Le droit européen des relations patrimoniales de couple - Andrea Bonomi - E-Book

Le droit européen des relations patrimoniales de couple E-Book

Andrea Bonomi

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Beschreibung

La mobilité croissante des couples et des familles et l’internationalisation des patrimoines sont des phénomènes auxquels les praticiens du droit patrimonial de la famille sont de plus en plus souvent confrontés. Qu’il s’agisse de conseiller des futurs époux ou partenaires à l’aube d’une union, d’accompagner des couples qui s’interrogent sur les conséquences d’un déménagement sur leurs relations patrimoniales ou de procéder à la liquidation d’un patrimoine commun en cas de dissolution du couple, il est nécessaire d’identifier la loi applicable aux relations patrimoniales au sein des couples. Bien souvent, le praticien sera aussi amené à s’interroger sur la validité d’un contrat conclu par les époux ou partenaires à l’étranger. En cas de litige, il sera également nécessaire de déterminer la juridiction compétente, voire de s’interroger sur les effets d’une décision étrangère.
Ces questions sont rendues plus complexes par le temps long dans lequel s’inscrivent la plupart des relations de couple.

Pour offrir une réponse à ces questions, le législateur européen a adopté en 2016 deux règlements : le premier vise les régimes matrimoniaux de couples mariés, le second les relations patrimoniales entre partenaires. Cet ouvrage a comme ambition d’offrir une analyse détaillée des dispositions de ces deux règlements. L’analyse, richement illustrée par des exemples qui puisent dans le droit comparé, aborde les textes tant sous l’angle théorique que pratique. Fruit du travail d’une équipe internationale, elle offre une lecture réellement européenne des textes. Le commentaire est particulièrement attentif aux interactions entre les deux règlements analysés et les autres textes qui donnent forme au droit international privé européen, et singulièrement le règlement successions. Les auteurs ont également tenu compte de l’apport de la Cour de justice au droit international privé européen.

L’ouvrage constitue un guide précieux pour éclairer tous les praticiens, avocats, notaires, magistrats, juristes au service de banques, de fiduciaires, de family offices ou de conseils en gestion patrimoniale. Il pourra aussi être utile aux étudiants, chercheurs et universitaires qui s’intéressent au droit international privé et au droit des relations patrimoniales familiales.

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© Lefebvre Sarrut Belgium SA, 2021

Éditions Bruylant

Rue Haute, 139/6 – 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

ISBN : 978-2-8027-6990-3

Sommaire

Auteurs

Avant-propos

Principales abréviations

Liste des références citées de manière abrégée

Introduction

Préambules

Chapitre I. – Champ d’application et définitions

Chapitre II. – Compétence

Chapitre III. – Loi applicable

Chapitre IV. – Reconnaissance, force exécutoire et exécution des décisions

Chapitre V. – Actes authentiques et transactions judiciaires

Chapitre VI. – Dispositions générales et finales

Bibliographie

Index

Table des matières

Auteurs

Andrea Bonomi

Article 1, paragraphe 1 et paragraphe 2, points a, b, c et f ; article 3, paragraphe 1 (Règlement régimes : notion de « mariage ») ; Introduction au chapitre II ; articles 4-6 ; articles 9-13 ; Introduction au chapitre III ; articles 20-21 ; article 26 (Règlement régimes) ; articles 32-35 ; articles 61-68

Andrea Bonomi et Guillaume Kessler

Article 3, paragraphe 1, point a (Règlement partenariats) ; article 26 (Règlement partenariats)

Andrea Bonomi et Patrick Wautelet

Introduction

Eva Lein

Articles 7 et 8

Sara Migliorini

Articles 14-19

Ilaria Pretelli

Introduction au chapitre IV ; Articles 36-57

Kostantinos Rokas

Articles 30-31

Patrick Wautelet

Article 1, paragraphe 2, points d, e, g et h ; article 2 ; article 3, paragraphe 1, points b-h, et paragraphe 2 ; articles 22-25 ; articles 27-29 ; articles 58-60 ; article 68-69

Avant-propos

Adoptés en juin 2016, les Règlements européens relatifs aux relations patrimoniales au sein des couples sont applicables depuis le 29 janvier 2019. Avec pas moins de dix-huit États membres liés, ce sont près de 250 millions de personnes qui peuvent potentiellement bénéficier des règles européennes.

Celles-ci se révéleront fort utiles pour tous les professionnels qui sont consultés en amont par un couple : notaires, avocats, gestionnaires de fortune et autres banquiers trouveront dans les Règlements des outils permettant de conseiller les couples et futurs couples à la recherche de solutions pérennes pour la planification de leurs relations patrimoniales. Les solutions construites à l’aide des règles européennes pourront se déployer sans réserve dans un immense espace européen sans devoir craindre une remise en question fondée sur une particularité nationale.

Les deux Règlements constituent par ailleurs un guide important en cas de dissolution du couple : à l’occasion d’un décès, d’un divorce ou de la séparation de deux partenaires, les Règlements permettront d’identifier les dispositions pertinentes pour guider les opérations de liquidation et de partage.

Les deux Règlements ont été conçus en gardant pleinement à l’esprit les solutions mises en place par le Règlement successions, déjà bien connu de la pratique. L’ensemble forme un triptyque de poids qui accompagnera au cours des prochaines années toute personne appelée à travailler en lien avec les relations patrimoniales de couple lorsque celles-ci présentent une dimension internationale.

Fort d’un préambule composé de 73 considérants, les Règlements s’articulent autour de 70 articles, dont certains sont fort denses. Le présent commentaire a comme ambition d’aider les praticiens dans leur appréhension de ces textes. Pour ce faire, et fidèle à une approche déjà adoptée dans un commentaire précédant consacré au Règlement successions, nous avons choisi de livrer au lecteur un texte qui épouse directement la structure des Règlements : chacune des dispositions de ceux-ci fait l’objet d’un commentaire distinct. Cette analyse article par article comprend en outre de nombreux renvois internes pour aider le lecteur à saisir les liens entre différentes dispositions. Enfin, de brefs cas pratiques sont proposés pour faciliter la compréhension des règles.

L’ensemble du commentaire est guidé par le souci d’offrir les outils permettant d’adopter une interprétation uniforme des textes. Pour ce faire, nous avons tenu compte des commentaires déjà publiés à propos des deux Règlements. Nous avons aussi pris le pli de faire référence aux pratiques nationales en matière de relations patrimoniales de couple. À l’avenir, cette approche pourra être complétée par les éclaircissements que la Cour de justice apportera à la mise en œuvre des textes.

Dans l’espoir que ce travail facilitera la tâche des lecteurs, nous tenons à remercier tous ceux qui y ont contribué, en particulier Madame Ilaria Pretelli, collaboratrice scientifique à l’Institut suisse de droit comparé de Lausanne, auteure du commentaire au chapitre IV du Règlement consacré à la reconnaissance, la force exécutoire et l’exécution des décisions. Nos remerciements vont aussi aux auteurs qui ont bien voulu commenter ou co-rédiger le commentaire de certaines dispositions : Madame Eva Lein, professeure à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne, Monsieur Guillaume Kessler, maître de conférence HDR à l’Université de Savoie Mont Blanc, Madame Sara Migliorini, chercheuse senior au British Institute of International and Comparative Law, et Monsieur Konstantinos Rokas, maître de conférences à l’Université de Nicosie. Nos remerciements vont également à Madame Alexandra Becheikh, qui a révisé avec soin les textes de auteurs non-francophones.

Lausanne/Bruxelles, le 26 octobre 2020

Andrea Bonomi

Patrick Wautelet

Principales abréviations

ABGB

Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (Autriche)

AJCL

American Journal of Comparative Law

AJP/PJA

Aktuelle Juristische Praxis/Pratique Juridique Actuelle (Suisse)

All E.R.

