Le zodiaque initiatique - Olivier Sarena - E-Book

Le zodiaque initiatique E-Book

Olivier Sarena

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Beschreibung

Et si le secret du processus initiatique était caché au coeur du zodiaque ?

L'alchimie et l'astrologie sont soeurs au sein de l'hermétisme pour "accomplir les prodiges issus d'une cause unique" : la transmutation spirituelle de l'être. Tel est le but de l'enseignement des prêtres initiés de l'ancienne Égypte.

C'est pourquoi les opérations alchimiques ainsi que les signes astrologiques qui leur sont associés correspondent à de multiples transformations ou "kheperou". Celles-ci suivent la logique de progression du zodiaque, dont certains temples égyptiens sont ornés. Temples au sein desquels l'Osiris en chacun de nous peut être amené à "sortir au jour" pour sa résurrection !

La reconnaissance de la dynamique du zodiaque passe par la considération des stades en psychologie du développement et de l'approche psychanalytique de l'alchimie par les jungiens. Cette dernière appelle à dépasser la simple identification au Moi pour se tourner vers la conscience véritable du Soi. C'est également ici le chemin qui fait du profane un initié accompli.

La "Passion d'Osiris" ouvre tout naturellement aussi la porte à la tradition christique par la mise en résonance des paraboles avec la problématique propre à chaque signe du zodiaque. Si la Jérusalem céleste a douze fondements et si Jésus est entouré de douze apôtres, douze prêtres ne portent-ils pas la barque d'Amon-Rê dans le Temple de Karnak ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Olivier Sarena, né en 1976, a débuté son parcours en astrologie en 1997 au sein de l’association AGAPE et son parcours en philosophie en 2000 à la Sorbonne. Sa rencontre avec les symboles alchimiques et la théorie psychanalytique jungienne l’a conduit à approfondir son approche de l’astrologie dans une démarche se démarquant de ses pairs. Il nourrit son travail de son intérêt pour la voie initiatique et les sociétés qui s’y rapportent.

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Olivier Sarena

Le zodiaque initiatique

De l’Égypte ancienne aux Évangiles

Remerciements à mon ami Henri Paul Texier pour son aide décisive. Pour avoir vécu avec moi la lente maturation de cette œuvre. Pour ses corrections, ses conseils avisés, sa patience et son soutien de chaque instant.

Toute ma reconnaissance à Jennifer M. pour son aide précieuse dans le parachèvement de cet ouvrage.

À mes parents.

INTRODUCTION

« Cherchez et vous trouverez » (Lc 11, 10). L’acte le plus difficile et le plus nécessaire en spiritualité, c’est de chercher. Celui qui s’arrête à de fausses certitudes, à des opinions, à des demi-vérités, à des dogmes, et qui, plus généralement, laisse les autres chercher pour lui, se coupe de la solution. Car ici nous ne sommes pas en mathématiques. Le fait de chercher fait partie de la solution, la transformation intérieure que cela réalise est la solution. Dans ce domaine, on ne peut voir que ce que l’on est préparé à voir. Les vérités se révèlent à un être prêt à les recevoir de façon intime. Un être qui s’est transformé au fil de ses recherches, des expériences ancrées dans son cœur, son esprit et son âme. Transformation, voilà bien le mot qui caractérise la spiritualité. La connaissance transforme tout autant que la transformation de l’âme permet l’accès à cette connaissance. Voilà une des raisons pour lesquelles la transmission a toujours été orale. De quelqu’un qui a fait un peu de chemin à celui qui commence à cheminer. L’idée se laisse voir dans ce qui se dégage du maître, de son vécu, de sa chair et de son sang. L’idée est incarnée. Il y met tout son cœur. Les enseignements initiatiques sembleraient surtout n’être mis à l’écrit qu’à partir du moment où la continuité de la tradition orale est menacée. Mais cet écrit ne suffit pas pour délivrer le sens profond de l’enseignement, caché pour ceux qui ne sont pas préparés, initiés. Si l’on songe à cela, on peut comprendre le contexte de la rédaction des Évangiles, dans une tradition qui a plutôt été orale dès l’origine, si l’on veut bien admettre, pour l’instant, qu’il y a une dimension initiatique dans le christianisme primitif.

C’est pourquoi, si j’écris, il ne faut pas se laisser piéger par les détails et les mots. Ce sont des images que chacun doit s’approprier. Chacun a un chemin propre et chacun fera ses propres découvertes. Ce livre vise à donner un plan d’ensemble, essentiel pour se repérer dans les transformations (kheperou en égyptien) que doit vivre tout homme ou femme qui se destine à la réalisation de soi-même. Il est donc très loin d’être suffisant. Son but est de remettre en perspective ce que vous avez peut-être déjà appris ou allez apprendre. Que cela vous fournisse une lumière nouvelle. Il ne s’agit pas d’un cours magistral dont les éléments seraient incontestables. L’ouvrage constitue une série d’hypothèses structurées et liées à un chemin individuel. L’ensemble de la théorie est perfectible, car elle se veut une expression synthétique du processus spirituel, c’est-à-dire du développement de l’esprit, en se fondant sur un certain nombre de doctrines et de courants qui semblent converger.

