Le Magnétisme - Ligaran - E-Book

Le Magnétisme E-Book

Ligaran

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  • Herausgeber: Ligaran
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2015
Beschreibung

Extrait : "Le Magnétisme animal est la science occulte de nos temps philosophiques. Science divine pour les uns, science chimérique pour les autres, Le Magnétisme semble tenir en suspens et en lutte tous les esprits..."

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Introduction

Le magnétisme animal est la science occulte de nos temps philosophiques. Science divine pour les uns, science chimérique pour les autres, le magnétisme semble tenir en suspens et en lutte tous les esprits. On brûle dans un camp ce qu’on adore dans l’autre ; l’incrédulité, le dédain, les sarcasmes font partout équilibre à la foi la plus enthousiaste, aux admirations les plus lyriques, au plus ardent prosélytisme. D’un côté, on nous représente le magnétisme animal comme la plus haute conquête de l’esprit humain, comme une sorte de métaphysique suprême ou surnaturelle, qui ouvre sur le monde invisible de merveilleuses perspectives, qui promet d’émanciper à jamais l’homme, de soulever le poids des mystères qui pèsent sur son âme, de reconquérir, pour l’humanité tout entière, les joies et les privilèges ineffables accordés, dans l’Éden, aux auteurs de la race humaine, la connaissance de toutes choses, la communication directe avec les esprits célestes, avec Dieu lui-même. Rêves et chimères ! dit-on ailleurs ; imaginations gigantesques et puériles ! la prétendue science du magnétisme animal n’est qu’un ramas informe d’extravagances et de superstitions. Il n’y a que folies et mensonges dans cette science inepte, qui fut inventée le premier jour où un fripon rencontra un imbécile.

Entre les deux extrêmes, entre les incrédules et les sectaires, on voit flotter à l’aventure la masse nombreuse et compacte des incertains, qui ne savent si on leur propose d’encenser une divinité sérieuse ou une bouffonne idole, et qui, toutefois, ne se lassent point d’écouter les prodigieuses histoires de la légende magnétique.

Ainsi vont chaque jour grossissant les annales véritables ou fabuleuses du magnétisme animal ; les miracles s’ajoutent aux miracles ; partout les lois de la nature sont outrepassées ou interverties ; l’homme exercé, à distance, des actions merveilleuses sur ses semblables, sur les animaux, et même, dit-on, sur les corps inorganiques ; il fait revivre le passé, il fait comparaître l’avenir, il pénètre dans les impénétrables sanctuaires de la pensée, il fait parier les esprits du ciel et de la terre, il s’élance au sein du la lumière céleste et entre en communication directe avec Dieu.

Que faut-il penser de ces étranges choses ? faut-il les croire ? faut-il les nier ? culte, prophètes et fidèles, faut-il admirer, faut-il prendre en pitié le magnétisme tout entier ?

Nous avons, je crois, le droit de ne pas croire légèrement aux miracles. Ce droit nous coûte cher ; nous l’avons acquis par de longues épreuves ; il a fallu trois siècles de lutte pour nous faire comprendre que les miracles ne sont, pour les peuples, qu’un souvenir d’enfance et qu’il n’y en a point d’autres que celui que Dieu fit, quand il créa le monde, et ceux qu’il fait chaque jour, en le conservant par des lois invariables et éternelles.

– Mais il ne s’agit pas de miracles, nous dit-on ; il s’agit d’un ordre supérieur de facultés et de phénomènes qui n’avaient entièrement échappé ni aux sciences, ni aux croyances antiques, et dont nous avons, de nos jours, mesuré les proportions et compris la grandeur. Ces facultés vous semblent incroyables, parce qu’elles sont étranges ; elles vous semblent miraculeuses, parce qu’elles sont sublimes. Il ne faut, pour les comprendre, que savoir s’élever au-dessus du milieu dans lequel se meuvent les ressorts ordinaires de la nature ; il faut, dans la hiérarchie des puissances, s’élever aux premiers rangs, pour reconnaître celles dont le magnétisme est l’effet ou la manifestation.

La tête tourne aisément dans ces hautes régions où l’imagination, folle reine des prestiges, entraîne aventureusement la raison. Il est difficile de faire concorder des théories qui viennent de si loin, et qui prennent leur point d’appui au-delà des limites assignées aux yeux de l’intelligence humaine. Aussi les philosophes du magnétisme animal ne tardent-ils pas à s’égarer dans leurs gigantesques et sublimes excursions ; ils ne savent plus se retrouver et finissent par se perdre dans des hypothèses diverses qu’il est impossible de concevoir, et dont il est plus impassible encore de faire la preuve.

Deux grandes opinions, exclusives l’une de l’autre, partagent les philosophes du magnétisme animal, et constituent deux sectes principales. L’une de ces sectes attribue les phénomènes magnétiques à un fluide impondérable, qu’elle nomme fluide magnétique, et ne sort pas de la nature ; l’autre fait intervenir les puissances du ciel et de l’enfer, anges ou démons, et constitue la secte dite du magnétisme surnaturel. On peut rapprocher du magnétisme surnaturel la théorie des animistes, qui attribuent les facultés des somnambules et tous les actes du magnétisme animal à l’âme humaine, temporairement indépendante de l’instrument matériel auquel s’unit habituellement sa personnalité.

Il est évident qu’il n’y a point de limites assignables aux merveilles du magnétisme animal, quand on admet les causes dont je viens de parler. On ne peut s’étonner des effets d’une cause qu’on fait omnipotente ; on ne peut rien dire d’impossible, on ne peut rien imaginer qui dépasse la puissance d’un fluide impondérable, qu’on suppose préalablement capable de tout produire. Le fluide magnétique n’est, il est vrai, qu’une conception a priori ; son existence est incertaine et peut être imaginaire ; Mesmer et ses adeptes ne l’ont ni vu, ni touché ; il est invisible, intangible, mais on lui donne l’omnipotence et l’ubiquité ; on le juge propre à rendre raison de toutes choses ; on lui fait remplir l’espace tout entier, on le place entre toutes les molécules des corps ; les corps inorganiques en sont pénétrés comme les corps vivants. On lui donne un état latent et inerte, dans lequel il ne manifeste ni ses propriétés, ni même sa présence ; mais on le fait obéir à la volonté de l’homme, et on lui fait produire tout ce que l’on voit, tout ce que l’on veut, tout ce que l’on imagine. La docilité du fluide magnétique n’est pas moins illimitée que sa puissance ; les phénomènes sont toujours à ses ordres comme il est toujours aux ordres de la volonté humaine ; on explique tout, en disant : c’est le fluide magnétique qui entre, qui sort, qui s’accumule, qui s’évapore ; le fluide passe de l’état actif à l’état latent, et réciproquement ; c’est mon fluide qui se mêle au vôtre, etc. Une telle logique est sans doute commode ; mais qu’est-ce autre chose qu’une vaine dénomination qui consiste à donner aux choses les plus diverses, à celles que l’on voit, comme à celles que l’on croit voir, le nom commun d’une chose que l’on imagine ?

