La vocation du prêtre face aux crises - François Bustillo - E-Book

La vocation du prêtre face aux crises E-Book

François Bustillo

0,0

Beschreibung

La période que nous vivons n’est pas simple. Les prêtres vivent leur ministère dans une époque d’incertitudes, eux aussi. Celles-ci peuvent susciter des peurs comme des élans. La mission du prêtre n’est pas de réussir à sauver le monde par des tactiques et des stratégies missionnaires, mais de réussir à vivre sa vocation avec passion. Si le monde prêche la production et la réussite, l’Évangile prêche la fécondité.
L’auteur propose de revisiter l’ordination sacerdotale comme un retour aux sources pour épondre aux défis de notre temps laborieux. Les crises encouragent les prêtres à veiller sur leur humanité, à soigner leur intériorité, à cultiver les désirs et à ne pas étouffer leurs rêves. Il s’agit d’une vocation formidable, signe dans une monde en quête de repères.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 322

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



François BUSTILLO

La vocation du prêtre face aux crises

La fidélité créatrice

Spiritualité

nouvelle cité

Mise en page : Soft Office

Couverture : Florence Vandermarlière

© Nouvelle Cité 2021

Domaine d’Arny

91680 Bruyères-le-Châtel

ISBN : 9782375822425

Avant-propos

Nous vivons dans l’Église et dans la société du XXIe siècle : c’est dans ce contexte que notre vocation sacerdotale est appelée à être fidèle et féconde. Par la force et par la créativité de l’Esprit Saint, le Seigneur nous garde de la tentation de la peur et de l’ennui pour être aujourd’hui des témoins passionnés du Ressuscité.

Ces quelques pages sont le fruit de méditations proposées pour les prêtres à l’occasion d’une retraite et de quelques formations. En tant que franciscain m’adressant aux prêtres, je m’inspire de trois éléments fondateurs de la foi de saint François :

•L’amour des prêtres. Au XIIIe siècle, dans une Église en crise, François d’Assise, garde le plus grand respect pour les prêtres. Dans son Testament, il dit :

Le Seigneur m’a donné et me donne encore, à cause de leur caractère sacerdotal, une si grande foi aux prêtres qui vivent selon la règle de la sainte Église romaine, que, même s’ils me persécutaient, c’est à eux malgré tout que je veux avoir recours. Si j’avais autant de sagesse que Salomon, et s’il m’arrivait de rencontrer de pauvres petits prêtres vivant dans le péché, je ne veux pas prêcher dans leurs paroisses s’ils m’en refusent l’autorisation. Eux et tous les autres, je veux les respecter, les aimer et les honorer comme mes seigneurs. Je ne veux pas considérer en eux le péché ; car c’est le Fils de Dieu que je discerne en eux, et ils sont réellement mes seigneurs (n° 6-9).

•L’amour de l’Église. Saint François reçoit de la part du crucifié cette parole : « Va, répare mon Église, qui, comme tu le vois, tombe en ruine. » Cette parole, si souvent citée ces derniers temps, est importante. François ne crée pas une nouvelle Église, plus pure et plus parfaite, non, il la répare. Il s’agit d’un travail grâce auquel une réalité abîmée retrouve sa beauté première. Dans la réparation on réforme, on redonne la forme des origines.

•L’intuition au service de l’Église. Le pape Innocent III gouvernant une Église tiraillée de l’intérieur voit en rêve saint François soutenant l’Église. Dans les moments difficiles, face aux tentations de déception et de démission, il est important de ne pas étouffer les rêves, ils peuvent permettre de mieux voir et mieux croire. C’est le moment de passer des signes de pouvoir au pouvoir des signes.

Enracinés dans ces trois dimensions et appuyés sur notre actualité ecclésiale, nous revisiterons le rite de l’ordination sacerdotale. La mémoire du rite nous plonge en ce moment génétique de notre ministère où nous avons reçu l’Esprit de force et joie. Ainsi, nous nous rappellerons d’où nous venons et qui nous sommes.

C’est à cette source que nous puiserons un nouvel élan pour une vie et une mission créatives.

Étant donné qu’il s’agit d’un ensemble de méditations parlées, le texte gardera le style oral, direct, pour les lecteurs.

1

Seigneur, ne nous laisse pas dans la honte (Dn 3, 42)

À une époque comme la nôtre, nous pourrions nous demander : où est le printemps de l’Église ? L’hiver est dur et sévère en ce moment. L’« espèce » catholique souffre de l’éloignement des fidèles et du réchauffement judiciaire et médiatique. Combien de douleurs, combien de failles, combien de tsunamis à cause des mœurs ! Le corps entier de l’Église souffre (cf. 1 Co 12, 26) et est fragilisé. Il n’est pas simple d’encaisser des scandales si graves, qui défigurent le visage de l’Église. Nous vivons comme un Vendredi saint où nous sommes stigmatisés et condamnés. La violence des cris : Crucifiez-le, crucifiez-le ! de la foule d’hier (Lc 23, 21) est proche des cris de la foule médiatique d’aujourd’hui. Ces cris forts sont accompagnés de nos gémissements. Le gémissement est discret mais douloureux. Comme le dit saint Paul, dans l’épître aux Romains, la création gémit mais nous aussi, nous gémissons (cf. Rm 8, 23). Les gémissements, personnels ou collectifs à l’intérieur de l’Église, sont nos questions, nos doutes, nos combats, nos tentations, nos colères, nos résistances… comme une sourde angoisse collective.