Ce livre répond à une exigence. Retrouver de la cohérence dans un monde spirituel qui veut se développer en dehors d’elle, sans réelle unité. L’astrologie n’a aucune base solide. Le christianisme se perd dans un culte du sauveur. « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a de bon que Dieu seul. » (Lc 18, 19) nous rappelle-t-il. L’Égypte, cette Atlantide de la spiritualité, a disparu sous les flots des armées étrangères et avec elle toute son imposante tradition spirituelle, enfermée dans l’accusation de polythéisme. Surtout, l’initiation, qui était son moyen de transmettre la science, est devenue totalement obscure aujourd’hui pour nous, même s’il semble que nous en retrouvions des traces contemporaines, notamment dans la franc-maçonnerie. Et celle qui garde tous ses mystères, l’alchimie, est synonyme d’une complexité sans nom, elle qui, pourtant, doit, étant donné son origine égyptienne, avoir des liens avec l’initiation.

Longtemps, l’Église romaine s’est opposée aux alchimistes, qui enrichissaient pourtant ses symboles. C’est cette opposition entre les alchimistes et les autorités chrétiennes que ce livre entend fragiliser par un retour aux sources. Nous souhaitons que la dimension initiatique et alchimique des Évangiles soit plus approfondie. Au-delà donc de la lecture littérale et partielle de ces textes qui permet tout de même de s’imprégner de la dimension d’amour, sans pouvoir vraiment s’y ouvrir totalement, faute d’un esprit préparé, il y a une lecture initiatique qui doit permettre, quant à elle, pour les plus audacieux, de rendre présent cet Amour de Dieu sur terre, dans notre vie. L’or est le symbole de cette éternité manifestée. Si Dieu aime en effet tous les hommes, les bienfaits de cet Amour ne peuvent être reçus directement que par ceux qui ont rénové leur « outre » (voir Mt 9, 17), leur âme, pour accueillir leur esprit. Malheureusement, Dieu ne peut donner à celui qui persiste à s’attacher à la vieille outre qu’est son esprit moralisateur et égocentré. Celle-ci peut recevoir plus ou moins bien l’amour de son prochain, mais en aucun cas l’Amour divin, qui la briserait, qui se présenterait pour elle sous la forme d’événements profondément déstabilisants, puisque contraires à ce que son ego attend pour le contenter. « Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur » (Ap 3, 3) peut ainsi se traduire par « si tu n’as pas le souci de l’éveil, si tu n’es pas en recherche du royaume, je serai pour toi un voleur. » Tu auras le sentiment que je veux te prendre quelque chose… Tes intérêts immédiats. Car ce que je te donne tu n’es pas encore capable de le recevoir. L’homme désireux de se lier intimement à Dieu doit ainsi procéder au travail de rénovation de sa vie et de son âme. C’est à cela qu’appelle le message de Jésus et c’est à cela que ce livre invite ceux qui en ressentent la nécessité. Ainsi, seuls ceux qui peuvent entendre, par vocation, sauront recevoir avec justesse cet enseignement, qui consiste à encourager un éveil du germe divin et sa croissance chez celui qui l’écoute, tandis que les autres persisteront à vouloir y trouver un sens moral de punition des injustes et de rétribution des justes, qui est présent jusque dans les interprétations au sein des Évangiles.

L’alchimie dont il est ici question n’est en aucun cas l’alchimie opérative, qui a pour but la transmutation des métaux, mais bien l’alchimie spirituelle, chemin initiatique de la transformation intérieure, du développement de l’esprit. S’il semble que l’alchimie spirituelle tienne ses symboles et opérations de l’alchimie opérative, on ne peut poser un rapprochement total entre ces deux aspects, qui sont pourtant pour beaucoup d’alchimistes inséparables. Pour Christian Jacq, l’alchimie est « la transmutation de l’individu profane et sa divinisation2. » L’alchimie est l’art des disciples de Thot, le dieu égyptien médecin-magicien, Hermès pour les Grecs. Le terme Kêmi, signifie en effet la « Terre noire », c’est-à-dire l’Égypte. C’est donc un art d’origine égyptienne et qui est égyptien dans sa conception, puisque, pour un Égyptien, ce qui se passe dans la nature est une image de ce qui est en haut, dans le monde spirituel des principes. Voilà pourquoi il est essentiel d’étudier ici la spiritualité égyptienne et ce qu’elle peut révéler de la voie initiatique. La résurrection, thème lié au mythe d’Osiris, est en quelque sorte l’un des buts de l’alchimie. Qui est guéri par la voie alchimique, qui « ressuscite », « retrouve la vie et la vue », peut à son tour être jugé digne de guérir autrui, tout comme Jésus, « délivré de Satan » après quarante jours symboliques dans le désert, professa l’art de la guérison et de la résurrection. L’hermétisme, qui inclue l’alchimie, s’est développé vers le iiie siècle av. J.-C. dans la région d’Alexandrie. L’influence de cette doctrine semble avoir touché les premiers chrétiens.

