Le secret de l'ordre - Pascal Demeure - E-Book

Le secret de l'ordre E-Book

Pascal Demeure

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Beschreibung

Les secrets inavouables sont-ils bien gardés ?

« Je ne crois pas que tu sois mort dans cet accident de la route. Tout le monde prétend le contraire mais je sais que ce n’est pas toi qui étais au volant…
Où es-tu ? Que fais-tu ? Pourquoi te caches-tu depuis toutes ces années ?
Quel secret cache ce monastère enfoui au cœur de la Chartreuse ?
Ici, à Saint-Genix, certaines gens savent mais se taisent.
Pourquoi tous ces mystères, ces silences ?
Papa, tu me manques !
Si tu n’es pas mort, fais-moi signe. »

En Chartreuse, les moines tricotent du temps, l’âme sereine. Ce qui doit être caché de tous l’est bien, une fois pour toutes. Pour l’éternité peut-être ! Mais ils ont tort, le secret de l’ordre a des failles.

Une nouvelle enquête de votre détective savoyard préféré, à découvrir avec plaisir !

EXTRAIT

Assise en face de moi, droite comme la Justice, elle jeta négligemment sur mon bureau cette enveloppe que je tiens encore entre les mains. À l'intérieur, son journal. Le livre de sa jeune vie. Tout ce qu'elle savait sur son enfance et sa famille se trouvait à l'intérieur. Une ronde de souvenirs épars. Des notes, des feuilles griffonnées et des photos jaunies.
Je n'avais qu'à lire et à regarder. Là où ça se compliqua, c'est lorsqu'elle me donna la photocopie d'une lettre écrite par son père à son attention. Faisant gaffe aux mots que j'employais, j'abordais ainsi l'accident de son paternel et tombais sur le cul à la réaction de la jeune fille. « Mais il n'est pas vraiment mort, me lança-t-elle, et c'est justement la raison de ma présence ici : j'ai besoin de vous pour le retrouver ».
Sans que je le sache, j'étais sur une nouvelle affaire qui n'allait pas ménager ses surprises. L'histoire de la famille Roudret, le mystère de cette maison jaune qui n'avait toujours pas dévoilé ses secrets depuis tant d’années, allaient désormais occuper totalement mon esprit.
Si vous avez un moment, je vais vous raconter…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gérant d'entreprise, Pascal Demeure vit en Provence au milieu des vignes et des oliviers. Il est originaire de Savoie, théâtre de la série Tom Anquette dont le premier épisode, L'Affaire de la lettre, est paru aux Éditions Sudarènes en 2014.
Le secret de l'ordre est son sixième roman et le second de la série Tom Anquette.

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Introduction

Je me présente. Thomassin Anquette, flic à la retraite…enfin, presque ! Drôle de prénom, je sais ! Il me vient de mon père, riche héritier des Laboratoires Anquette qui ont fait fureur dans les années quatre-vingt en lançant les premiers produits que l’on dit aujourd’hui diététiques. Il avait la folie des grandeurs mon paternel, d’où ce prénom complètement débile qu’il a été chercher je ne sais pas où ! Alors appelez-moi Tom s’il vous plaît, Tom Anquette, c’est mieux. Mon père et moi, ça n’a pas toujours été facile. Étant jeune, je faisais connerie sur connerie alors j’ai eu droit à tout : la pension, l’internat, les vacances à l’étranger pour apprendre l’anglais, tu parles de vacances ! Moi, je m’en foutais, je voulais être flic. Alors quand je suis rentré dans la police, j’ai jamais plus entendu parler de lui. Je crois même qu’il m’a déshérité mais ça n’a pas d’importance, son fric, j’en voulais pas de toute façon. Plus de vingt ans dans la police judiciaire, j’en suis fier. Toute ma vie je me suis fait chambrer avec mon nom : Anquette pour un flic ça faisait rire. Pas moi ! Enfin, au début oui, mais à force !…Bien dans mon boulot, j’ai connu le grand amour avec Virginie. Elle m’a donné un fils appelé Victor. Avec eux, c’était le vrai bonheur jusqu’à la descente aux enfers. Un putain de camion qui ne respecte pas la priorité et qui écrase la bagnole de ma femme contre un mur, comme une crêpe. Ils n’avaient aucune chance, ils ne pouvaient pas s’en sortir. Je me suis retrouvé veuf l’année de mes cinquante ans, joyeux anniversaire ! Alors tout a changé. L’alcool, la fumée, les mauvaises fréquentations, tout ce qui fait qu’on perd pied sans pouvoir vraiment réagir. Le boulot bâclé, les enquêtes conclues trop vite, j’avais plus la cote à Marseille et je sentais bien qu’il fallait que je me barre. J’ai tenu quatre ans et j’ai donné ma démission le 17 juin dernier. Ca fait dix mois maintenant. Si je vous raconte tout ça, c’est pour mieux se connaître parce qu’on va plus se quitter à présent, enfin j’espère ! Il s’en est passé des choses dans ma vie depuis quelques mois, rendez-vous compte un peu…