The All England Reports

Ann. Inst. dr. int.

Annuaire de l’Institut de droit international

AEDIPr

Anuario español de Derecho internacional privado

CA

Cour d’appel (France, Italie)

ASDI

Annuaire suisse de droit international

ATF

Arrêt du Tribunal fédéral (Suisse)

AussStrG

Ausserstreitgesetz (Autriche)

BayObLG

Bayerisches Oberstes Landesgericht (Allemagne)

BGB

Bürgerliches Gesetzbuch (Allemagne)

BGH

Bundesgerichtshof (Allemagne)

BGHZ

Entscheidungen des Bundesgerichtshofes in Zivilsachen

Brook. L. Rev.

Brooklyn Law Review

Cambr. L.J.

Cambridge Law Journal

CEDH

Convention européenne des droits de l’homme

Cour EDH

Cour européenne des droits de l’homme

JDI

Journal de droit international (Clunet)

CODIP

Code de droit international privé

Convention de Bruxelles

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO, L 299, 31 décembre 1972, pp. 32-42.

Convention de Lugano

Convention de Lugano du 30 novembre 2007 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO, L 339, 21 décembre 2007, pp. 3-41.

CJCE

Cour de justice des Communautés européennes

CJUE

Cour de justice de l’Union européenne

D.

Recueil Dalloz

Defrénois

Répertoire du notariat Defrénois

DNotZ

Deutsche Notar-Zeitschrift (Allemagne)

DStR

Deutsches Steuerrecht

EGBGB

Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch (Allemagne)

ErbR

Zeitschrift für die gesamte erbrechtliche Praxis (Allemagne)

EPLJ

European Property Law Journal

FamFG

Gesetz über das Verfahren in Familiensachen und in den Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit, du 17 décembre 2008, BGBl, I, p. 2586 (Allemagne)

FamRZ

Zeitschrift für das gesamte Familienrecht

FPR

Familie Partnerschaft und Recht

GEDIP

Groupe européen de droit international privé

GPR

Zeitschrift für Gemeinschaftsprivatrecht

Harv. L. Rev.

Harvard Law Review

ICLQ

International and Comparative Law Quarterly

IPRax

Praxis des Internationalen Privat- und Verfahrensrechts

IPRG

Gesetz über das Internationale Privatrecht du 15 juin 1978 (Autriche)

IPRspr.

Rechtsprechung im Bereich des Internationalen Privatrechts (Allemagne)

J.-Cl.

Juris-Classeur (France)

JCP G

La Semaine juridique – Édition générale

JCP N

La Semaine juridique – Notariale et immobilière

JO

Journal officiel des Communautés européennes/Journal officiel de l’Union européenne

JPIL

Journal of Private International Law

LDIP

Loi sur le droit international privé

LG

Landgericht (Allemagne)

LOPJ

Ley Orgánica de Poder Judicial, n° 6/1985, du 1er juillet 1985 (Espagne)

LQR

Law Quarterly Review

LPA

Les Petites Affiches

Mich. L. Rev.

Michigan Law Review

NJW

Neue Juristische Wochenschrift

NZFam

Neue Zeitschrift für Familienrecht

OGH

Oberster Gerichtshof (Autriche)

OLG

Oberlandesgericht (Allemagne)

Pas.

Pasicrisie belge

Prob. & Prop.

Probate & Property

Proposition(s) de règlement

Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, 16 mars 2011 (COM(2011) 126 final)/Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, 16 mars 2011 (COM(2011) 127 final)

RabelsZ

Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht

Real Prop. Tr. & Est. L.J.

Real Property, Trust and Estate Law Journal

Rec.

Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance

Rec. cours

Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye

Rec. gén. enr. not.

Recueil général de l’enregistrement et du notariat

Rép. dr. int.

Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit international

Règlement aliments

Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2009 relatif à la compétence, la loi applicable la reconnaissance et l’exécution des décisions et à la coopération en matière d’obligations alimentaires, JO, L 7, 10 janvier 2009, pp. 1-79.

Règlement Bruxelles I

Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO, L 12, 16 janvier 2001, pp. 1-23.

Règlement Bruxelles Ibis

Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), JO, L 351, 20 décembre 2012, pp. 1-32.

Règlement Bruxelles IIbis

Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, JO, L 338, 23 décembre 2003, pp. 1-29.

Règlement Bruxelles IIter

Règlement (UE) n° 2019/1111 du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte), JO, L 178, 2 juillet 2019, pp. 1-113.

Règlement insolvabilité

Règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, JO, L 141, 5 juin 2015, pp. 19-72.

Règlement partenariats

Règlement (UE) n° 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, JO, L 183, 8 juillet 2016, pp. 30-56.

Règlement preuves

Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale, JO, L 174, 27 juin 2001, pp. 1-24.

Règlement régimes

Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, JO, L 183, 8 juillet 2016, pp. 1-29.

Règlement Rome I

Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), JO, L 177, 4 juillet 2008, pp. 6-16.

Règlement Rome II

Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), JO, L 199, 31 juillet 2007, pp. 40-49.

Règlement Rome III

Règlement (CE) n° 1259 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, JO, L 343, 21 décembre 2010, pp. 11-16.

Règlement signification

Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, JO, L 324, 10 décembre 2007, pp. 79-120.

Règlement TEE

Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JO, L 143, 30 avril 2004, pp. 15-39.

Règlements

Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, JO, L 183 du 8 juillet 2016, pp. 1-29, et Règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, JO, L 183, 8 juillet 2016, pp. 30-56.

Règlements d’exécution

Règlement d’exécution (UE) n° 2018/1935 de la Commission du 7 décembre 2018 établissant les formulaires mentionnés dans le règlement (UE) 2016/1103 du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, JO, L 314, 11 décembre 2018, pp. 14-32 et Règlement d’exécution (UE) n° 2018/1990 de la Commission du 11 décembre 2018 établissant les formulaires mentionnés dans le règlement (UE) 2016/1104 du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, JO, L 320, 17 décembre 2018, pp. 1-21.

REDI

Revista Española de Derecho Internacional

Rev. crit. DIP

Revue critique de droit international privé

Riv. dir. int.

Rivista di diritto internazionale

Riv. dir. int. priv. proc.

Rivista di diritto internazionale privato e processuale

RIW

Recht der internationalen Wirtschaft (Allemagne)

RNotZ

Rheinische Notar-Zeitschrift

RSDIE

Revue suisse de droit international et européen

SJZ/RSJ

Schweizerische Juristenzeitung/Revue suisse de jurisprudence

TCE

Traité instituant la Communauté économique européenne

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Trav. Com. fr. dr. int. pr.

Travaux du Comité français de droit international privé

TUE

Traité sur l’Union européenne

YPIL

Yearbook of Private International Law

ZErb

Zeitschrift für die Steuer- und Erbrechtspraxis (Allemagne)

ZEuP

Zeitschrift für Europäisches Privatrecht

ZEV

Zeitschrift für Erbrecht und Vermögensnachfolge (Allemagne)

ZfPW

Zeitschrift für die gesamte Privatrechtswissenschaft

ZfRV

Zeitschrift für Rechtsvergleichung

ZVglRWiss

Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft

Liste des références citées de manière abrégée

I. Barrière-Brousse et G. Lardeux

I. Barrière-Brousse et G. Lardeux (dir.), Le patrimoine des couples internationaux saisi par le droit de l’Union européenne : les règlements européens du 24 juin 2016, Aix-en-Provence, PUAM, 2018.

K. Boele-Woelki

K. Boele-Woelki, B. Braat et I. Curry-Sumner (éds), European Family Law in Action : Property Relations Between Spouses, Anvers, Intersentia, 2009.

A. Bonomi et P. Wautelet

A. Bonomi et P. Wautelet, Le droit européen des successions : commentaire du Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2016.