L’alchimie propose une purification du corps, c’est-à-dire des schémas de vie (nigredo, œuvre au noir), une mort au profane, qui sera suivie d’une spiritualisation de l’âme (albedo, œuvre au blanc) avant l’intégration de la lumière spirituelle dans la vie concrète de l’initié (rubedo, œuvre au rouge), qui aboutira à une profonde régénération (viriditas, œuvre au vert). Nous devons transmuter notre « plomb », notre façon première d’être dans le monde qui nous alourdit, nos « métaux vils », nos désirs déviants issus du mental, en « or », c’est-à-dire le degré le plus élaboré de notre être, son « accomplissement », le reflet le plus parfait de notre être profond. Nous devons intégrer tous les métaux en nous. Ils représentent les étapes du processus, nos différentes mues. C’est ce qui est figuré par les signes du zodiaque. C’est pourquoi nous étudierons ce que représente pour nous chaque signe, en tant qu’il a une utilité dans la voie initiatique. Il convient, en intégrant la réalité du signe, le désir représenté par le signe, de ne plus y être identifié et ainsi de se « dévêtir » d’une peau qui recouvre la réalité profonde. « Chaque changement d’état n’est qu’une épuration, un “dévêtement” successif des formes de transition accumulés sur Terre et qui obscurcissent [la] vision de la réalité lumineuse3. » Le zodiaque n’est donc pas premièrement ici un outil de divination, mais bien un instrument de l’initiation.

Dans ce livre, on peut donc découvrir une façon de lier l’astrologie, l’alchimie, le christianisme, la psychanalyse jungienne et la culture religieuse égyptienne. On peut parler de « synthèse ». L’astrologie n’est pas vue ici comme la science des influences astrales, mais comme une science des symboles qui permet de connaître les différentes facettes du rapport entre l’homme et son Soi, le divin en lui. Le christianisme n’est pas l’adoration du Fils de Dieu, mais la recherche du Royaume des Cieux en soi selon les mots mêmes de Jésus. Dans tout cela, l’alchimie est la science des transformations qui mène, par un chemin déterminé, d’un état d’extériorité par rapport au Soi (l’idéal), qui constitue un « lourd fardeau », le mental, le plomb, à un état d’union à celui-ci qui rend le « fardeau léger » (Mt 11, 30), l’or (la réalisation), la présence à soi. Être loin du Soi, c’est, comme Osiris, être comme mort, happé par sa condition d’animal humain, être le jouet de la multiplicité, être décomposé. Être près du Soi, c’est, comme le fils prodigue de la parabole, retrouver la vie. Si l’alchimiste y voit l’or et la pierre philosophale (le minéral étant le règne le plus bas pour nous, mais inversement le symbole de l’éternité des divinités égyptiennes de par sa fixité), le chrétien y trouve le Royaume des Cieux. Ces deux démarches se valent. La première exprime symboliquement le sens de la deuxième. Dans les deux cas, le but est l’éternité, l’incorruptibilité, qui caractérisel’or.

Nous allons étudier la pensée à la base de l’alchimie, la pensée initiatique égyptienne, en mettant en perspective les liens qui semblent exister entre celle-ci et la pensée chrétienne telle qu’elle apparaît dans les symboles de l’Apocalypse de saint Jean. Cela nécessite un exposé sur les symboles égyptiens. Il apparaîtra alors que l’astrologie est une composante importante de la pensée initiatique, si l’on considère un zodiaque qui prend ses racines dans le signe du Cancer et progresse en sens inverse du zodiaque habituel. En faisant le tour du zodiaque sous l’angle psychologique, nous verrons que le message des Évangiles chrétiens a une forte connexion avec celui-ci et que la transmutation de l’énergie d’un signe peut être associée à une leçon des Évangiles. Chaque signe astrologique apparaît en effet comme « transmutation d’un désir » à laquelle appelle le message initiatique de Jésus. Qui dit initiation dit étapes. L’alchimie peut ainsi s’envisager sous l’angle des opérations, chacune d’elles trouvant un écho dans le zodiaque et les récits mythiques, légendaires, ou les simples œuvres de fiction héroïque. Ayant accompli ce parcours transdisciplinaire, le lecteur sera à même de construire ses propres représentations dans ces différents domaines. Faire chemin vers soi, c’est faire preuve d’initiative, dans un univers borné par les auteurs emblématiques de l’antiquité et du temps présent. On ne fait pas chemin seul. Mais on ne se laisse pas pour autant limiter dans sa conquête intérieure. Car personne n’a la solution pour vous, mais chacun peut la mettre en lumière.

« Cherchez cette Pierre en vous-mêmes et vous la trouverez ; demandez la Lumière en la sincérité profonde de votre cœur et vous la recevrez4 »

« Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est [en] vous. »

(Lc 17, 20-21)

2 Christian Jacq, Pouvoir et sagesse selon l’Égypte ancienne, Paris, Xo, 2003, p. 104.

3 Isha Schwaller de Lubicz, Her-Bak Disciple, Paris, Champs-Flammarion, 1956, p. 300.

4 Oswald Wirth, Le Symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’alchimie et la franc-maçonnerie, Paris, Dervy, 2012, p. 120.