En pleine déprime, une fois ma démission avalée, je décide de tout bazarder à Marseille et de quitter cette ville dans laquelle j’étais plus en odeur de sainteté. OK mais aller où et faire quoi ? J’ai jamais été d’une nature très romantique mais quand je suis arrivé dans cette petite bourgade de Savoie, je suis tombé sur le cul et me serais cru au milieu d’un décor de carte postale. Bon Dieu que c’était beau et calme. J’ai décidé instantanément d’y passer quelques jours, depuis, j’en suis jamais reparti. Et je vous le dis, je suis bien ici ! Côté crèche, c’était réglé, restait à faire rentrer le pognon. Les enquêtes, ça ne s’oublie pas et le métier il est là, dans mes tripes. Ma carrière dans la police aidant, ma licence en Droit me l’autorisant, j’ai donc décidé d’ouvrir ma propre agence de filatures…

Au début, ça n’a pas forcément été facile mais, avec le temps, tout s’est arrangé ! Saint-Genix, c’est ma nouvelle terre, j’y ai de nouveaux amis, sincères et authentiques. On fait pas dans la dentelle ici, un chat c’est un chat ! Quant à mes premiers dossiers, ils sont là, en moi, à jamais…

Tenez ! Celui-là par exemple…

Je me rappelle, c'était en juin. Fin juin, exactement.

Il faisait une chaleur caniculaire. On aurait dit qu'une chape de plomb s'était installée au-dessus de nos têtes ; l'air était irrespirable et la climatisation manquait cruellement au bureau. Suant copieusement, je venais une nouvelle fois de changer de chemise lorsque le téléphone me vrilla les oreilles. Je sortais à peine d'une affaire scabreuse et espérais que la prochaine me permettrait de souffler un peu, de profiter de ce début d'été qui s'annonçait particulièrement chaud. Que dalle !

Une voix qui me sembla jeune se présenta.

— Karen Roudret, journaliste…

Le ton était jeune, frais et pétillant. C'était déjà ça. Et franchement, si sa voix était représentative du reste, elle devait être vraiment mignonne. Bref, là n'était pas la question.

Elle m'expliqua brièvement être une enfant du pays et avoir besoin de moi pour retrouver un membre de sa famille. Elle resta assez évasive, me précisant qu'une entrevue s'imposait si j'acceptais l'affaire et de l'aider. Elle me fit part de quelques infos sur sa vie. Élevée par ses grands-parents, elle n'avait jamais connu sa mère. Son père quant à lui, n'était présent que par épisodes. Pas assez nombreux pour elle, semblait-il, et je compris alors que le fond de l'affaire, c'était lui.

À cinq ans, à la mort de ses grands-parents, cette créature que j'imaginais délicieuse fut placée dans une famille d'accueil, d'abord ici à Saint-Genix puis, en Alsace. Son père, mort dans un accident de la route alors qu'il avait trente ans, laissait orpheline la petite fille qui aujourd'hui faisait appel à moi.

D'abord dubitatif le privé ! Mais l’intonation de sa voix ainsi que sa manière d’aborder son histoire me séduisirent et je finis par accepter son offre en lui proposant un rendez-vous fixé pour le lendemain.

Et j’avais raison ! Elle n'était pas belle, mais simplement superbe !

Sa beauté me troubla à ce point que mes oreilles se mirent à bourdonner. Pourquoi ? J’en sais rien ! Il émanait d'elle un je ne sais quoi de subtil et sain. Elle était grande et gracieusement achalandée. Un véritable rayon de soleil illumina mon bureau tandis qu’elle en franchissait le seuil. Trop vieux pour tomber amoureux, je devais faire quand même une drôle de tête en la regardant. Son « vous êtes certain que ça va ? » en disait long sur l'état de béatitude dans lequel je me trouvais. Et j'étais loin d'imaginer la suite qui m'attendait.