Il en est, sous ce rapport, des puissances du ciel et de l’enfer comme du fluide magnétique ? que ne peut faire un ange ? qu’y a-t-il d’impossible à un démon ?

Il faut encore dire la même chose de l’âme humaine, si on la suppose temporairement indépendante du cerveau. Nous connaissons les actes de l’âme humaine dans son état de captivité ; nous savons ceux qui peuvent se transmettre à travers le milieu cérébral ; nous ne pouvons ni concevoir ni limiter ce que l’âme peut faire ou ne pas faire dans la liberté de son essence et de son immatérialité.

Ainsi, bien qu’inattaquable et toute-puissante dans l’enchaînement de ses déductions, la logique des philosophes du magnétisme animal n’en est pas moins frivole et arbitraire dans les principes qui lui servent de points d’appui. Il ne s’agit pas, en effet, de prouver les merveilles du magnétisme par la toute-puissance des causes auxquelles on les attribue. Ce sont ces merveilles elles-mêmes dont il faut, avant tout, prouver la réalité. Il ne faut pas imaginer des causes pour rendre raison des faits ; il faut, au contraire, mettre l’esprit au service des sens, et ne chercher à expliquer que les choses qu’on est bien sûr d’avoir vues. Il y a deux écueils toujours redoutables dans la philosophie naturelle, plus à craindre encore dans le magnétisme animal que dans tout autre objet d’étude : il ne faut pas donner, de ce qui est, une explication fausse et imaginaire, mais il ne faut pas surtout vouloir expliquer ce qui n’est pas. Il est bien dangereux d’avoir à sa disposition des causes toutes faites, et surtout des causes gigantesques et toute puissantes ; quelle tentation pour l’esprit, que d’avoir à faire agir le fluide magnétique, l’âme humaine, les anges, les démons !

Dans l’étude qui va suivre, j’ai cherché à me mettre en garde contre le danger que je viens de signaler. J’ai pensé que, dans une matière aussi controversée que le magnétisme animal, il importait avant tout de constater les faits ; je me suis affranchi de toutes pensées préconçues ; j’ai fait abstraction de tout esprit de secte ou de système ; je ne me suis point dit : c’est la plus sublime des sciences dont j’aborde le sanctuaire ; je vais assister à des miracles ; non : je me suis efforcé d’oublier tout ce que j’avais entendu dire, tout ce que j’avais lu. Je ne me suis point souvenu que j’avais les oreilles remplies de témoignages contraires, à droite des hosanna, à gauche des sarcasmes ou des colères ; j’ai abordé l’étude du magnétisme sans prévention, sans passion, sans autre but que de connaître la vérité. C’est une étude purement expérimentale que j’ai voulu faire ; je me suis promis de marcher droit à la vérité, entre les sectes et les systèmes, sur les routes éprouvées de l’expérience et de l’observation.

C’est le fruit de cette étude impartiale que je livre aujourd’hui à tous ceux qui aiment la vérité. Je n’ai point la prétention d’avoir tout vu, ni de poser des limites qu’on ne franchira pas. Je ne raconte que ce que j’ai vu ; je n’ai point fait un traité complet sur la matière ; c’est moins un livre que j’ai voulu faire, qu’un bon exemple que j’ai voulu donner. J’ai planté quelques jalons que l’incrédulité, la dispute, les sarcasmes, le temps ne déplaceront pas. Les facultés extraordinaires que j’ai signalées dans le somnambulisme sont réelles et facilement constatables ; je ne crains pas d’affirmer que tous ceux qui les nient aujourd’hui seront forcés demain de les admettre. Le magnétisme ne m’a fait voir ni oracles ni prophètes ; je n’ai point rencontré de sorciers, je n’ai conversé ni avec les anges, ni avec les âmes ; la divinité m’a semblé tout aussi invisible aux somnambules qu’au reste des humains. Quant au démon, je n’en parle pas ; je ne suis pas même bien sûr d’y croire. Dans tous les cas, je renonce à Satan et à ses pompes. Je renonce également au fluide magnétique ; rien ne prouve son existence ; qu’il soit l’âme du monde des anciens philosophes ou du panthéisme moderne, je ne le discute point ; mais je ne vois pas bien comment un fluide impondérable peut se montrer aussi docile aux ordres de la volonté humaine, ni comment il peut être la cause des phénomènes magnétiques et des facultés des somnambules. Je ne vois pas quel argument on peut asseoir sur les molécules impalpables d’un fluide incertain. Enfin je n’ai pu ni remonter ni descendre, avec les somnambules, le fleuve du temps ; je n’ai pu ni briser l’inviolable sceau du livre de la destinée humaine, ni forcer les portes du ciel ou de l’enfer ; mais je n’en ai pas moins constaté des phénomènes extraordinaires, des facultés merveilleuses, des faits qui ressemblent à des miracles ; je n’en ai pas moins aperçu des phénomènes qui brisent toute règle, qui échappent à toute prévoyance, qui semblent impliquer des relations incompréhensibles entre les causes et les effets ; je n’en ai pas moins constaté un état extraordinaire du système nerveux, ou un mode singulier d’existence dont les conditions ne se prêtent pas toujours aux lois de la logique humaine, dont nous ne pouvons ni concevoir ni expliquer les actes.

Ainsi, tout n’est pas chimère et déception dans le magnétisme animal ; la vérité se trouve là, comme toujours, entre les extrêmes, entre une incrédulité sans mesure et une foi fanatique. Je conçois maintenant toutes les épreuves qu’a subies le magnétisme animal dans les diverses contrées de l’Europe ; je conçois ses triomphes et ses défaites ; il y avait un grain de vérité sur le terrain de la lutte, qui a servi d’égide et de talisman préservateur aux combattants ; nulle part le magnétisme animal n’a pu vaincre, nulle part il n’a pu mourir.

Le passé nous répond de l’avenir ; l’erreur mêlée de vérité est indestructible comme la vérité elle-même. Le magnétisme animal contient assez de vérité pour braver à jamais les incrédules ; on brise partout les idoles, mais il faut bien reconnaître l’image du vrai Dieu. Vainement les médecins, les savants, tous ceux qui se piquent de sévérité, de gravité dans l’esprit, ont-ils jeté au magnétisme animal leurs dédains et leurs railleries ! Ils l’ont humilié, ils ne l’ont pas vaincu ; le magnétisme, trahi par la science, s’est réfugié dans des mains indignes, mais il ne périra pas ; le grain de vérité qu’il contient le sauvera, rien ne peut faire que ce qui est ne soit pas.

