Le graal des humoristes - Gilbert Jouin - E-Book

Le graal des humoristes E-Book

Gilbert Jouin

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Beschreibung

Le Point Virgule, qui a vu éclore les plus grands humoristes français, fêtait en avril 2018 ses noces d’Émeraude : quarante ans d’une liaison passionnelle avec l’Humour !

En avril 2018, le Point Virgule a fêté ses noces d’Émeraude : quarante ans d’une liaison passionnelle avec l’Humour !
Menuiserie convertie en salle de spectacle, une des plus petites de Paris, elle a vu éclore les plus grands humoristes français. Ils y ont effectué leurs premiers pas, y ont testé leurs premiers sketchs, rencontré leur premier public. Gilbert Jouin donne ici la parole à celles et ceux qui ont fait ce lieu unique. Derrière Jean-Marie Bigard, Pierre Palmade, Florence Foresti ou Alex Lutz (pour n’en citer que quelques-uns), plusieurs générations d’artistes se livrent – pour certains de manière inédite – sur leur travail, leur relation avec le public, leur parcours.
40 ans = 40 entretiens qui illustrent la singularité du Point Virgule, à la fois creuset et laboratoire, qui fonctionne au « bouche-à-oreille ». La petite salle du Marais, dont le nom est aujourd’hui un véritable label, est un théâtre où continuent de s’écrire chaque jour les plus belles pages du roman de l’humour hexagonal.

Au travers de quarante témoignages d'humoristes, avec parmi eux Jean-Marie Bigard, Pierre Palmade, Florence Foresti et Alex Lutz, parcourez pas à pas l'histoire du fameux théâtre du Point Virgule, où continuent de s’écrire chaque jour les plus belles pages du roman de l’humour hexagonal.

EXTRAIT

Pour oser créer cette espèce de laboratoire, il fallait un savant fou, un Docteur « Folhumour ». Ce doux dingue, ce missionné, ça a été Christian Varini. Il a fait d’un rêve une réalité, d’une modeste boîte à malices une véritable légende. Grâce à lui, le Point Virgule est devenu mythique. Il lui a fait don de sa personne et, 25 ans après sa disparition, son âme plane toujours avec autant de bienveillance sur le numéro 7 de la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie.
Après lui, il était légitime que ce soit sa fidèle laborantine, Marie-Caroline Burnat, qui se charge de l’incubation de ses précieuses éprouvettes pour les mener à son tour jusqu’à l’éclosion, voire l’explosion. Son investissement et son implication pendant 13 ans ont frisé le sacerdoce.
Et puis, à travers toutes les confidences s’impose une figure tutélaire, celle de « Madame David ». Personne ne savait qu’elle s’appelait en réalité Gilberte Ackenine, « David » étant le prénom de son défunt mari, le menuisier. Son bar-restaurant Le Rendez-vous des Amis fait partie intégrante de l’histoire du Point Virgule. Il en a été l’annexe, le prolongement. Jamais Madame David ne s’est comportée en commerçante. Pour tous, elle a été une « maman ».

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gilbert Jouin est journaliste et critique. Il a pratiqué plus de 3 000 interviews pour différents magazines et journaux, a été rédacteur pour des émissions de télévision et des programmes de spectacles ( Christophe Maé, Robin des Bois, Danse avec les Stars, Les Trois Mousquetaires, Les Vieilles Canailles), a écrit pour des imitateurs et des chanteurs. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages consacrés à des artistes (Coluche, Johnny Hallyday, Jacques Dutronc, Eddy Mitchell, Christophe Maé, Jean-Pierre Marielle) ou à des spectacles ( Mozart, l’opéra rock, Salut les Copains, 1789, Les Amants de la Bastille…).

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Couverture

Page de titre

INTRODUCTION

40 ANS D’HUMOUR

En avril 2018, le Point Virgule a fêté ses noces d’Émeraude, soit quarante ans d’une liaison passionnelle avec l’humour.

Convertie en salle de spectacle, cette ancienne menuiserie a su conserver son esprit artisanal dans le sens noble du terme (artisan : « celui qui met son art au service d’autrui »). Cet établissement, un des plus petits de Paris (sa jauge maximale est de 120 spectateurs), a vu naître les plus grands. Nombreuses sont les têtes d’affiche actuelles du one (wo) man show qui y ont effectué leurs premiers pas, testé leurs premiers sketchs, rencontré leur premier public.

Pour n’en citer que quelques-uns, Jean-Marie Bigard, Pierre Palmade, Elie Kakou, Mimie Mathy, Chantal Ladesou, Florence Foresti, Christophe Alévêque, Virginie Lemoine, Guy Lecluyse, Nicole Ferroni, Alex Lutz… y ont débuté, ou presque.

L’histoire du Point Virgule, creuset effervescent, regorge d’anecdotes. À raison d’une moyenne de quatre-vingts spectacles par an, il est inévitable que les meilleurs émergent de ce brassage. Un seul vecteur leur permet de saisir cette opportunité : le bouche-à-oreille. La petite salle du quartier du Marais, dont le nom aujourd’hui est un véritable label, possède en effet des générations de fidèles. On y vient découvrir le blé en herbe qui se métamorphosera peut-être un jour en fine fleur du rire.