En même temps, si nous vivons cette situation, c’est parce que, sans doute, nous avons souffert d’un refroidissement charismatique. Les scandales venant de la part des pasteurs sont graves. Quand on pense aux prêtres, en général on pense à des hommes bons, liés à Dieu par leur vocation. On pense à des hommes ayant des valeurs solides et pas molles. On pense aux hommes du sacré qui nous rappellent que Dieu est là, qu’il veille sur nous et marche avec nous. Corruptio optimi pessima !, « La pire corruption est celle du meilleur ».

Comme dans la purification du Temple quand Jésus chasse les marchands (cf. Jn 2, 13-16), notre Église vit un temps de purification où l’on doit chasser de l’intérieur tout ce qui est artificiel, superficiel ou carrément profane pour redonner à l’Église son authenticité, sa vérité, sa mission. Le « trafic », comme dit saint Jean (cf. Jn 2, 16), n’est pas notre vocation et notre mission. L’Église est le lieu de la communion avec Dieu et avec les autres.

Le pape François dit dans sa lettre aux prêtres du 4 août 2019 que nous vivons des purifications douloureuses mais saines. Le Seigneur « est en train de nous sauver de l’hypocrisie et de la spiritualité des apparences. Il souffle son Esprit pour redonner la beauté à son Épouse, surprise en flagrant délit d’adultère ».

Face aux faiblesses, aux limites et aux fautes que nous vivons et que nous voyons il ne faut pas céder à la tristesse et à l’amertume. Le mouvement de l’Esprit Saint est purificateur et non destructeur. Au contraire, comme Marie aux noces de Cana, il est raisonnable de saisir les gémissements non exprimés. Marie à Cana voit le manque de vin. On ne lui dit rien mais elle perçoit le malaise. Elle est sensible à ce qui se passe dans son entourage.

Dans une période comme la nôtre il est important d’aller au-delà des douleurs et au-delà des constats pour réveiller la force de la foi et réagir en retournant à l’essentiel, le Christ. La nuit de Pâques, la liturgie de la lumière commence avec le Christ principe et fin, alpha et oméga, on vient de lui et on va vers lui. On trace les chiffres de l’année en cours. Oui, c’est dans les nuits de l’Église qu’il faut se rappeler que ce cierge pascal éclaire toutes nos nuits. Le Christ ressuscité donne force à l’Église quand elle est entourée de ténèbres. Dans l’église sombre le cierge avance et le Christ répand sa clarté. Jésus nous apprend la voie exigeante de l’Évangile : La lumière brille dans les ténèbres (Jn 1, 5). Paul de Tarse l’avait bien compris : Sois vainqueur du mal par le bien (Rm 12, 21). On ne répond pas au mal par le mal.

Un présent accidenté

Lors des rencontres de prêtres, lorsque les équipes d’animation pastorale, les conseils paroissiaux, les conseils économiques, le conseil du presbyterium ou le conseil épiscopal parlent de la vie pastorale de l’Église, on constate régulièrement des difficultés bien réelles liées à la pauvreté tangible de certaines églises.

La France et l’Europe occidentale sont, depuis longtemps, un lieu de mission mais nous n’arrivons ni à l’intégrer ni à l’accepter. Pourquoi ? Parce que dans la mission, dans les périphéries, il faut épouser et agir avec l’inconfortable. Dans les missions extérieures, dans des pays lointains, dans des Églises jeunes ou minoritaires, cet inconfort paraît « normal », dû aux grandes distances, au manque de prêtres, au manque de chrétiens, aux dangers d’une Église à créer, etc. En Europe, l’évolution de nos Églises occidentales est vécue dans la douleur car nous sommes confrontés à une situation nouvelle, brutale, où une tradition chrétienne que nous croyions acquise est mise à bas. Nous avons la nostalgie d’un passé chrétien récent où nos codes de conduite étaient bien définis et intégrés. L’aridité actuelle nous affecte et nous remue dans notre parcours de foi où l’on voit nos contemporains se situer aux marges de la vie de l’Église.

Nous sommes obligés de bâtir de nouvelles relations avec une société où l’on rencontre l’ignorance, parfois l’hostilité et le plus souvent l’indifférence. Cette dimension inconfortable est pour tous les prêtres un domaine de conversion et de créativité. Dans l’inconfortable, nous devons inclure le manque de vocations, le vieillissement des prêtres, la fragilité numérique et l’âge canonique de nos assemblées, la désaffection des familles et des enfants, l’éloignement des jeunes, la pauvreté de moyens, etc.

