leur impôt sur les sociétés. Si ce système de répartition du pouvoir d’imposer entre État de résidence et État source du revenu peut être considéré comme injuste, notamment au regard du contexte de sa création, il faut néanmoins reconnaître qu’il a fait preuve d’une grande stabilité au fil du temps. Or face à des modèles économiques qui s’appuient essentiellement sur de l’intangible (i.e. des actifs incorporels, la propriété intellectuelle, des sites Internet) ce critère présente aujourd’hui des difficultés à jouer son rôle, en particulier dans le cadre des revenus issus de l’économie numérique qui cristallisent les problématiques fiscales liées à la mondialisation de l’économie. Si les difficultés rencontrées par la territorialité de l’impôt sur les sociétés sont d’envergure internationale, nous orienterons souvent nos développements vers le cas de la France.

De nombreux rapports s’accordent à dire que la fiscalité doit être adaptée au monde du numérique mais les solutions quant aux évolutions nécessaires sont discordantes et ne dépassent pas encore le stade prospectif. Les propositions relatives à la modification des principes composant la territorialité de l’impôt permettraient d’adapter la fiscalité simplement et rapidement. Quant à élaborer une fiscalité spécifique au secteur du numérique, la tache semble complexe puisque la refonte de l’économie est globale et trans-sectorielle, l’économie numérique n’étant pas un secteur indépendant et identifiable mais un véritable renouveau de notre modèle économique. L’ère du numérique n’en est qu’à ses prémices ainsi, adapter des concepts fiscaux anciens sans imaginer une refonte plus globale du système ne permettra pas de garantir une pérennité du droit fiscal que les contribuables sont en droit d’exiger. L’économie numérique va poursuivre son évolution, les adaptations d’aujourd’hui ne seront peut-être plus pertinentes demain et l’évasion fiscale trouvera sans doute d’autres chemins. Adopter un système fiscal harmonisé à grande échelle signerait la fin du principe de territorialité de l’IS au sein de l’UE mais limiterait, voir supprimerait, les possibilités d’évasion fiscale par le contournement de ce principe tant par les acteurs de l’économie numérique que par les sociétés mondialisées.

Il conviendra d’abord d’étudier les difficultés rencontrées par le principe de territorialité de l’IS face à un « nomadisme fiscal »20 amplifié par l’économie numérique (Chapitre I) pour poursuivre en s’intéressant à l’avenir de ce principe dans le contexte d’une économie bouleversée par les nouvelles techno­logies (Chapitre II).

1 BSI Economics, Rapport « Economie numérique, définition et impacts », 2015, p. 1.

2 Observatoire du numérique, http://www.entreprises.gouv.fr/observatoire-du-numerique/economie-numerique.

3 A. Gobel, « Fiscalité internationale et économie numérique : la juste valeur des Big Data », Bulletin fiscal, 2013, 6/13.

4 BSI Economics, Rapport « Economie numérique, définition et impacts », op. cit., p. 5.

5 Art. 206-1 CGI.

6 OCDE BEPS Frequently Asked Questions, Action 1 question 12.

7 Expression empruntée à l’OCDE.

8 France stratégie, Rapport final – « La fiscalité du numérique : quels enseignements tirer des modèles théoriques », 26 février 2015, p. 7.

9 L. Lejeune, « Le cache-cache fiscal d’Apple, Netflix, Airbnb … en Europe », Challenges, 2016.

10 France stratégie, Rapport final – « La fiscalité du numérique : quels enseignements tirer des modèles théoriques », op. cit., p. 7.

11 J.-C. Martinez, Préface de La fiscalité du commerce électronique (F. Huet), Paris, Litec, 2000, p. xvii.

12 OCDE Final Report, « Addressing the tax challenges of the digital economy, action 1 », 2015, p. 99.

13 D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, 6e éd., Paris, LGDJ, 2015-2016, § 741, p. 438.

14 B. Lignereux, Rapport pour le comité des prélèvements obligatoires – « La territorialité de l’impôt sur les sociétés », 2016, § 32, p. 18 et § 46, p. 21.

15 D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, 6e éd., op. cit., § 744, p. 441.

16Ibid., § 743, p. 440.

17 F. HuetLa fiscalité du commerce électronique, op. cit., p. 19.

18 Art. 7 du Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2014 de l’OCDE, mars 2016.

19 G. Monsellato, Conférence sur le futur de la fiscalité, HEC Paris, 2017.

20 Expression empruntée à J.-C. Martinez, Préface de La fiscalité du commerce électronique (F. Huet), op. cit., p. XVI.

Chapitre 1. La territorialité de l’IS face à un « nomadisme fiscal » des contribuables amplifié par l’économie numérique

Dès la fin des années 1990 les règles de territorialité ont commencé à montrer certaines faiblesses. À ce sujet, le député Olivier de Chazeaux avait interrogé le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

Un extrait de la réponse qu’il avait reçu est reproduit ici :

« La taxation des activités commerciales réalisées sur le réseau Internet s’effectue par application combinée du droit interne et des conventions fiscales qui permet de taxer en France les activités commerciales réalisées par une entreprise étrangère si celle-ci dispose d’un établissement stable (…) En définitive, les problèmes liés au commerce électronique résultent moins d’une inadaptation de la législation que des difficultés à l’appliquer dans un contexte technologique nouveau »1.

Les règles de territorialité de l’IS semblent inadaptées à l’économie mondialisée et à l’économie numérique, cette dernière ayant des caractéristiques qui lui sont propres amplifiant le phénomène (section I). Les autorités nationales françaises et européennes luttent contre l’optimisation fiscale (section III) pratiquée par les géants du numérique qui contournent la territorialité de l’IS à l’aide de montages fiscaux complexes (section II).

Section 1. Les régles constitutives de la territorialité de l’IS inadaptées aux défis posés par l’économie numérique

Dans cette section, nous allons étudier les difficultés rencontrées par les critères permettant l’imposition dans l’État source des revenus issus de l’économie numérique (II). De même, nous détaillerons les problématiques liées à l’État de résidence dans le contexte d’une économie intangible et sans frontière (III). Mais, avant de nous intéresser aux critères composant la territorialité de l’impôt sur les sociétés, il convient d’expliquer comment droit interne et conventions fiscales s’articulent (I).

Propos préliminaires : des règles de territorialité internes aux règles de territorialité internationales