Assise en face de moi, droite comme la Justice, elle jeta négligemment sur mon bureau cette enveloppe que je tiens encore entre les mains. À l'intérieur, son journal. Le livre de sa jeune vie. Tout ce qu'elle savait sur son enfance et sa famille se trouvait à l'intérieur. Une ronde de souvenirs épars. Des notes, des feuilles griffonnées et des photos jaunies.

Je n'avais qu'à lire et à regarder. Là où ça se compliqua, c'est lorsqu'elle me donna la photocopie d'une lettre écrite par son père à son attention. Faisant gaffe aux mots que j'employais, j'abordais ainsi l'accident de son paternel et tombais sur le cul à la réaction de la jeune fille. « Mais il n'est pas vraiment mort, me lança-t-elle, et c'est justement la raison de ma présence ici : j'ai besoin de vous pour le retrouver ».

Sans que je le sache, j'étais sur une nouvelle affaire qui n'allait pas ménager ses surprises. L'histoire de la famille Roudret, le mystère de cette maison jaune qui n'avait toujours pas dévoilé ses secrets depuis tant d’années, allaient désormais occuper totalement mon esprit.

Si vous avez un moment, je vais vous raconter…

Je m'appelle Anquette, Tom Anquette et je suis détective privé.

1.

Gisèle Rudigger, toujours pimpante, arriva toute essoufflée chez Clémentine qui était affairée à repeindre un petit meuble dont elle avait d’abord voulu se séparer mais qui, n’y parvenant pas, s’était décidée à lui refaire la façade et lui donner un air plus propre et plus neuf.

— S’il voyait ça, lança Gisèle, il se retournerait dans sa tombe !

Celle-ci savait fort bien que sa phrase ferait mouche. Le regard et le rictus de sa copine furent préférables aux mots qu’elle aurait pu sortir à cet instant précis.

— Qu’est-ce que tu viens faire ici ? demanda Clémentine.

— Faut que je te parle, tu sais pas qui j’ai vu au village ?

— Non ! Accouche.

— Karen Roudret.

— Qui ça ? Connais pas !

— Mais si, pauvre sotte ! Tu perds vraiment la mémoire ma vieille. Tu devrais tout de même te décider à aller voir quelqu’un. Bientôt tu te souviendras même plus qui je suis.

— Là, pas de chance ! maugréa Clémentine. Comment faut faire pour t’oublier, toi ? Bon, c’est qui cette Karen Roudret ?

— La fille Roudret, d’ici, de Saint-Genix. Tu sais bien enfin ! La maison jaune au bout du village, en direction de…

— Nom de Dieu, coupa Clémentine ! Où c’est que tu l’as vue la fille Roudret ?

— Elle sortait de chez Anquette.

— Tiens, comment il va lui, t’en parles plus !

— Arrête… Je te dis qu’elle sortait de chez lui et je donnerais cher pour savoir pourquoi elle y était !

— T’as qu’à lui demander, ça te fera l’occasion de l’inviter, depuis le temps que tu en rêves.

— Ouais, continua Gisèle, c’est peut-être pas une mauvaise idée. Dans le fond, il la connait pas, lui, la fille Roudret. On aurait certainement à lui en apprendre. T’as raison ma vieille, je vais lui téléphoner ; mieux, je vais m’arrêter en rentrant.

— Sois sage ! Lui saute pas dessus !

— Ce que tu peux être…

— Je sais, tu me l’as déjà dit !

Ravie de sa réflexion, Clémentine, décidément très en forme, se remit au travail.

2.

La première des choses que fit Anquette après le départ de Karen fut d’aller voir la maison de famille des Roudret, au sortir du village en direction du Pont, au lieu-dit Le Puisat. Il n’eut aucun mal à la trouver ; depuis qu’il s’était installé ici, à Saint-Genix, il était passé devant des centaines de fois.

Chaque jour qui coulait le confortait dans sa décision : il avait bien fait de venir dans ce village savoyard, de laisser Marseille et sa vie de flic de la PJ, d’ouvrir son agence de filatures qui, malgré tout, ne fonctionnait pas si mal. Les multiples rencontres faites au gré de ses enquêtes n’arrivaient toutefois toujours pas à lui faire oublier Victor et Virginie, les deux êtres chers de sa vie. Mais le devait-il, au fond ? Il passait de longs moments solitaires, souvent le soir, à se remémorer les bons instants vécus à leurs côtés, à Marseille. Il lui arrivait de leur parler, de leur demander leur avis sur ses affaires, certain que, de là où ils étaient, ils le voyaient. Peut-être même étaient-ils fiers de lui ? Dans les grands moments d’incertitude qu’il traversait régulièrement, il arrivait à s’en persuader.