Bref, depuis longtemps nous voyons avec lucidité les difficultés, nous décrivons les obstacles mais nous sommes plus lents dans la recherche de propositions et de solutions. Il est temps de passer des analyses aux synthèses. Cet exercice est une chance et une grâce pour l’Église.

Oui ! une grande majorité de nos contemporains a fait le choix de se tenir à la périphérie de l’Église. Tant de spécialistes ont analysé les facteurs de cette désaffection. Aujourd’hui, l’Église est presque totalement périphérique dans la vie de l’homme moderne. Il n’a pas besoin de l’Église. Nous le rencontrons ponctuellement à l’occasion des grands moments bio-existentiels comme le baptême et les funérailles. À la naissance et à la mort certains gardent encore un lien avec l’Église. En même temps les premières communions, les confirmations et les mariages baissent.

Ce vide pastoral, cette chute d’effectifs, nous donne le vertige parce que nous le trouvons injuste et violent. Mais devons-nous nous décourager ? Devons-nous démissionner ? Devons-nous nous agiter pour changer la situation ? En fait, faut-il changer le système ? Ou devons-nous changer et vivre une vraie conversion ecclésiale ? De justes et opportunes questions se posent. Il nous semble que la réponse à ces questions se trouve dans la fidélité à la vocation reçue. Fait paradoxal, il y a une désaffection envers l’Église mais la question de Dieu interpelle et séduit toujours. Nous le verrons plus loin.

Certains pensent que nous vivons la page la plus sombre de l’histoire de l’Église. Même si les chiffres et les statistiques que les médias et les chanceliers diocésains nous renvoient nous conditionnent, notre responsabilité nous engage à ne pas céder à la peur et au découragement. Dire que la période désertique que nous vivons est la plus difficile de l’histoire est inexact. Au moment de la Réforme grégorienne la vie était-elle plus simple ? Et à l’époque du modernisme ? Et au moment de la loi de séparation des Églises et de l’État ? Certes, sans angélisme, nous devons reconnaître que le temps est complexe. Mais cette constatation ne nous dispense pas de nous rappeler que le Père est toujours à l’œuvre (Jn 5, 17). Quand les résultats apostoliques ne sont pas bons et que nous sommes insatisfaits, le Père agit toujours. Comment ? Où ? Par quelle voie ? Dans quel domaine ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons c’est que le Père n’est pas indifférent, insensible ou impassible à la mission de son Église.

Les pages difficiles de la mission des prêtres aujourd’hui doivent être lues avec les lunettes de la foi. La peur nous lie à la mort, donc elle ne peut pas être le moteur de notre vie. Le Christ a dit à ses disciples qu’il ne les laisserait pas orphelins (cf. Jn 14, 18) et qu’il resterait avec eux jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20).

Jésus nous libère de notre crainte d’être seuls et abandonnés dans la mission. D’ailleurs les questions de chiffres ne sont pas une grande nouveauté dans la famille Église. Jésus a dit : La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux (Lc 10, 1-9). Il est vrai que naturellement les chiffres nous rassurent. Nous aimons partager les joies du ministère : « J’ai célébré beaucoup de baptêmes » ou « Cette année j’ai beaucoup d’enfants qui préparent la première communion » ; ou bien « La nuit de Noël l’église était pleine », « Le jour de Pâques nous avions une foule immense »… D’autres fois, nous entendons dire avec peine : « Les enfants catéchisés sont peu nombreux, les mariages baissent »… Comment faire ? Nous protéger et rester indifférents en attendant des temps meilleurs ? Chercher des nouvelles tactiques ou stratégies pour rester vivants ? Comme le prophète, face à de tels défis, on se demande : Qui enverrai-je ? (Is 6, 8).

La passivité, l’indifférence et l’hostilité de notre société ne sont pas les seules difficultés extérieures à affronter. L’Église actuelle doit veiller sur des points de vigilance internes. Dans la fragilité peuvent naître des tensions. Dans la difficulté, certains se protègent pour ne pas souffrir, d’autres se lèvent en sauveurs, d’autres attendent. Chacun a ses mécanismes pour affronter les problèmes. Le presbyterium est une réalité variée où les prêtres se retrouvent pour faire un seul corps : des prêtres de sensibilité traditionnelle, d’autres de sensibilité charismatique, d’autres sensibles à la dimension sociale, d’autres encore qui ont vécu avec passion Mai 68, d’autres venant de l’étranger, d’autres religieux, etc. Le presbyterium est un lieu d’accueil des différences générationnelles et culturelles. Certains veillent sur la dimension sociale, d’autres sur la dimension cultuelle, d’autres encore privilégient la pastorale des jeunes et des enfants. De cette heureuse différence peuvent naître des tensions. Il est facile et dangereux, pour se rassurer, d’étiqueter les autres en fonction de leur vision ecclésiale. Quand on sort de la vision catholique, au sens d’universelle, on peut rentrer dans une vision tribale. Les petits groupes d’affinité se soutiennent non pas avec les autres mais parfois contre les autres. Un passage de saint Paul nous revient à l’esprit : Moi je suis à Paul […] moi à Apollos […] (1 Co 3, 4).

