Le règne du sang - Tome 1 - Marie-Léa Pacchieri - E-Book

Le règne du sang - Tome 1 E-Book

Marie-Léa Pacchieri

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Beschreibung

Quelqu’un a tenté d’assassiner Darius. Quelqu’un qui connaîtrait les secrets de son arrivée au pouvoir et les raisons qui le poussent à haïr Lazare.

Génesys voit là enfin l’occasion de trouver sa place au Manoir en déjouant le complot qui vise son père. Mais en déterrant les vieux secrets de famille, la Quatrième ne risque-t-elle pas d’être la dupe d’une plus vaste conspiration ?


À PROPOS DE L'AUTRICE

Marie-Léa Pacchieri - Écrire est un besoin depuis l’enfance. Selon elle, le roman permet d’explorer la complexité des relations humaines à travers le voile de la fiction. Tout livre contient une espèce de vérité qu’il est inspirant de percer à jour.

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Marie-Léa Pacchieri

Le Règne du Sang

Tome I - Deuxième Partie

« Et rien d'étonnant : Satan lui- même

se déguise bien

en ange de lumière. »

II Corinthiens 11:14

Évangile apocryphe

Il était tombé face contre terre pour prier alors que ses disciples, alourdis par les reliefs de leur repas, s’assoupissaient, vaincus par l’excès du vin et les plaisirs de table. Deux fois encore après il avait posé un genou sur le sol, psalmodiant les mêmes paroles, s’enjoignant au courage. Car il était le fils de l’Homme et il mourrait comme un homme.

Seul Judas Iscariote ne trouvait pas le repos. Il avait marché toute la nuit, sitôt le banquet quitté. Et était revenu au point du jour, accompagné d’une bande armée dans le jardin de Gethsémani. Les trente pièces d’argent tintaient au fond de sa poche.

Au son des pas se rapprochant, Pierre, Matthieu et Jean et tous les autres sortirent de leur torpeur. Pourquoi leur frère venait-il vers eux, le glaive à la main ?

Le douzième apôtre s’approcha de Jésus et lui donna un vif baiser sur la joue.

- Allez, fais ta besogne, ami.

Il savait, depuis le début.

Alors, la troupe frappa Jésus et l’emmena. Rien ne les en empêcha – pas même l’un de ses compagnons qui faisait de grands moulinets avec sa courte épée. Il ne réussit qu’à trancher l’oreille d’un des suiveurs. La foule s’excitait autour d’eux.

- Range ton glaive et quitte l’oliveraie ou tu seras livré comme complice, suppliait le Christ. Vous tous, partez.

Ses condisciples l’abandonnèrent. Pierre, lui, l’accompagna un bout de chemin avant de prendre la fuite, lui aussi. Seul le fidèle Judas le suivit jusqu’au bout de la nuit.

Et il finit par voir que son frère saignait. Comme il aurait pu lui- même saigner. Et il vit les souillures qui coulaient le long de ses membres transpercés en flots sombres et menaçants. L’odeur infecte qui suppurait de ses plaies – celles de ses chairs déchirées. Jésus hurlait. Il n’avait rien d’un demi-dieu. Juste d’un homme à l’agonie.

Qu’avait-il fait ? N’était-ce pas ce qu’il désirait ? N’avait-il pas rendu cela possible ? N’était-il pas un traître nécessaire pour exaucer la parole du  Christ ?

Pris de remords, il supplia les prêtres d’échanger ses pièces contre la liberté du condamné.

- Qui vend un ami pour le prix d’un esclave supportera le poids des regrets.

Judas ne voulait pas entendre son dernier râle. Pas après ce qu’il avait fait. Avant le chant du coq, il se pendit dans le jardin de Gethsémani.

Mais Dieu ne lui permit pas le repos. Son corps n’était de la viande pour les corbeaux que le jour. Dès que le soir tombait, il se balançait à la corde, l’âme pesant plus lourd qu’un tonneau rempli d’or. Il revivait chaque nuit sa trahison.

Évangile apocryphe

VIII - Le Baiser du vampire

Novembre 1689

Chapitre XXXV

Fière de ses nouvelles fonctions, Génesys ne tarda pas à tenter d’asseoir sa position au sein du clan. Le climat de peur dans lequel s’enfonçait sa maisonnée n’y était pas étranger. Darius lui laissait carte blanche pour gagner sa confiance et doubler Davys, mais surtout pour éliminer le mystérieux empoisonneur.

Sitôt Trevor transporté ailleurs, alors qu’il se vidait encore de tout son sang – les muscles de ses joues fondant sous sa peau écailleuse, la Quatrième et ses pairs avaient rattrapé la servante qui les avait servis, hagarde. Elle se promenait au rez- de-chaussée, l’air égaré.

- Pénélope, tu es toujours parmi nous ?