PREMIÈRE PARTIELE ZODIAQUE DANS LES INITIATIONS ÉGYPTIENNE ET CHRÉTIENNE

Chapitre1L’UNION AU KA, L’UNION AUSOI

L’âme égyptienne

L’initié égyptien partait du principe que le phénomène de la mort physique n’était qu’une métamorphose de la conscience. Pour lui, l’âme, après avoir franchi le « Seuil », parcourait les étapes successives d’une évolution « normale5 ».

[…] Les Égyptiens estimaient que, en naissant sur terre, l’homme mourrait pour le monde de l’Au-delà ; ses potentialités surhumaines subissaient une éclipse. La mort terrestre n’était, par contre, qu’une nouvelle « naissance », une renaissance dans l’esprit, un rajeunissement du moi profond. Le défunt devenait un « nouveau-né6 ».

On retrouve cette notion égyptienne dans la citation de Jésus : « Laisse les morts ensevelir leurs morts » (Lc 9, 60). Ainsi, si l’homme meurt à la naissance, le sens de l’existence, dans la perspective de la Vie éternelle, peut alors se définir comme l’action animée par le désir de la reconquête de sa Vie perdue. Une recherche de sa part divine, celle qui était avant sa naissance. Qu’y a-t-il donc à retrouver de son vivant ? Quel est le travail à réaliser ?

Pour répondre à ces questions, il faut tout d’abord bien avoir en tête la conception de l’âme des Égyptiens, telle qu’elle est décrite par Isha Schwaller de Lubicz. Cela nous permettra de la comparer avec celle de la psychanalyse jungienne. Pour les Égyptiens, l’âme humaine était composée de plusieurs instances. Nous ne citerons ici que celles qui nous intéressent pour la suite de l’ouvrage.

Figure 1

Tout d’abord le Ka, « principe spirituel de fixité […] porteur de tous les pouvoirs de manifestation7 » ou souffle divin, principe vital, qui fixe l’âme en lui donnant son caractère individuel (le dieu Khnoum modèle le Ka de l’homme sur son tour de potier). Il est associé au Soufre alchimique (qui est parfois un Soleil dans les représentations alchimiques), car celui-ci possède également ces propriétés. Il y a un Ka supérieur et un Ka inférieur. Le Ka inférieur est l’expression des kaou (pluriel de Ka) organiques, des principes vitaux des organes. Le Ka supérieur, quant à lui, est son principe de vie supérieur, le double spirituel de la personne, et il l’appelle à surpasser son Ka inférieur (y compris la personnalité psychologique). Celui qui cultive l’affinité avec son Ka supérieur passe donc de préoccupations instinctives à des buts spirituels, expressions de ce Ka. Le Ka supérieur est un rayon de la Maât, l’ordre spirituel. Il exprime donc en l’homme l’ordre cosmique, dont il est une partie. Maât étant la fille de Rê, le dieu solaire unique, elle est directement liée à l’Unité supérieure. Se lier à son Ka, c’est ainsi amener son être vers sa destination supérieure, son unicité, en le détournant de ses recherches terrestres. Selon Jean-Louis Bernard, certains hommes ressentent comme nécessaire la possession de leur Ka supérieur, mais ils le projettent sur un autre être, une amante ou un gourou, et lui trouvent toutes les qualités qu’eux-mêmes devraient rechercher dans leur Ka. De fait, ce Ka générera les voyages et rencontres nécessaires au développement spirituel8. Ils sont l’objectivation d’éléments de notre âme que nous ne pourrions vivre sans eux9. On peut donc dire que c’est le Ka qui imprime la marche du chemin du postulant à l’initiation spirituelle. Il est un « appétit », celui de la réalisation, la soif d’unité. La volonté de retrouver son intégrité perdue. La source du Désir supérieur.

On ne peut définir l’autre partie de l’âme, Ba, que par opposition au Ka. Les penser séparément l’un de l’autre, c’est prendre beaucoup de liberté avec la réalité. Si le Ka fixe l’âme, Ba est au contraire la partie mobile de l’âme, représentée par un oiseau à tête humaine. Il est le souffle animateur, la part impersonnelle, et pourtant attachée à l’individu, qui est fixée, individualisée, par le Ka. C’est l’âme en perpétuelle transformation. Il est ainsi identifiée au Mercure alchimique, énergie des transformations, qui peut avoir pour symbole laLune.

Le Moi-Inek est l’instance psychique qui veut assurer la survie du corps et qui, à ce titre, monopolise à son avantage les qualités du Ka supérieur de la personne. Il en est le pâle reflet. Ce comportement constitue un obstacle à l’identification au Ka et, en ce sens, s’il n’est pas dépassé, il ne permet ni dans cette vie ni dans la Douat, l’au-delà des Égyptiens, sa possession consciente.

L’union au Ka supérieur permet d’assurer une certaine immortalité au défunt. On peut voir une représentation de ce fait dans la statue de Ka de Khéphren (fig. 2), qui vise à assurer la survie de son Ka après sa mort, en tant qu’une image du corps est réputée nécessaire pour maintenir l’intégrité de la mémoire du défunt. Le rôle de protection que joue le Ka dans la pensée égyptienne est ici souligné. Ce Ka sous la forme d’un faucon, ou Horus, se trouve sur la nuque, le lieu du Ka, et fait le geste du Ka (fig. 1). Par ailleurs, Pharaon revêt un « nom de Ka », qui représente son être pleinement manifesté, par opposition à son nom de naissance, qui symbolise son être premier.