L’enjeu pour l’Église est de créer une heureuse communion avec toutes les différences. Le collège apostolique n’était pas clonique. Matthieu, un collecteur d’impôts, et Simon, un zélote, sont ensemble. Pierre, l’impulsif, et Jean, le réfléchi, sont ensemble. Jésus instaure une saine collaboration dans le ministère pour le Royaume où les différences de classe sociale, de caractère et de vision missionnaire ne sont pas un obstacle. Dans des temps arides, face aux défis du monde, les prêtres peuvent s’enliser dans des querelles fragilisant le corps ecclésial. Face à la pauvreté il est crucial d’être unis. Comme nous le prêchons aux fiancés, nous devons être, nous aussi, fidèles dans le bonheur et dans les épreuves.

En fait, pour l’Église, dans les épreuves il faut conserver l’unité. Quand on fracture l’unité, on détruit les connexions internes et on paralyse la croissance du corps tout entier. Saint Paul le dit bien dans l’épître aux Éphésiens :

En vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons dans le Christ pour nous élever en tout jusqu’à lui, car il est la Tête. Et par lui, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux connexions internes qui le maintiennent, selon l’activité qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour (Ep 4, 15-16).

L’absence de résultats ne signifie pas absence de fécondité. L’Église ne doit pas chercher la productivité mais la fécondité. L’Église n’est pas une entreprise où l’on doit produire et réussir à tout prix. L’Église doit être féconde. La fécondité ne dépend pas seulement de la volonté, de l’intelligence ou de la créativité du pasteur, elle dépend surtout du Maître du chantier, le Seigneur. Si nous avons tous reçu des talents, à ne pas enterrer mais à faire fructifier (cf. Mt 25, 14-30), nous ne sommes pas à l’abri des échecs. Dans la parabole du semeur (cf. Mt 13, 3-9) le grain tombe au bord du chemin, sur les pierres, sur les ronces et sur la bonne terre. Un quart seulement tombe sur la bonne terre et produit des fruits. Dans le récit des dix lépreux (cf. Lc 17, 11-19) un seul se montre reconnaissant. Dans ces passages il n’y a pas d’échec, il y a une fécondité modeste. Jésus agit au-delà des résultats.

La situation difficile de l’Église à travers le sécularisme et les scandales des abus sexuels et de pouvoir nous invitent à prier avec les paroles du livre du prophète Daniel :

Or nous voici, ô Maître, le moins nombreux de tous les peuples, humiliés aujourd’hui sur toute la terre, à cause de nos péchés […]. Ne nous laisse pas dans la honte, agis envers nous selon ton indulgence et l’abondance de ta miséricorde. Délivre-nous en renouvelant tes merveilles (Dn 3, 37.42-43).

Loin du Christ, tel le fils prodigue, nous pouvons dépenser et éparpiller nos talents. Alors, comme la banquise, nous perdons la cohésion et nous rentrons dans la dispersion et la dilution de notre charisme.

Les exemples évangéliques du levain et du sel montrent qu’il suffit de peu pour donner du goût à nos vies de pasteur. Aujourd’hui, nous devons faire le choix de sortir de nos cénacles verrouillés par la peur d’un monde hostile, par la peur de l’échec, par la crainte de l’incapacité et accepter de nous laisser guider par l’Esprit Saint qui va secouer nos consciences et nos intelligences, nous permettant ainsi de retrouver liberté et créativité dans notre mission.

Un passé biblique éclairant

Dans l’histoire du salut il est utile de rappeler que la Bible raconte des périodes difficiles, de vrais passages, où le peuple est éprouvé sans pour autant être abandonné. Voici trois textes de l’Ancien Testament où la crise et les difficultés ne sont pas paralysantes mais stimulantes.

•Les vaches maigres (cf. Gn 41, 1-4).

C’est le rêve de Pharaon dans la belle histoire de Joseph. Il s’agit de constater que nous vivons parfois des périodes difficiles où l’on passe de l’opulence à la pauvreté, de la pauvreté à la misère. Nous savons que Joseph a trouvé le moyen intelligent de sortir de l’épreuve par une bonne gestion des biens lors des temps d’abondance pour ne pas dépérir dans les temps de détresse. Pendant la sécheresse, l’Égypte souffre mais ne meurt pas.

•Habacuc 3, 16-19.

J’entends tout ce tumulte et je suis profondément bouleversé : mes lèvres frémissent de crainte, mon corps est paralysé, mes jambes se dérobent… En silence j’attends le jour de la détresse, pour aller attaquer le peuple qui nous opprime. Les figuiers ne portent plus de fruits, les vignes ne donnent pas de raisins, les oliviers ne produisent rien, les champs ne fournissent aucune récolte ; il n’y a plus de moutons dans les enclos, plus de bœufs dans les étables (v. 16-17).