Depuis quelques années, la maison des Roudret n’était plus habitée. D’abord mise en vente, elle semblait aujourd’hui tout bonnement abandonnée. Anquette se gara près de la grille, au bord de la route et, une fois sa vieille Golf fermée à clé, entreprit d’entrer dans la propriété. Le portail grinça sous l’action du privé qui commença à remonter l’allée. La mauvaise herbe envahissait tout. Ce qui avait dû être autrefois une pelouse ou un pré ne ressemblait aujourd’hui plus à rien. Des ronces recouvraient les petites bordures qui traçaient le chemin de graviers conduisant à la maison. Un silence absolu régnait lorsque Tom remonta l’allée, ce silence et ce décor manquant de peu de lui foutre la trouille. Au bout de trente mètres environ, il remarqua les restes d’un jardin potager. De vieux tuteurs tenaient encore debout par l’opération du Saint-Esprit. Anquette arriva enfin dans la cour de la maison. A sa gauche, un vieux bassin qui servit autrefois de lavoir, maintenant asséché. A sa droite, un immense noyer sous lequel il se dirigea immédiatement. L’ombre de l’arbre fut la bienvenue, il devait faire au moins quarante degrés au soleil. Devant lui, la maison se dressait, majestueuse et silencieuse. Deux escaliers opposés donnaient sur un petit palier menant à la porte d’entrée principale. Sous ce palier, quelques marches accédaient, quant à elles, à ce qui avait dû être une cave. La maison comptait deux étages et était ornée d’un étroit balcon dont Karen avait eu le temps de lui parler. Apparemment, c’était son endroit préféré pour attendre son père : elle y restait parfois des heures, blottie, en espérant entendre très vite le coup de klaxon qu’il donnait systématiquement lorsqu’il arrivait au portail. Anquette imagina la scène et sourit. Il monta l’escalier et tenta en vain d’ouvrir la porte. Il fit ensuite le tour de la maison et découvrit l’ancienne grange, ouverte aujourd’hui à tous les vents. La vieille porte était encore là, mais ne fermait plus rien du tout. Un rapide coup d’œil dans cette grange ne l’incita pas à y pénétrer, la forte odeur de moisi non plus. Il n’apprendrait rien de plus ici, du moins pas pour le moment et il savait très bien que, s’il voulait aider Karen, la première des choses était de se renseigner sur le passé de sa famille et de visiter cette maison qui gardait encore bien des secrets. A qui appartenait-elle aujourd’hui ? Un petit bonjour à son ami Gabriel, le maire du village, lui en dirait probablement plus. Retournant sur ses pas, il ne put s’empêcher de regarder une fois encore cette bâtisse. Le crépi était à refaire, la belle façade d’antan ayant besoin d’un sacré coup de neuf. Seuls quelques petits morceaux de couleur jaune égayaient l’ensemble comme ils le pouvaient. Avec le jardin entretenu, la cour ombragée et la fraîcheur du bassin, la maison jaune avait dû autrefois briller de tous ses éclats.

Anquette démarra sans attendre et reprit la direction du village.

Le nez collé à la vitrine, Gisèle était déçue de l’absence du privé. Un brin de conversation anodine avec lui, lui aurait permis d’apaiser sa curiosité. Elle décida de faire quelques courses au village et de repasser un peu plus tard.

Installée confortablement à l’hôtel des voyageurs, Karen relisait pour la énième fois les copies de tout ce qu’elle avait remis au privé. Il était sa dernière chance, elle le savait et ferait tout pour ne pas la manquer.

3.

Les derniers propriétaires connus de la maison étaient des lyonnais. Ils n’y étaient pratiquement jamais venus, investir avait été sans doute la seule motivation de leur achat. Ils ne l’avaient pas gardée très longtemps et Gabriel ne savait pas à qui appartenait aujourd’hui la propriété, personne n’y venait jamais, l’état général le prouvait.

— Tu connais donc la fille Roudret ? questionna le maire.

— En effet, répondit Anquette et je peux te dire qu’elle est mignonne.