Un mot maintenant sur le plan que j’ai suivi dans mon étude, sur les principes qui m’ont guidé, sur les questions que j’ai soulevées. J’ai dit déjà que je ne m’étais placé sous le drapeau d’aucun maître ; je me suis aventuré en quelque sorte à la recherche des vérités du magnétisme comme un chasseur dans la plaine, incertain de savoir ce que j’allais découvrir ? Mais qu’avais-je à étudier ? Qu’est-ce que le magnétisme animal ?

Si l’on en croit Mesmer et les métaphysiciens mystiques et animistes du magnétisme, la nouvelle science n’est rien moins que la science universelle, Dieu, l’homme, l’univers, c’est-à-dire tout ce qui existe, tout ce qui peut tomber sous l’œil de la pensée, de l’imagination ou de la conscience, voilà les objets du magnétisme animal. Le fluide magnétique explique tout, suffit à tout ; les anges, les démons, l’âme humaine, n’ignorent rien. Avec une telle cause ou de tels interprètes, il n’y a plus qu’une seule science, dans laquelle toutes les autres viennent se confondre et se perdre ; tout est compris dans le magnétisme animal. On dirait qu’avant Mesmer les hommes n’avaient entendu parler ni de métaphysique, ni de psychologie, ni de théologie, ni de physiologie, etc. ; on dirait que les sciences naturelles et les sciences morales leur étaient inconnues. On fut bien près de prendre Mesmer pour un Prométhée moderne, qui venait de dérober le feu du ciel ; mais l’heure du désenchantement ne se fit pas attendre. Une nouvelle Pandore vint promptement venger le nouveau larcin fait aux dieux ; la boîte, cette fois encore, ne put retenir que l’espérance.

Pour moi, je n’ai point trouvé dans le magnétisme animal ces gigantesques proportions. Il m’a semblé qu’il ne fallait donner un nom nouveau qu’à des choses nouvelles ; qu’il ne fallait comprendre sous le titre de magnétisme animal que des phénomènes oubliés ou méconnus par les autres sciences, et spécialement par la physiologie et la psychologie. Mais existe-t-il de tels phénomènes ? sont-ils assez nombreux, assez importants pour constituer une nouvelle science ? telle fut la première question que j’entrepris de résoudre. Je voulus savoir si la nouvelle science avait pour point de départ et pour raison d’être des faits réels et observables. Je cherchai à voir et à constater ces faits. Je voulus savoir si, par la voie de l’expérience et de l’analyse, il me serait permis de rejoindre les philosophes du magnétisme dans les hautes régions où ils prennent d’emblée leurs principes ; je voulus, en un mot, savoir si, en remontant successivement tous les degrés d’une échelle posée sur le terrain solide des faits aperçus par les sens, je me retrouverais à l’autre extrémité, soit avec les mesmériens, soit avec les philosophes animistes et mystiques du magnétisme animal. Je devais retrouver, par cette contre-preuve, le fluide magnétique, les anges, les démons, ou l’âme humaine ; je devais remonter, par l’analyse, aux principes dont la synthèse était partie. Que si je ne parvenais pas à rejoindre les philosophes du magnétisme animal, qui, partant des hauteurs de la raison pure, ont cru prendre, en quelque sorte, d’assaut la vérité, j’en conclurais légitimement qu’ils se sont égarés, que le fluide magnétique n’est ni la cause ni la raison d’être des phénomènes magnétiques ; que l’âme humaine ne se sépare jamais, dans cette vie terrestre, de l’instrument auquel s’unit sa personnalité ; que les esprits immatériels du ciel ou de l’enfer n’ont encore parlé à personne sur la terre. Dans tous les cas, mon humble et logique méthode ne pouvait manquer de me conduire sans m’égarer. J’arriverais moins haut peut-être, mais le principe de généralisation auquel il me faudrait m’arrêter, me permettrait toujours le retour en sens contraire, c’est-à-dire le retour aux faits observés ; ce principe ne serait que la résultante de tous les faits connus, il serait la vérité même.

Ainsi, j’ai commencé humblement mon étude magnétique par-l’observation des faits magnétiques ; j’ai étudié en observateur et non pas en sectaire. Je souhaite qu’une main prudente et habite construise prochainement le temple ; pour moi, je n’ai pu que rassembler quelques pierres : mais le temps de songer à un édifice régulier n’est peut-être pas encore venu. Quelques faits qui étonnent et déconcertent l’esprit, que nous ne pouvons ni concevoir ni expliquer que les sens imposent à la raison, ne font pas une science. Il ne faut pas se faire de vaines illusions ; tant que les écrivains du magnétisme animal ne feront que nous raconter des miracles, et se mettront l’esprit à la torture pour les expliquer, nous aurons des romans, des systèmes puérils et ridicules, nous n’aurons pas de science magnétique. N’envions point à la métaphysique ses interminables discussions sur le matérialisme et le spiritualisme ; laissons à la théologie le soin de nous parler de Dieu et de l’âme, des anges et des démons, et cherchons le magnétisme animal là où il est réellement, c’est-à-dire dans ce système d’organes que Dieu a faits dépositaires de toutes les puissances de la vie, dans le cerveau et le système nerveux. Constatons les faits avant d’imaginer les causes ; ne prononçons pas légèrement le mot miracle ; il n’est pas donné à la logique humaine de pénétrer tous les mystères de l’action nerveuse ; le cerveau de l’homme est un magicien dont tous les artifices nous semblent surnaturels. Nous sommes là sur les limites mêmes du monde matériel et du monde moral. Il y a là un abîme sans rives et sans fond, dont l’œil de l’esprit ne sait pas mesurer l’immensité, et dans lequel viennent se perdre toutes les théories mystiques et imaginaires du magnétisme animal. Ne nous perdons pas contre un tel écueil ; bornons-nous à observer, quand nous ne pouvons ni concevoir ni expliquer. Pourquoi d’ailleurs nous étonner si fort de l’étrangeté des phénomènes magnétiques ? On s’étonne de l’état somnambulique ! Mais conçoit-on les autres états du cerveau et du système nerveux, l’état de passion, de haine, d’amour, de colère, etc. ? Conçoit-on l’état de veille, de sommeil, l’état de rêve ? Conçoit-on le miracle permanent de la pensée et du sentiment ? On ne veut pas croire chez l’homme à des actions exercées à distance, sans voies de transmission apercevables ; pourquoi donc admet-on l’action du soleil sur la terre, l’action de tous les corps les uns sur les autres ? est-il raisonnable, est-il logique de refuser aux êtres vivants des propriétés et des actions que nous trouvons dans la nature entière, dans les atomes comme dans les astres ?