Dans ces versets, l’homme est bouleversé, touché même dans son corps, pas seulement dans ses biens. Il s’agit d’une période de calamité, où l’homme fait l’expérience de sa petitesse et de ses limites. L’homme est incapable de tout gérer. Même les biens et les sécurités matérielles sont touchés : s’il n’y a pas de récoltes ni de bétail, l’homme peut mourir. Face à l’impasse des épreuves humaines, l’homme s’ouvre à Dieu. Il est, à la fin, le seul Maître : Mais moi, je trouve ma joie dans le Seigneur, je suis heureux à cause du Dieu qui me sauve. Le Seigneur Dieu est ma force : il me rend aussi agile que les biches, il me fait marcher sur les hauteurs (v. 18-19). Oui, dans l’épreuve, l’homme sans foi s’écroule sous le poids du désastre mais l’homme de foi s’ouvre à Dieu, le seul sauveur.

•La pédagogie du petit reste d’Israël.

Israël, je ne laisserai subsister au milieu de toi qu’un peuple petit et pauvre, qui aura pour refuge le nom du Seigneur. Ce reste d’Israël ne commettra plus l’iniquité. Il renoncera au mensonge, on ne trouvera plus de tromperie dans sa bouche. Il pourra paître et se reposer sans que personne puisse l’effrayer (So 3, 12-13).

Ce thème du petit reste d’Israël a une grande importance dans la survie du peuple juif, comme nous le savons. Le prophète Sophonie annonce l’exil à Babylone, un moment extrêmement dur : il n’y aura plus de roi, plus de Temple… Le peuple d’Israël perd ses repères et ses traditions, il est entouré de païens, souvent hostiles. La plupart des Juifs se mélangeront à un peuple dominateur et laisseront se diluer ainsi leur identité spécifique en se fondant dans la culture païenne ambiante. Sophonie annonce que quelques-uns parmi les exilés, un petit reste, résisteront et seront fidèles aux traditions. La théologie du petit reste montre qu’il est possible de n’être qu’un petit nombre et pourtant de porter l’avenir d’un peuple. Dans notre propre société nous vivons une forme d’exil. Nous sommes présents comme un petit groupe, un petit reste. Face aux grands défis sociaux et sociétaux l’Église a une parole d’autorité. Mais qui l’écoute ? Les médias ? Les politiques ?… Cet exil est de coupure, de rupture et de discrétion. Il s’agit d’une petite mort par rapport à l’origine de sa propre culture et de ses racines. Mais une des caractéristiques de l’exil, c’est la fidélité en terre hostile et, surtout, le retour.

En ce moment où nous perdons nos terres et nos forces, en ce moment où nous sommes désemparés mais pas désespérés, en ce moment où, dans certains pays d’Occident, l’Église s’identifie au petit reste, le courage des Juifs fidèles dans l’adversité nous stimule à garder la foi en Dieu. Du petit reste naîtra le peuple fidèle à l’alliance.

Enfin, méditons ce passage du Nouveau Testament, la tempête apaisée

Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Jésus dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4, 37-41).

Dans ce texte, après la fécondité d’une journée de mission parmi les foules, les disciples connaissent la crise : nous sommes perdus ! Ils passent des satisfactions missionnaires à l’instabilité de leur foi. Dans la nuit ils font face aux éléments déchaînés : le vent, les vagues, la peur de se noyer, la solitude, l’apparente indifférence de Jésus puisqu’il dort, la fragilité de la barque… Ils se sentent seuls et perdus. Ils se découvrent pauvres et petits.

En même temps, cette situation inconfortable pour les disciples permet le témoignage de l’autorité de Jésus. Face aux disciples peureux, Jésus rassure : Silence, tais-toi ! Jésus fait taire les éléments déchaînés mais il fait taire aussi les peurs, les angoisses et la crainte de l’échec. Jésus, même quand nous croyons qu’il dort, est là, sa présence a la capacité de changer radicalement une situation. Par l’autorité de Jésus, les disciples passent de la peur à la confiance, de l’agitation au calme, du doute à la foi. Aujourd’hui nous assistons à des tempêtes, à des fragilités institutionnelles, nous sentons la vulnérabilité à l’intérieur de la barque, la peur et la déception de l’équipage, et à l’extérieur les attaques… Jésus dort ? Non, Jésus nous réveille !

Les tempêtes, comme dans l’évangile de Matthieu, nous secouent, mais vérifient notre solidité et notre stabilité.

Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc (Mt 7, 24-25).

Dans la traversée des tempêtes, comme aujourd’hui, où les éléments sont déchaînés, nous avons la possibilité de revoir nos fondations. Qui nous donne la solidité ? Pourquoi s’écroule-t-on ? Le texte évangélique est simple. Combien de fois nous l’avons médité et prêché. Jésus veut que nous soyons prévoyants. C’est tout le contraire d’une action superficielle et émotive. La vie sacerdotale se construit sur le Christ, sur sa Parole étudiée, priée et méditée mais en allant jusqu’à l’incarnation de la Parole dans nos vies. Mettre en pratique la Parole est notre grand défi. Passer, encore une fois, du savoir au vivre. L’homme prévoyant n’a peur ni des tempêtes internes ni des tempêtes externes. Notre vie spirituelle ne peut pas dépendre de nous-mêmes ou de facteurs extérieurs. Elle dépend du Christ. Si nous sommes attachés au Seigneur comme le cep à la vigne (cf. Jn 15, 5), on tient, on ne s’écroule pas.