Génesys avait sauté sur l’occasion et entamé un bref examen de sa conscience. Rien. L’humaine était vidée. Seule une image répétitive trottait dans son cerveau effacé : elle distillait généreusement le poison dans le breuvage, puis frottait l’argenterie d’un geste mécanique.

- Sève millésimée, sève millésimée ! répétait-elle de façon cyclique dès qu’on l’interrogeait.

Elle se remémorait l’expression horrifiée de Davys, sous sa frange blonde, quand la coupable fut escortée dans sa cellule.

Exaltée suite à ce nouvel objectif, elle ne put s’empêcher de partager ses ambitions avec la toujours plus morose Solenn :

- Comme tu veux, lui avait répondu celle-ci sans réaction, apathique.

Ce jour-là, Génn était d’humeur bavarde.

- Il faut le faire tomber d’une manière ou d’une autre. Peu importe comment ; la fin justifie les moyens… Tu pourrais même faire partie du projet, suggéra-t-elle poliment sans attendre d’objection, tu me serais bien plus utile là-bas, dehors, qu’emmurée vivante ici.

Soudainement, la langueur de sa suivante s’atténua.

- Tu as eu l’autorisation de quitter le Manoir ?

- Oui et tu pourrais goûter l’air frais avec moi, se satisfaisait sa maîtresse sans lui donner l’impression qu’elle lui faisait un cadeau. Je ne t’obligerai pas à m’assister dans mes expériences : tu pourrais chasser, exercer et profiter de tes nouvelles facultés…

- Je pourrais même rendre visite à mes parents. A Rozvan.

La digne fille de Darius parut consternée.

- Rien qu’une fois ! s’empressa de compléter une Solenn ravivée par ce qu’elle venait d’entendre. Cette envie me démange depuis quelque temps ; je ne me présenterai pas forcément à eux… je voudrais juste voir leur visage, essayer de me rappeler ma vie d’avant, ce que cela faisait d’être une petite fille ordinaire. Et puis, je me souviens avoir eu des frères : ils ont dû grandir. Je n’arrête pas de me demander à quoi ils peuvent bien ressembler maintenant...

Génesys se racla la gorge.

- Ne sois pas déçue, mais il faudrait que tu sois accompagnée bien sûr, tu sais à quel point c’est dangereux par ici… Le second de mon père, Trevor, l’éclaira-t-elle, vient d’être empoisonné. Il y a fort à parier que ce soit en réalité Darius qui était visé…

En considérant le faciès indifférent de Solenn, Génesys s’interrompit.

- Je ne te demanderai qu’un service en retour.

- Lequel ?

La jeune Transylvanienne ne cachait pas son désappointement. Bien que sa compagne se soit déplacée pour parler d’elle, il lui semblait que c’était sa manière à elle de s’inquiéter pour sa pauvre Solenn…

La Quatrième pesait ses mots :

- Tu sais que même si j’ai déjà suffisamment exercé mes dons sur ces idiotes de nonnes, j’ai encore besoin de m’aguerrir… avec des cobayes un peu moins dociles.

- Et tu as enfin trouvé une utilité aux deux jeunes gens que tu gardes jalousement ? dit sa compagne d’une voix éteinte.

- Je veux capturer un Angelus, pépia Génesys sans l’écouter. Avec un peu de chance, je pourrais peut- être même apprendre l’emplacement d’Esmeldéa ou démasquer le traître…

Et châtier mon cousin par la même occasion pour toi, pour moi.

Toutefois, elle le tut – ne désirant pas raviver des plaies encore ardentes ou spéculer sur un projet dont elle n’avait pas encore réglé les détails…

- Ça, c’est ton but ; quels sont les moyens dont tu as besoin pour y parvenir ? débita la nouvelle recrue sur un ton plus tranchant qu’elle ne l’aurait voulu.

Génesys lécha ses lèvres :

- Tu pourrais, par exemple, convaincre l’un de tes petits protégés de m’accompagner.

- Pour servir d’appât ? Il en est hors de question !

- Écoute, tâcha d’amadouer la belle stryge au regard de jade, je ne sais pour quelle raison tu tiens si férocement à eux… mais je t’assure qu’il ne leur sera fait aucun mal. J’ai besoin d’eux vivants. Je ne ferai que tendre un piège à l’ennemi s’il est assez dupe pour y plonger ; je ne les sacrifierai pas. En plus, ils sont abandonnés depuis bien trop longtemps, seuls, dans mes appartements. J’aimerais reprendre possession de ma chambre et m’assurer leur sympathie.

- Qu’est- ce que tu comptes faire d’eux ? Comme je ne suis plus là, tant qu’à faire, tu aimerais en faire des humains de compagnie ?

- Mmh, les rendre… disons plus réceptifs à notre cause serait déjà un point de départ.

