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Une édition de référence du Barbier de Séville de Beaumarchais, spécialement conçue pour la lecture sur les supports numériques.
« Bartholo. En ma place, Bazile, ne feriez-vous pas les derniers efforts pour la posséder ?
Bazile. Ma foi non, Docteur. En toute espèce de biens, posséder est peu de chose ; c'est jouir qui rend heureux : mon avis est qu'épouser une femme dont on n'est point aimé, c'est s'exposer...
Bartholo. Vous craindriez les accidents ?
Bazile. Hé ! Hé ! Monsieur... on en voit beaucoup, cette année. Je ne ferais point violence à son cœur.
Bartholo. Votre valet, Bazile. Il vaut mieux qu'elle pleure de m'avoir, que moi je meure de ne l'avoir pas. » (Extrait de l’acte IV, scène 1.)
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Seitenzahl: 138
Veröffentlichungsjahr: 2012
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Le plus grand soin a été apporté à la mise au point de ce livre numérique de la collection Candide & Cyrano, afin d’assurer une qualité éditoriale et un confort de lecture optimaux.
Malgré ce souci constant, il se peut que subsistent d’éventuelles coquilles ou erreurs. Les éditeurs seraient infiniment reconnaissants envers leurs lectrices et lecteurs attentifs s’ils avaient l’amabilité de signaler ces imperfections à l’adresse [email protected].
Le Barbier de Séville
Beaumarchais
(Les habits des acteurs doivent être dans l'ancien costume espagnol.)
Le Comte Almaviva, grand d'Espagne, amant inconnu de Rosine, paraît, au premier acte, en veste et culotte de satin ; il est enveloppé d'un grand manteau brun ou cape espagnole ; chapeau noir rabattu, avec un ruban de couleur autour de la forme. Au deuxième acte, habit uniforme de cavalier, avec des moustaches et des bottines. Au troisième, habillé en bachelier ; cheveux ronds, grande fraise au cou ; veste, culotte, bas et manteau d'abbé. Au quatrième acte, il est vêtu superbement à l'espagnole avec un riche manteau ; par-dessus tout, le large manteau brun dont il se tient enveloppé.
Bartholo, médecin, tuteur de Rosine : habit noir, court, boutonné ; grande perruque ; fraise et manchettes relevées ; une ceinture noire ; et quand il veut sortir de chez lui, un long manteau écarlate.
Rosine, jeune personne d'extraction noble, et pupille de Bartholo ; habillée à l'espagnole.
Figaro, barbier de Séville : en habit de majo espagnol. La tête couverte d'un rescille ou filet ; chapeau blanc, ruban de couleur autour de la forme, un fichu de soie attaché fort lâche à son cou, gilet et haut-de-chausse de satin, avec des boutons et boutonnières frangés d'argent ; une grande ceinture de soie, les jarretières nouées avec des glands qui pendent sur chaque jambe ; veste de couleur tranchante, à grands revers de la couleur du gilet ; bas blancs et souliers gris.
Don Bazile, organiste, maître à chanter de Rosine : chapeau noir rabattu, soutanelle et long manteau, sans fraise ni manchettes.
La Jeunesse, vieux domestique de Bartholo.
L'Éveillé, autre valet de Bartholo, garçon niais et endormi. Tous deux habillés en Galiciens ; tous les cheveux dans la queue ; gilet couleur de chamois ; large ceinture de peau avec une boucle ; culotte bleue et veste de même, dont les manches, ouvertes aux épaules pour le passage des bras, sont pendantes par-derrière.
Un Notaire.
Un Alcade, homme de justice, avec une longue baguette blanche à la main.
Plusieurs Alguazils et Valets avec des flambeaux.
(La scène est à Séville, dans la rue et sous les fenêtres de Rosine, au premier acte, et le reste de la pièce dans la maison du docteur Bartholo.)
Le théâtre représente une rue de Séville,
Le Comte(seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant). Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle a coutume de se montrer derrière sa jalousie est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la Cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle... Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine... Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la Cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ! Et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun !
Figaro, le Comte (caché).
Figaro(une guitare sur le dos, attachée en bandoulière avec un large ruban : il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main).
Bannissons le chagrin, Il nous consume : Sans le feu du bon vin Qui nous rallume, Réduit à languir, L'homme sans plaisir Vivrait comme un sot, Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein.
... Et mourrait bientôt. Le vin et la paresse Se disputent mon cœur.
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble...
Se partagent... mon cœur.
Dit-on se partagent ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante.
(Il chante.)
Le vin et la paresse Se partagent mon cœur.
Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée.