Traité du magnétisme animal
CHAPITRE PREMIERConsidérations générales

La science du magnétisme animal n’est point une conquête de l’esprit moderne. Il y a longtemps que la nature laisse entrevoir aux hommes des forces et des mystères qui étonnent les sens et déconcertent l’esprit. Les faits sensibles, les actes excentriques de la vie, tous les éléments sur lesquels est fondée la science magnétique ont été vus et signalés dans tous les siècles et chez tous les peuples. L’homme a toujours aimé le merveilleux et l’extraordinaire, et il y a eu, dans tous les temps, des sciences occultes et des arts magiques. L’ardente et incessante curiosité qui nous anime et qui semble être une faculté supplémentaire de notre esprit, trouve ses plus vives séductions dans son impuissance même ; de là les jouissances secrètes qui naissent du mystère et de l’impossible ; de là notre amour pour les prodiges et tant d’efforts désespérés pour pénétrer dans les sanctuaires impénétrables de la nature et de la vie. La raison que la Providence nous a donnée pour guide, trouvant partout des obstacles et des limites qui brisent et arrêtent son essor, ne peut donner aux aspirations infinies de notre cœur qu’une incomplète satisfaction. Le doute nous importune ; la défaite de l’esprit provoque les impatiences de l’orgueil, et, plutôt que de porter le poids de l’inconnu, nous affirmons ce que nous n’avons pu comprendre ; nous ne tardons pas ensuite à croire ce que nous avons affirmé, et l’âme vient, en quelque sorte, se réfugier tout entière dans l’imagination et la foi. Il n’y a plus dès lors de limites aux illusions. L’esprit se nourrit de superstitions et de rêveries et peuple la nature de fantômes. Alors règnent les sciences occultes avec la magie, les prestiges et les miracles. Toute réalité disparaît ; il n’y a plus que des chimères dans un monde fantastique.

Il est fâcheux que l’on soit forcé de chercher l’origine du magnétisme animal aux limites mêmes de ce monde chimérique, entre les sciences occultes et les sciences positives. Mais c’est là, c’est sur la zone douteuse qui sépare l’illusion de la réalité, que se montrent les phénomènes excentriques qui constituent la science magnétique.

Le magnétisme animal n’a point dans l’histoire une existence et une forme indépendantes. Les anciens n’ont point classé, systématisé les phénomènes magnétiques, et n’en ont point fait l’objet d’une science distincte et spéciale ; mais on aperçoit visiblement les traces du magnétisme animal dans leurs systèmes scientifiques, dans leurs fictions religieuses, dans leurs mystères, dans leurs légendes et dans les mille croyances puériles qui formaient le domaine de la magie et des sciences mystiques.

Les phénomènes magnétiques ont dû, dans tous les temps, étonner les médecins qui n’ont pu les méconnaître ni dans l’étude des maladies nerveuses, ni dans celle des influences réciproques si puissantes, si variées, si mystérieuses du physique sur le moral et du moral sur le physique. Ils ont été aperçus par les physiologistes et les moralistes qui les ont signalés, soit comme causes, soit comme effets dans les mystères les plus délicats de la sensibilité nerveuse. Ils ont frappé les observateurs les plus vulgaires, dans toutes les circonstances où l’on voit se produire de grandes perversions nerveuses, par l’effet de causes diverses qui portent le trouble dans l’imagination des hommes. On les a vus devenir comme épidémiques et se propager par imitation, dans les cas où les causes d’émotion dont ils naissaient se rattachaient aux passions et aux croyances générales. Les prétendus miracles du diacre Paris étaient des effets magnétiques. On peut en dire autant des aventures des religieuses de Loudun, d’Urbain Grandier et en général de tous les exorcismes et de toutes les possessions démoniaques. Les femmes nous ont toujours montré dans leurs accès d’hystérie, connus sous le nom d’attaques de nerfs, les phénomènes magnétiques sous toutes les formes ; les femmes hystériques trouvent en elles-mêmes, pour provoquer l’état magnétique, le principe d’une puissance que n’égalera jamais le plus habile magnétiseur.

À diverses époques, des esprits enthousiastes et ardents ont professé et exploité le magnétisme et ont montré dans leur doctrine et dans leurs pratiques, quelquefois du savoir et de la sincérité, mais plus souvent du mysticisme, des extravagances et des fourberies de tout genre. Les choses ne se passent pas autrement de nos jours. Paracelse, Vanhelmont Greatrakes, Gasner, Cagliostro et tant d’autres ont été des magnétiseurs. Si nous connaissions mieux l’histoire des oracles, des pythonisses et des sibylles, les épreuves imposées par les hiérophantes dans les initiations ou les mystères, nul doute que nous n’y reconnussions les phénomènes du magnétisme animal. On les retrouve encore dans l’ascétisme et les visions des solitaires, dans les prodiges de force morale que montrent les saints et les sectaires et jusque chez les prophètes et les prophétesses des antiques religions, dont les singularités, les excentricités et les hallucinations n’étaient le plus souvent que des formes du magnétisme animal. Quant aux prophètes de la Judée, si l’on tient qu’ils étaient inspirés et animés de l’Esprit saint, on ne change que la cause et non la nature de leur état magnétique.

Ce n’est que depuis un demi-siècle, environ, que le magnétisme nous a été montré sous une forme scientifique et systématique déterminée. C’est Mesmer qui a inauguré dans le monde une science nouvelle sous le nom de science du magnétisme animal. On sait que Mesmer bouleversa, pour ainsi dire, tous les esprits de son temps. Jamais prophète ne fut ni mieux écouté ni plus admiré ! Jamais on ne vit pareil succès, pareil triomphe ; l’enthousiasme fut sans bornes et la foi sans mesure. Mesmer semblait avoir trouvé dans le magnétisme le dernier mot de l’esprit humain. Il promettait de résoudre les problèmes les plus compliqués des sciences, il devait révéler tous les mystères de la nature, prévenir et guérir tous les maux et ramener l’âge d’or sur la terre. Prométhée, dans la fable, avait dérobé le feu du ciel et n’avait formé qu’un homme ; Mesmer avait trouvé le magnétisme et expliqué l’univers. On le prit enfin pour une sorte de messie philosophique, venu pour mettre un terme aux incertitudes et aux disputes de la science et pour établir le règne de la foi scientifique sur la terre. Mais, hélas ! il n’y a pas loin du capitole à la roche tarpéienne, et du sublime au ridicule, il n’y a dit-on, qu’un pas. La chute fut égale au triomphe. Le magnétisme, frappé par les académies, mourut sous les coups de la science officielle. Le nouveau dieu de la vérité ne fut bientôt que le père de l’imposture et de l’erreur. La science nouvelle ne fut que la science des sots et des dupes et l’art des fripons ; on vit le magnétisme qui, s’était élevé superbe à de si grandes hauteurs, réduit à cacher sa honte dans les plus humbles recoins et ne trouver d’asile que chez les charlatans ou chez de vulgaires sibylles.

