Le mesnil au secret - Jean-François Crocis - E-Book

Le mesnil au secret E-Book

Jean-François Crocis

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Beschreibung

Le mesnil au secret fait suite à L’enfant de l’herbage qui n’est autre que « Lui » dans ce nouveau texte. Elle et Lui vont se découvrir, dans la sagesse du mythe, sur le mur de ce mesnil comme dans le grand livre à images de leurs deux garçons. Trois destinées en une seule. N’est-ce pas tout simplement celle de tout homme ? Dans ce livre, les trois genres majeurs de la littérature se retrouvent réunis pour ne former qu’un. Il s’agit d’un ouvrage où les images sont des poèmes et où les dialogues sont ceux du théâtre.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Jean-François Crocis est professeur de lettres classiques à la retraite. Il anime depuis quelques années un atelier d’écriture dont l’essence même est la poésie. Il est l’auteur de L’enfant de l’herbage, publié par Le Lys Bleu Éditions en 2021.

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Seitenzahl: 58

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Jean-François Crocis

Le mesnil au secret

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean-François Crocis

ISBN : 979-10-377-6949-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Nanou,

À nos enfants, Julien, Natassia et Augustin,

À notre petit-fils, Anatole.

Chapitre I

Rigide et froide dans sa main, la clé ! Infiniment lentement, infiniment doucement, elle lui semble glisser, se lover, enfin se mouvoir. Est-ce la souplesse de sa chair qui lui confère cette vie muette ? Il ne sait ! Et c’est tendrement enlacés, elle et lui, qu’ils vont insérer ce sésame dans la serrure de la vieille porte aux carreaux noircis par les années. De leurs deux mains amoureusement nouées, ils tournent la page de leur nouvelle et très ancienne demeure. La frêle frontière roule sur ses charnières grinçantes. Ils descendent une marche et entrent dans une salle où la lumière diaphane joue avec les toiles d’araignée qui pendent en drapés flottant langoureusement à l’air frais qui pénètre. Devant eux, une grande cheminée à l’âtre sombre du feu éteint depuis si longtemps.

ELLE : Regarde, nous ne sommes pas chez nous, nous sommes chez elle !

Lui se retournant promène son regard : il cherche celle qui…

Avançant presque à tâtons, ils écrasent de leurs pas les restes d’une autre vie. Dans le silence, ils attendent émus et impatients. Ils se savent observés. Nul être ne semble vivre ici et pourtant… Une sourde inquiétude mêlée de curiosité les envahit. Ils n’ont pas peur, ils attendent mais ils ne savent quoi.

Là, quatre paires d’yeux les fixent, immobiles. Noire et tapie dans l’angle du mur et de ce plafond aux poutres et solives taillées par quelque bûcheron lointain, elle est en ce lieu ! Sombre et silencieuse gardienne de cette vieille bâtisse. De ses huit pattes, elle s’accroche, semblant léviter dans ce monde étrange. La voilà donc cette fille de légende, cette « Arachné ». Elle songe :

Dans une aube embrumée, aux diaphanes lueurs,

La brise de la nuit, au-dessus de l’abîme,

Telle une poussière me balance à la cime

Courageuse ouvrière aux terribles labeurs.

La nocturne rosée lentement déposée,

D’une main céleste sculpte mon ouvrage,

Traînes de mariées à la blancheur sage,

En lambeaux déchirés, par le vent emportés.

Si chétive et si frêle, sévèrement punie.

Oh puissante Déesse, ton châtiment cruel,

Vindicte jalousie, ton outrage éternel,

Si folle inconsciente, naguère m’ont avilie.

Dans le labyrinthe, toi, fille de Minos,

Profitant de mon fil, Athènes tu sauvas.

Cruelle destinée, ton amant te laissa

Trahissant l’hyménée, repoussant vos noces.

Telle une condamnée, aux recoins des chaumières,

Agissant en silence, j’orne de dentelles

Pierres aux murs dressées, à l’abri des poutrelles

De petite condition à jamais prisonnière !

Ils savent enfin de qui ils sont la proie dans ce silence moins pesant. Ils sont conscients qu’en accrochant à leurs cheveux les dentelles qui pendent du plafond, de leur hôte ils ont détruit l’ouvrage.

Le torchis recouvert de plâtre cache, sur les murs, les pierres. Là où s’accroche la noire araignée, l’enduit a disparu laissant apparaître dans la pâle clarté une blessure où l’on devine un morceau d’assemblage que d’anciens maçons ont érigé à la force de leur corps. Dans l’immobilité profonde des deux humains qui la fixent, elle détache lentement de sa masse velue et sombre une patte aux segments rigides comme un bras mécanique… Puis, une autre… Elle s’assure de ses huit yeux que les statues ne bougent plus. Alors infiniment lentement elle commence à avancer dévoilant sous elle une tache noire sur la pierre calcaire à la blancheur salie. Elle va se réfugier dans la profondeur d’un interstice formé par le mariage d’une poutre et d’une solive.

Toujours silencieux, ils se regardent, étonnés face à la marque verticale et noire de suie. Se prenant par la main, ils avancent pour mieux voir. Le relief de la pierre semble souligner les formes d’une longue silhouette.

ELLE (Susurrant tout bas) : Tu la vois ?

LUI : Je ne sais. Il fait si sombre et plus nous approchons plus nous cachons la lumière.

ELLE : Regarde ! On dirait une femme !

LUI : Le hasard a forgé ici la blancheur grise de la pierre et la noirceur de la suie pour former l’image de nos yeux !

Ainsi, devant eux :

Une femme allait dans le vent de la rue,

Telle une ombre en sa noire silhouette

Sa robe, triste et sombre, dessous la houlette

Du passeur de vie, troublait leurs yeux à sa vue.

De ses pieds menus, elle cheminait à petits pas.

Seule dans le songe profond de son malheur.

Son regard immobile n’était que douleur,

D’alentour, elle ne voyait qu’un souvenir las !

Tout n’était qu’ombres fuyantes le long d’elle.

L’hiver recouvrait les couleurs de ses ailes.

Si blanche semblait la place dans la brume.

Comme un noir oiseau de nuit qui le soir hume

La froideur glaçant les âmes sans offense,

Elle marchait tenant le poids de sa conscience.

Chapitre II

Immobiles tous les deux, ils scrutent le mur à la recherche de l’image à leurs yeux disparue. Lentement la lumière du jour a fait place à la clarté violente de la pleine lune qui traverse de ses rayons les carreaux noircis de la fenêtre. Et face à eux se détache sur le mur blanchâtre leur ombre. Ils se voient ainsi comme un dessin sur le plâtre nu. Un traître nuage les plonge alors dans une obscurité profonde. Ils se prennent la main et doucement leurs doigts se caressent. La force du vent pousse au loin la noirceur et lorsqu’apparaît à nouveau Séléné, leur ombre s’est détachée d’eux et dessine là deux êtres à la tête penchée comme des orants. Au loin sonne une cloche. Pour eux, leur foi s’est arrêtée à l’enfance. Ils ne croient plus et, surpris, regardent leur image reflétée qui murmure tout bas :

Au crépuscule, dans le lointain village,

Vient du clocher l’annonce de la prière.

L’instant se fige en un simple partage.

La vie s’interrompt dure comme la pierre.

Au son de l’Angélus s’allongent les ombres.

Lui, plein de piété regarde ainsi la terre.

Elle, le front penché, voit la nuitée sombre.

Tous deux, dans le silence prient Dieu le Père.

Dans leur aussi profonde immobilité,

Le soir les plonge dans leurs si douces pensées.