Prenons ce passage biblique pour nous aider à avancer dans la confiance : David et Goliath (cf. 1 S 17). Ce passage nous éclaire sur la question du choix et des bonnes armes pour combattre en ces temps complexes.

D’abord, on part d’une situation tragique. Le contexte du récit est la guerre et au milieu du combat se trouve un guerrier terrifiant : Goliath. Saül est dépassé et paralysé par la situation. Un danger peut troubler la lucidité dans l’exercice de la responsabilité, surtout dans des situations rudes. Des situations peuvent parfois se révéler être des « Goliath » car nous les voyons gigantesques et insurmontables.

Ensuite, les réactions : ceux qui étaient les plus à même d’agir, apparemment les plus qualifiés, Saül, ses généraux, ses vaillants guerriers, sont paralysés par la peur : Tous les hommes d’Israël, voyant l’homme, s’enfuirent de devant lui et eurent très peur (1 S 17, 24). Quand on observe le comportement du roi Saül, on comprend pourquoi l’armée d’Israël était sans force face à cet ennemi redoutable. Saül avait complètement perdu le sens de sa responsabilité, son autorité était en crise. Il avait oublié le Dieu qui l’avait conduit de victoire en victoire.

David est le seul à demeurer calme et sans peur, lui un jeune garçon. Dieu choisit un jeune, plein d’enthousiasme et de détermination. David est un homme de foi et de courage. Il ne fait pas partie du cercle des dirigeants. Le chapitre précédent nous montre David dans la plus grande obscurité ; ses frères, et même son père, ne font aucun cas de lui ; il est éloigné de sa famille, gardant les brebis ; il est oublié par son père au moment où Samuel doit choisir un roi.

Mais le berger David a déjà terrassé l’ours et le lion, il est habitué aux combats. Il a la foi, il n’a pas peur. L’attitude de David, simple et ferme à la fois, est un modèle pour nous : Que personne ne se décourage à cause de ce Philistin, j’irai moi-même me battre contre lui (1 S 17, 32).

Arrive le combat : David passe à l’action en étant lui-même, vrai et simple. Il a bien essayé la tenue de guerre qu’on voulait qu’il porte, celle du roi Saül, il n’a pas pu et il n’a pas voulu la porter. Il a choisi ses propres armes. Si David avait accepté la magnifique armure de Saül, il n’aurait pas pu bouger. David reste simple pour être mobile. Il ne rentre pas dans l’armure d’un autre. Il ne copie pas, il n’est pas conformiste. Nous aussi, nous pouvons être tentés de chercher des armures-solutions pour nous sauver. Bien des lourdeurs dans l’Église et dans nos codes internes nous protègent peut-être, mais parfois aussi nous empêchent d’avancer. C’est comme une protection paralysante…

David ne s’est pas contenté d’identifier l’ennemi. Il a agi avec détermination, avec volonté et avec précision. Il a pris un bâton, son bâton de berger, celui qu’il savait si bien manier, est allé dans le lit du torrent chercher cinq pierres polies. Il est parti avec la force invisible, celle que nous appelons la foi. Il prend cinq pierres (cf. 1 S 17, 40) pour combattre l’ennemi. D’un point de vue tactique, c’est ridicule. Du point de vue de la foi, c’est différent, rappelons-nous le texte évangélique : Nous n’avons que cinq pains […] (Mt 14, 17)… David n’utilise pas d’armure, il ne se donne pas des moyens extraordinaires, il se sert de son patrimoine ordinaire de berger : un bâton et des pierres… Derrière la volonté et la force de David se trouve la foi. Sa victoire sera un signe pour Israël.

Lors des situations qui nous « prennent la tête », il est utile d’évaluer la réalité avec pragmatisme en puisant dans notre patrimoine spirituel. Parfois les solutions ne sont pas ailleurs mais en nous. Parfois nous voulons imiter ceux qui ont des « armures », ceux qui sont forts, mais est-ce là notre vocation ?

Un futur dans la fidélité

Notre mémoire et notre condition de baptisés nous rappellent que nous sommes des fils de la résurrection, nous passons de la mort à la vie. Face aux douleurs nous pouvons réagir, face à la mort nous pouvons vivre. Jésus est sorti victorieux du tombeau. Comme dit saint Paul en parlant des difficultés du ministère des Apôtres : À tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne sommes pas écrasés ; nous sommes désorientés, mais non pas désemparés ; nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés, terrassés, mais non pas anéantis (2 Co 4, 8-9). La foi muscle la vie intérieure. L’espérance nous mobilise pour vivre.