Depuis quarante ans, le Point Virgule a ainsi contribué à ponctuer les plus belles pages du roman de l’humour hexagonal.

MISE AU POINT… AVEC QUELQUES VIRGULES

Quoi de plus naturel dans une ancienne menuiserie que de monter sur les planches et d’y faire feu de tout bois ? C’est une évidence.

Au fil de la lecture de tous les témoignages recueillis autour du Point Virgule, émergent avec une récurrence systématique trois figures qui en constituent les éléments fondateurs.

Pour oser créer cette espèce de laboratoire, il fallait un savant fou, un Docteur « Folhumour ». Ce doux dingue, ce missionné, ça a été Christian Varini. Il a fait d’un rêve une réalité, d’une modeste boîte à malices une véritable légende. Grâce à lui, le Point Virgule est devenu mythique. Il lui a fait don de sa personne et, 25 ans après sa disparition, son âme plane toujours avec autant de bienveillance sur le numéro 7 de la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie.

Après lui, il était légitime que ce soit sa fidèle laborantine, Marie-Caroline Burnat, qui se charge de l’incubation de ses précieuses éprouvettes pour les mener à son tour jusqu’à l’éclosion, voire l’explosion. Son investissement et son implication pendant 13 ans ont frisé le sacerdoce.

Et puis, à travers toutes les confidences s’impose une figure tutélaire, celle de « Madame David ». Personne ne savait qu’elle s’appelait en réalité Gilberte Ackenine, « David » étant le prénom de son défunt mari, le menuisier. Son bar-restaurant Le Rendez-vous des Amis fait partie intégrante de l’histoire du Point Virgule. Il en a été l’annexe, le prolongement. Jamais Madame David ne s’est comportée en commerçante. Pour tous, elle a été une « maman ».

Comme son nom l’indique, le « one (wo) man show » est une affaire individuelle, un exercice solitaire ; onaniste même, puisqu’on y fait l’humour avec soi-même. D’où l’importance du Rendez-vous des Amis. Il était l’endroit où tous ces solistes pouvaient se retrouver, échanger, s’apprécier, se fédérer, s’aimer parfois et, surtout, faire la fête. Avec son altruisme, sa générosité et son amour, Madame David a rassemblé ces orphelins disparates pour en faire une seule et grande famille.

Pour la rédaction de cet ouvrage, je n’ai pas essayé de faire de la littérature. Toutes les personnes qui ont travaillé pour le Point Virgule et tous les artistes qui s’y sont produits ont parlé avec leur cœur. Je me suis donc attaché à respecter leurs confidences, à tenter d’en garder le rythme, le ton et le vocabulaire, de m’en tenir au langage parlé. Ce langage parlé qui, en fait, est l’apanage et la spécificité de tous ces humoristes. Alors, lisez-les, certes, mais aussi, écoutez-les…

C’est grâce à ces dizaines d’artistes et au soutien indéfectible que leur ont apporté Christian Varini, Marie-Caroline Burnat, Madame David, Antoinette Colin et, aujourd’hui, Jean-Marc Dumontet, que le Point Virgule a pu devenir pour la postérité « la plus petite des grandes salles parisiennes ».

Gilbert Jouin

1-

« MADAME DAVID »

Gilberte, Octavie Ferrandon, alias « Madame David », est une des grandes figures du quartier parisien du Marais, où elle a vécu plus de 70 ans. Son existence, qui est loin d’avoir été « un long fleuve tranquille », est digne d’un roman.

Je n’ai pas connu mon père. Il est mort à la guerre en octobre 1918, quelques jours avant l’Armistice du 11 novembre. Lorsque je suis née, à Besançon, le 4 avril 1919, étant donc orpheline de guerre, j’ai hérité du « statut » de pupille de la Nation.

Ma mère s’est remariée avec le frère de mon père, qui avait onze ans de plus qu’elle.

J’avais deux frères. Adrien, deux ans de plus que moi, qui était mal voyant parce que, à l’accouchement, la sage-femme lui avait malencontreusement mis les doigts dans les yeux, et Lucien, mon cadet de deux ans.

J’ai commencé dans la vie active comme vendeuse en pâtisserie. À 20 ans, j’avais ma propre boutique. Ma patronne, qui tenait une boulangerie un peu plus loin, m’apportait mes produits chaque matin : pain, gâteaux, bonbons… J’ai toujours été dans le commerce. J’aime parler, j’aime les gens, le contact humain.

Quand la guerre a été déclarée, j’ai été réquisitionnée pour travailler dans une usine, les établissements Lambert, qui étaient spécialisés dans l’armement. J’ai été affectée à une presse. Je faisais les 3/8. C’était très dur physiquement. Quand les Allemands sont arrivés à Besançon, en juin 1940, il nous a fallu nous enfuir pour gagner la zone libre. J’ai connu la débâcle. Ma mère m’a confié la responsabilité de mes deux frères parce que j’étais plus dégourdie qu’eux.

