Le voyage de Julien - Alexandre Boukaka - E-Book

Le voyage de Julien E-Book

Alexandre Boukaka

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Beschreibung

« Depuis son enfance, Julien vivait chez ses parents dans une maison d’une seule pièce. Maintenant qu’il était marié et avait un enfant, il décida d’acheter à crédit un pavillon… Il annonça la bonne nouvelle à sa femme et à ses parents. Pierre, son père, et Antoinette, sa femme, étaient enchantés, mais ce n’était pas le cas de sa mère, Pauline. Elle pensait peut-être que Julien disparaîtrait dans la nature et ne lui rendrait pas visite. Elle concevait mal cette séparation. Elle avait l’impression de perdre son fils. »


À PROPOS DE L'AUTEUR


Dans Le voyage de Julien, Alexandre Boukaka se sert de la romance de Julien et Antoinette pour aborder la séparation entre parents et enfants.

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Seitenzahl: 83

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Alexandre Boukaka

Le voyage de Julien

Roman

© Le Lys Bleu Éditions – Alexandre Boukaka

ISBN : 979-10-377-5699-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

I

De la langue maternelle au français

Ce jour-là, au mois d’octobre, les parents s’étaient levés pour préparer convenablement leurs enfants et leur donner le petit-déjeuner. Chaque parent avait pris soin d’un rejeton comme s’ils allaient à une fête. Or, c’était le jour de la rentrée scolaire. Ils sortirent de leur domicile, les petits trottinaient derrière leurs parents.

Julien était bien habillé et coiffé.

Le temps était agréable : un ciel lumineux, un soleil qui déversait sa lumière sur la ville et qui dessinait sur la terre toutes les ombres des maisons, des arbres, des véhicules et des personnes immobiles ou en mouvement, puis des avions et des oiseaux en plein vol.

Ils arrivèrent à l’école. Les femmes accompagnant les enfants étaient bien plus nombreuses que les hommes qu’on pouvait compter sur les doigts des deux mains. En effet, en Afrique, et en particulier au Congo, la quasi-totalité des femmes mariées ou vivant en concubinage ne travaillent pas. Elles ont donc suffisamment du temps pour emmener et récupérer leurs enfants à l’école.

Vers huit heures, une foule de femmes et dix hommes seulement avec leur progéniture s’étaient amassés dans la cour de récréation de l’école primaire Saint-Pierre Claver de la commune de Bacongo. L’endroit désert et silencieux pendant les vacances scolaires était maintenant animé par ces galopins qui se livraient à diverses activités. Les uns jouaient au ballon, d’autres couraient, d’autres marchaient à quatre pattes et d’autres encore étaient agrippés à leurs mères qui s’échangeaient des nouvelles importantes et moins importantes. Le vacarme émis par ces fauves de cinq ans envahissait les parages.

Les habitants du quartier étaient partagés sur l’emplacement de l’établissement. Certains disaient que les enfants apportaient plus de mouvement et de vie au sein du quartier, que le bruit ne les dérangeait pas, car il n’était que momentané : à l’entrée dans l’école, pendant la récréation et à la sortie. Mais d’autres voulaient l’installer ailleurs, car ils en avaient marre des cris des marmots.

Les passants s’arrêtaient un moment pour contempler les petits élèves qui couraient dans tous les sens. Il y avait des bambins blagueurs qui s’amusaient avec les autres, des timides qui s’agrippaient à leurs parents, des grognons qui pleuraient, des discrets qui ne voulaient pas se faire remarquer, des agités qui avaient de forts caractères, des marmots bagarreurs et crapuleux qui provoquaient ou intimidaient les autres.

Un vent fort fit naître un tourbillon qui atteignit quatre ou cinq mètres de haut. Les feuilles mortes tournaient dans les airs et attendaient que la force du tourbillon s’apaise pour rejoindre la terre. Les enfants étaient médusés devant ce phénomène. Ils regardèrent la spirale jusqu’à ce qu’elle disparaisse et que les feuilles mortes s’étalent sur le sol.

Quelques élèves pleuraient quand leurs mères et leurs pères les abandonnaient dans les salles de classe. Ils croyaient que leurs parents allaient s’asseoir à leurs côtés pour assurer leurs sécurités, mais ils se retrouvaient seuls. Ils ne voyaient qu’un enseignant ou une maîtresse assise à son bureau à côté d’un tableau noir. Chaque classe comptait une soixantaine d’élèves assis sur trois rangées de bancs.

L’ambiance dans les salles de classe était électrique. Les merdaillons de cinq ans s’agitaient comme des singes. Certains élèves étaient calmes, d’autres pleuraient, d’autres se poursuivaient dans les couloirs, et d’autres encore se chamaillaient. Les enseignants ne cessaient de crier :

— Arrêtez de jacasser, de courir et de vous battre !

Les bambins se calmaient momentanément, puis reprenaient vite leur remue-ménage.

Les instituteurs eurent du mal à instaurer la discipline durant les premières semaines d’école. Il n’était pas évident pour les marmots d’être séparés de leurs parents toute la journée. Mais progressivement, les enfants se calmèrent et s’habituèrent à la vie scolaire. Ils accumulaient des connaissances et savaient maintenant reconnaître leurs amis et leurs ennemis.