— Je sais, renchérit Gabriel. Déjà petite, c’était une princesse.

— Que peux-tu m’apprendre sur sa famille ?

— Une famille frappée par le malheur. Je crois que sa mère est morte à sa naissance ou peu de temps après. Son père, Sylvain, était un type bien, un bon gars. Il bossait à Lyon et ne pouvait pas vraiment s’occuper de la petite. Elle vivait donc ici, dans la maison, avec les parents de Sylvain, Francia et Pierre.

— Et que leur est-il arrivé ?

— Que du mal ! Cette pauvre famille a morflé ! De plus, Sylvain avait un frère, Patrick, pas une lumière ce mec. Il trainait ici et était toujours dans des coups bizarres. C’était un gars mal dans sa peau et jaloux de son frangin qui réussissait tout, pas lui ! Ses parents ne manquaient pas de le lui faire remarquer alors petit à petit, il s’est enfermé dans son monde et est devenu à moitié dingue.

— Il était fou ? demanda Anquette.

— Pas vraiment mais il avait un sérieux problème de personnalité. A la mort de Sylvain, il aurait essayé, parait-il, de revenir au premier plan et de prouver à tout le monde qu’il était quelqu’un et qu’il pouvait remplacer son frère. Mais rien n’y fit. Un échec, un de plus !

— Qu’est-ce qu’il est devenu ce mec ?

— Mort, pendu dans sa cellule.

— Il était en taule ? s’intéressa Anquette dont les yeux brillaient.

— Oui, continua Gabriel, pour une affaire de fric et de trafic d’organes. C’est vieux tout ça… Mais que veut Karen aujourd’hui ? Pourquoi vouloir remuer tout ça ?

— Elle veut retrouver son père.

— Mais il est mort ! s’étouffa le maire.

— D’après elle, non !

— N’importe quoi, il s’est tué dans un accident de la route. L’enquête faite à l’époque a reconnu l’identité de Roudret, cela ne fait aucun doute.

— Apparemment, pas pour elle ! termina Anquette en se levant.

— Bon courage Tom, répondit Gabriel, je sens que tu vas te casser les dents sur cette affaire. Il est mort je te dis et on ne fait pas revivre les morts que je sache !

Tom ne répondit pas et quitta le maire en n’oubliant pas de saluer la secrétaire de mairie qu’il mettait régulièrement à contribution.

Lors de son arrivée ici, il avait eu du mal à bien s’intégrer, les villageois voyant d’un œil presque moqueur l’arrivée d’un privé dans ce bled de Savoie. Mais, petit à petit, on fit appel à lui pour des affaires plus ou moins intéressantes. Grâce à son fin sens de la déduction et sa gentillesse, Tom devint un incontournable dans la vie de la commune. Et la secrétaire du maire répondait présente chaque fois qu’il la sollicitait.

Marseille lui manquait de moins en moins. Bien sûr, il était toujours en contact avec ses anciens collègues de la PJ, mais les coups de fil se faisaient de plus en plus rares. Seul Tony, avec lequel il avait élucidé tant d’affaires, l’appelait de temps en temps. Vingt ans passés à la judiciaire, ça ne s’efface pas comme ça ! Toute une vie !

Tout en pensant à ce passé pas si lointain, Anquette marchait en direction de son agence, tête baissée. Il ne vit donc pas Gisèle qui venait vers lui d’un pas qui se voulait rapide. Toujours à l’affût de ragots et de commérages, elle espérait bien tirer les vers du nez au privé et connaître la raison exacte de la présence de Karen au village. Anquette ne tomba pas dans le piège et resta insensible à Gisèle, qui en rajoutait par ses excès de charme à peine voilés !

— Il paraît que Karen Roudret est en affaire avec vous, osa-t-elle en se recoiffant machinalement.

— Peut-être mais vous savez, chère madame Rudigger, que ce genre de renseignements est personnel et confidentiel.

— Je l’ai vue sortir de chez vous, parbleu !

— Bon, alors vous savez qu’elle est venue me voir. Comment va Clémentine ? demanda-t-il, tentant de changer de sujet.

— Toujours aussi pénible mais on ne la changera plus maintenant. Elle est jamais contente, se plaint à longueur de journée, elle fait son cinéma quoi… Quoique, en ce moment, elle est plutôt d’humeur légère la Clémentine. Comment elle va, Karen ? insista-t-elle, offensive.