Génesys se fit plus caressante :

- Solenn… ne sois pas si susceptible, personne n’a à prendre ta place : j’ai terriblement soif et toi aussi. Les réserves de sang s’amenuisent de jour en jour à cause de l’état de restrictions dans lequel nous nous trouvons ; il serait regrettable de ne pas en profiter temporairement. On pourrait se les partager, qu’en dis-tu ? Lequel trouves-tu le plus appétissant… ?

La Transylvaine avait envie de la gifler pour lui remettre les idées en place. Au lieu de suivre ses basses pulsions, elle campa sur ses positions d’un ton monocorde :

- Aucun. Je préfère me contenter de ce que l’on me donne.

Génn soupira.

- Comme tu voudras.

- Si tu veux mon avis, n’essaie pas de convaincre Evan. Mattia est plus influençable.

Sa camarade l’embrassa sur les deux joues.

- Merci, la gratifia-t-elle d’un sourire. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.

- Tu demanderais à Andrzej.

†††

Chapitre XXXVI

N’importe quel visiteur se serait aperçu du triste état dans lequel se trouvaient Evan et Mattia. Bien qu’ils aient tiré les épais rideaux qui empêchaient habituellement la lumière du jour de filtrer, le manque de soleil ternissait leur peau. Palots, les traits tirés, débraillés et odorants à force de macérer dans les mêmes vêtements depuis leur séjour forcé au Manoir, ils perdaient foi.

Même si on leur apportait, chaque jour, une perdrix ou un faisan en guise d’unique repas, ils finiraient par se laisser dépérir. Déjà, Mattia, malgré la faim qui lui tenaillait sans cesse l’estomac, perdait l’appétit. Quant à Evan, les migraines quotidiennes l’attaquaient sans répit : le cœur battant, il n’arrivait pas à trouver le sommeil. Il pensait souvent à son inhumaine geôlière. Cette prison de confort le rendait fou.

Enfin, quelqu’un se soucia d’eux et de leur puanteur.

Deux créatures aux dents pointues entrèrent sans s’annoncer. La propriétaire des lieux, qu’il reconnut aussitôt, fronça les narines, dégoûtée – pourtant, elle choisit de ne pas faire de remarque désobligeante.

- Fermez les rideaux, ordonna Andrzej en guise de bonjour tandis qu’un faisceau éclatant agressait le duo de visiteurs.

Mattia s’exécuta. Evan crut déceler une peur paranoïaque dans les pupilles du serviteur ; il lui semblait même avoir vu sa peau rougir un instant ou roussir. Détail qu’il retiendrait.

Génesys s’avança de trois pas, l’air presque cordial. Elle portait une combinaison saillante qui épousait la moindre de ses formes. A sa garde, une courte épée. Le jeune homme eut un mouvement de recul instinctif.

- Il est inutile de me craindre, les cajola la Quatrième, vos jours ne sont plus comptés. Vous êtes sous ma protection définitive.

- Je suppose que nous devons vous remercier ?

La vampiresse s’assit sur le bout de lit capitonné – se rapprochant un peu plus du garçon qui osait soutenir son regard de braise.

- C’est inutile, je ne suis pas friande de remerciements.

Aussi vite, elle claqua des doigts. Des domestiques se précipitèrent comme une nuée de corbeaux, en apportant avec eux de l’eau tiède, des objets de toilette et des vêtements propres.

- Aimeriez-vous dîner du gibier ce soir ? en profita pour glisser Génn, langoureuse.

- Pourquoi cette sympathie si soudaine ?

Mattia ne posait pas de questions. Il observait, en retrait, de peur qu’on leur tende un piège.

- J’ai mis du temps à comprendre que nous n’étions pas ennemis. Je veux donc vous rendre ce séjour agréable.

- Vous pourriez nous être agréable en nous relâchant.

- Mmh, vous savez bien que je suis contrainte de refuser… même si je peux faire exception de quelques promenades. En revanche, Andrzej vous a obtenu ça.

- Faites-en bon usage, maugréa-t-il.

Il tendit à la plus forte tête du binôme un laissez-passer avant de s’éclipser.

- Vous pouvez vous rendre à la bibliothèque à toute heure de la journée ou profiter du patio, leur apprit Génesys.

- Y-a-t-il une contrepartie ? se risqua Mattia.

- Non, bien sûr que non. D’ailleurs, ce n’est pas la seule nouvelle. La bonne, juste en face de mes appartements, vient de déménager ses affaires : elle migre à un autre étage. Je pourrai ainsi respecter votre intimité tout en vous faisant installer près de moi. C’est plus prudent.

- M-merci.

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, accentua délicieusement la stryge en se relevant, vous saurez où me trouver. Je ne vous presse pas, prenez votre temps pour rassembler ce que vous désirez emporter.

L’opération de séduction pour obtenir ce qu’elle convoitait était lancée.