Notre périple nous a emmenés à Montélimar. J’ai été accueillie par un couple de charbonniers, monsieur et madame Vigne, qui venaient de perdre leur fille. Ils m’ont tout de suite prise en affection. Les garçons ont continué leur route jusqu’à Avignon. Au bout de quelques semaines, après pas mal de péripéties, j’ai réussi à les faire revenir à Montélimar. J’ai trouvé de quoi nous loger et du travail pour nous trois. Lucien, le cadet, travaillait pour l’armée et Adrien, l’aîné, le malvoyant, pour la voirie. Il goudronnait les routes.

J’étais jeune, j’étais mignonne, mais terriblement naïve. Surtout avec les hommes. Un conditionneur de faux café m’a proposé de quitter sa femme et ses trois enfants pour m’emmener vivre avec lui à Marseille. Il s’est pris un paquet de café à travers la figure… Mes logeurs, les Vigne, ont tenté de me caser avec un de leurs cousins, très riche mais très âgé… Puis ils se sont aperçus que le plus jeune de leurs quatre fils, Pierre, s’était amouraché de moi. C’était un beau garçon, plus âgé que moi d’une dizaine d’années. Il était électricien sur les lignes de chemin de fer PLM. J’ai dit « oui » bêtement, pour faire plaisir à la maman… Fiançailles en robe de dentelle, puis mariage en blanc et voyage de noces. Le grand jeu !

Je suis du signe de bélier. Alors, je fonce souvent avant de réfléchir. J’en ai fait des bêtises ! Je les ai gravement payées, mais je les ai toujours assumées… Je n’avais pas connu d’homme avant Pierre. J’étais très courtisée. J’avais eu beaucoup de demandes en mariage, mais sans suite. On m’appelait « La Parisienne » alors que je n’avais jamais mis les pieds dans la capitale… Nous sommes partis nous installer à Marseille. Nous avions un bel appartement dans le quartier de la Joliette. Je ne manquais pas d’argent. J’étais presque tout le temps toute seule car Pierre était en déplacement sur les lignes PLM toute la semaine. Il partait le lundi à Saint-Raphaël où se trouvaient ses bureaux et il ne rentrait que le vendredi soir. Je n’ai su que plus tard qu’une de ses anciennes conquêtes de Montélimar l’avait rejoint et vivait avec lui à Saint-Raphaël… Pour meubler ma solitude, j’ai appris la coiffure. J’ai décroché mon diplôme. Mais je n’ai jamais exercé.

Monsieur « David »

J’ai vécu la libération de Marseille en 1944. Les bombardements étaient si intensifs que nous avons passé huit jours dans les caves. Le 15 août, enfin, nous avons vu les parachutistes français et canadiens entrer dans la ville.

Quelques jours plus tard, j’ai appris que mon frère Adrien s’était fait tuer par un Allemand caché dans un arbre le jour de la libération de Besançon, le 8 septembre 1944. Il avait 27 ans. On aura donné pour la France dans la famille ! Mon autre frère, Lucien, avait pris le maquis pour éviter le STO.

J’ai décidé de partir à Besançon. À ce moment-là, je savais que mon mari menait une double vie… Ma mère, qui souffrait d’une scoliose, était hospitalisée. Elle le restera pendant deux ans. Quand elle en est sortie, elle portait un corset, mais elle marchait ! Il y avait alors pénurie de nourriture. Une infirmière lui a parlé d’un jeune homme qui travaillait à la cantine et qui pourrait peut-être lui procurer quelques victuailles. Il est venu rendre visite à ma mère. Voilà comment j’ai connu David Ackenine, le monsieur avec lequel j’allais refaire ma vie. Il était militaire. Il avait débarqué en Méditerranée et avait remonté toute la vallée du Rhône avec les troupes du Maréchal de Lattre de Tassigny.

Je suis restée environ deux mois à Besançon. Le temps suffisant pour faire ce qu’il fallait car, quand je suis redescendue à Marseille, j’attendais un bébé !

Comme d’habitude, j’ai réagi avec cette logique qui m’est propre : j’ai écrit une longue lettre aux parents de Pierre pour les informer que je demandais le divorce. Pierre me laissait toujours toute seule, j’avais fait une rencontre et je prenais tous les torts à ma charge… Le divorce a été prononcé en un clin d’œil. C’est Pierre qui a tout payé. J’ai appris par la suite que sa compagne était tombée enceinte de lui deux mois avant moi.