(Il met un genou en terre et écrit en chantant.)
Se partagent mon cœur. Si l'une a ma tendresse... L'autre fait mon bonheur.
Fi donc ! c'est plat. Ce n'est pas ça... Il me faut une opposition, une antithèse :
Si l'une... est ma maîtresse L'autre...
Eh ! parbleu, j'y suis...
L'autre est mon serviteur.
Fort bien, Figaro !...
(Il écrit en chantant.)
Le vin et la paresse Se partagent mon cœur ; Si l'une est ma maîtresse, L'autre est mon serviteur. L'autre est mon serviteur. L'autre est mon serviteur.
Hen, hen, quand il y aura des accompagnements là-dessous, nous verrons encore, messieurs de la cabale, si je ne sais ce que je dis... (Il aperçoit le Comte.) J'ai vu cet abbé-là quelque part.
(Il se relève.)
Le Comte(à part). Cet homme ne m'est pas inconnu.
Figaro. Eh non, ce n'est pas un abbé ! Cet air altier et noble...
Le Comte. Cette tournure grotesque...
Figaro. Je ne me trompe point ; c'est le comte Almaviva.
Le Comte. Je crois que c'est ce coquin de Figaro.
Figaro. C'est lui-même, Monseigneur.
Le Comte. Maraud ! si tu dis un mot...
Figaro. Oui, je vous reconnais ; voilà les bontés familières dont vous m'avez toujours honoré.
Le Comte. Je ne te reconnaissais pas, moi. Te voilà si gros et si gras...
Figaro. Que voulez-vous, Monseigneur, c'est la misère.
Le Comte. Pauvre petit ! Mais que fais-tu à Séville ? je t'avais autrefois recommandé dans les bureaux pour un emploi.
Figaro. Je l'ai obtenu, Monseigneur ; et ma reconnaissance...
Le Comte. Appelle-moi Lindor. Ne vois-tu pas, à mon déguisement, que je veux être inconnu ?
Figaro. Je me retire.
Le Comte. Au contraire. J'attends ici quelque chose, et deux hommes qui jasent sont moins suspects qu'un seul qui se promène. Ayons l'air de jaser. Eh bien, cet emploi ?
Figaro. Le ministre, ayant égard à la recommandation de Votre Excellence, me fit nommer sur-le-champ garçon apothicaire.
Le Comte. Dans les hôpitaux de l'armée ?
Figaro. Non ; dans les haras d'Andalousie.
Le Comte(riant). Beau début !
Figaro. Le poste n'était pas mauvais ; parce qu'ayant le district des pansements et des drogues, je vendais souvent aux hommes de bonnes médecines de cheval...
Le Comte. Qui tuaient les sujets du roi !
Figaro. Ah ! Ah ! il n'y a point de remède universel ; mais qui n'ont pas laissé de guérir quelquefois des Galiciens, des Catalans, des Auvergnats.
Le Comte. Pourquoi donc l'as-tu quitté ?
Figaro. Quitté ? C'est bien lui-même ; on m'a desservi auprès des puissances. L'envie aux doigts crochus, au teint pâle et livide...
Le Comte. Oh ! grâce ! grâce, ami ! Est-ce que tu fais aussi des vers ? Je t'ai vu là griffonnant sur ton genou, et chantant dès le matin.
Figaro. Voilà précisément la cause de mon malheur, Excellence. Quand on a rapporté au ministre que je faisais, je puis dire assez joliment, des bouquets à Cloris ; que j'envoyais des énigmes aux journaux, qu'il courait des madrigaux de ma façon ; en un mot, quand il a su que j'étais imprimé tout vif, il a pris la chose au tragique et m'a fait ôter mon emploi, sous prétexte que l'amour des lettres est incompatible avec l'esprit des affaires.
Le Comte. Puissamment raisonné ! Et tu ne lui fis pas représenter...
Figaro. Je me crus trop heureux d'en être oublié, persuadé qu'un grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal.
Le Comte. Tu ne dis pas tout. je me souviens qu'à mon service tu étais un assez mauvais sujet.
Figaro. Eh ! mon Dieu, Monseigneur, c'est qu'on veut que le pauvre soit sans défaut.
Le Comte. Paresseux, dérangé...
Figaro. Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ?
Le Comte (riant). Pas mal. Et tu t'es retiré en cette ville ?
Figaro. Non, pas tout de suite.
Le Comte(l'arrêtant). Un moment... J'ai cru que c'était elle... Dis toujours, je t'entends de reste.
Figaro. De retour à Madrid, je voulus essayer de nouveau mes talents littéraires ; et le théâtre me parut un champ d'honneur...