Commentaire S. Corneloup et al.

S. Corneloup, V. Egéa, E. Gallant et F. Jault-Seseke (éds), Le droit européen des régimes patrimoniaux des couples. Commentaire des règlements 2016/1103 et 2016/1104, Paris, Société de législation comparée, 2018.

Ch. Dobereiner et S. Frank

C. Döbereiner et S. Frank, Internationales Güterrecht für die Praxis. Die neuen EU-Güterrechtsverordnungen, Bielefeld, Gieseking Verlag, 2019, 135 p.

Commentaire Dalloz

U. Bergquist, R. Frimston, B. Reinhartz, D. Damascelli et P. Lagarde, Commentaire des règlements européens sur les régimes matrimoniaux et les partenariats enregistrés, Paris, Dalloz, 2018.

G. Droz

G. Droz, « Les régimes matrimoniaux en droit international privé comparé », Rec. cours, t. 143, 1974-III, pp. 1-138.

A. Dutta et J. Weber

A. Dutta et J. Weber (éds), Die Europäischen Güterrechtsverordnungen, Munich, Beck, 2017.

A. Dutta

A. Dutta, « Das neue internationale Güterrecht der Europäischen Union – ein Abriss der europäischen Güterrechtsverordnungen », FamRZ, 2016, n° 23, pp. 1973-1986.

J. L. Iglesias Buigues et G. Palao Moreno

J. L. Iglesias Buigues et G. Palao Moreno, Régimen económico matrimonial y efectos patrimoniales de las uniones registradas en la Unión Europea, Comentarios a los Reglamentos (UE) n° 2016/1103 y 2016/1104, Valencia, Tirant, 2019.

R. Hüßtege et H.-P. Mansel

R. Hüßtege et H.-P. Mansel, BGB – Rom-Verordnungen, EuGüVO/EuPartVO, HUP, EuErbVO,NomosKommentar, vol. 6. 3e éd., Baden-Baden, Nomos, 2019.

P. Lagarde

P. Lagarde, « Règlement n° 2016/1103 sur les régimes matrimoniaux », Rép. dr. int. Dalloz, 2017.

M. Revillard

M. Revillard, Droit international privé et communautaire : pratique notariale, 9e édition, Paris, Defrénois, 2018.

I. Viarengo et P. Franzina

I. Viarengo et P. Franzina (éds),The EU Regulations on the Property Regimes of International Couples. A Commentary, Cheltenham, Edward Elgar, 2020.

A. von Overbeck

A. von Overbeck, « Rapport explicatif sur la Convention du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux », in Conférence de La Haye, Actes et documents de la Treizième session, t. II, Régimes matrimoniaux, La Haye, Imprimerie nationale, 1978.

Introduction

Plan

I. Observations générales

II. La genèse des Règlements

A. La phase préparatoire

B. Les propositions de la Commission et leur discussion

C. La coopération renforcée et l’adoption des textes

III. Les principales caractéristiques des Règlements

A. Une approche unitaire

B. L’immutabilité de la loi applicable

C. La faveur pour l’autonomie

D. La coordination des systèmes nationaux

E. La coordination avec d’autres règlements européens concernant des matières connexes

F. Dissociation entre la compétence et la loi applicable

IV. Les conditions d’application

A. L’application directe et la priorité des Règlements

B. Le champ d’application dans l’espace

1) Les États membres liés et non liés par les Règlements

2) L’application inter partes ou erga omnes

C. Les matières régies

D. L’internationalité de la situation

E. L’application dans le temps

V. L’interprétation des Règlements

A. Généralités

B. La recherche de la cohérence entre les règlements européens

C. L’interprétation de la notion de résidence habituelle

1) Le rôle central de la résidence habituelle au sein des Règlements

2) La notion de résidence habituelle

3) La détermination concrète de la résidence habituelle

I. Observations générales

1. Au terme d’une longue gestation, le Conseil a adopté le 24 juin 2016 le Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (1) et le Règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (2) (ci-après « Règlement régimes » et « Règlement partenariats » ou, tout simplement « les Règlements »).

2. Les Règlements prennent leur place dans l’ambitieux dessein d’unification régionale du droit international privé que les institutions européennes mettent en œuvre, depuis le début des années 2000, sur la base des compétences prévues par le Traité d’Amsterdam (3) puis consolidées par les Traités de Nice (4) et de Lisbonne (5). En vertu de ces modifications des traités constitutifs, l’Union s’est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes (article 3, paragraphe 2, TUE et article 67 TFUE). Pour ce faire, elle facilite l’accès à la justice, notamment par le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile (articles 67, paragraphe 4, et 81, paragraphe 1, TFUE). À cette fin, les institutions européennes adoptent des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, notamment lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur ; ces mesures peuvent comprendre des dispositions visant à assurer la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflits de lois et de compétence (article 81 TFUE).

3. L’article 81, paragraphe 2, TFUE (ancien article 65 TCE) constitue la base légale de l’adoption des Règlements. Sur le fondement de cette disposition, les institutions européennes ont déjà adopté depuis 2000 un grand nombre de mesures, en particulier des règlements, contenant des règles unifiées de droit international privé. Certains de ces textes portent uniquement sur les conflits de juridictions (tel est le cas des Règlements Bruxelles I, Bruxelles Ibis (6), Bruxelles IIbis et Bruxelles IIter) ou sur les conflits de lois (tel est le cas des Règlements Rome I, Rome II et Rome III). Certains textes récents régissent à la fois les conflits de juridictions et de lois (ainsi, le Règlement aliments et le Règlement successions). Ces règlements concourent à la formation progressive d’un corpus de règles de droit international privé européen, qui se substituent en tout ou en partie aux règles de source interne. De plus, ils ont pour effet d’attribuer à l’Union des compétences croissantes, et souvent exclusives, dans les relations avec les États tiers (7).

4. L’unification des règles de droit international privé en matière de relations patrimoniales des époux est un objectif de longue date de la communauté internationale. Une Convention avait déjà été adoptée en 1905 au sein de la Conférence de La Haye (8). Une nouvelle Convention de La Haye a été adoptée en 1978, elle n’a pourtant connu qu’un succès limité (9). Il convient de noter que le Règlement régimes puise largement dans cet instrument, tout en rejetant certaines solutions controversées (notamment le changement automatique de loi applicable prévu à certaines conditions par la Convention). Aucun de ces textes ne réglait les conflits de juridictions relatifs aux régimes matrimoniaux, qui étaient également exclus du champ d’application du Règlement Bruxelles II ainsi que des Règlements Bruxelles IIbis et IIter (10). Aucun instrument international ou européen n’était par ailleurs applicable aux effets patrimoniaux des partenariats.

II. La genèse des Règlements

5. La genèse des deux règlements s’étend sur une période relativement longue (11). Dès le Plan d’action de Vienne adopté en 1998, l’Union européenne avait envisagé l’adoption d’un instrument européen en matière de « régimes matrimoniaux » (12).