David et moi sommes arrivés à Paris en 1945. Un jour, mon regard a été attiré par la présence d’une alliance dans son porte-monnaie. Je ne l’ai pas lâché jusqu’à ce qu’il reconnaisse qu’il était marié, qu’il avait un enfant de 2 ans, mais qu’il était en instance de divorce. Tout pour plaire ! Alors, je l’ai renvoyé. Avant de lui permettre de reprendre une vie commune, j’ai attendu qu’il soit démobilisé et que son divorce soit prononcé. Comme j’étais considérée comme fille-mère, j’ai pris toutes mes précautions et je me suis inscrite dans un hôpital du 14e arrondissement. Jacques est né en octobre 1945.

Nous avons habité un temps à Arcueil chez une tante de David, puis rue Vieille-du-Temple dans une chambre d’hôtel. J’ai été embauchée dans une usine de cartonnage.

David était menuisier. Il s’est trouvé du boulot à Grenelle. Ça n’a duré que quelques mois car il ne supportait pas de travailler pour un patron. Au bout de trois semaines, il a déniché un atelier à vendre. Un de ses cousins, qui tenait faubourg Montmartre une boutique où l’on remaillait les bas, lui a prêté l’argent. Et David a pu s’installer dans sa première menuiserie, un tout petit local qui se trouvait rue Aubriot dans le 4e arrondissement. C’est le point de départ de tout le reste…

Le Rendez-vous des Amis

Étant le seul menuisier dans le quartier, David a eu tout de suite beaucoup de travail. Il était débordé. Un jour, en 1947, il a appris l’existence, au numéro 7 de la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, d’une ancienne menuiserie fermée depuis sept ans. Le propriétaire, devenu trop âgé, l’avait laissée à son fils qui s’en était totalement désintéressé. C’était son vieil ouvrier, Monsieur Mérel, qui continuait de gérer l’affaire. Il arrivait à vélo tous les matins à 6 h 55 et il bricolait toute la journée. On a proposé à mon mari de régler les sept années de retard d’impôts et la menuiserie lui appartiendrait. Marché conclu. David a repris la menuiserie et l’ouvrier avec !

Nous nous sommes alors installés dans une chambre rue Beaubourg, au 5e étage sans ascenseur. Il n’y avait ni eau, ni gaz, ni électricité. Et elle était en plein soleil. C’est là que j’ai eu mon Daniel, en juillet 1949. Avec la chaleur, c’était intenable. Surtout pour les deux gamins. J’ai menacé David de partir avec eux retrouver ma mère à Besançon. Le lundi suivant, un couple d’amis de David, que je ne connaissais pas, m’a invitée à venir visiter un appartement. La dame m’a entraînée au 16 rue Bourg-Tibourg. Nous avons pris les escaliers jusqu’au 3e étage, elle a ouvert la porte et, après avoir traversé une petite cuisine, nous avons débouché dans une belle pièce éclairée par deux grandes fenêtres. Elle m’a demandé si ça me plaisait. Ma réponse a dû s’inscrire sur mon visage car elle a déclaré avec un large sourire : « Eh bien, vous êtes chez vous ! »

J’ai appris alors que David était allé trouver le monsieur en lui disant que notre logement était trop précaire et que je voulais repartir en province avec les enfants. Ému, le monsieur lui a proposé son appartement… Nous nous sommes installés dès le lendemain. On a eu une sacrée chance. Nous sommes restés en location une dizaine d’années. Il y avait au-dessus une petite chambre qui était occupée par une madame Robin avec laquelle nous entretenions de bons rapports d’amitié. Quand elle a pris sa retraite, elle nous a proposé de reprendre son petit logement. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec un appartement de 76 m2, avec jouissance d’un grenier, pour lequel on payait 760 francs par trimestre !

Je travaillais toujours dans mon usine de cartonnage. Mais quand j’ai eu ma fille, Yolande, en 1954, mon mari a voulu que j’arrête pour me consacrer uniquement à nos enfants. Nous avons alors emménagé dans une grande maison à Valenton, dans la Val-de-Marne. Nous projetions d’y passer nos vieux jours… Mais je m’y ennuyais. David, qui l’avait remarqué, m’a annoncé un jour qu’il m’avait trouvé une occupation. En fait, il avait surtout envie que je sois plus proche de lui. Il me voyait très bien tenir le café qui était en vente au 10 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, pratiquement en face de la menuiserie. Nous en avons acheté le fonds de commerce et je l’ai baptisé Le Rendez-vous des Amis. Je n’y connaissais rien en la matière. Nous, les femmes, on ne fréquentait que très rarement les bistrots ; et quand cela se produisait, c’était toujours accompagnées. Nous étions au mois de décembre 1964. Mon mari m’avait promis de m’assister dans cette nouvelle tâche. Il semblait en pleine forme. Fin 1964, on lui aurait acheté sa santé ! La maladie s’est déclarée au mois de mai 1965 et il est mort dans mes bras en octobre d’un cancer généralisé.

La Veuve Pichard

Monsieur Mérel, le vieil ouvrier, que mon mari avait conservé, devait prendre sa retraite. Mais il a accepté de prolonger de deux années pour prendre notre fils Jacques, qui avait alors 19 ans, en apprentissage.