***

- Escorte-le jusqu’à la bibliothèque, j’ai besoin de rester seule un moment avec lui, décréta Génesys, sûre d’elle.

Andrzej fit la moue.

- Qu’y-a-t-il ? Mon plan ne te plaît pas ?

- Je ne leur fais pas confiance.

- Moi non plus, mais je sais ce qu’ils veulent si ardemment : la liberté. Ils ne sont que des otages de peu de valeur ici, leur situation est précaire : ils le savent et nous aussi. Puisqu’ils souhaitent la liberté, ils doivent la gagner.

- Je n’aime pas la façon dont cet Evan te regarde.

L’Ombre de Génesys se rapprochait chaque jour un peu plus d’elle. Puisqu’il était son bras droit, la Quatrième s’autorisait à lui faire des confidences et à entendre ses conseils bien souvent avisés, lui pardonnant sans mauvaise rancune son absence à Rozvan.

- Il est à l’affût de la moindre de tes réactions. Il t’étudie.

- Alors nous sommes deux et j’ai tout intérêt à mettre son ami sous mon influence.

Sa décision était sans équivoque. Furtivement, elle regagna sa chambre et écouta attentivement leur échange sans être repérée.

Quelques secondes plus tard, Evan répondait.

- Je ne sais pas lire, brava-t-il en réponse à la proposition du vampire.

Andrzej s’en sortit avec brio – même si, de toute façon, l’humain n’avait pas vraiment le choix – en le conviant à une visite de la bâtisse plutôt que de fureter dans les rayonnages de la bibliothèque. Plus les habitants du Manoir s’habitueraient à la présence de l’homme, moins leurs regards se révéleraient insistants et il se fondrait dans la masse.

La voie était libre.

La vampiresse, impatiente, réajusta sa nouvelle tenue puis sa parure : un pendentif en forme de lune enrichi d’une triade de saphirs. Sa robe grise, simple et évasée, laissait l’œil se fixer sur sa peau glabre.

Ses coups répétés ébranlèrent la porte de la chambrette.

- Mattia ? J’aimerais vous parler, prononça-t-elle sur un ton plus velouté que sa main leste.

Le jeune homme, méfiant, répondit timidement :

- A moi ? Pourquoi ?

- Parce que vous me semblez le plus raisonnable, le flatta-t-elle. Puis-je entrer un instant ? Ce ne sera pas long.

Le commerçant l’autorisa à entrer dans la loge et se força à sourire. Génesys referma la porte derrière elle, suscitant son inquiétude.

- Je préfère l’intimité des chambres.

Mattia se massa nerveusement l’arrière du crâne ; quelques plis barraient son front. Contrairement à son associé, son regard s’avérait fuyant. Il était évident qu’il vivait très mal son isolement. Ses traits juvéniles et les taches de rousseur autour de son nez accentuaient encore son manque d’assurance.

Se balançant d’un pied sur l’autre, il demanda avec effort :

- En quoi puis-je vous être utile ?

- Vous ne suivez pas vraiment avec le décor et il serait de mauvais goût de vous retenir ici contre votre gré pour le restant de vos jours, commença-t-elle pour le mettre à l’aise en pesant finement ses mots. J’aimerais donc que vous me soyez utile, un temps. Ensuite, en guise de remerciements, je vous rendrai une certaine forme d’indépendance voire une liberté totale.

Les yeux ambrés du Transylvanien pétillèrent.

- Solenn désirait vous épargner ; moi, je désire vous rendre heureux de vivre.

- Qu’aurais-je à faire pour vous ?

- Faire un choix éclairé.

Le concerné haussa un sourcil interrogateur.

- Il faut qu’entre nous les termes du contrat soient clairs dès le début. Je ne cherche pas à vous tromper : il est impossible que vous retrouviez la douceur de votre foyer à Rozvan. Jamais plus, vous ne devez y retourner.

La lèvre inférieure de Mattia, plus épaisse que la supérieure – remarqua Génesys – tremblota lorsque la sentence tomba comme un couperet. Bien qu’il la dépassait d’une bonne tête, sa grande taille ne parvenait pas à masquer sa sensibilité à fleur de peau.

- Vous comprenez, nous préférons éviter de nouvelles morts inutiles et prendre le risque que vous ne répétiez à tout votre village ce que vous avez vu ici.

Sa voix était calme, mesurée, sans une once d’agressivité ou de menace.

- Il n’était pas si doux de toute façon…

Le jeune homme ne flairait pas le mensonge. Tout ce qu’il humait, c’était le parfum floral de la Quatrième.

- Soit vous partirez en exil à Bucarest… soit, mieux, nous devenons égaux.

- Qu’êtes-vous en train de me promettre… ?

- La vie éternelle. Est- ce que cette idée te plairait, Mattia ?