Notre époque est fort opportune pour le témoignage. Comme les plantes vivant dans des terres hostiles, il nous faudra trouver la bonne adaptation à un écosystème nouveau et les bons mécanismes pour ne pas nous épuiser tout en restant enracinés dans une terre parfois aride, parfois glacée. L’Église a besoin, non d’une conversion cosmétique, mais d’une vraie conversion allant de la tête aux pieds. Saint François commence sa conversion réelle quand il pose des gestes concrets. Quand il embrasse le lépreux, il passe de l’idéal à la réalité. Il réalise une vraie victoire sur lui-même. Il passe du dégoût du lépreux avec sa chair décomposée au goût de la liberté. Dans son Testament il dira que « ce qui était amer s’est transformé en douceur de l’esprit et du corps » (n° 3). Une belle conversion. Or, à notre époque nous constatons une décomposition de notre humanité. Elle se défigure par des souffrances, des omissions, des détournements, des fragilités… Nous ne pouvons pas envoyer ce mal dans le désert, comme le faisait le peuple d’Israël avec le bouc émissaire. Nous aimerions bien nous débarrasser de certains maux qui nous affectent. Mais la Croix est au centre de notre vie chrétienne. La Croix n’est pas évacuée de notre vie. Elle nous accompagne, elle nous porte, nous la portons, elle nous fortifie, elle nous sauve.

Le temps du carême nous éclaire pour mieux vivre le changement. Les signes liturgiques commencent par la tête, avec les Cendres, et finissent par les pieds au moment du lavement du Jeudi saint. De la tête aux pieds l’Église doit changer. Le changement est lié à la nature de l’Église. La conversion est changement. Le changement est évolution. L’évolution est progression.

Notre époque est-elle la plus difficile ? Sans doute non, comme nous l’avons dit. Mais notre époque est la « nôtre ». Nous, prêtres, sommes appelés à vivre et à répondre à l’appel de Dieu en ce moment précis de l’histoire. Les prophètes, dans l’Ancien Testament, étaient appelés pour un temps précis et pour une mission précise. C’est l’aujourd’hui du salut. Du milieu de cette génération nous avons été appelés pour vivre de Dieu et pour faire vivre Dieu au milieu de nos contemporains. […] un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte, dit saint Paul (1 Co 5, 6). Notre temps est celui de la persévérance et de la foi : […] aux jours d’épreuve tenez bon, priez avec persévérance (Rm 12, 12). Comme Abraham, au moment du sacrifice de son fils unique, nous devons répondre aux défis actuels, dans la foi, en étant confiants, nous aussi, que le Seigneur pourvoira (cf. Gn 22, 8).

Notre temps n’est plus celui de l’abondance des vocations et de la pratique. Il n’est pas sain (saint ?) de rêver d’une révolution où l’on remettra tout comme avant. Certes, nous souhaitons tous que le peuple qui nous est confié puisse grandir qualitativement et quantitativement. Mais dans les démarches de réponse à la situation actuelle, confondre l’idéal et l’idéologie peut être un danger vocationnel et missionnaire.

L’idéal pour un prêtre est de vivre sa vocation dans la foi avec passion en donnant le meilleur de lui-même pour le Royaume. L’engagement sacerdotal se traduit par le don de soi à Dieu et aux autres. L’idéologie, par contre, peut se servir des techniques comme le simplisme et la culpabilisation pour expliquer le présent et tenter d’en résoudre les problèmes. L’idéologie a le pouvoir de polluer la vision de la réalité. Elle prêche le simplisme et annule la complexité. L’idéologie n’a pas de cœur. Le pape François dans l’audience générale du 9 octobre 2019 met en garde les chrétiens contre la tentation des comportements idéologiques. Partant de l’expérience de saint Paul avant la conversion, il dit avec clarté que l’idéologie est un comportement sélectif et intolérant. Saul voulait prendre les chrétiens pour obéir à la loi. Saul est intransigeant sur ce point : l’obéissance à la loi. Il absolutise son identité religieuse et politique et considère les autres comme des ennemis à persécuter. Pour Saul sa religion s’était transformée en idéologie politique. Un critère pour nous aider, dit encore le pape, est de voir si par ma foi en Dieu face à ceux qui sont différents de moi je développe la bienveillance ou l’hostilité. Si mes attitudes sont dures, intransigeantes et violentes, l’idéologie marque une victoire sur la foi.

La nostalgie du passé ou une certaine conception de la fidélité à l’Église ne constituent pas une idéologie mais elles peuvent en prendre la forme quand on utilise des raccourcis. Nous entendons des raisonnements de ce style : « Certains dans le passé ont vidé les églises et ils ont dilapidé notre patrimoine en faisant des choix erronés, maintenant il faut reprendre les choses en main. Nous, nous rebâtirons l’Église fidèle. »

Certes, chaque époque doit faire une saine autocritique pour grandir. Les lectures anachroniques ne sont pas toujours très fructueuses. Il est juste de réparer les erreurs du passé et de choix pastoraux dépassés, mais toujours dans une démarche évangélique de respect et de vigilance. Certains critères style Facebook, comme le « j’aime » ou le « je n’aime pas » sont un peu courts pour la sagesse de l’Église. Il serait inexact d’imaginer que dans un passé récent tout était négatif et que, maintenant, ce que la nouvelle génération fera sera parfait.