Il m’a fallu rapidement faire un choix entre la menuiserie et le bistrot. J’ai pensé que je serais plus à l’aise dans le café… J’étais tellement abattue par le départ de mon mari, que j’ai mis un certain temps avant de me ressaisir. Les gens me pressaient, me poussaient à rouvrir. Dès que je me suis installée derrière le comptoir, ça a été l’invasion ! C’est parti sur les chapeaux de roues. Ça ne désemplissait pas. Ça m’a beaucoup aidée moralement. J’ai toujours aimé les gens, voir du monde, recevoir, papoter… Ce n’était qu’un simple bistrot quand je l’ai pris. Je l’ai fait évoluer en même temps que le quartier. Pour le rendre plus attractif, j’ai commencé à disposer des petits trucs à grignoter sur le comptoir. Après, j’ai vendu des sandwichs, puis j’ai fait des petites assiettes, et enfin j’ai proposé des plats du jour…

Comme j’avais de plus en plus de demandes de repas pour le soir, Le Rendez-vous des Amis est devenu un restaurant en 1973.

Quant à la menuiserie, elle n’a jamais été reprise. J’ai néanmoins continué à en régler le loyer pendant six ans. Tout simplement parce que j’avais un fils menuisier. Jacques a bien essayé, mais il n’avait que 20 ans, et il n’avait pas envie de s’impliquer. Je me suis retrouvée dans une drôle de situation. Aucun de mes enfants n’était intéressé, mais j’espérais toujours que Jacques change d’avis et la reprenne un jour… Au bout de six ans, la propriétaire, Madame Veille, m’a demandé de quitter les lieux. Je lui ai intenté un procès. Que j’ai perdu. Elle a donc récupéré la menuiserie.

La grande chance que j’ai eue c’est que ce soit Martin Lamotte qui rachète le local avec Christine Dejoux et Jacques Delaporte. Lamotte, qui allait acheter ses vêtements, particulièrement ses blousons, dans un marché du 16e arrondissement, avait sympathisé avec un des vendeurs, Gérard Lanvin. C’est comme ça qu’ils se sont connus. Lanvin était alors en couple avec Dominique. Le matin, ils arrivaient tous à mobylette. Ils ont tout démoli et effectué les travaux eux-mêmes.

Ils ont donc créé La Veuve Pichard en 1975. Ça a tout de suite bien marché. C’était plein tous les soirs. C’est dommage qu’ils n’aient pas continué. Personnellement, j’étais vraiment heureuse que ce soit cette bande qui ait repris la menuiserie. Mon bistrot est devenu leur annexe.

Les fondateurs de La Veuve Pichard. De gauche à droite : Jacques Delaporte, Martin Lamotte, Claire Nadaud, Dominique Lanvin (future Séchan), Christine Dejoux.

Je me suis tout de suite prise d’affection pour eux. Ils n’avaient pas d’argent, et moi non plus. À partir du moment où je réglais mon loyer et mes factures, ça allait. Pour le reste, c’était la débrouille. On s’arrangeait entre nous. Je tenais un carnet de comptes. Chacun avait sa page. Ils réglaient leurs dettes quand ils le pouvaient. Je n’ai certainement pas gagné autant que j’aurais dû gagner, mais c’était sentimental. J’y ai gagné autrement… Ils me l’ont bien rendu. Tous les matins, Gérard Lanvin allait chercher ses croissants chez « Madame Tout-au-Beurre » ; il en prenait systématiquement un pour moi. Il venait boire son chocolat et on mangeait nos croissants ensemble en discutant.

Sans eux, mon établissement ne serait jamais devenu Le Rendez-vous des Amis. Anémone l’a déclaré récemment : « Si Madame David n’avait pas été là, nous n’aurions pas pu subsister. Il nous aurait été impossible de continuer ».

Christian Varini, « le troisième fils »

À un moment, Coluche est venu du Café de la Gare voisin pour remplacer Michel Puterflam dans une pièce. Comme tout le monde, il a évidemment pris ses quartiers au Rendez-vous des Amis. Il devait bien m’apprécier car, un jour, il a décrété : « Madame David est invitée à vie dans tous les cafés-théâtres de Paris ». Je lui dois aussi le plus énorme bouquet que j’aie vu de ma vie. Il était composé de roses très particulières, couleur lilas. Il était superbe ! J’ai toujours conservé le mot qui l’accompagnait.

Renaud est venu rejoindre la bande un peu plus tard. C’est là qu’il a connu Dominique qui a quitté Gérard Lanvin pour lui… Dès que j’avais le dos tourné, il utilisait mon téléphone. Je fermais les yeux. Mais il a dû pas mal contribuer à l’augmentation de mes factures… Un jour, Martin Lamotte et lui m’ont emmenée dans un restaurant tenu par un de leurs amis à proximité de la gare de Lyon. Ils voulaient me faire connaître des produits que je n’avais pas à la carte de mon restaurant. C’est à eux que je dois d’avoir mangé des coquilles Saint-Jacques pour la première fois. À cette époque, elles étaient encore rares… C’est ce jour-là aussi que, sur la radiocassette de la voiture, Renaud m’a fait écouter le disque qu’il venait d’enregistrer et qui n’était pas encore sorti. J’ai donc été une des toutes premières personnes à découvrir Mistral gagnant !