Comme elle était belle, dans la simplicité de sa tenue. Et le temps n’aurait jamais d’emprise sur elle. Même s’il avait peur, il ne pouvait le nier.

- J’ai besoin de réfléchir.

- Vraiment ?

Le sourire de la stryge était communicatif.

- Voici donc ma requête : revêts l’habit de serviteur et travaille pour moi. Tu seras mes yeux et mes oreilles au sein du Manoir. Convaincs ton ami de suivre ton exemple et de s’offrir à qui le voudra pour mieux endormir leur méfiance et recueillir tous leurs secrets. Nous quitterons aussi le Manoir, certaines nuits, et j’aimerais qu’il nous accompagne. Si tu réussis, ton vœu sera déjà presque exaucé.

- Vous ne comptez pas m’emmener ?

- Cela dépendra de l’ardeur que tu mets à la tâche.

Bien sûr qu’il voulait quitter le nid. Pourtant, l’humain paraissait préoccupé.

- Qu’entendez-vous par s’offrir ? Croyez-moi Evan n’est pas un cadeau.

Sa tentative avortée de plaisanterie conféra davantage de gravité à la scène.

- Je vais être honnête : vous, les humains, vous n’avez qu’une seule chose à nous offrir.

La goule réduisit la distance entre leurs deux corps – laissant planer une sorte de voile mystérieux quant à ses intentions.

- Je vois… hoqueta Mattia.

- Je comprends ton hésitation, susurra-t-elle. Néanmoins, n’oublie pas ceci : c’est à toi que je propose le marché et tu n’en verras pas de meilleur avant bien longtemps. Voire pas d’autre du tout.

Elle le pressait par ses charmes et l’inflexion de sa voix doucereuse.

- Evan est quelqu’un de bien, contourna son camarade en tant que son fervent défenseur. J’aurais l’impression de le trahir si la proposition ne s’étendait pas à lui également.

Génn haussa les épaules.

- Alors, je mérite un supplément.

Pris au dépourvu, le jeune homme se sentait piégé. Un étau lui comprimait la poitrine : il respirait avec difficulté. Était-ce une peur panique ou la proximité qui le dérangeait ? Les cheveux noirs chatouillaient presque sa gorge.

Sans la moindre décence, la goule fixait intensément sa jugulaire.

- Je p-préférerais éviter… Ça fait mal ?

- Pas si tu es consentant.

- Et si je ne le suis pas… ?

- Je ne te violenterai pas.

Mattia inspira fort, un mélange d’excitation et de panique lui comprimait l’estomac. Une part de lui, inavouable, aspirait à assouvir sa curiosité et bien plus encore ; une autre, plus viscérale, ancestrale, l’empêchait de pactiser avec cette créature démoniaque qui le tentait.

Le petit paysan n’avait connu rien d’autre qu’une vie bien rude. Et voilà qu’une suceuse de sang lui soumettait des négociations affriolantes, qui feraient perdre la tête à n’importe qui. Il y gagnerait sa confiance, le recouvrement de sa liberté et, surtout, une éternité de plaisirs. S’enfuir pour Bucarest où une autre vie de misère l’attendrait n’était pas la part du marché qui lui plaisait le plus. Pour la première fois, il eut envie de prier.

S’il acceptait, s’il confirmait à voix haute ses envies, son âme serait vouée à la damnation éternelle. Mais, d’un autre côté, s’il vivait éternellement sur Terre, il ne subirait jamais les foudres du Tout- puissant ou de son pendant…

D’ailleurs, existait-Il seulement ?

- Je ne t’oblige pas à me répondre tout de suite. Prends ton temps… Je reviendrai.

Le jeune homme fit non de la tête et s’autorisa à porter la main de Génesys à son cou.  Mattia pensa certainement que les vampires aimaient cette partie du corps et qu’il était l’élément déclencheur de toutes leurs pulsions. L’ongle de l’index de sa visiteuse forma alors des cercles sur la peau halée du Transylvanien. Il en frissonna.

Jusqu’ici, elle n’avait touché aucun homme – seulement des jeunes effarouchées qui la fuyaient comme le diable.

Finalement, il se laissa chavirer sur son grabat, le cœur martelant son thorax. Ses membres se liquéfiaient et un froid dévorant l’empêchait de s’agiter ou de prendre les devants. Bientôt, en compensation, les lèvres charnues de Génesys parcoururent délicatement son col – moins frugalement que lorsqu’elle réservait ce sort à Solenn, préparant le commerçant à sa première morsure.

Une pointe glacée enroba momentanément son cœur.