Figure 2

L’âme selon Carl Gustav Jung et les Évangiles

Cette vision égyptienne trouve un parallèle chez Carl Gustav Jung10. Selon lui, nous pouvons citer trois composantes essentielles de l’âme humaine. Le Moi, qui est le maître apparent du conscient, l’Inconscient et le Soi, qui est la totalité du psychisme humain et son centre, une notion non prouvée, mais une hypothèse nécessaire. « L’idée du Soi est déjà en elle-même un postulat transcendant, psychologiquement légitimé, mais qui échappe à toute tentative de preuve scientifique11. » Le rapport entre le Moi et le Soi, « das Ich und das Selbst », est du domaine de la « sensation ». Le Soi se fait connaître par le moyen des rêves, par de nombreux symboles qui l’évoquent. Le Ka peut être assimilé au Soi et le Moi-Inek au Moi lorsqu’il oriente l’être vers la défense de schémas contraires au Soi. C’est du moins l’optique que nous prendrons dans ce livre. Notons que dans la tradition chrétienne, le Soi est appelé Christ, comme l’a énoncé Jung dans Aïon, Études sur la phénoménologie du Soi12. Ainsi, nous pouvons nommer le « maître intérieur » Soi ou Christ, comme Jésus le fait lui-même (voir Mt 23, 10). Le Soi est ici la part spirituelle de l’homme, son centre occulte, son unité. Le Moi, lui, est le centre de la partie consciente de l’âme, qui est liée à l’instinct de survie. Il est la force dont on peut dire que le Soi divin, Dieu, lui a « confié » l’âme, lui qui est étranger au monde temporel. Dans la parabole de Jésus (Mt 21, 33-46), le maître de la vigne a confié le travail à des serviteurs qui refusent de donner le fruit de la vigne et s’en prennent au fils du maître, l’héritier de la vigne. Tel est le comportement du Moi qui rejette les messages de l’Inconscient venant du Soi personnel, le « Fils de Dieu », fils de l’Unique, le « Fils Unique » (possédant l’unicité). Le Fils et le Père sont Un, car le Soi personnel et le Soi divin sont deux aspects d’un même Soi en l’Homme, le Dieu en lui. Ainsi, en paraphrasant Jean, chapitre 1, verset 1, « au commencement était le Soi, et le Soi était auprès de Dieu, et le Soi était dieu13. » Le Soi personnel est l’expression personnelle de l’unité divine, ou Soi divin, comme le rayon de lumière est fils du Soleil. Ce Soi personnel est notre réalité personnelle, tout comme le Soi divin est la réalité du Monde. Car, par-delà les apparences sensibles, par-delà les représentations mentales divisantes, « Tout est Un ». Dieu est la seule réalité. De la même manière que la réalité des couleurs diffusées par un prisme est la lumière qu’il a décomposée. Celui qui renie le Soi en lui renie tous ceux qui peuvent le représenter à ses yeux, comme les serviteurs de la parabole renient le fils du maître de la vigne. C’est à sa propre perte que court le Moi qui est dominé par ce comportement autodestructeur. Car tôt ou tard reviendra le maître de la vigne, le Soi divin… Il s’agit, dès lors, d’accepter progressivement le règne de notre maître intérieur, le Soi. Il est en effet notre seul sauveur, il porte ce que nous recherchons de toutes nos forces par-delà de vains désirs, notre véritable Désir. Et il est en même temps ce que nous craignons le plus, ce que nous renions à chaque instant. Nous n’avons pas la force de suivre délibérément cette force intérieure, si difficile à porter parmi tous ceux qui rejettent la leur. L’assumer cela passe par une approche intègre de la spiritualité, une approche qui vise à gagner en unité, en lien avec le Soi, qui est cette unité. Il y a dans la pensée égyptienne traduite par Isha Schwaller de Lubicz une ressemblance avec la pensée de Jung, pour qui la vérité de l’Inconscient est le Soi, dont le Moi doit s’assurer l’appui, car il est un centre autour duquel il gravite. Mais le Moi se prend naturellement pour le centre, comme les vignerons de la parabole. Jung nous propose donc la révolution copernicienne psychanalytique. Remettre le Soi au centre, reconnaître qu’il est ce centre. Comme l’Égyptien doit soustraire son âme de la tyrannie du Moi-Inek pour se rapprocher du Ka supérieur, Jung en appelle au processus d’individuation qui vise à soustraire le Moi de forces inconscientes sous la forme d’archétypes pour le rapprocher du centre de l’âme, le Soi. Ces deux pensées vont donc dans le même sens : celui d’un rapprochement de l’individu et de son centre spirituel secret. Elles nous poussent à considérer que le Moi n’est pas au centre de son monde, dont il ne sera jamais le Maître.