Bien évidemment, les nouvelles générations ont la sagesse de corriger, de réparer et d’inventer de nouvelles voies missionnaires. Mais un point d’attention s’impose. Une vision légère de l’histoire par des raisonnements désinvoltes peut disséquer des pages de l’Église où tout n’était pas aussi mauvais que certains l’imaginent.

Nous entendons parfois : « La pensée et l’action de “gauche” du passé récent visant le social et la dimension horizontale et oubliant le sacré doivent être remplacées par une pensée et une action “justes” où l’on soigne le sacré. » Dans ce raisonnement, effectivement, nous pouvons sombrer dans l’idéologie. Un système considéré comme erroné est remplacé par un autre considéré comme juste. Le changement se fait avec une note de violence. Il peut y avoir une certaine soif de vengeance déguisée : « Vous avez fait ainsi, maintenant c’est à nous de faire comme nous l’entendons, à chacun son tour ! » Le désir de dominer n’est pas étranger à cette réaction. Mais les effets de ces mouvements passionnels seront manifestes dans l’avenir. Dans quarante ans nous aurons une autre vague réagissant à un style trop caractérisé.

L’évolution action-réaction souvent sans trop de réflexion et sous l’effet de l’émotion, n’apportera pas de beaux fruits à l’Église. Nous ne sommes plus prisonniers de l’idéologie cathare où il y avait les bons et les purs d’un côté et les impurs et les mauvais de l’autre. La vision catholique dépasse le simplisme et la fragmentation des partis. Une nouvelle manière d’être et d’agir devrait apaiser la mission des prêtres. Une collaboration sereine et pacifique avec toutes les forces de l’Église aidera le presbyterium à avancer dans la communion malgré les pauvretés que nous venons de souligner.

Il est important, dans notre réalité, d’éviter deux types de réactions, inefficaces, en guise de solution. La première est celle dans le style de Calimero (le petit poussin, avec son classique « C’est trop injuste »). Par ce comportement on s’installe dans la lamentation et la constatation sans chercher des solutions ou des propositions. Cette attitude n’est pas saine, elle est facile et stérile en même temps. Cette attitude est pessimiste et passive. La deuxième réaction est celle de la « citadelle assiégée ». Nous partons du constat que beaucoup de personnes dans notre société attaquent l’Église et que nous sommes très faibles. Face à ces agressions qui nous font mal on réagit par une solution primaire de protection : levons des murs et protégeons-nous. Comme dans la mentalité tribale on protège les siens et on attaque les autres. Dans ce choix on peut céder, encore une fois, à la violence et à la vengeance.

Saint Jacques dans sa lettre nous donne des indications pratiques :

Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés […] prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. Voyez : nous proclamons heureux ceux qui tiennent bon. Vous avez entendu dire comment Job a tenu bon, et vous avez vu ce qu’à la fin le Seigneur a fait pour lui, car le Seigneur est tendre et miséricordieux (Jc 5, 9-11).

Nous vivons un temps où, sans doute, nos croix sont lourdes. Mais nous ne devons pas démissionner. Au contraire, dans l’épreuve, il est évangélique de vivre la mission avec la constance et la persévérance dont nous parle saint Jacques. Quand nous souhaitons renoncer à nos croix, souvenons-nous de ces passages de courage : Marie est au pied de la croix, elle ne fuit pas, elle reste (cf. Jn 19, 25-27). Simon de Cyrène aide Jésus à porter la croix (cf. Mt 27, 32). Beaucoup de nos contemporains portent des croix et se confient à nous. Sur leur chemin nous pouvons les aider à mieux porter leurs croix. Enfin, Jésus nous dit que ses disciples prennent leurs croix et le suivent (cf. Mt 16, 24). La croix est au menu de notre vocation et de notre mission. Parfois, dans la vie sacerdotale, les épreuves dévoilent si nous sommes adultes ou adolescents dans notre foi. Comme dit saint Jacques, l’épreuve vérifie la qualité de notre foi et produit la persévérance (cf. Jc 1, 2-4).

Malgré les obstacles réels, il est juste de se tourner, encore une fois, vers le Maître du chantier, le Christ, pour s’ouvrir au courage et à la réparation. Le pape François dit dans sa lettre aux prêtres du 4 août 2019 que « dans l’épreuve il faut renouveler [le] courage sacerdotal ».

Faisons nôtres ces paroles du prophète Aggée :

Reste-t-il encore parmi vous quelqu’un qui ait vu cette Maison dans sa gloire première ? Eh bien ! qu’est-ce que vous voyez maintenant ? N’est-elle pas devant vous réduite à rien ? Mais à présent, courage, Zorobabel ! – oracle du Seigneur. Courage, Josué fils de Josédeq, grand prêtre ! Courage, tout le peuple du pays ! – oracle du Seigneur. Au travail ! Je suis avec vous – oracle du Seigneur de l’univers –, selon l’engagement que j’ai pris envers vous à votre sortie d’Égypte. Mon esprit se tient au milieu de vous : Ne craignez pas ! (Ag 2, 3-5).