Les enfants de cinq ans étaient confrontés à une contradiction linguistique. Dans leurs foyers, dans les salles de classe et dans la cour de récréation, ils parlaient leur langue maternelle qui s’appelait le « lari ». Dans les classes, ils apprenaient déjà les éléments indispensables de la langue française. Les enseignants avaient commencé par leur apprendre l’alphabet de a à z. Les petits élèves ne savaient pas l’utilité de ces lettres. Ils ne connaissaient non plus leur origine. Tout se passait comme si elles sortaient du chapeau d’un magicien. Pour les petits écoliers de cinq ans, c’étaient des sons nouveaux, bizarres et inconnus. Les enfants croyaient qu’il s’agissait d’un jeu de lettres. Ils les répétaient ou prononçaient comme des perroquets.

À cela venait s’ajouter un autre jeu de chiffres qui consistait de compter de un à vingt et même plus.

Quelques semaines plus tard, les enseignants commencèrent à relier les lettres de l’alphabet pour former les mots comme papa, maman, chat, chien. Ces mots représentaient des êtres vivants. Les mioches commencèrent à comprendre qu’ils apprenaient une langue qui était différente de leur langue maternelle. Pour eux, « papa » se disait tata, « maman » goudi, « le chat », bouma, « le chien » boua.

De même, les chiffres de leur langue maternelle différaient de ceux qu’ils apprenaient à l’école. Dans leur patois, « un » se disait mossi, « deux » zolé, « trois » tatou, « quatre » ya. Ici aussi les élèves de cinq ans commençaient à compter en français.

Désormais, quand ils parlaient leur langue maternelle, le lari, ils y mélangeaient souvent et involontairement quelques mots de la nouvelle langue. Par exemple, au lieu de dire tata, ils disaient instinctivement « papa », à la place de goudi, ils prononçaient « maman », et ils appelaient leur bouma par « le chat » et leur boua par « le chien ». Le matin, les enfants ne disaient plus boté goudi, boté tata, mais « bonjour maman, bonjour papa. » Les parents étaient contents d’entendre ces mots français, fiers que leurs enfants commencent à parler la langue de Molière.

Dans les salles de classe, dans la cour de récréation et dans leurs foyers, les élèves échangeaient tout le temps dans leur patois, mais en incorporant maintenant quelques mots de la nouvelle langue.

Les enseignants leur avaient appris les éléments importants de la grammaire française. Les élèves savaient, par exemple, que le participe passé avec le verbe avoir s’accorde en genre et en nombre avec son complément d’objet direct, si celui-ci est situé avant le verbe. Une poignée d’élèves connaissant la théorie avait toutefois du mal à bien accorder le participe passé dans la pratique.

La connaissance en français des élèves de l’école primaire Saint-Pierre Claver commençait à s’améliorer grâce aux cours dispensés par les enseignants : l’écriture des différents mots, les dictées, la lecture, les récitations. Les écoliers dont les parents étaient cultivés ou qui avaient des frères ou sœurs qui fréquentaient déjà des établissements scolaires progressaient plus vite en français que les enfants dont les parents étaient analphabètes. Les enseignants et les parents étaient contents quand ils constataient ce progrès. Certains élèves voulaient prouver qu’ils connaissaient mieux la langue de Molière que d’autres.

Pour inciter les élèves à parler davantage la langue française, les enseignants leur avaient interdit de parler la langue maternelle dans les salles de classe. Même dans la cour de récréation, la langue de Victor Hugo était conseillée aux écoliers.

À partir du CEI et surtout CM2, les pitchouns de l’école primaire Saint-Pierre Claver parlaient convenablement le français. Beaucoup de ces écoliers possédaient des dictionnaires de la langue française. En dehors des manuels scolaires au programme, ils lisaient passionnément des romans français d’un niveau peu élevé qui ne faisaient pas partie du programme scolaire, et des albums de Tintin, de Lucky Luke, de Tarzan. Ils faisaient seuls leurs devoirs, sans surveillance ou pression de leurs parents. Chaque mois, les parents d’élèves recevaient des nouvelles et les bulletins de notes de leurs enfants, qu’ils devaient retourner signés aux enseignants. Les élèves de l’école primaire Saint-Pierre Claver ne faisaient pas l’école buissonnière, car leurs familles en auraient été immédiatement averties par courrier. À cette époque révolue, avant l’indépendance du Congo français, du Congo dont la capitale est Brazzaville, les enseignants étaient très respectés par les élèves, les parents, tout le monde. C’étaient eux qui possédaient le savoir à transmettre aux écoliers.

Ces pitchouns de l’école primaire connaissaient parfaitement la table de multiplication. Ils faisaient beaucoup de calcul mental et des opérations un peu complexes. Ils avaient l’esprit de compétition et voulaient faire partie des dix premiers de la classe. La notion d’échec était très présente dans leurs corps et dans leurs paraclets. Les échoués c’est-à-dire les élèves qui redoublaient, avaient honte et pleuraient. À la fin de l’année scolaire, dans chaque discipline ou matière, la dictée, la lecture, les récitations, les mathématiques, l’éducation physique, etc. Les trois premiers élèves recevaient des prix. À cette occasion, les parents étaient invités. Ils étaient très contents quand leurs enfants étaient récompensés. Dès l’école primaire, les enfants savaient pertinemment que les études étaient importantes dans la réussite sociale.

Les élèves de Saint-Pierre Claver de Bacongo avaient acquis une base solide dans les différentes matières scolaires qui leur permit d’aborder plus aisément les études supérieures. Julien obtint une licence de sciences économiques et fut embauché dans une banque.