D’un coup sec, les canines allongées mordirent la chair – éclaboussant de quelques gouttes vermeilles le nez de la Quatrième. Mattia tressaillit : d’abord de douleur. La piqûre était désagréable. Puis la créature experte piqua de nouveau et aspira presqu’amoureusement le sang chaud qui s’écoulait maintenant dans sa gorge. De sa main valide, elle agrippa l’arrière de la tête du jeune homme sans tirer sur ses boucles ; et, enfin, il se décrispa. C’était étrange mais pas dérangeant. Un fourmillement nouveau irradiait ses sens, lui arrachant un soupir à mi- chemin entre l’agrément et la plainte.

Quelques points noirs dansèrent devant ses yeux ; Génesys s’arracha à son étreinte avec un bruit de succion.

- C’est tout ?

Concentrée, elle l’aida à se relever à demi, plaçant affectueusement des coussins derrière son dos. La tête lui tournait un peu.

- J’ai quel goût ? gloussa-t-il alors que son hôte s’apprêtait judicieusement à prendre congé, déposant sur le couvre-lit deux complets de majordome et une lettre de recommandation.

- Irrésistible, lança-t-elle avec une évidente malice.

Quand sa silhouette ensorcelante eût disparu pour de bon de sa vision, Mattia alla jusqu’à douter de l’existence-même de leur entrevue. C’était bien plus commode ! Cependant, il dut très vite admettre qu’il n’avait absolument rien inventé ; il en était encore tout secoué. Le moment avait été court, mais l’émoi suscité par le baiser du vampire ravivait ses remords bien après son départ…

†††

Chapitre XXXVII

La famille de tête se rassemblait au chevet de Trevor, mimant la fébrilité de l’attente tels de véritables acteurs sur une scène de théâtre, car son sort était encore incertain. Chaque membre du Conseil venait faire une apparition, soignant ses entrées et sorties pour se faire apercevoir des autres courtisans, affectant une affliction plus exagérée que sincère.

Génesys n’exceptait pas à la règle.

Trevor gisait sur son matelas ; son visage oblong d’un blanc monacal se confondait avec la paire de draps cireux dans lequel on l’avait peloté. Son bec d’aigle lui tombait sur les lèvres et du sang séché maculait son menton pointu, reposant calmement sur sa poitrine. Ses pieds encore bottés dépassaient de sa paillasse, se détendant sur un gros coffre en bois. Un menu tressaillement agitait ses bras perfusés.

Un garde-malade couvait jalousement une soubrette, l’œil à moitié éteint, plongée dans la même léthargie que le patient. A l’évidence, elle perdait connaissance à cause de la transfusion sanguine opérée par le serviteur. Il renouvelait le sang contaminé de Trevor grâce au sien, dont la quantité prélevée l’entraînerait prochainement dans un abîme permanent.

- J’ai bien peur que ce ne soit suffisant, mademoiselle, se lamenta le soigneur. Votre ami a connu un nouvel épisode critique lors de notre premier essai… Il semblerait que… le garde-manger du Manoir ne soit presque entièrement contaminé au laudanum. L’opium contenu dans la mixture nous est toxique et… je défendrai quiconque de s’abreuver d’un homme ou d’une femme ces prochains jours.

- Comment une telle chose a pu arriver ?

- C’est un geste malveillant, à coup sûr… On essaye de nous affamer.

De l’autre côté de la cloison, deux personnes se faisaient introduire dans le boudoir aussi dépouillé que la chambre de Trevor, réduite à sa plus stricte sobriété, pour veiller le souffrant. Leur échange était houleux. Génesys colla une oreille contre le mur aussi fin que du papier mâché, identifiant l’intonation exaspérante de son cousin.

- Ça aurait pu être moi… ça aurait dû être moi, se corrigea-t-il, sa voix descendant d’une octave.

- Ne dis pas de sottises et boucle-la. Tu as l’air plus coupable qu’un coupe-jarret.

- Si mademoiselle veut bien quitter la pièce… Messire a besoin de repos.

Le guérisseur lorgnait dans sa direction, un brin réprobateur. Frustrée, la Quatrième cessa ses indiscrétions.

- Bien le bonsoir Paris, s’inclina la jeune goule.

Sa sœur lui rendit son salut, braquant ses iris vert- gris sur une collection de poignards. Elle se dirigea bien vite vers eux, occupée à tâter leur manche, feignant de les comparer. Comme son comparse, elle évitait soigneusement le regard pénétrant de sa sœur qui subtilisait sans effort des fragments de mémoire.

- Ne me souhaites-tu pas un bon jour ? réclama, mielleux, le commandant des armées.

Le timbre chevrotant de Davys avait laissé place à un ton plus onctueux. Il lui adressa même un baiser volant, gouailleur.

- Quoi qu’il arrive, il ne sera pas bon.

Génesys réduisit l’écart entre son rival et elle et se hissa sur la pointe des pieds pour l’obliger à la regarder en face. Sa main baguée saisit son visage poupin et écrasa ses joues.

- A qui appartenait cette suivante ?