Le Comte. Ah ! Miséricorde !
Figaro. (Pendant sa réplique, le Comte regarde avec attention du côté de la jalousie.) En vérité, je ne sais comment je n'eus pas le plus grand succès, car j'avais rempli le parterre des plus excellents travailleurs ; des mains... comme des battoirs ; j'avais interdit les gants, les cannes, tout ce qui ne produit que des applaudissements sourds ; et d'honneur, avant la pièce, le café m'avait paru dans les meilleures dispositions pour moi. Mais les efforts de la cabale...
Le Comte. Ah ! la cabale ! monsieur l'auteur tombé !
Figaro. Tout comme un autre : pourquoi pas ? Ils m'ont sifflé ; mais si jamais je puis les rassembler...
Le Comte. L'ennui te vengera bien d'eux ?
Figaro. Ah ! comme je leur en garde, morbleu !
Le Comte. Tu jures ! Sais-tu qu'on n'a que vingt-quatre heures au palais pour maudire ses juges ?
Figaro. On a vingt-quatre ans au théâtre ; la vie est trop courte pour user un pareil ressentiment.
Le Comte. Ta joyeuse colère me réjouit. Mais tu ne me dis pas ce qui t'a fait quitter Madrid.
Figaro. C'est mon bon ange, Excellence, puisque je suis assez heureux pour retrouver mon ancien maître. Voyant à Madrid que la république des lettres était celle des loups, toujours armés les uns contre les autres, et que, livrés au mépris où ce risible acharnement les conduit, tous les insectes, les moustiques, les cousins, les critiques, les maringouins, les envieux, les feuillistes, les libraires, les censeurs, et tout ce qui s'attache à la peau des malheureux gens de lettres, achevait de déchiqueter et sucer le peu de substance qui leur restait ; fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes et léger d'argent ; à la fin convaincu que l'utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs de la plume, j'ai quitté Madrid ; et, mon bagage en sautoir, parcourant philosophiquement les deux Castilles, la Manche, l'Estramadure, la Sierra-Morena, l'Andalousie ; accueilli dans une ville, emprisonné dans l'autre, et partout supérieur aux événements ; loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là ; aidant au bon temps, supportant le mauvais ; me moquant des sots, bravant les méchants, riant de ma misère et faisant la barbe à tout le monde ; vous me voyez enfin établi dans Séville, et prêt à servir de nouveau Votre Excellence en tout ce qu'il lui plaira m'ordonner.
Le Comte. Qui t'a donné une philosophie aussi gaie ?
Figaro. L'habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. Que regardez-vous donc toujours de ce côté ?
Le Comte. Sauvons-nous.
Figaro. Pourquoi ?
Le Comte. Viens donc, malheureux ! Tu me perds.
(Ils se cachent.)
Bartholo, Rosine. (La jalousie du premier étage s'ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre.)
Rosine. Comme le grand air fait plaisir à respirer !... Cette jalousie s'ouvre si rarement...
Bartholo. Quel papier tenez-vous là ?
Rosine. Ce sont des couplets de La Précaution inutile, que mon maître à chanter m'a donnés hier.
Bartholo. Qu'est-ce que La Précaution inutile ?
Rosine. C'est une comédie nouvelle.
Bartholo. Quelque drame encore ! Quelque sottise d'un nouveau genre !
Rosine. Je n'en sais rien.
Bartholo. Euh, euh, les journaux et l'autorité nous en feront raison. Siècle barbare !...
Rosine. Vous injuriez toujours notre pauvre siècle.
Bartholo. Pardon de la liberté ! Qu'a-t-il produit pour qu'on le loue ? Sottises de toute espèce : la liberté de penser, l'attraction, l'électricité, le tolérantisme, l'inoculation, le quinquina, L'Encyclopédie, et les drames...
Rosine(le papier lui échappe et tombe dans la rue). Ah ! ma chanson ! Ma chanson est tombée en vous écoutant, courez, courez donc, monsieur ! Ma chanson, elle sera perdue !
Bartholo. Que diable aussi, l'on tient ce qu'on tient.
(Il quitte le balcon.)
Rosine(regarde en dedans et fait signe dans la rue). St, st ! (Le Comte paraît.) Ramassez vite et sauvez-vous.
(Le Comte ne fait qu'un saut, ramasse le papier et rentre.)
Bartholo(sort de la maison et cherche). Où donc est-il ? Je ne vois rien.
Rosine. Sous le balcon, au pied du mur.
Bartholo. Vous me donnez là une jolie commission ! Il est donc passé quelqu'un ?
Rosine. Je n'ai vu personne.