Un matin, deux reporters de la télévision suisse sont venus dans mon établissement. Ils étaient en train de préparer une émission sur Renaud, « Profil de… ». Dans cette émission, il y avait toujours un invité surprise. Son frère, Thierry, m’avait proposée pour tenir ce rôle. J’ai réussi à faire inviter en Suisse Christian Varini qui était déjà bien malade. Il était content ! Dans l’émission, il y a eu une séquence consacrée au Rendez-vous des Amis. On me voyait fermer la porte du bar et faire comme si je rentrais chez moi. Or, dans la continuité de l’action, je suis apparue sur le plateau. Renaud était tout étonné de me voir : « Qu’est-ce que vous fichez là ? » J’ai rétorqué : « Tu ne viens pas me voir, alors c’est moi qui viens… »

En avril 1978, La Veuve Pichard a été revendue à un quatuor composé de trois comédiens et d’un enseignant. Le théâtre a été rebaptisé en Point Virgule. C’est Christian Varini, qui en a été le premier directeur. Il est arrivé là comme un cheveu sur la soupe ! Plus tard, quand ses trois associés ont décidé d’abandonner, il a repris les rênes du théâtre tout seul. C’est sa mère qui lui a prêté l’argent pour racheter les parts. Je suis bien placée pour le savoir car c’est depuis Rendez-vous des Amis qu’il l’a appelée. Il n’y avait pas encore le téléphone au Point Virgule. En ce temps-là, il fallait parfois attendre sept ans pour l’obtenir. J’ai eu la chance de pouvoir transférer la ligne que mon mari avait possédée à la menuiserie.

Très vite, j’ai considéré Christian comme un de mes fils. Lui, je le mets vraiment à part. Il m’a trop manqué… Tous les soirs, il passait me voir avant d’aller se coucher. Il y avait toujours des bouquets sur mon comptoir. Il me demandait à chaque fois la permission de prélever une ou deux fleurs qu’il aimait déposer sur sa table de nuit… Christian a été un grand découvreur de talents.

Les enfants du Marais

On devient inévitablement psychologue quand on tient un endroit comme ça. On est la confidente de tout le monde… Beaucoup de mariages ont été également conclus chez moi. Anne « Titane » Poirier, l’assistante de Jean-Luc Moreau, a connu son mari quand elle travaillait au côté de Christian Varini au Point Virgule.

On m’a appris un jour qu’un grand nombre de contrats avaient été signés sur les tables de mon établissement. Ils étaient convaincus que je portais bonheur !

Mes armoires sont pleines de cadeaux.

Une certaine Babette est devenue la reine du quartier. Elle avait beaucoup d’argent. Son père lui avait laissé une fortune gagnée dans l’immobilier. Elle organisait des fêtes chez elle. Il fallait que tout le monde soit à ses pieds. La drogue commençait à circuler sérieusement, particulièrement au Fer-à-Cheval. Moi, j’ai échappé à ça. Quand je voyais quelqu’un rester trop longtemps aux toilettes, je descendais et je frappais à la porte. Je me battais contre ça. Tout le quartier a été décimé par le sida…

J’ai servi à boire à Jean Marais, à Jean-Claude Pascal… J’ai même organisé des expositions de peinture pour Mano Solo, le fils de Cabu.

Jean-Marie Bigard, pour moi, c’est le meilleur de tous. C’est le garçon le plus fidèle et le plus humain que je connaisse. Les gens n’imaginent pas le cœur qu’il a… Nous avons créé ensemble une association pour venir en aide aux SDF du quartier. C’est lui qui en a eu l’idée. Nous avons imprimé une affiche sur laquelle nous apparaissons tous les deux caricaturés en compagnie de Maurice, notre clochard préféré, une grande figure du quartier. J’ai été bombardée présidente. L’association a gagné de l’argent. Je voulais le dépenser à bon escient. Je suis allé trouver la mairie du 4e, mais ils voulaient disposer eux-mêmes de l’argent. J’ai refusé et je suis allé voir celle du 3e. Là, on a accepté de me suivre. Grâce à eux, j’ai pu aider des familles menacées d’expulsion à conserver leur logement ou bien fournir de la nourriture aux plus nécessiteux, particulièrement aux enfants.

Quant à Maurice, qui dormait sous les porches, je l’ai logé dans un hôtel jusqu’à sa mort. On m’a fait quelques reproches car il trouvait plus pratique de faire pipi par la fenêtre plutôt que de sortir de sa chambre pour se rendre aux toilettes. Pauvre Maurice…

Jean-Marie m’a promis de venir me présenter ses jumeaux. L’avant-dernière fois qu’il est venu me voir, il est arrivé tout essoufflé en haut des escaliers en disant : « C’est Fort Boyard ici ! » Quand mon fils Dany est mort à l’automne 2017, il est venu m’apporter son soutien affectueux. Il était accompagné de Laurent Baffie. Lorsque j’ai eu mon AVC en novembre 2017, il m’a rendu deux fois visite à l’hôpital.