Davys, subitement plus renfrogné, se dégagea violemment.

- La domesticité n’est à personne, démentit Paris à sa place. Quand ils ne reçoivent pas d’ordre direct, ils vont les chercher auprès du majordome en chef.

- Il est étonnant qu’elle ait perdu l’esprit juste après avoir quitté la salle du Conseil. Or, il me semble qu’ici, le magnétisme de Davys envers la gent féminine est reconnu de tous. Il suffit de se laisser engloutir par ses prunelles anthracite pour tomber dans un puits sans fond et perdre toute volonté…

- Tes insinuations sont insultantes !

- D’ailleurs, si je ne me trompe pas, c’est bien lui qui s’occupe d’hypnotiser les domestiques… afin de leur ôter toute envie de s’enfuir.

- Tu ne peux rien prouver, la contraria son cousin, fielleux.

- Il suffit juste qu’on le croit…

Une nouvelle réplique cinglante allait fuser lorsqu’Attila entra, jetant un regard circulaire à la pièce spartiate, rompant malgré lui un énième conflit entre ses neveux. S’ils pouvaient se jeter l’un sur l’autre, et se battre comme des chiffonniers, plutôt que de se toiser et d’échanger des provocations sur un ton caustique, ils l’auraient fait sans hésiter.

- Vous n’auriez pas vu Azraël ?

Trois visages fermés répondirent par des signes de dénégation, presque honteux d’être pris sur le fait.

- Il est entré dans ses appartements voilà une heure, et à présent ils sont vides. Il semblerait… qu’il n’en soit jamais ressorti.

Sa main gantée tremblait convulsivement sur la poignée.

Tel un automate, Davys emboîta le pas à son oncle et circula dans les artères du Manoir à grandes enjambées. Ses cousines trottinaient derrière lui pour le rattraper.

- Il peut être n’importe où, tâchait de le calmer la Première dont le talon de ses pantoufles fourrées de rose martelait le sol.

La procession, qui se conformait à un parcours tout tracé, fit un saut dans la salle de musique en passant par la galerie aux tableaux, le cabinet de lecture, les pièces de réception, les petits salons et même les jardins. Le frère de la souveraine était introuvable. Leur itinéraire s’acheva par un retour au point de départ : la loge d’Azraël, absolument raffinée, mais désespérément inoccupée.

Davys et Attila passèrent la chambre au crible sous le regard toujours plus embarrassé des deux sœurs. Ils renversaient coussins pelucheux et duvets d’oie même si le lit ne semblait pas avoir été défait, à la recherche d’un indice.

- Ne bougez pas ! commanda Paris dont le teint floral, toujours frais, correspondait à présent à un œillet piétiné.

Dans leur hâte, le jumeau d’Azraël et son fils avaient failli écraser la fleur virginale, sans tige, qui se prélassait au milieu du tapis oriental. L’Héritière la récolta prudemment dans sa paume comme si elle pouvait piquer.

Un courant glacé remonta le long de la colonne vertébrale de Génesys lorsqu’elle comprit que la fleur ne s’était pas détachée d’un bouquet par hasard. On l’avait placée délibérément là pour qu’on la trouve.

La rose blanche. Le symbole préféré des Angelus, emblème ridicule de leur prétendue pureté.

- N-non, s’étouffa Attila en se laissant glisser sur la literie.

Une profonde lassitude aplatit sa carrure ; tassé sur lui- même, la Quatrième assista à la première manifestation de sa faiblesse. Des larmes miroitaient dans ses beaux yeux bleu calcaire, des larmes sincères qui ne s’engaillardissaient pas à sillonner ses joues un peu plus pleines que celles de son besson.

- Redresse-toi, le rabroua Davys, intransigeant. Tu nous fais honte.

- Ta mère a disparu de la même façon, sale avorton, siffla Attila, et Lazare ne nous a renvoyés que sa tête. Laisse-moi pleurer mon frère, car nous ne sommes pas sûrs de le revoir un jour vivant.

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Chapitre XXXVIII

La respiration régulière de Mattia avait quelque chose d’apaisant. Evan l’enviait : lui, il cherchait encore le sommeil et, sans cesse, il lui échappait. Il avait beau clore les paupières, s’enjoindre à dormir, l’image de la démone aux yeux verts dansait toujours devant ses yeux pourtant fermés. Il la distinguait toujours, le sourire faux, l’œil luisant. Il pouvait même entendre sa voix veloutée, séduisante, régurgiter son venin.

Elle monnayait leurs services, sapant le peu d’estime qui leur subsistait. Il irait s’abaisser à l’état de greluchon et d’espion, censé déterrer les choses secrètes de la petite noblesse rien que pour entrevoir un coin de ciel bleu. Cela ressemblait davantage à du chantage qu’à une authentique opportunité. Le jeune homme n’était pas crédule : elle ne lui imposerait pas seulement de tendre le cou aux nobliaux, il s’étendrait occasionnellement en travers de leur litière pour grappiller des confidences sur l’oreiller.