Le mariage alchimique

Il est très important de comprendre que les buts poursuivis par le Soi, la croissance spirituelle tant de soi que d’autrui, sont souvent antagonistes aux intérêts perçus et formulés par le Moi. C’est en ce sens que le sacrifice peut correspondre à une réalisation du Soi, mais à une mise à mal apparente de la satisfaction des intérêts du Moi. Il importe de ne sacrifier aucune de ces deux dimensions si l’on veut que le Soi puisse briller à travers le Moi et la supraconscience, conscience englobante, à travers la conscience. Ce pourquoi c’est sous la forme du couple ou de l’union que l’on représente leur relation. Celle de l’être intemporel, symbolisé par le Soleil, avec l’être temporel, symbolisé par la Lune. La Lune figure le monde des désirs et de l’inconscient, dont notre âme personnelle, nos rêves, nos aspirations profondes, sont une expression. Le Soleil, quant à lui, représente cet aspect de nous qui est tout en profondeur, notre éternité, ce qui nous meut par-delà les apparences. Le couple Soleil-Lune figure ainsi la réconciliation de ces deux aspects de nous-mêmes, les désirs du Moi et le divin Soi. C’est le divin qui nous aime en premier. Il veut s’unir à nous, mais pour cela il faut que nous soyons prêts à le recevoir. Il n’a de cesse de nous faire des signes tout en éprouvant nos « sentiments » pour lui. Il n’est pas de ceux qui séduisent. C’est notre cœur qu’il veut. Loin de la volonté divine, nos aspirations profondes ne trouvent pas de véritable possibilité de réalisation. Car notre Désir profond vient du Soi et il tend vers le Soi. Notre volonté personnelle, elle, est liée à ce que nous appelons « raison ». Notre libre arbitre, ce qui fait de notre relation au Soi un choix, un consentement. Notre volonté personnelle suppose l’intégration des limites, de ce qui est possible, de ce qui ne l’est pas. Elle permet le lien entre le monde et les désirs. Mais elle peut aussi permettre le lien avec la volonté divine, la volonté profonde. Elle doit s’approcher de cette dernière, qui émane du Soi personnel. C’est ainsi au travers de la volonté personnelle que peuvent se rejoindre désirs, les moteurs de nos actes, et volonté divine, l’aspiration profonde. Il est nécessaire de permettre à nos désirs de s’exprimer. Il nous faut vivre notre part intime pour la purifier et la rapprocher de notre Désir le plus profond, l’amour qui émane du Soi personnel. Notre volonté profonde est amour, elle porte ce qui est nécessaire pour nous et les autres. C’est donc par l’amour que nous nous rapprochons de cette volonté. L’enlacement de la Lune et du Soleil figure cette volonté aimante qui nous permet de rapprocher nos désirs et la volonté divine.

Lorsque les événements sont contre nous, n’ouvrons pas la bouche pour maugréer, mais transformons toute épreuve en capacité à nous rapprocher du Soi, qui veut ce qui est. Quelque chose nous échappe. Il nous faut nous adapter aux nouvelles directions et suivre le courant. Il faut apprendre, petit à petit, à s’incliner, sans s’avilir. La vie est ainsi un jeu d’équilibre. La volonté personnelle et la volonté divine, issue du Soi divin, dont le Soi personnel se fait l’écho, sont tout d’abord opposées, incompatibles. La volonté divine est alors le Destin, la fatalité. Tel est le sens des épreuves, en particulier de celles qui se répètent. Elles doivent nous permettre de nous rapprocher d’une volonté plus profonde en nous par le constat perturbant d’injustice apparente, tel le Bouddha sortant de son palais. On peut alors soit se battre sans fin, soit choisir la voie de l’introspection, se crever les yeux comme Œdipe. Le chemin spirituel consiste en une double réalisation. Spiritualiser la matière, c’est-à-dire réaliser une transformation de notre être et de nos désirs qui permette d’avoir pour horizon une volonté personnelle pleine d’amour. Transmuter nos désirs en volonté. Mais également matérialiser l’esprit, c’est-à-dire ne pas fuir nos déterminations, nos limites, notre personnalité, et incarner dans notre volonté la volonté divine. Il y a deux écueils majeurs : la survalorisation de son ego et la fuite de son ego. Dans le premier cas, on est dans une surestimation de ses capacités à vouloir le bien. Dans le deuxième, qui n’est pas moins dangereux, on côtoie ou on atteint le délire mystique par l’identification de sa volonté à la volonté divine. Ces deux erreurs sont très contagieuses, demandent l’appui d’autres personnes, car elles ne sont pas la vérité.