Le magnétisme animal n’a pourtant point succombé sous le poids de ces épreuves cruelles. De temps à autre, des hommes graves, instruits et sincères, ont pris sa défense et ont tenté de le réhabiliter dans l’opinion. On n’a jamais cessé de faire des miracles en son nom, et la découverte du somnambulisme magnétique, arrivée depuis le jugement des Académies, est venue ranimer les espérances et toute l’ardeur des premiers temps.

Le magnétisme animal a successivement parcouru les diverses contrées de l’Europe, et a partout éprouvé à peu près les mêmes vicissitudes que chez nous. Il n’a été vainqueur nulle part, mais il n’a jamais pu être entièrement vaincu.

Une semblable vitalité annonce-t-elle l’incurable crédulité des hommes ? Est-elle l’indice de la vérité méconnue ? Le temps fait, dit-on, toujours justice de l’erreur. Ne se pourrait-il pas qu’il y eût, dans le magnétisme animal, des erreurs qui l’empêchent de vivre, mais en même temps des vérités qui l’empêchent de mourir ? Un jugement l’a condamné ; mais tous les jugements ne sont pas équitables : les Académies se trompent comme les simples mortels, et il serait aisé de prouver, par d’éclatants exemples, qu’elles ne sont pas infaillibles, le sang n’a jamais cessé de circuler, malgré beaucoup d’Académies qui ont longtemps condamné la circulation ; l’a terre n’a pas cessé de tourner, malgré beaucoup de gens qui voulaient l’arrêter. Il faut respecter les Académies et les savants ; mais il faut, avant tout, chercher la vérité. Un savant illustre et malheureux (c’était Galilée) disait qu’en matière de science, l’autorité de mille ne valait pas l’humble raisonnement d’un seul. Il avait, certes, plus que personne le droit de tenir ce langage, qui n’a jamais cessé d’être vrai pour tout le monde. Mais la science se montre intolérante à l’égard du magnétisme animal, et semble ne reconnaître à personne le droit de libre examen. On peut être à peu près certain, si l’on s’occupe de cette matière, de passer pour un visionnaire et d’être accusé de témérité. Les savants et les médecins se renferment dans un système d’incrédulité convenue ; si vous leur racontez des faits, ils haussent les épaules ; si vous voulez raisonner, ils vous prennent pour un esprit malade, pour un homme crédule, un illuminé.

Les savants et les médecins, qui devraient, sentinelles prudentes mais avancées de la science, dégager le progrès partout où il se trouve, ne se montrent point ici fidèles à leur mission. Le magnétisme animal touche aux plus hautes questions de la physiologie, de la psychologie, de la physique générale, et mériterait un autre accueil. Le jugement qui l’a condamné semble avoir été plutôt dicté par la prévention que par la justice. La cause n’a pas été suffisamment instruite, et l’on a toujours d’ailleurs exagéré les conséquences de la sentence. Les juges, en effet, n’ont condamné, dans le magnétisme animal, que la cause hypothétique dont on le faisait naître, le fluide magnétique ; mais ils ont reconnu et admis la plupart des faits, dont ils ont même cherché à donner une explication naturelle, exclusivement physiologique. Ils n’ont d’ailleurs point statué à l’égard des faits les plus extraordinaires, que l’observation n’a signalés que plus tard, et qu’on n’avait pu, par conséquent, soumettre à leur jugement.

Les médecins repoussent le magnétisme animal, parce qu’il est tombé dans le domaine de l’empirisme, et est devenu la panacée des charlatans. On ne veut pas partager une humiliante solidarité avec des hommes sans dignité, sans savoir et sans autorité. Mais ne peut-on examiner une doctrine sans se préoccuper de l’indignité de ceux qui la prêchent ? Ne peut-on laisser les charlatans pour ce qu’ils valent, les sibylles pour ce qu’elles sont, et aller dégager les vérités importantes et curieuses qui se mêlent à leurs rêveries et à leurs mensonges ? Derrière la fausse science, il y a, je ne crains pas de l’affirmer, une science réelle ; au milieu des superstitions et des extravagances, il y a des faits extraordinaires, des facultés étonnantes, de véritables merveilles.

Sans doute on trompe indignement les hommes ; on produit, sous le nom de phénomènes magnétiques, des bouffonneries ridicules, des égarements puérils ou astucieusement calculés ; le magnétisme animal fait chaque jour des dupes, quelquefois des victimes ; mais n’en est-il pas ainsi de toutes les branches de la médecine ? Quelle est celle qui ne soit à chaque instant, sous nos yeux, un moyen de captation et de fraudes ?

Beaucoup de savants rejettent les faits magnétiques, parce qu’ils sont, disent-ils, contraires aux lois de la nature. Mais il est sensible qu’un tel anathème ne serait légitime qu’autant que nous connaîtrions entièrement toutes ces lois. Nous sommes bien éloignés d’un tel savoir ; nous appelons lois de la nature quelques règles, quelques maximes qui nous servent à résumer nos connaissances bornées ; mais nous n’avons, en réalité, soulevé qu’une bien faible partie du voile qui couvre les mystères qui nous entourent de toutes parts ; et il y a sans doute bien des secrets cachés dont la révélation nous causerait de vives surprises, et modifierait beaucoup les prétendues lois que nous avons assignées aux phénomènes naturels.