Jean-Marie, Pierre, Laurent et les autres…

J’avais découvert Pierre Palmade à La Classe. Je trouvais qu’il sortait de l’ordinaire. Il était tout jeune, il avait 19 ans. J’en ai tout de suite parlé à Christian Varini. Il l’avait déjà lui-même remarqué et lui avait fixé un rendez-vous. Pierre et Jean-Marie Bigard se sont connus à cette époque. Ils fréquentaient le Banana Café. La mère de Pierre avait demandé à Jean-Marie de surveiller son gamin. Mais en fait ils se sont encanaillés tous les deux ! Pierre dit toujours : « Avec Madame David, quand on se rencontre, on n’a pas besoin de se parler. On se regarde et on sait tout. »

Il a habité un temps le logement que j’occupe aujourd’hui tout près du Point Virgule. Sa mère m’avait chargée de lui trouver une femme de ménage : « Je veux que, quand il entre en scène, tout soit impeccable. Il faut que sa chemise et son pantalon soient repassés tous les jours. » Je lui ai déniché une Espagnole qui habitait en bas de chez moi. Un jour, elle est venue me trouver ; elle était tout embêtée : « Vous savez, je suis gênée. Il y a plein d’argent dans le placard de Monsieur Pierre. Et puis ce matin, quand je suis arrivée, j’ai trouvé des porte-jarretelles sur le lit. » Je lui ai expliqué qu’il avait dû recevoir une copine… Pierre fait partie de mes plus jolis souvenirs.

Le coauteur de Florence Foresti, Jérôme Daran, était Bisontin comme moi.

J’ai eu beaucoup de chagrin quand Elie Kakou est décédé. Il n’était pas vraiment un habitué du Rendez-vous des Amis. Son port d’attache était plutôt du côté de la rue des Rosiers.

Je suis toujours très heureuse de rencontrer Sophie Forte. Elle a toujours habité non loin du Point Virgule. Je crois qu’elle réside dans le même immeuble que le restaurateur chez qui je vais manger le couscous.

Mara, la toute première caissière, préparait du thé dans des gobelets qu’elle offrait aux spectateurs.

Dans son spectacle, Jean-Marie Bigard avait pour habitude d’aller chercher un passant dans la rue pour le faire monter sur scène. Un jour, il revient accompagné d’un grand garçon : « Regardez qui j’ai trouvé dans la rue… » C’était Laurent Ruquier ! Il était plutôt mal à l’aise, il ne savait pas quoi faire de ses bras.

Avec Chantal Ladesou, nous avions un rapport un peu particulier parce qu’elle avait perdu un de ses fils dans un accident de voiture. Nous nous épaulions. On se comprenait bien.

Quand mon fils Jacques a refait à neuf mon appartement, je suis allée chez mon petit-fils à côté de Troyes, mais je suis partie au bout d’une semaine parce que je n’y sentais pas bien. Karine Lyachenko m’a spontanément proposé de venir loger dans un studio qu’elle possédait rue des Francs-Bourgeois. Je lui dois beaucoup.

Jean-Claude Camus, le producteur de Mimie Mathy, m’a fait tourner dans une émission de télévision que Laurent Boyer lui consacrait. Dans une séquence évoquant ses débuts, on me voyait devant l’entrée du Point Virgule. J’ai énormément de respect pour elle.

Marianne Sergent, c’est une vieille copine. Elle passait presque tous ses après-midi au Rendez-vous des Amis avec une amie québécoise. Elle voulait tout le temps m’emmener au Canada.

Je suis allée assister à un festival d’humour à une centaine de kilomètres de Paris avec Christophe Alévêque. Je connaissais sa femme, ses enfants.

Je me suis toujours souciée de la santé de Jean-Jacques Devaux. Il mangeait tellement mal ! Il prenait deux rations de pâté en entrée et, après, il dévorait des escalopes à la crème. Il négociait toujours avec la serveuse, Mado, pour avoir de belles portions.

Je pense beaucoup à eux tous. Ils me considéraient comme leur deuxième maman. Je leur dois le meilleur de ma vie. Mais je n’ose pas les appeler. Je ne veux pas les déranger, ils ont leur vie. Je n’aime pas être demandeuse.

J’ai travaillé pendant 78 ans. Je suis morte le jour où j’ai arrêté de travailler. Tout s’est arrêté en moi. C’était fini. J’étais devenue inutile.