A. La phase préparatoire

6. Dans une première étape, la Commission européenne a commandé une étude de grande ampleur à un consortium composé de deux équipes de chercheurs : l’Institut Asser de La Haye et le Département de droit international de la Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain, sous la houlette du professeur Michel Verwilghen (13). Cette étude était fondée sur un ensemble de rapports nationaux (14). S’appuyant sur ces rapports, une étude générale a été rédigée qui comprend non seulement une analyse comparative des droits nationaux mais aussi des propositions d’harmonisation (15). Au départ d’une analyse des divergences séparant les États membres tant en ce qui concerne la réglementation des rapports patrimoniaux entre époux que les règles de droit international privé, le rapport général préconisait d’entreprendre l’harmonisation des règles en vue d’« abolir les divergences les plus irritantes, celles dont les habitants de l’Europe communautaire peuvent ressentir le plus les effets désagréables ou pervers » (16). De manière audacieuse, le rapport préconisait outre une harmonisation de l’ensemble des règles de droit international privé, l’introduction dans un instrument européen de « quelques éléments de droit matériel uniforme, portant sur les éléments les plus essentiels du régime primaire (là où il y a déjà convergence manifeste des droits nationaux des États membres) » ainsi que l’adoption d’un « régime conventionnel (donc optionnel) assez attractif pour les couples appelés à se mouvoir souvent en Europe » (17). Outre ces éléments, le rapport se penchait également sur la situation des couples non mariés, conformément au vœu de la Commission européenne qui avait visé dans le cahier des charges à l’origine de la recherche les rapports patrimoniaux entre partenaires non mariés. Il est intéressant de noter que le rapport général proposait également l’adoption d’un instrument spécifique visant les relations au sein de couples dont la relation a fait l’objet d’un enregistrement (18).

7. Le Conseil européen a confirmé son intérêt pour le domaine des relations patrimoniales au sein des couples lors de l’adoption du Programme de La Haye en 2004. Parmi les priorités établies par le Conseil, celui-ci a invité la Commission à présenter un livre vert sur « le règlement des conflits de lois en matière de régime matrimonial, traitant notamment de la question de la compétence judiciaire et de la reconnaissance mutuelle » (19).

8. Conformément aux vœux du Conseil, la Commission a publié en 2006 un Livre vert dont l’objectif était de recueillir les observations à un projet de règlement concernant les régimes matrimoniaux (20). L’objectif du Livre vert était bien entendu d’ouvrir une consultation pour permettre aux institutions et personnes intéressées de donner leur avis sur une éventuelle harmonisation des règles de droit international privé. Le Livre vert s’intéressait tant aux régimes matrimoniaux qu’aux effets patrimoniaux des autres formes d’unions existantes. Parmi celles-ci, la Commission distinguait les partenariats enregistrés (questions 19 à 21) des rapports patrimoniaux issus des unions de fait (unions libres ou cohabitations) (questions 22 et 23). D’emblée, le Livre vert excluait une éventuelle harmonisation des règles de droit matériel, au motif que celle-ci n’était pas « envisageable pour le moment » (21). Au travers d’une vingtaine de questions, le Livre vert préconisait l’harmonisation des règles de compétence internationale, des règles de conflit de lois, ainsi que l’unification des règles présidant à la circulation entre États membres des décisions judiciaires et des actes non judiciaires (22). Les questions posées par la Commission s’inspiraient pour partie de l’acquis existant (23).

9. Le Livre vert a suscité de nombreuses réactions qui émanaient tant d’associations professionnelles que des États membres (24) ainsi que de chercheurs. De manière générale, les réponses étaient favorables au projet d’harmonisation envisagé par l’Union européenne, le besoin d’une harmonisation étant ressenti par les praticiens. Des réserves étaient néanmoins faites, notamment à l’égard de la perspective des projets considérée comme exclusivement civiliste et peu respectueuse de la tradition des pays de common law (25). On peut aussi noter que la majorité des réponses s’interrogeaient sur l’opportunité d’étendre le projet d’harmonisation aux couples non mariés, ce type d’union soulevant des interrogations d’une autre nature. La majorité des réponses étaient acquises à l’idée que les couples mariés pouvaient être distingués des partenariats, notamment en ce qui concerne le choix d’un facteur de rattachement objectif en l’absence de choix de loi. Enfin, une majorité des réponses considéraient comme prématurée la suggestion de la Commission visant à la création d’un registre européen des contrats de mariage.

10. À ce stade du projet, la Commission a entamé les travaux visant à préparer une proposition d’instrument. Pour l’assister dans cette mission, la Commission a constitué un groupe d’experts issus des différents États membres (26). Ce groupe s’est réuni à plusieurs reprises entre 2008 et 2010 avec des représentants de la Commission pour examiner les différents éléments qui pourraient former la base d’une proposition de règlement (27). Parallèlement à cet effort, la Commission a également organisé une audition publique en 2009, qui a permis à une centaine de participants de s’exprimer tant sur le besoin d’un instrument européen dans le domaine que sur les contours d’une éventuelle proposition.

11. Fort de ce travail, le Conseil européen a confirmé à l’occasion de l’adoption du Programme de Stockholm en 2009 que la reconnaissance mutuelle devait être étendue aux « régimes matrimoniaux » ainsi qu’aux « conséquences patrimoniales de la séparation des couples » (28). Ce souhait a connu un prolongement lors de l’adoption en 2010 du Rapport relatif à la citoyenneté de l’Union : ce Rapport précisait en effet que l’incertitude quant aux droits de propriété des couples internationaux constituait un obstacle important rencontré par les couples qui font usage de la liberté de circulation (29). Dans ce même document, la Commission annonçait qu’elle proposerait un instrument législatif l’année suivante.

B. Les propositions de la Commission et leur discussion

12. C’est en 2011 que la Commission a présenté deux propositions de règlement suite à la publication du Livre vert (30). La Commission justifiait l’existence de deux propositions distinctes, l’une visant les mariages et l’autre les partenariats enregistrés, au motif que ces deux formes d’union présentent des particularités et entraînent différentes conséquences juridiques. Les deux propositions visaient à mettre en place un corps complet de règles de droit international privé, comprenant à la fois des règles de compétence, des règles de conflit de lois et des règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires.

13. Les propositions de règlement étaient accompagnées d’une étude d’impact (31). Comme l’impose la loi du genre, cette étude proposait une analyse de différentes pistes qui s’offraient au législateur européen. Pour chacun des scénarios, des estimations chiffrées étaient fournies qui permettaient d’apercevoir les économies potentielles réalisées selon la piste. Il est remarquable que l’étude s’intéressait non seulement aux avantages que pouvaient représenter les tentatives d’harmonisation des règles de droit international privé, mais également aux avantages et inconvénients de pistes moins classiques comme celle consistant à améliorer les efforts destinés à informer le public des obstacles que peuvent poser les franchissements de frontières nationales.

14. Le processus d’adoption des deux propositions s’est étendu sur plusieurs années. Dès le départ, les propositions de la Commission ont suscité des résistances dans les États membres (32). Les propositions de la Commission ont été examinées au sein des institutions européennes compétentes. Dans la mesure où elles intéressaient des questions de droit de la famille ayant une incidence transfrontière (33), les propositions de règlements furent soumises à une procédure législative spéciale fondée sur l’article 81, paragraphe 3, du TFUE. Conformément à cette disposition, il revenait au Conseil d’approuver à l’unanimité les propositions, après consultation du Parlement européen.

15. Au sein du Conseil, un groupe de travail « Questions de droit civil (Régimes matrimoniaux et partenariats enregistrés) » fut constitué qui examina les deux propositions en parallèle. D’autres organes européens ont donné un avis sur les propositions publiées par la Commission. Ce fut le cas de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (34) ainsi que du Comité économique et social européen (35). On notera par exemple que ce dernier Comité invitait les autorités européennes à instaurer un régime européen supplémentaire et optionnel (un « 28e » régime, pour reprendre une terminologie déjà bien classique), qui pourrait être choisi par les couples internationaux (36).

16. En novembre 2012, la présidence chypriote a soumis au Conseil des orientations politiques portant sur plusieurs questions clés, afin de permettre au débat de progresser (37). Ces orientations concernaient tant les questions de compétence que celles relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires et des actes. Aucune orientation ne concernait les conflits de lois.