Est-ce une objection philosophique, celle qui consiste à rejeter des faits parce qu’on ne peut pas les expliquer ? Il faudrait donc rejeter toutes les sciences humaines ; en effet, si l’on excepte les mathématiques pures, qui sont les seules sciences susceptibles d’explications véritables, parce que les fondements sur lesquels elles reposent ne sont que des créations de l’esprit, sans réalité dans la nature, et qui servent de base à un enchaînement logique de déductions rigoureuses, on peut dire que toutes les autres sciences, dont l’objet est réel, ne se composent que de faits, que l’on observe, que l’on constate et que l’on distribue dans un ordre méthodique, sans en expliquer un seul. Les théories ne sont que des formules qui, sous une expression générale, et par des abstractions se subordonnant graduellement les unes aux autres, résument et condensent, si l’on peut ainsi dire, le plus grand nombre possible d’observations. Une chose est expliquée dans les sciences naturelles, quand elle est aperçue nettement, distinguée de toutes les autres, et placée dans un ordre qui en met en relief les connexions, le caractère et l’importance. Nous ne pouvons jamais que constater les faits ; mais leur nature, leur essence intime, le mécanisme des causes premières, tout cela échappe à l’esprit. Comprendre et expliquer, dans l’étude de la nature, c’est voir, sentir, toucher ; c’est encore saisir les rapports que l’esprit aperçoit entre les faits. L’erreur tient aux observations mal faites, l’ignorance à celles qu’on ne fait pas, ou qu’on ne peut pas faire ; l’erreur tient encore aux vaines et douteuses suppositions que l’imagination substitue aux rapports réels des choses. Il n’y a, sous ce rapport, aucune différence entre les sciences naturelles et les sciences morales ; celles-ci ne sont, comme les premières, que des collections de faits observés, dont l’esprit constate la réalité, sans jamais pénétrer ni leur mécanisme ni leur nature. C’est dans le monde extérieur, dans les phénomènes qui frappent les sens, que l’esprit trouve les principes des sciences naturelles ; c’est en lui-même, c’est en se repliant et en se concentrant sur ses propres facultés, qu’il trouve, par une délicate et savante analyse des éléments qui le constituent, les principes des sciences morales. Le magnétisme animal, par la nature des phénomènes dont il se compose, comme par ses causes ou ses conséquences, touche à la fois aux sciences naturelles et aux sciences morales, et réclame le même genre d’études. Observons attentivement les faits magnétiques, comme tous les autres ; tâchons de nous soustraire à toutes les causes d’erreur ou d’illusion ; mais quand les faits sont certains, ne refusons pas de les admettre parce que nous ne pouvons ni concevoir leur origine, ni les suivre dans leurs évolutions capricieuses ; un fait certain ne doit pas être rejeté, quoiqu’il soulève des difficultés dont on n’entrevoit pas la solution possible. C’est, dans la chaîne des vérités, un anneau détaché dont on trouvera peut-être ultérieurement les connexions naturelles. On a fait souvent les plus brillantes applications, on a quelquefois fait sortir des sciences entières d’une humble observation qui n’avait d’abord excité que le doute ou l’étonnement, et dont on était loin d’attendre de telles merveilles.

Il y a des phénomènes magnétiques que nous ne pouvons concevoir ; nous hésitons à les croire ; ils nous font l’effet de prodiges. Mais si nous voulions réfléchir beaucoup de choses, nous verrions que les miracles n’appartiennent pas exclusivement au magnétisme animal. Le monde moral et le monde matériel lui-même sont remplis de merveilles inexplicables et incompréhensibles. L’habitude émousse nos surprises ; nous admirons sans étonnement ; mais on peut dire que tout est miracle pour nous dans la nature. L’œil qui voit, l’oreille qui entend, la pierre qui tombe, le grain qui germe, l’attraction, le mouvement, la vie, le sentiment, la pensée, tout, jusqu’aux plus humbles actions de la matière vivante ou animée, reste pour nous à jamais inexplicable et incompréhensible.

Ne rejetons donc pas les faits magnétiques quand ils sont certains. Ils ne nous étonnent que parce qu’ils se présentent à nous accidentellement, dans des conditions et sous des formes insolites et indéterminées. Admettons-les, s’il ne nous reste aucun doute dans l’esprit ; nous ne pouvons pas les expliquer, mais nous les voyons. Pourquoi nous en rapporterions-nous moins à nos sens qu’à notre esprit ? Les sens, dans l’ordre légitime de leur action, n’ont pas moins d’autorité que la raison. Tout consiste, dans le magnétisme animal, comme dans tout autre objet d’études, à voir nettement, évidemment, indubitablement les choses ; rien ne peut faire que ce qui est ne soit pas.

Qu’est-ce que le magnétisme animal ? Il est difficile de résumer dans une définition tous les éléments constitutifs d’une science qui pour les uns n’est qu’une chimère, et qui pour les autres renferme le dernier mot de l’esprit humain sur toutes choses. Il faudrait, pour être entendu de tout le monde, parcourir tous les termes qui séparent le néant de l’infini. N’essayons point de définir le magnétisme, mais examinons attentivement et sans prévention les faits qui lui servent de base ; nous arriverons à lui par le chemin de la vérité. Fermons l’oreille aux vains bruits qui circulent dans la foule. Laissons là le doute et la raillerie, la foi aveugle et l’enthousiasme aux folles ardeurs. L’opinion est, dit-on, la reine du monde ; mais dans l’empire de cette reine fantasque et légère la vérité ne marche qu’avec la fable. Nous ne trouverions dans le monde qu’un mélange confus de réalités et de chimères. On nous parlerait sans cesse de miracles, et le moins étonnant pour nous ne serait pas l’éternel miracle qui se montre là sous toutes les formes, et qui prouve qu’il n’y a rien de si absurde qu’on ne trouve quelqu’un pour le dire et quelqu’un pour le croire.

La maxime célèbre de Descartes, le « doute est le commencement de la vérité, » n’est peut-être pas applicable à l’étude du magnétisme animal. Dans une matière où les choses ne se montrent souvent qu’accidentellement et sont soumises à des lois qui semblent tenir du caprice, cette maxime peut conduire prématurément et à tort à l’incrédulité. L’enthousiasme a plus d’inconvénients encore ; il désarme la raison, rend crédule et mène aux extravagances et aux illusions. Il vaut mieux s’inspirer du symbole de la table rase et arriver à l’étude du magnétisme, sans idées préconçues, sans prévention, sans parti pris. Il faut mettre ses sens en garde, mais ouvrir impartialement à la vérité l’accès de son esprit.

CHAPITRE IIDéfinitions diverses du magnétisme animal – Mesmer et ses successeurs

Mesmer et ses successeurs n’ont point tous attribué le même sens au mot magnétisme et n’ont point professé une doctrine uniforme.

Mesmer admettait un fluide magnétique répandu dans toute la nature, principe général du mouvement et de la vie des êtres ; il lui attribuait l’universalité, l’omnipotence et l’ubiquité. C’était, sous une autre dénomination, l’âme du monde des anciens philosophes, l’esprit général de vie des alchimistes du Moyen Âge, le dieu du panthéisme. Mais il admit en outre que le fluide magnétique ne devenait le principe de vie de chaque être, que par l’effet d’une modification que lui imprimait le moule matrice de l’organisation ; cette modification variait en raison de l’espèce, du rang et de la destination finale des êtres ; il appela magnétisme animal le fluide magnétique modifié par le moule matrice de l’homme. Le fluide nerveux ou vital n’est donc, dans cette doctrine, que le fluide magnétique modifié. La modification du fluide général rend raison de la spécialité de chaque existence et l’origine commune de chaque fluide explique les rapports de chaque être avec la création tout entière. La science du magnétisme mesmérien devrait, pour n’éluder aucune des conséquences de ses définitions, comprendre la science générale de la vie de l’homme et des autres êtres organisés, sous tous les rapports que la vie de chaque être supporte avec la vie universelle.