— Écoutez Gisèle, je suis navré mais je ne peux rien vous dire. Vous connaissez bien mieux que moi cette jeune femme et rien ne vous empêche de le lui demander par vous-même, non ? Vous devez bien savoir où elle séjourne et, de toute manière, vous n’allez pas tarder à la rencontrer à nouveau au village. Alors je vous laisse le soin de lui poser toutes les questions que vous voudrez, quant à moi, je n’ai rien à vous dire à son sujet. Sur ce, je vous laisse, j’ai du boulot.

Gisèle resta statufiée sur place. Elle venait de se prendre une gamelle, Nom de Dieu, heureusement que Clémentine n’était pas là pour voir ça ! Mais comment lui avait-il parlé ! Elle n’en revenait pas. Quelle mouche l’avait donc piqué ? Son Nestor Burma, son héros, était visiblement très irrité et sa cote de popularité venait d’en prendre, malgré tout, un sacré coup. Etait-elle la cause d’un tel énervement ? Elle culpabilisa rapidement. Elle ne voulait surtout pas rester sur ce malentendu et entra donc dans l’agence quelques secondes seulement après lui.

— Gisèle, s’énerva Tom, je viens de vous dire…

— Non, écoutez-moi, le coupa Gisèle. Je ne voulais surtout pas vous mettre en colère et je souhaitais m’excuser. Ca me coûte, croyez-moi, mais je ne veux pas que vous soyez fâché après moi, ce serait trop bête. Après tout, je n’en ai rien à faire de cette fille, elle peut bien être ici pour toutes les raisons du monde, je m’en fous. J’ai été maladroite. Alors, vous n’êtes plus fâché ?

Attendri, Anquette rassura la vieille dame tout en essayant de la raccompagner à la porte. C’est vrai qu’ils avaient toujours eu tous deux d’excellents rapports mais là, elle l’avait gonflé !

— C’est que, voyez-vous, continuait Gisèle, j’aimais bien cette famille du temps des grands-parents, Francia et Pierre. Je les ai bien connus, vous savez, Francia était mon amie.

Anquette avait la main sur la poignée de la porte mais ne l’ouvrit pas. Soit Gisèle était réellement une manipulatrice de première, soit elle savait vraiment sur cette famille, des choses susceptibles de rendre service à son enquête. Il n’avait pas le choix, il devait l’écouter et se résigna.

— Vous les connaissiez si bien que ça ?

— Tout le monde se connaît ici. Francia a eu bien des déboires et on ne peut pas dire qu’elle ait été heureuse.

— Que voulez-vous dire ?

— Tiens donc, on dirait que votre boulot peut attendre tout d’un coup, ironisa Gisèle en tirant vers elle une chaise afin de s’y poser. Je veux dire que c’est une famille qui a été marquée par le malheur, c’est tout ! D’abord avec la mort de leur belle-fille, Jacqueline, puis de leur fils, Sylvain, par les conneries de leur second fils Patrick, et par l’accident de la petite.

— Quel accident ? demanda Tom.

— Le bassin. Un coup de plus, ça les a achevés ; Francia s’en voulait à mort de ne pas avoir assez surveillé la petite. Elle a bien failli y passer aussi.

Anquette avait rapidement lu quelques lignes sur cet accident dans les notes du journal de Karen. Il fallait qu’il y revienne afin de creuser davantage. Mais il souhaitait pour l’heure, aller à ce qui lui paraissait essentiel.

— Vous savez de quoi est mort le père de Karen ? demanda-t-il à Gisèle qui attendait patiemment la question suivante.

— Accident de la route, répondit-elle. Il se serait endormi au volant. Faut dire qu’il ne ménageait pas ses peines, le pauvre. Les soucis, le boulot, les déplacements, tout ça pour finir écrasé dans une bagnole, quelle connerie !

Le téléphone sonna. C’était Karen. Elle invitait Anquette à dîner ce soir, s’il était libre bien entendu.

Séduit par cette proposition et ravi de passer une soirée en si charmante compagnie, il profita de l’appel pour terminer sa conversation avec Gisèle qui, frustrée, le salua sèchement.

— Le bonjour à Clémentine, dit-il en repoussant la porte.

— C’est ça ! Et vous à mademoiselle Roudret. C’est pas vrai ces hommes, maugréa-t-elle, il se sent plus le privé ! Il a rendez-vous avec une jeunette et il croit que c’est arrivé. Quel con ! Tous les mêmes !

4.