17. Conformément à la procédure applicable, le Parlement européen a été consulté. En septembre 2013, le Parlement a adopté une résolution législative relative aux deux propositions (38), s’appuyant sur un rapport de la commission des affaires juridiques (39) et sur des avis de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres. Le Parlement a proposé une série d’amendements qui touchaient tant au projet de préambules qu’aux projets de règlement en tant que tels. C’est notamment au Parlement que l’on doit l’exclusion à l’article 1, paragraphe 2, point b, de « l’existence, la validité ou la reconnaissance d’un mariage » (40), ainsi que l’exclusion des questions de droit au transfert ou à l’adaptation entre époux des droits à la pension de retraite ou d’invalidité (article 1, paragraphe 2, point f) (41). Certaines propositions avancées par le Parlement n’ont pas convaincu le Conseil. Le Parlement avait par exemple proposé de permettre aux époux ou partenaires d’insérer une véritable clause d’élection de for dans les contrats les liant (42). Cette proposition ne fut pas retenue. D’autres innovations proposées par le Parlement ont trouvé leur voie dans les textes définitifs. On doit ainsi au Parlement un amendement ayant conduit à l’adoption d’une disposition clarifiant la portée de la loi applicable (43).

18. En octobre 2013, la présidence lituanienne a présenté une version consolidée des propositions discutées (44). Le document, qui constituait la septième version révisée des projets de règlements, contenait des dispositions sur l’ensemble des questions visées dans les projets (45). Le texte permet d’apercevoir que des modifications importantes avaient déjà été apportées aux propositions de la Commission.

19. À la fin de l’année 2014, la présidence italienne fait le point sur les travaux dans une note de synthèse (46). La présidence italienne notait qu’en trois ans de travaux, pas moins de onze textes remaniés avaient été présentés au groupe de travail, pour faire l’objet de discussions. Ces discussions avaient, selon la présidence italienne, permis de réduire considérablement le nombre de questions techniques demeurant en suspens. Forte de ces avancées, la présidence italienne estimait que les deux textes avaient atteint un degré de maturité suffisant. Elle avait dès lors soumis en novembre 2014 un texte de compromis pour chacun des deux règlements (47). La présidence italienne a néanmoins dû noter que certains États membres avaient exprimé le besoin de « mener une réflexion plus approfondie », notamment à propos des mesures insérées dans les deux textes pour rencontrer les objections des États qui craignaient de devoir donner effet à des unions entre personnes de même sexe (48). Il est de notoriété publique que la difficulté de trouver un accord ne concernait pas tant la substance en tant que telle des deux projets de règlement mais bien la crainte exprimée par certains États membres que l’existence des deux règlements aurait pu avoir une incidence sur la liberté pour les États membres de définir à leur guise l’institution du mariage ou encore de refuser l’institution du partenariat enregistré (49). Les explications fournies par la présidence italienne permettent de déceler une certaine lassitude devant cette opposition, la délégation italienne ayant pris soin de souligner que les deux règlements « n’ont aucune incidence sur les institutions sous-jacentes du mariage et du partenariat, qui demeurent des matières définies par les législations nationales des États membres » (50).

20. Lors de sa réunion des 4 et 5 décembre 2014, le Conseil « Justice et Affaires intérieures » a suivi la suggestion de la présidence italienne et a pris acte de la nécessité d’accorder une période de réflexion à plusieurs États membres, afin de leur permettre d’évaluer les résultats des travaux (51). Tout en notant à son tour que les deux textes n’empiétaient en aucune manière sur les institutions du mariage et du partenariat, qui étaient délaissées au droit des États membres, sans qu’une obligation soit faite aux États dont la législation ne connaît pas l’institution du partenariat enregistré, d’intégrer cette notion dans son droit national, le Conseil a décidé de réexaminer les deux projets au plus tard à la fin de l’année 2015 afin de déterminer s’il était possible d’atteindre l’unanimité requise.

21. Pendant l’année 2015, les discussions se sont poursuivies sous la présidence luxembourgeoise (52). Des tentatives ont été entreprises pour apporter des modifications aux propositions afin que celles-ci soient acceptables pour l’ensemble des États membres. La présidence luxembourgeoise a présenté en novembre 2015 de nouvelles versions des projets qui tenaient compte des avancées enregistrées au cours de l’année 2015 (53).

22. Lors du Conseil « Justice et Affaires intérieures » des 3 et 4 décembre 2015, le Conseil constata qu’aucun accord ne pouvait être atteint sur les projets (54). Selon le Conseil, aucun accord politique n’avait pu se faire à l’unanimité sur les deux projets de règlement. Malgré les assurances données par la grande majorité des États membres que chaque État garderait la maîtrise sur ces concepts, deux États en particulier, la Pologne et la Hongrie, ont refusé de donner leur accord aux projets. À l’issue du débat, la présidence a noté qu’il ne serait pas possible de trouver un accord à l’échelle de l’UE concernant les deux règlements dans un délai raisonnable.

C. La coopération renforcée et l’adoption des textes

23. Suite à ce constat, de nombreuses délégations ont dit vouloir mettre en place, dans les matières couvertes par les règlements envisagés, une coopération renforcée conformément à l’article 328, paragraphe 1 du TFUE (55). Pas moins de 17 États membres ont adressé des demandes en ce sens à la Commission entre décembre 2015 et février 2016 : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Slovénie et la Suède. En mars 2016, Chypre s’est joint à ce groupe en demandant à être associé aux travaux visant à l’instauration d’une coopération renforcée. On notera que les États membres demandaient expressément que la coopération renforcée « corresponde en substance aux deux textes de compromis » qui avaient fait l’objet d’une discussion au Conseil en décembre 2015 (56).

24. Suite à ces demandes, la Commission a publié en mars 2016 déjà une proposition de décision par laquelle le Conseil approuverait le recours à la procédure particulière de coopération renforcée (57). Ce texte était accompagné de deux propositions de règlement, qui reprenaient le texte de compromis tel qu’arrêté en décembre 2015, sous réserve de quelques modifications formelles (58).

25. Dans une navette européenne, le Conseil et le Parlement européen ont ensuite successivement examiné tant la proposition de décision autorisant le recours à la coopération renforcée que les deux propositions de règlement. En mars 2016, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a donné son feu vert aux deux propositions, sans proposer aucun amendement (59). Le Coreper s’est ensuite penché sur les deux propositions en avril 2016 (60).

26. Le Conseil et le Parlement européen ont de nouveau examiné le dossier en juin 2016. Le Parlement a d’abord donné son approbation au projet de décision du Conseil autorisant le recours à la coopération renforcée (61). Le dossier est ensuite est revenu devant le Conseil. Celui-ci a adopté le 9 juin 2016 une décision autorisant le recours à la coopération renforcée (62). Dans une résolution adoptée le 16 juin 2016, le Parlement européen a approuvé le projet de résolution déjà adopté par la Commission des affaires juridiques (63). Celle-ci avait suivi son rapporteur qui proposait de donner un avis favorable à la proposition, sans modification de fond, dans la mesure où le texte proposé intégrait déjà une bonne partie des amendements proposés précédemment par le Parlement. Le Parlement n’a finalement proposé qu’un seul amendement, qui visait à introduire dans le texte une définition de la notion d’État membre, afin de clarifier que ce concept ne couvrait que les seuls États membres participant à la coopération renforcée.

27. Enfin le Conseil a pu, fort de l’ensemble de ces étapes préalables, adopter les deux Règlements le 24 juin 2016 (64). Comme on le voit, le processus d’adoption a connu une accélération importante dès qu’un recours à la procédure de coopération renforcée a été envisagé. À aucun moment pendant ces derniers mois une discussion substantielle n’a eu lieu sur le contenu des deux textes (65). Le processus d’adoption n’a pas permis d’ouvrir à nouveau des débats de fond. En conséquence, les textes adoptés en juin 2016 ne s’éloignent guère des propositions qui n’avaient pu recueillir l’unanimité des États membres en décembre 2015.