Après Mesmer, on a ramené le magnétisme à des proportions moins ambitieuses. Sans dépasser le sens étymologique du mot magnétisme et les analogies empruntées aux propriétés de l’aimant, on n’a plus vu dans les phénomènes magnétiques que les effets d’une force unique qui attire ou repousse ; le magnétisme n’a plus été que la théorie de l’attraction et de la répulsion, qui deviennent antipathies ou sympathies, haine et amour, chez les êtres animés, sensibles et intelligents.

D’autres ont limité l’application du magnétisme à l’interprétation de certains actes insolites et inexplicables de la vie, qui ne peuvent rentrer dans le cercle des théories physiologiques ordinaires. Le magnétisme n’est pour ceux-ci que la théorie du somnambulisme et des actions vitales qui se transmettent à distance, sans intermédiaires appréciables.

D’autres, ne voulant point reconnaître aux phénomènes magnétiques des causes humaines ou matérielles, quittent la terre et se lancent dans le monde des esprits. Le magnétisme devient un mysticisme qui a pour objet soit des actions directes de l’âme humaine, soit l’intervention surnaturelle des anges ou des démons.

Viennent enfin les incrédules, qui ne veulent admettre ni le magnétisme, ni aucune des explications que l’on en donne, soit qu’on les emprunte à la science de la vie, à un fluide inconnu ou à un mysticisme imaginaire.

On voit par la diversité de ces définitions, que l’étrangeté des phénomènes du magnétisme animal et le caractère insaisissable et incompréhensible des actes du somnambulisme ont toujours découragé ou exalté l’esprit. On a été incrédule ou enthousiaste, et, par l’effet de cette double exagération, on s’est éloigné en sens contraire de la vérité. Les uns refusent de croire des choses qui se montrent clairement aux sens ; les autres exagèrent ou dénaturent des faits réels et certains, et plus souvent encore, les attribuent à des causes arbitraires ou chimériques.

CHAPITRE IIIAux incrédules

La science magnétique n’existerait pas, et les phénomènes magnétiques ne seraient que de pures rêveries, si l’on ne devait jamais admettre que les choses que l’esprit conçoit nettement et peut démontrer. Mais il ne faut point confondre l’existence avec la raison des choses. Nos sens nous révèlent plus de réalités que notre esprit ; et il s’en faut de beaucoup que tout ce qui est soit intelligible. Nous verrons, dans l’étude du magnétisme, beaucoup de phénomènes dont il nous sera impossible de nous rendre raison ; mais nous les verrons clairement, indubitablement. Nous serons bien forcés de céder au témoignage de nos sens. Rejeter des faits parce qu’on ne peut pas les expliquer, qu’est ce faire, sinon s’insurger contre soi-même, et mettre en conflit les facultés de l’esprit ? Pourquoi les sens et la conscience auraient-ils, dans l’ordre légitime de leur action, moins d’autorité que la raison ? On a vainement et trop longtemps parlé des illusions des sens ; les sens ne nous trompent jamais ; nous sommes toujours parfaitement certains des nouvelles qu’ils nous apportent ; c’est la raison qui nous trompe et qui juge mal ces nouvelles ; c’est la raison qui applique mal au rapport simple et vrai des sens, les artifices qui lui sont nécessaires, l’induction ou la déduction. On ne voit pas, on ne sent pas l’erreur, mais on l’induit ou on la déduit.

Il est donc raisonnable d’accorder aux sens autant d’autorité qu’à la raison, et de croire ce que l’on voit aussi fermement que ce que l’on comprend. Nous verrons dans nos études magnétiques, d’éclatants exemples qui viendront justifier cette maxime. Mais, disent les incrédules, il y a des choses impossibles, absurdes, contraires au bon sens, comme à tous les principes, et il en est ainsi de ce qu’on raconte du magnétisme et du somnambulisme. On ne peut pas croire de semblables choses. J’admets qu’il y a des choses absurdes et impossibles, mais ces choses-là ne se révèlent pas plus aux sens qu’à l’esprit. Quant à la question de savoir ce que l’on doit admettre ou rejeter dans le somnambulisme et le magnétisme, c’est une simple question de fait. Il ne faut, pour la juger, que de l’attention, du bon sens et de la bonne foi.

Il n’y a peut-être qu’un seul cas dans lequel on puisse légitimement repousser des faits allégués, sans même vouloir les vérifier ou les voir. Il ne suffit certes pas, pour le faire, que ces faits soient nouveaux, qu’ils nous semblent étranges et incompatibles avec des théories admises. Mais il suffit qu’ils ne puissent s’accorder avec les principes qu’on peut appeler absolus. Il y a dans toutes nos sciences, dans toutes nos connaissances, deux ordres de principes : les uns ne sont que des formules qui résument et condensent sous un terme plus ou moins général ce que nous avons induit ou déduit de l’observation ; ils ne contiennent que ce que nous avons mis en eux, c’est-à-dire cette seule partie de la vérité que nous avons pu arracher à la nature. De tels principes n’ont point évidemment une autorité suffisante pour nous donner le droit de rejeter des faits qui leur seraient contraires. Ce ne sont que des espèces de jalons placés sur la route des sciences et marquant des points mobiles, que peuvent déplacer le temps et le progrès. Mais il y a d’autres principes, invariables, absolus, que nous n’avons ni induits ni déduits, que nous n’avons pas faits, qui nous ont été, en quelque sorte, révélés par la raison, et qui se confondent, si l’on veut, avec les lois fondamentales de l’intelligence. Ces principes, rien ne peut les changer, les amoindrir, les atteindre. Si l’on allègue des faits magnétiques ou autres qui en impliquent la négation ou même la plus simple modification, rejetez-les hautement a priori, sans examen, sans scrupule. Vous êtes en face de l’erreur ou de l’imposture, repoussez-les sans les entendre ; vous avez, pour le faire, mission de la raison ; vous êtes armé par la vérité elle-même.