Bartholo(à lui-même). Et moi qui ai la bonté de chercher !... Bartholo, vous n'êtes qu'un sot, mon ami : ceci doit vous apprendre à ne jamais ouvrir de jalousies sur la rue.
(Il rentre.)
Rosine(toujours au balcon). Mon excuse est dans mon malheur : seule, enfermée, en butte à la persécution d'un homme odieux, est-ce un crime de tenter à sortir d'esclavage ?
Bartholo(paraissant au balcon). Rentrez, signora ; c'est ma faute si vous avez perdu votre chanson ; mais ce malheur ne vous arrivera plus, je vous jure.
(Il ferme la jalousie à la clef.)
Le Comte, Figaro. (Ils entrent avec précaution.)
Le Comte. À présent qu'ils sont retirés, examinons cette chanson, dans laquelle un mystère est sûrement renfermé. C'est un billet !
Figaro. Il demandait ce que c'est que la Précaution inutile !
Le Comte(lit vivement). « Votre empressement excite ma curiosité : sitôt que mon tuteur sera sorti, chantez indifféremment, sur l'air connu de ces couplets, quelque chose qui m'apprenne enfin le nom, l'état et les intentions de celui qui paraît s'attacher si obstinément à l'infortunée Rosine. »
Figaro(contrefaisant la voix de Rosine). Ma chanson, ma chanson est tombée ; courez, courez donc ! (Il rit.) Ah ! ah ! ah ! ah ! oh ! ces femmes ! Voulez-vous donner de l'adresse à la plus ingénue ? Enfermez-la.
Le Comte. Ma chère Rosine !
Figaro. Monseigneur, je ne suis plus en peine des motifs de votre mascarade ; vous faites ici l'amour en perspective.
Le Comte. Te voilà instruit ; mais si tu jases...
Figaro. Moi, jaser ! Je n'emploierai point pour vous rassurer les grandes phrases d'honneur et de dévouement dont on abuse à la journée ; je n'ai qu'un mot : mon intérêt vous répond de moi ; pesez tout à cette balance, et...
Le Comte. Fort bien. Apprends donc que le hasard m'a fait rencontrer au Prado, il y a six mois, une jeune personne d'une beauté !... Tu viens de la voir. Je l'ai fait chercher en vain par tout Madrid. Ce n'est que depuis peu de jours que j'ai découvert qu'elle s'appelle Rosine, est d'un sang noble, orpheline, et mariée à un vieux médecin de cette ville, nommé Bartholo.
Figaro. Joli oiseau, ma foi ! difficile à dénicher ! Mais qui vous a dit qu'elle était femme du docteur ?
Le Comte. Tout le monde.
Figaro. C'est une histoire qu'il a forgée en arrivant de Madrid pour donner le change aux galants et les écarter ; elle n'est encore que sa pupille, mais bientôt...
Le Comte(vivement). Jamais, Ah ! quelle nouvelle ! J'étais résolu de tout oser pour lui présenter mes regrets, et je la trouve libre ! Il n'y a pas un moment à perdre ; il faut m'en faire aimer, et l'arracher à l'indigne engagement qu'on lui destine. Tu connais donc ce tuteur ?
Figaro. Comme ma mère.
Le Comte. Quel homme est-ce ?
Figaro(vivement). C'est un beau, gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, rasé, blasé, qui guette, et furette, et gronde, et geint tout à la fois.
Le Comte(impatienté). Eh ! je l'ai vu. Son caractère ?
Figaro. Brutal, avare, amoureux et jaloux à l'excès de sa pupille, qui le hait à la mort.
Le Comte. Ainsi, ses moyens de plaire sont...
Figaro. Nuls.
Le Comte. Tant mieux. Sa probité ?
Figaro. Tout juste autant qu'il en faut pour n'être point pendu.
Le Comte. Tant mieux. Punir un fripon en se rendant heureux...
Figaro. C'est faire à la fois le bien public et particulier : chef-d'œuvre de morale, en vérité, Monseigneur !
Le Comte. Tu dis que la crainte des galants lui fait fermer sa porte ?
Figaro. À tout le monde ; s'il pouvait la calfeutrer...
Le Comte. Ah ! diable, tant pis. Aurais-tu de l'accès chez lui ?
Figaro. Si j'en ai ! Primo, la maison que j'occupe appartient au docteur, qui m'y loge gratis...
Le Comte. Ah ! Ah !
Figaro. Et moi, en reconnaissance, je lui promets dix pistoles d'or par an, gratis aussi...
Le Comte(impatienté). Tu es son locataire ?
Figaro