28. En revanche, plusieurs nouveautés importantes existent par rapport aux textes proposés par la Commission en 2011. En particulier, une révision en profondeur du système de la compétence judiciaire a été réalisée et plusieurs modifications importantes ont été apportées aux règles sur les conflits de lois (notamment l’admission du choix de loi pour les effets patrimoniaux d’un partenariat enregistré et la clause d’exception).

III. Les principales caractéristiques des Règlements

29. Les nouveaux instruments sont très riches et détaillés. Ils comportent un long préambule, composé de plus de 70 considérants (73 pour le Règlement régimes et 71 pour le Règlement partenariats) et comptent 84 articles chacun. La numérotation des articles est la même dans les deux Règlements, ce qui souligne le parallélisme entre les deux textes et facilite la tâche du lecteur. Au sein de chacun des articles, on retrouve généralement les mêmes paragraphes, à quelques rares exceptions près (ainsi, les définitions contenues dans l’article 3, paragraphe 1, sont bien évidemment différentes dans les deux textes ; l’article 5 du Règlement partenariats se compose, contrairement à celui du Règlement régimes, d’un seul paragraphe ; l’article 26 du Règlement partenariats comporte deux paragraphes, tandis que celui du Règlement régimes en compte trois, etc.).

30. Les deux Règlements reposent sur quelques idées-forces que nous allons brièvement évoquer : il s’agit de l’approche unitaire du régime matrimonial et des effets patrimoniaux du partenariat (A), de l’immutabilité de la loi applicable (B), de l’autonomie de la volonté (C), de la coordination entre les systèmes nationaux (D) et de la coordination avec les règlements européens régissant des matières connexes (E). Il convient cependant de noter, d’ores et déjà, que certains de ces objectifs ne sont réalisés que partiellement. Quant à la recherche de la coïncidence entre la compétence et la loi applicable, qui était sans doute l’une des priorités du Règlement successions, elle a été sacrifiée ici à d’autres objectifs jugés prioritaires (F).

A. Une approche unitaire

31. Conformément à ce qui est prévu par le droit international privé de plusieurs États européens, les Règlements optent résolument pour le rattachement unitaire du régime matrimonial et des effets patrimoniaux des partenariats enregistrés. L’unité est au cœur aussi bien du régime de la compétence que des règles sur la loi applicable.

32. Ainsi, une seule autorité est en principe compétente pour statuer sur l’ensemble des questions relatives au régime matrimonial ou aux effets patrimoniaux du partenariat. Lorsque ces questions sont soulevées dans le cadre d’une affaire successorale, la juridiction saisie d’une question successorale en vertu du Règlement successions est également compétente pour statuer sur les relations patrimoniales du couple (article 4). Il convient de rappeler que, puisque le Règlement successions repose lui aussi sur le principe d’unité (66), la juridiction compétente pour la succession l’est généralement pour l’ensemble du patrimoine du défunt : cette approche unitaire concerne également les questions régies par les nouveaux Règlements. De même, lors d’un divorce, d’une séparation de corps ou d’une demande en annulation du mariage, la juridiction saisie de la question relative à l’état des personnes est en principe également compétente pour statuer, de manière unitaire, sur l’ensemble des questions relatives au régime matrimonial ou aux effets patrimoniaux du partenariat (article 5). Et même lorsque cette compétence accessoire fait défaut (par exemple en l’absence d’un accord des époux ou des partenaires, voy. article 5, paragraphe 2), la juridiction désignée pour les questions de régime et des effets du partenariat par l’article 6 se voit attribuer, elle aussi, une compétence générale. Il en va de même en cas d’élection de for (article 7), car celle-ci s’étend également à l’ensemble des questions relatives au régime ou aux effets patrimoniaux du partenariat (voy. article 7, n° 32).

33. La méthode unitaire façonne également les règles sur les conflits de lois, comme l’énonce avec force l’article 21 (« Unité de la loi applicable »). Ainsi, la loi applicable au régime matrimonial ou aux effets patrimoniaux du partenariat est celle désignée par une convention de choix de loi : celle-ci doit porter sur les biens du couple dans leur ensemble, un dépeçage volontaire n’étant pas permis, contrairement à ce qui est prévu par la Convention de La Haye de 1978 (voy. article 22, nos 78 et s.). À défaut de choix, la loi applicable est celle désignée à l’article 26, paragraphe 1 (loi de la première résidence habituelle commune, de la nationalité commune ou de l’État des liens les plus étroits en ce qui concerne le régime matrimonial ; loi en vertu de laquelle le partenariat a été créé en ce qui concerne les effets patrimoniaux de celui-ci) ; cette loi régit, elle aussi, l’ensemble des biens qui relèvent du régime ou qui sont soumis aux effets du partenariat (article 21). À titre exceptionnel, cette loi peut être écartée, à la demande de l’un des époux ou de l’un des partenaires et dans le respect de certaines conditions strictes, au profit de la loi de la dernière résidence habituelle commune des époux ou des partenaires (articles 26, paragraphe 3, du Règlement régimes et 26, paragraphe 2, du Règlement partenariats) ; si tel est le cas, cette loi régit également l’ensemble des biens du couple et s’applique à compter de la date de célébration du mariage ou de la date de création du partenariat (sous réserve de l’opposition de l’un des époux ou des partenaires).

34. La recherche de l’unité a également conduit les rédacteurs des Règlements à soumettre à une seule autorité et à une loi unique l’ensemble des questions relatives au régime matrimonial ou aux effets du partenariat (voy. article 27 ; considérants 52, du Règlement régimes et 51 du Règlement partenariats).

35. Quelques rares dérogations à cette approche unitaire sont prévues pour des cas qui mettent en jeu les intérêts d’États tiers. Ainsi, lorsque les juridictions d’un État membre ont, en application de l’article 10, paragraphe 2, du Règlement successions, une compétence subsidiaire limitée aux seuls biens qui sont situés sur le territoire de cet État (67), cette limitation s’applique également aux relations patrimoniales du couple (voy. article 4, n° 47). L’article 10 des Règlements régimes et partenariats prévoit, à son tour, pour le cas où aucune juridiction d’un État membre n’est compétente, une compétence subsidiaire limitée aux biens immeubles situés dans l’État du for. À l’inverse, lorsque la masse successorale du défunt dont la succession relève du Règlement successions comprend des biens situés dans un État tiers, la juridiction saisie pour statuer sur le régime matrimonial ou sur les effets patrimoniaux du partenariat enregistré peut, à la demande de l’une des parties et sur la base d’une appréciation discrétionnaire, décider de ne pas statuer sur ces biens, s’il apparaît probable que sa décision ne sera pas reconnue dans l’État de situation des biens (article 13, modelé sur l’article 12 du Règlement successions). Dans ces hypothèses, les décisions rendues dans un État membre ne porteront que sur une partie des biens des époux, ce qui revient à accepter une scission de ceux-ci. En effet, le sort des biens situés dans un État non lié par les Règlements dépendra des décisions prises par des autorités étrangères en application d’une loi qui ne coïncide pas nécessairement avec celle désignée par les règles de conflits de lois des Règlements.

36. Une dérogation au principe d’unité peut également se produire dans les quelques hypothèses de mutabilité de la loi applicable qui peuvent se produire en cas de changement volontaire de celle-ci en cours de mariage ou de partenariat (article 22, paragraphe 2) ainsi qu’en cas d’application de la clause d’exception (article 26, paragraphe 3, du Règlement régimes et 26, paragraphe 2, du Règlement partenariats). Dans ces deux cas, il est possible, en effet, qu’une nouvelle loi (respectivement, celle choisie par les époux ou les partenaires au cours du mariage ou du partenariat ou celle de leur dernière résidence habituelle commune) ne devienne applicable que pour l’avenir (mutabilité ex nunc), avec la conséquence que deux lois seront applicables l’une après l’autre au régime matrimonial ou aux effets patrimoniaux du partenariat (système dit « des wagons », voy. articles 22, nos 165 et s., et 26, nos 129 et s.).