Une image peut rendre plus clair ce dont il est question. Figurez-vous les désirs comme des instrumentistes. Le chef d’orchestre est le Moi et le compositeur le Soi. Pour assurer l’harmonie de l’orchestre, le chef a demandé à chaque instrumentiste de travailler séparément puis en petits groupes et, enfin, ensemble. De même chaque désir s’exprime tout d’abord à plusieurs reprises sans avoir sa place dans un schéma abouti. Ce chef a appris à lire les partitions musicales. Ainsi, pour faire entendre notre musique personnelle, il nous faut travailler sur nos désirs et apprendre à déchiffrer le langage du Soi, le langage symbolique. Celui qui ne saurait pas déchiffrer et qui copierait simplement les gestes d’un chef ne pourrait produire que la cacophonie et ferait fuir le public. À l’inverse, une exécution faite avec le cœur et la maîtrise évoquerait l’harmonie dans le cœur des auditeurs, harmonie qui est à l’image de leur propre harmonie intérieure. Le secret de cette harmonie, c’est que l’intervention de chaque instrument est réglée par rapport à celle des autres. Chaque désir doit s’exprimer en harmonie avec l’ensemble de nos aspirations, à sa juste place. Dans la production finale, chaque intervention d’un instrumentiste fera sens. De même, pour un être centré, chaque désir trouve une place relativement à la personnalité d’ensemble. Bien sûr, l’interprétation ne correspondra jamais exactement à la volonté du compositeur, il y aura une différence. Il est tout à fait impossible pour nous d’être aussi bons que le Créateur. Notre volonté différera toujours de la volonté divine. Aucune connaissance symbolique n’amène à la compréhension pleine et entière de cette volonté. Mais nous pouvons ressentir et faire ressentir l’harmonie. Pour l’avoir nous-mêmes entendue. Cette harmonie, c’est l’unité du multiple, autrement appelée amour. Peut-être parmi ce public y aura-t-il de futurs musiciens capables de la faire advenir ?

Un alignement est nécessaire entre la volonté personnelle, attachée au Moi, et la volonté divine, attachée au Soi, dont il est très important de comprendre qu’elles resteront toutefois toujours distinctes. La volonté divine, comme le désir de la plante de se développer, est une réconciliation de la nécessité et de la liberté. Elle transcende cette opposition. Le Soi divin veut ce qui est. Et le Soi personnel, qui en est l’expression individuelle, veut également ce qui est bien « pour nous ». C’est à nous de vouloir ce qui nous est donné.

« Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. »

(Mt 7,9-11)

Toute personne désireuse de s’aligner sur la volonté divine, de « s’unir au divin », va devoir entrer dans un travail intérieur qui correspond à trois temps, temps qui correspondent aux étapes de l’œuvre alchimique.

Les étapes de la réalisation spirituelle

Tout d’abord, la conversion (ou Départ14). Elle peut être associée à la « justification15 », dans l’initiation égyptienne en trois étapes décrite par Max Guilmot dans Les initiés et les sites initiatiques en Égypte ancienne. Celle-ci consiste à l’introduction au monde des morts et des initiés. L’initié est alors un maâkherou, un justifié, qui gagne l’accès à la vie éternelle. La conversion correspond ainsi à l’entrée dans le monde initiatique. Elle a pour fondement un véritable coup de foudre pour son être spirituel, le Soi personnel, à travers un aperçu déstabilisant, tel que l’expérience d’unité. C’est ce coup de foudre qui va enclencher le processus spirituel, comme la graine qui est plantée en terre prépare l’arbre. L’être spirituel a ensemencé l’être temporel. C’est avoir vu l’étoile qui permet d’avancer vers le nouveau-né. Le « sauveur » de notre monde, qui naît dans une situation difficile. C’est en effet dans la tourmente que nous apercevons notre Soi. Cet aperçu du Soi, cet appel personnel, est mentionné sous le symbole du caillou blanc qui, dans l’antiquité, était le moyen de signifier une invitation à un banquet :

« À celui qui vaincra je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc ; et sur ce caillou est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n’est celui qui le reçoit. »

(Ap 2,17)

Cette conversion questionne les structures précédentes, remet tout à plat. Elle signifie la fin d’une vie, d’habitudes et d’attitudes qui ne sont pas les nôtres. Elle permet de s’ouvrir à une autre vie. C’est cette conversion qui est notamment visée par la cérémonie d’initiation.

Ensuite vient l’introspection (ou Voyage), en lien avec la « régénération16 » dans le livre de Max Guilmot. Cette dernière figure la régénération consécutive à la purification par l’eau primordiale. L’introspection suppose ainsi une purification de l’âme. Cela découle de la « fréquentation » de son être spirituel et des transformations associées. On va ici étudier les symboles pour parfaire sa connaissance de soi-même et du monde spirituel. On s’ouvre émotionnellement, on se rend réceptif. On apprend à accueillir les leçons de l’existence pour avancer. Il y a, à terme, rénovation de nos structures intérieures, de notre âme, selon une tournure plus respectueuse de qui nous sommes profondément. Il y a alors manifestation de l’être spirituel, qui répond à notre « beauté » nouvelle.

Finalement, l’union (ou Retour), qui équivaut à l’« illumination17 » de Guilmot, le moment où l’initié peut enfin contempler les choses divines. Dépassant la simple connaissance de soi-même, on entre dans la pleine acceptation de son être qui va de pair avec l’union avec le centre spirituel. Il exprime ce qui fait notre unité. S’accepter pleinement, c’est accepter sa totalité, c’est être au diapason du Soi. On accepte pleinement (mais non pas intégralement) ce qui arrive, on « réalise son Destin. » Ce qui n’est pas antinomique de l’action, d’une dynamique personnelle. Mais une action inspirée par notre être profond, et non par notre être né de l’opposition au monde, le Moi. Ici, notre travail préalable de purification intérieure va permettre de trouver une vie en adéquation avec ce que nous sommes. Ce moment est symbolisé par la fleur, car la fleur réalise directement son être. Ainsi, le plus bas est l’image du plus haut. Il suffisait de baisser lesyeux.