(Madame David nous a quittés le 28 avril 2018. Elle avait 99 ans)

MARTIN LAMOTTE

Membre fondateur de La Veuve Pichard

Nous étions en 1975. Je n’appartenais à aucune troupe. Je cherchais un local pour y installer un café-théâtre histoire d’imiter mes petits camarades qui avaient trouvé leur base au Splendid, rue des Lombards. Mon copain Jacques Delaporte, qui était musicien et qui allait cocréer deux ans plus tard Le Grand Orchestre du Splendid, fréquentait alors Le Gil’s Club, une petite boîte de jazz qui se trouvait au deuxième sous-sol du numéro 7 de la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie. Ça marchait très bien, mais le patron avait l’intention d’en partir. Jacques, qui avait sympathisé avec lui, a appris que ce lieu ainsi que la menuiserie qui se trouvait juste au-dessus appartenaient à sa mère, Madame Veille.

Notre trio était alors composé de Jacques Delaporte, de ma compagne de l’époque Christine Dejoux et de moi. Nous avons réussi à attirer Gérard Lanvin, qui vendait des fripes chez Western House et sa compagne, Dominique, qui travaillait avec lui le week-end aux Puces… Trois personnes ont accepté de « sponsoriser » notre entreprise : Miou Miou, Coluche et Eddy Mitchell. Ils nous ont donné les fonds qui nous ont permis de reprendre le bail et de réaliser les travaux. On a tout fait nous-mêmes. On s’est fait aider pour l’électricité par un mec fantastique, Georges, un ancien d’EDF. Je n’ai jamais su son nom. Et c’est mon beau-frère qui s’est chargé de la plomberie. Tout cela nous a pris un an. Économiquement, ça a été très dur. Ceux qui avaient la chance de travailler mettaient un peu d’argent pour acheter du ciment, du bois, de la peinture… Et ceux qui n’avaient pas d’emploi essayaient d’en gagner comme ils pouvaient. Gérard Lanvin, par exemple, vendait des sandwichs aux spectateurs qui faisaient la queue devant le Café de la Gare. On a bossé vraiment dur ! On les a usées nos salopettes. Il fallait y croire et, surtout, ne pas avoir un gros appétit. Tant bien que mal, on a réussi à construire notre café-théâtre. On cherchait à lui donner un nom du style « Café de la Gare » et, finalement, on l’a baptisée « La Veuve Pichard, maison sérieuse », une vieille boutique !

Parallèlement aux travaux, j’ai commencé à écrire une pièce avec Philippe Bruneau. Par rapport à notre scénario, on a apporté des aménagements à l’espace que nous avions à notre disposition. On a installé une espèce de rampe pour accéder au plateau avec l’idée d’en faire un endroit de jeu important. Et puis on a ajouté une plate-forme au-dessus afin de pouvoir y jouer quelques petites saynètes…

Table ouverte chez « Madame Dada »

On a ouvert notre café-théâtre au mois de juin 1976 avec La Revanche de Louis XI. Au « générique » de ce spectacle qui durait deux heures, il y avait Philippe Bruneau, Christine Dejoux, Anémone, Gérard Lanvin, Roland Giraud et sa femme, Maaike Jansen, Jacques Delaporte et moi. La régie était tenue par Dominique, la compagne de Gérard Lanvin qui, plus tard, nous a rejoints sur scène. On tenait tous plusieurs rôles, on changeait de costumes, il y avait des combats. On s’affrontait avec des épées achetées au Salon de la Décoration qui se cassaient souvent… Nous avons eu quelques remplaçants de luxe comme Michel Puterflam qui a succédé à Delaporte, mais comme il a été engagé sur un tournage, c’est Coluche qui a repris le rôle. Eddy Mitchell passait souvent pousser la chansonnette en fin de spectacle déguisé en nain ; il se tenait à genoux… Hélas, lors de cet été 1976, la canicule a sévi. Impossible de jouer dans de telles conditions. On crevait de chaud. On n’en pouvait plus. Alors nous sommes partis un mois. Nous nous sommes fait inviter une semaine au Club Med où l’on a retrouvé les gens du Splendid. Une fois sur place, on a réussi à rester deux semaines supplémentaires en criant misère et en se rendant utiles. C’est sans doute là que Blanc, Clavier, Jugnot, Lhermitte et consorts ont eu l’idée de leur pièce Amour, coquillages et crustacés qu’ils ont créée en mars 1977 et qui allait être adaptée au cinéma l’année suivante sous le titre Les Bronzés.

Nous avons repris notre pièce au mois d’août et on l’a jouée toute la saison. En janvier-février 1977, voyant que la fréquentation commençait à décliner, on a décidé de changer de spectacle. J’ai alors écrit Le Secret de Zonga. On en a construit les décors nous-mêmes sur place. La bande-son en a été composée en même temps par Didier Vasseur, un excellent musicien qui travaillait pour la télévision et qui avait loué le sous-sol où se tenait précédemment le club de jazz. Pour la petite histoire, on lui doit la bande originale de la série Julie Lescaut et le générique de Joséphine, ange gardien… Nous avons joué Le Secret de Zonga une petite saison. On y retrouvait Roland Giraud, Maaike Jansen, Philippe Bruneau, mais aussi Renaud et Dominique, l’ex de Gérard Lanvin, devenue la femme de Renaud.