37. Des dérogations plus limitées au principe d’unité peuvent également résulter des règles spéciales que les Règlements consacrent à la forme des conventions matrimoniales et partenariales (article 25), à la protection des tiers (article 28) ainsi qu’aux lois de police (article 30). En revanche, le rejet du renvoi écarte la possibilité qu’une scission soit « importée » par la prise en compte des règles de conflit de lois d’un État tiers, contrairement à ce qui peut se produire en application du Règlement successions (68) (voy. article 32, n° 12).

38. L’approche unitaire est sans doute préférable à un morcellement, dans la mesure où elle permet d’appréhender de manière cohérente l’ensemble des biens des époux ou des partenaires, ainsi que leurs dettes. Elle reflète également le rejet très net de la méthode scissionniste, déjà répudiée par le Règlement successions. Cependant, la cohérence entre ces deux textes est souvent compromise, au plan pratique, par le fait que, dans bien des cas, deux lois distinctes peuvent s’appliquer aux relations patrimoniales du couple, d’une part, et à la succession, d’autre part (voy. n° 43 et article 26, n° 39).

B. L’immutabilité de la loi applicable

39. Le principe d’unité est renforcé par l’adoption d’une approche fondée sur l’immutabilité de la loi applicable (voy. article 26, nos 36 et s., 49, 77 et s. et 141) (69). En principe, la loi applicable est déterminée au jour de la célébration du mariage ou de l’enregistrement du partenariat (voy. articles 26, paragraphe 1, du Règlement régimes et 26, paragraphe 1, du Règlement partenariat), ou peu après ce moment (notamment lorsque les époux établissent leur première résidence habituelle commune « peu après » le mariage : article 26, paragraphe 1, point a, et considérant 49 du Règlement régimes ; voy. article 26, nos 30 et s.). Tout changement subséquent de la résidence habituelle, de la nationalité ou d’autres circonstances n’a en principe aucun impact sur la loi applicable, sous réserve de la clause d’exception (article 26, paragraphe 3, du Règlement régimes et 26, paragraphe 2, du Règlement partenariats).

40. La clause d’exception permet, à des conditions strictes, de remplacer la loi de la première résidence habituelle commune des époux (ou celle sous l’empire de laquelle le partenariat a été créé) par la loi de la dernière résidence habituelle commune des époux ou des partenaires. Son application comporte une dérogation importante au principe d’immutabilité. En effet, la loi de la dernière résidence habituelle s’appliquera en principe à partir de la célébration du mariage ou de l’enregistrement du partenariat (mutabilité rétroactive). Cependant, si l’un des époux ou l’un des partenaires s’y oppose, elle ne sera applicable qu’à compter du moment où les époux ou les partenaires ont fixé leur résidence habituelle commune dans cet État (mutabilité ex nunc). Il convient de souligner, toutefois, que la clause d’exception ne peut s’appliquer que de manière restrictive, à la demande de l’un des époux ou des partenaires et sur décision de la juridiction compétente (voy. article 26, nos 85 et s.) : contrairement à la Convention de La Haye de 1978, il n’y a donc pas de changement automatique de la loi applicable (voy. également le considérant 46, aux termes duquel « aucun changement de la loi applicable […] ne devrait intervenir sans demande expresse des parties »).

41. Un changement volontaire de la loi applicable se produit lorsque les époux ou les partenaires conviennent d’un choix de loi en cours de mariage. À défaut de convention contraire, cette modification n’a cependant d’effet que pour l’avenir (article 22, paragraphe 2) : il s’agit donc, en principe, d’une mutabilité ex nunc. Lorsque les époux ou partenaires optent pour un changement rétroactif, celui-ci ne doit de toute manière pas porter atteinte aux droits des tiers (article 22, paragraphe 3).

42. Le principe d’immutabilité présente sans doute des avantages en termes de prévisibilité et de stabilité de la loi applicable au régime. Il permet, en effet, aux époux de connaître la loi applicable au régime dès le moment du mariage (ou « peu après » celui-ci). Le transfert de la résidence habituelle des époux ou des partenaires dans un autre État n’a, en principe, aucun impact sur la loi applicable, ce qui évite des déconvenues et, dans certains cas, la perte de droits prévus par l’ancienne loi (70). Comme le précise le considérant 46 du Règlement régimes, « [a]fin d’assurer la sécurité juridique des transactions et d’empêcher que des modifications soient introduites sans que les époux en soient informés, aucun changement de la loi applicable au régime matrimonial ne devrait intervenir sans demande expresse des parties ». En outre, contrairement au système dit de la mutabilité ex nunc, l’immutabilité conduit à l’application d’une seule loi au régime matrimonial, à compter de la célébration du mariage jusqu’à la dissolution du régime, conformément au principe d’unité consacré à l’article 20.

43. Cependant, l’immutabilité présente également plusieurs inconvénients (71). Premièrement, cette solution est souvent peu satisfaisante en termes de proximité, notamment lorsqu’un changement de la résidence habituelle s’est produit dans les toutes premières années du mariage ou du partenariat (voy. article 26, n° 37). En outre, l’immutabilité oblige souvent la juridiction saisie de la liquidation du régime ou des effets patrimoniaux du partenariat à appliquer une loi étrangère (cf. article 26, n° 39). Enfin, elle aboutit souvent à une dissociation entre la loi applicable au régime et celle régissant d’autres questions connexes, telles que la succession, le divorce, l’entretien après divorce, le partage des avoirs de prévoyance ou les relations nouées entre les époux, ou l’un d’eux, et un tiers, ce qui est souvent une source de complications (voy. n° 58 et article 26, nos 40-42).

C. La faveur pour l’autonomie

44. À l’instar des autres règlements européens de droit international privé, les Règlements reconnaissent largement l’autonomie des parties. Cependant, les solutions retenues sont critiquables à certains égards.

45. L’expression la plus évidente de cette faveur est sans doute l’admission large du choix de la loi applicable (article 22). Initialement préconisé par la Commission pour les seuls couples mariés, le choix de la loi a été ensuite également admis pour les partenaires (voy. article 22, nos 4 et s.). S’il est vrai que ce choix n’est pas entièrement libre, mais « encadré », les options ouvertes aux époux et aux partenaires ne sont pas excessivement restreintes (voy. article 22, paragraphe 1). En outre, contrairement à ce qui est encore prévu dans certains systèmes nationaux, le choix peut également avoir lieu, sans conditions particulières, en cours de mariage, même s’il n’a alors, sous réserve d’une volonté contraire des parties, qu’un effet ex nunc.

46. Sur certains aspects du choix, la réglementation européenne est cependant plus décevante. Ainsi, les règles sur la forme de la convention de choix (voy. article 23) sont à la fois complexes et rigides, sans pouvoir garantir pour autant que le choix repose effectivement sur un consentement éclairé des époux ou des partenaires : la prévision d’une règle de droit international privé matérielle aurait été sans doute préférable à cet égard. Surprenant est également le silence du Règlement au sujet de la validité d’un choix implicite de la loi applicable, pourtant admis dans certains autres textes européens, dans la Convention de La Haye de 1978 (article 11) et dans plusieurs systèmes nationaux (voy. article 22, nos 98 et s.).

47. Outre le choix de loi, les Règlements incluent également des règles sur la validité formelle des conventions matrimoniales et partenariales. Cependant, celles-ci s’exposent à des critiques analogues à celles relative à la forme de la convention de choix de loi (voy. n° 46). En revanche, la validité au fond des conventions matrimoniales ou partenariales (y compris leur admissibilité), demeure entièrement régie par la loi applicable au régime ou aux effets du partenariat ; aucun rattachement spécial n’est prévu à cet égard par les Règlements, contrairement au Règlement successions qui contient des règles spéciales de rattachement visant à promouvoir la validité au fond des dispositions à cause de mort et des pactes successoraux (articles 24 et 25).