CHAPITRE IVThéories magnétiques – Du fluide magnétique – Des impondérables

Les incrédules ne sont peut-être pas les plus grands ennemis du magnétisme. On est moins loin de la vérité quand on la nie que si on la défigure. Rien ne blesse plus les esprits droits que cette ardeur enthousiaste qui porte à exagérer toutes choses, et dont on trouve tant d’exemples dans les annales du magnétisme animal. Il y a partout, à côté d’un miracle, une raison qui l’explique. Le fluide magnétique est le principal ressort de la logique en vogue dans l’interprétation du magnétisme animal ; mais attribuer les faits à une cause incertaine et plus obscure qu’eux-mêmes, c’est donner le change à l’esprit, ce n’est pas le convaincre. Quelle que soit l’autorité de Mesmer et l’assurance de ses successeurs, nous ne savons point s’il y a, dans la nature, un fluide magnétique. Nous savons bien qu’il y a dans l’homme un principe de vie, et que ce principe semble résider plus particulièrement dans le système nerveux ; mais, qu’on l’appelle fluide nerveux ou autrement, nous n’avons aucune idée ni de sa nature, ni de ses propriétés, ni de son mode d’action. Il ne tombe ni sous les sens ni sous la conscience ; la nécessité de son existence, induite ou déduite des faits observés, s’impose à la raison, mais uniquement et exclusivement sous la notion vague de force inconnue. Il ne faut point s’aveugler sur la portée de l’esprit ; il n’y a pour nous, dans l’étude du magnétisme comme dans celle de la vie en général, que des réalités phénoménales, et toutes nos explications consistent à saisir et à classer leurs rapports. Dans l’ordre purement mécanique, l’esprit n’abandonne point la filiation des choses, et nous nous faisons une idée assez nette des relations de cause et d’effet : nous expliquons véritablement. Mais, dans l’ordre vital, ces relations de cause et d’effet nous échappent, et toutes nos explications physiologiques et magnétiques consistent à décrire et à nommer les choses : nous ne les expliquons pas.

Il ne faut pas se laisser séduire par la pompe et le bruit de ce grand mot de fluide magnétique universel introduit dans la science. On dit que c’est un impondérable qui est à la vie ce que plusieurs autres sont à la nature ; mais que sont les impondérables ? – Il y a aujourd’hui quatre principes impondérables admis dans les sciences physiques : le principe électrique, le principe du magnétisme terrestre, le calorique et le fluide lumineux. La science moderne a démontré l’identité de nature des deux premiers, et elle a signalé entre les deux derniers des analogies et des modes d’action tellement similaires, qu’on est en droit de soupçonner qu’ils ne sont que deux modes d’être ou deux formes distinctes d’un même fluide. On entrevoit en outre des découvertes possibles qui permettront de rapprocher les quatre principes et de les considérer comme des émanations ou des modifications d’un principe unique, d’un éther universel. C’est l’ancienne conception hypothétique de la philosophie ; c’est l’âme du monde retrouvée par la physique expérimentale et élevée à l’état de probabilité scientifique. Veut-on voir là le fluide magnétique mesmérien ? Ce serait réduire le magnétisme à prendre son point de départ là où la physique moderne ne se permet encore qu’une conjecture et un soupçon. Il y a un cinquième principe impondérable, c’est le principe de l’attraction universelle. Je ne sais pourquoi l’usage a prévalu de considérer cette grande force comme une simple propriété de la matière. Elle n’a ni plus ni moins de titres à l’impondérabilité que les quatre impondérables précités ; comme eux, elle est inconnue dans sa nature et ne se révèle que par ses effets. Nous ignorons si l’attraction est une propriété inhérente à la matière, si elle est l’effet d’un principe substantiel incorporé à la matière, si elle est, parmi les causes créées, cause première ou secondaire. Mais nous pouvons autant en dire de toutes les autres forces impondérables. Nous ne savons de l’une que ce que nous savons de l’autre, Qu’il s’agisse de l’électricité, de l’attraction, du magnétisme, nous pouvons poser les mêmes problèmes sans varier les termes. Nous nommons quelques impondérables fluides, bien que nous ignorons la nature de tous. L’attraction, l’électricité, le principe magnétique agissent à distance, sans intermédiaires connus. Ce mode d’action, étranger aux substances terrestres, nous étonne. Mais qu’y a-t-il d’étonnant à voir de nouvelles formes ou de nouveaux modes d’action, dans un monde nouveau ? C’est pourtant un écueil contre lequel s’est longtemps brisée la célèbre théorie de l’attraction. On ne s’est pas facilement résigné à admettre l’attraction comme cause première dans l’ordre mécanique. On la repoussait sous le nom de cause occulte, et on hésitait à croire à des actions exercées à distance sans intermédiaires appréciables. On chercha longtemps la cause de cette cause, et on imagina un fluide gravifique, qui était à la fois principe de l’attraction et médiateur entre les corps qui s’attirent ; mais ce fluide est rentré dans le tombeau des hypothèses inutiles, qui attend peut-être le fluide magnétique.

Le principe de la vie est bien à l’ordre vital ce que le principe de l’attraction est à l’ordre matériel ; l’un produit et régit la vie, comme l’autre le mouvement ; mais il y a cette différence entre les effets de l’attraction et les actions vitales, que nous savons mesurer, calculer, prévoir les uns, tandis que les autres échappent à toute règle et à toute mesure, l’empire de l’attraction est soumis à des lois uniformes et savantes que le génie de l’homme a pénétrées ; dans l’empire de la vie, au contraire, tout est pour nous anarchie, incohérences, mystères. Toutefois il n’est point impossible que l’on parvienne à découvrir quelque principe impondérable qui nous permette de démêler tant d’actions confuses et compliquées. On se souvient des vives espérances que fit naître la découverte du galvanisme ; on crut qu’on allait enfin mettre à nu les plus intimes secrets de la vie ; mais toute illusion à cet égard s’évanouit, quand on vit que le principe galvanique n’était qu’un nouvel excitant vital. Une espérance déçue ne doit point amener le découragement. Nous ne connaissons pas toutes les propriétés de la matière ; elle renferme probablement, dans les profondeurs de son essence, plusieurs nouveaux principes impondérables dont nous n’avons aucune idée. L’observation, le temps, le hasard, un artifice expérimental heureux, peuvent nous révéler quelques propriétés nouvelles, ou des principes inconnus qui nous ouvriront des jours nouveaux. Qui eût jamais pu prévoir qu’un morceau d’ambre ou de verre frotté serait le point de départ d’une science merveilleuse ? La découverte d’un impondérable peut agrandir pour nous le champ de l’existence, comme le ferait un nouveau sens. Il n’y a pas moins de merveilles dans la science que nous avons fait sortir du principe électrique, que dans la science des sons, que nous devons à un de nos sens naturels. Qui sait si tous les mystères de la physiologie et du magnétisme animal ne tiennent pas à l’ignorance d’un seul terme, comme toute harmonie serait brisée par l’absence d’une seule note ?