Les mains saisies par un tremblement nerveux, il se servit un verre d’eau. Il était temps d’en finir avec toutes ces pensées parasites qui faisaient courir sur sa peau des frissons d’horreur. Le liquide rafraîchit ses lèvres asséchées et sa gorge en feu. Il semblait avoir pris froid, dehors, la nuque découverte, alors qu’Andrzej jouait à la nourrice et le baladait dans le château. Il s’en resservit alors un autre qu’il but à moitié et reposa sur la table de nuit.

Les motifs de la subite prodigalité de son bourreau l’obsédaient. Il tergiversait encore et encore bien au chaud sur son sommier. Ça le rendait fou.

Se recouchant un peu plus confortablement, il referma les yeux – patientant pour que Morphée vienne enfin le cueillir. De temps à autre, il percevait des bruits de pas dans le couloir ou quelques paroles échappées d’une conversation. Bon sang, comment pouvait-on se reposer alors que ces maudits vampires vivaient la nuit ?! Il se redressa une nouvelle fois, bouillonnant. Il crut même apercevoir une paire de sandales s’arrêter devant la porte. Non, non, sa vue lui jouait des tours… Décidément, il était fatigué.

L’aiguille de l’horloge tournoyait sans qu’il ne pût déchiffrer l’heure. Enfin, il s’endormit ou crut s’endormir. Une douce torpeur l’engourdit et l’invita à rêver. Aucun songe n’était plus effrayant que celui-là.

Il voyait une armée de lémures à ses pieds – ces esprits défunts, rachitiques, arrachés à la vie par une mort violente, s’accrochaient aux colonnes du lit, les entourant de leurs doigts noueux ; ils envahissaient son espace, s’aplatissaient les uns contre les autres, claquaient des dents, avides de lui sucer le sang. Il avait étrangement l’intime conviction qu’il s’agissait de ses anciens compagnons, le maudissant d’avoir survécu. Et elle les dispersait, elle, la dame de la nuit. Ses longs cheveux noirs virevoltaient autour de son visage hypnotisant. Les lémures laissèrent échapper des cris muets avant de se dissiper dans l’obscurité de la chambre comme un brouillard.

Un frissonnement mordant remonta la jambe d’Evan.

Elle était là, juste devant lui aussi silencieuse et fière qu’un chat.

Elle portait un fin diadème d’or incrusté de rubis et une tenue à en faire pâlir les hommes : un déshabillé rouge que l’on réservait pour ses amants tant il dévoilait ses charmes. De fines lanières incarnates, dévoilant la naissance de sa poitrine, se rejoignaient en triangle jusqu’à un changement de matière qui imitait à la perfection la version féminine d’un plastron d’armure. Mais le vêtement invitait à une tout autre forme de lutte puisqu’il ne protégeait rien d’autre que l’intimité de sa porteuse : il descendait juste un peu plus bas que l’aine. Les bras, les épaules et les cuisses de Génesys étaient complètement nus : elle les habillait simplement de bracelets en forme de serpent et de lacets remontant jusqu’aux genoux. Des chaussures ouvertes à talons lui donnaient une allure exotique, presqu’orientale. Une cape noire, vaporeuse, traînait derrière elle.

Sans la moindre gêne, elle se baissa en avant – plongeant sa main dans la chevelure du commerçant. Le regard charbonneux de la Quatrième, étiré par le khôl, déterminé aussi, lui promettait mille caresses. Mattia n’existait plus. Il n’avait même jamais existé.

Un souffle délicieux semblable à une délivrance s’échappa de la gorge d’Evan alors que la stryge montait sur le lit sans y être invitée ni défendue. D’un coup sec, elle l’attira à elle et leurs corps se pressèrent l’un contre l’autre, leurs jeux de main passionnés renversant toutes les objets sur leur passage…

Evan bondit dans son lit. Une bouffée de chaleur intense accompagna son réveil et lui empourpra les joues. Mattia, à ses côtés, grommela en tirant un peu plus sur les couvertures.

Il avait besoin d’eau tout de suite pour s’humecter les lèvres et chasser les derniers vestiges de sa rêverie qu’il exécrait. Il se souvenait trop précisément de chaque détail, de la sensation d’une peau frottée l’une contre l’autre, du souffle de Génesys dans sa nuque, de sa main caressant sa nudité… Les doigts d’Evan tâtonnaient sur la table de chevet, encore affolés. Enfin, après plusieurs tentatives, ils resserrèrent leur prise sur le précieux récipient qui l’aiderait à calmer son agitation et sa fièvre.

Evan geignit.

Le verre était vide.

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Chapitre XXXIX