48. Sur le plan des conflits de juridictions, enfin, les Règlements n’admettent une prorogation de compétence qu’avec la plus grande prudence (article 7). Non seulement celle-ci ne peut se faire qu’au profit des juridictions de l’État dont la loi est applicable aux relations patrimoniales du couple, à l’instar de ce que prévoit le Règlement successions (article 5), mais elle n’est admise que « dans les cas visés à l’article 6 » : il en résulte que les parties ne peuvent en aucun cas déroger aux compétences accessoires des articles 4 et 5. En outre, puisque l’applicabilité de l’article 6 dépend de circonstances non prévisibles à l’avance (le fait, par exemple, qu’une juridiction soit saisie d’une question relative à la succession ou d’une demande de divorce), l’effet d’une prorogation de compétence est destiné à rester incertain jusqu’au moment de la saisine de la juridiction choisie (voy. article 7, n° 13).

49. Enfin, il convient de relever que si l’article 69, paragraphe 3, permet d’appliquer les dispositions des Règlements aux relations patrimoniales d’époux ou partenaires qui décident de désigner la loi applicable le 19 janvier 2019 ou après cette date, aucune disposition transitoire n’est prévue pour les conventions de choix de la loi applicable, ni pour les conventions matrimoniales ou partenariales, conclues avant cette date. Cette solution est moins avantageuse que celle du Règlement successions, ce texte réservant un traitement de faveur aux élections de droit et aux dispositions à cause de mort antérieures à sa date d’applicabilité (article 83, paragraphes 2-4). Dès lors, la validité de ces accords antérieurs continue de dépendre des règles de conflit qui étaient applicables dans les États membres avant l’entrée en vigueur des Règlements.

D. La coordination des systèmes nationaux

50. L’objectif de coordination entre les systèmes juridiques nationaux est au cœur du droit international privé. Ce souci est crucial tant pour les conflits de juridictions que pour les conflits de lois. À l’instar de tous les autres règlements européens fondés sur l’article 81 TFUE, les Règlements régimes et partenariats représentent un progrès significatif vers la réalisation de cet objectif entre les États membres ayant accepté de participer à la coopération renforcée.

51. Sur le plan des conflits de juridictions, la prévision de règles uniformes de compétence juridictionnelle, de litispendance et de connexité constitue un apport fondamental à l’objectif de coordination. D’une part, ces règles permettent de concentrer les procédures auprès des juridictions d’un seul État membre, limitant les compétences concurrentes et les procédures parallèles. D’autre part, elles sont la prémisse pour la circulation des décisions au sein de l’espace européen. La reconnaissance de plein droit et l’exécution facilitée de celles-ci – calquées sur le modèle du Règlement Bruxelles I de 2001 (72) – représente une avancée importante dans la matière des relations patrimoniales des couples.

52. En outre, à l’instar du Règlement successions (article 59), les Règlements ne se limitent pas à permettre l’exécution transfrontière des actes authentiques (article 59), mais en prévoient également l’« acceptation », ce qui implique que les États liés par ces textes sont désormais tenus de reconnaître à ces actes la même force probante que celle dont ils jouissent dans leur État d’origine ou, à tout le moins, de leur attribuer « les effets les plus comparables » (article 58 des Règlements).

53. On peut cependant regretter que l’objectif de la coordination entre les États membres liés par ces textes soit fragilisé, dans le domaine des régimes matrimoniaux, par l’absence d’une définition uniforme du mariage et le renvoi fait, à cet égard, au droit national des États membres (voy. article 3, nos 7 et s.).

54. En outre, la recherche de la coordination s’arrête aux frontières des État membres participant à la coopération renforcée. L’effort de coordination avec les « États tiers » (à savoir avec les États non membres et avec les États membres non liés) demeure insuffisant, comme cela était déjà le cas pour le Règlement successions et d’autres textes européens. Sur le plan des conflits de juridictions, si l’on peut comprendre que l’introduction de règles européennes uniformes de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans des États tiers soit encore prématurée, on regrettera cependant que la compétence attribuée aux juridictions des États liés soit parfois trop étendue et/ou fondée sur des critères peu significatifs, ce qui n’est pas entièrement conforme aux principes de proximité et de prévisibilité régulièrement mis en avant par la Cour de justice. Tel est le résultat de l’extension aux relations patrimoniales du couple de certaines compétences prévues par le Règlement successions ou par le Règlement Bruxelles IIbis : l’application de tels critères à des couples ayant leur résidence habituelle dans un État tiers risque de multiplier les procédures parallèles et les conflits positifs (voy. article 4, nos 48 et s., et 5, n° 45). Certes, la limitation de compétence prévue à l’article 13 peut réduire quelque peu ce danger, sans l’écarter pour autant. L’absence de règles de litispendance et de connexité applicables dans les relations avec les État tiers – en retrait par rapport au Règlement Bruxelles Ibis (73) – n’arrange pas les choses. À cet égard, la coordination avec les États tiers repose entièrement sur les règles de droit commun des États membres, là où elles existent. Il convient de noter que les conflits positifs de compétence aboutissent souvent à une scission de fait du patrimoine du couple, en contradiction avec le postulat de l’unité : les décisions rendues tant dans des États liés par les Règlements que dans des États tiers ne circuleront pas et ne produiront alors d’effets que sur les biens situés sur le territoire de leur État d’origine.

E. La coordination avec d’autres règlements européens concernant des matières connexes

55. La coordination avec les autres règlements européens de droit international privé était sans doute l’un des objectifs du législateur européen lors de l’élaboration des nouveaux Règlements. En effet, la matière des régimes matrimoniaux et des effets patrimoniaux des partenariats enregistrés est étroitement liée à plusieurs autres domaines juridiques, en particulier dans le domaine du droit de la famille et des successions. Les implications transfrontières dans certains de ces domaines font l’objet d’autres textes européens adoptés sur la base de l’article 81 TFUE. Il était donc important d’assurer une certaine cohérence entre les nouveaux Règlements et les textes antérieurs.

56. La réalisation de cet objectif est rendue plus difficile par le fait que la portée des règlements européens en vigueur est très variable, à la fois, quant aux États liés et aux questions réglées. Le Règlement successions et le Règlement aliments sont applicables dans tous les États liés par les nouveaux Règlements (74) ; le premier texte régit toutes les questions de conflits de lois et de juridictions en matière successorale, y compris lorsque le défunt était lié par un mariage ou un partenariat enregistré, le second régit les conflits de lois et de juridictions en matière d’obligations alimentaires y compris entre époux et partenaires. Le Règlement Bruxelles IIbis et IIter (75) qui régissent la compétence et la reconnaissance en matière de divorce, de séparations de corps et d’annulation du mariage, sont (ou seront) également applicables dans tous les États liés par les Règlements régimes et partenariats ; cependant, ces textes ne sont pas applicables à la dissolution ou à l’annulation du partenariat enregistré, et leur applicabilité au mariage entre personnes de même sexe demeure controversée (voy. article 3, n° 8, et 5, nos 30 et s.). Ces questions se posent également pour le Règlement Rome III, relatif à la loi applicable au divorce et à la séparation de corps ; en outre, ce texte ne lie qu’un nombre restreint d’États participant à une coopération renforcée, dont douze seulement sont également liés par les nouveaux Règlements (76).

57. L’objectif de coordination se manifeste, tout d’abord, en matière de compétence juridictionnelle. Sous ce profil, les Règlements visent à assurer que les juridictions saisies en matière successorale en vertu du Règlement successions ou en matière de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage en vertu du Règlement Bruxelles IIbis