L’intelligence ducœur

« Que celui qui a des oreilles pour entendre entende. » (Mt 11, 15) Dans ses Propos sur ésotérisme et symbole, René Adolphe Schwaller de Lubicz nous dit : « La faculté d’“entendre” l’instinct et de le traduire cérébralement fait l’intuition. Cette faculté de traduire constitue l’intelligence du cœur. C’est par l’intelligence du cœur que l’homme peut conduire sa marche vers la libération18. » Si l’animal est mû par l’instinct pour son propre bien, il y a une forme d’instinct qui peut également permettre à l’homme de se réaliser. C’est ce que les initiés égyptiens appellent « l’intelligence du cœur ». Celle-ci va directement au réel, par le biais des symboles, de la connaissance intime des fonctions, sans truchement par des analyses et des raisonnements sans fin liés à la volonté de maîtrise du Moi. Elle est un pas de plus. Confondement. Cette intelligence se développe. C’est elle, et elle seule, qui permet l’alignement entre notre volonté personnelle et la volonté supérieure. Elle est en effet une élaboration supérieure de la volonté et de l’intelligence, tout en faisant penser à ce qu’est l’instinct pour l’animal. Elle nécessite une pensée bien construite comme socle, pour maîtriser les visions qu’elle inspire. C’est elle, comme l’instinct pour l’animal, qui nous permet d’avoir accès à la notion de ce qui est véritablement bon pour nous sur les plans matériels et spirituels. Elle est notre guide véritable. Elle peut voir ce qui échappe à la raison dans des situations complexes. Elle est parfois traduite dans l’image simpliste de « ce que notre cœur nous dit de faire ». Ce ne sont pas nos émotions qui nous parlent, ce n’est pas notre intellect. Cette petite voix en notre sein, c’est l’expression d’un lien purifié au réel. L’intelligence du cœur est la faculté la plus haute que l’homme puisse atteindre. Car nous sommes alors en forte relation avec notre Soi personnel. Nous pouvons trouver un sens dans le réel, par l’intermédiaire des symboles, qui dépasse la vision de notre Moi analytique. Nous allons directement au but. Pour René Adolphe Schwaller de Lubicz, l’intelligence du cœur est liée à la fonction sympathique. Elle est participation à ce qui se présente à la conscience, sans passer par le mode de la comparaison qui constitue le fait de l’intelligence cérébrale. Elle est lien direct au réel. Ceci n’est pas à confondre avec la « subjectivité », car cette intelligence suppose, au préalable, un détachement de l’égocentrisme. En accédant à cette intelligence, nous acquérons la vision perçante du faucon Horus, nous trouvons ce dont nous avons véritablement besoin, ce que nous désirons au fond de nous-mêmes, notre proie. Cette intelligence est comme un « toucher », une sensation de ce qu’est la vérité derrière les apparences. Cela peut être lié symboliquement au fait de bander les yeux de l’initiable. Cela peut symboliser le début de l’œuvre, la reconnaissance de l’aveuglement, et en même temps sa fin, le lien renouvelé au réel. Ce fait est symbolisé par l’œil gauche d’Horus, Oudjat (« complet ») ».

Figure 3

L’œil d’Horus, selon les Égyptiens, a été ôté par Seth et découpé en six morceaux. Chacun des éléments de cet œil correspond symboliquement à un sens. Et chacun de ces sens correspond à une fraction (fig. 3). ½ l’odorat, ¼ la vue, 1/8 la pensée, 1/16 l’ouïe, 1/32 le goût et 1/64 le toucher. Si l’on somme ces différentes fractions il manque 1/64, soit le toucher. Il s’agit d’une partie ajoutée par Thot comme liant magique lors de la reconstitution de l’œil. C’est lui qui permet à Horus de récupérer l’intégrité de sa vue. Il est permis de penser que seul l’ajout de l’intelligence du cœur permet à l’œil de voir. Thot est un dieu majeur de l’initiation égyptienne. C’est ainsi que c’est par l’initiation que cette intelligence, qui permet de vivre selon ce qui est véritablement bien pour nous et de connaître une réalité plus solide, sera développée.

5  Grégoire Kolpaktchy, Livre des morts des Anciens Égyptiens, Paris, Dervy, 2002, p.23.

6Ibid., p.72.

7 Ischa Schwaller de Lubicz, op. cit., p. 234.

8 Voir Jean-Louis Bernard, La Science occulte égyptienne, Paris, Henri Veyrier, 1987, p. 19 et p. 52.

9 Voir Carl Gustav Jung, Dialectique du Moi et de l’Inconscient, Paris, Gallimard, 1964, p. 149.

10 Carl Gustav Jung utilise lui le mot de « complexe » pour désigner le Ba et le Ka égyptien. Voir Ibid., p. 141.

11Ibid., p. 259.

12 Carl Gustav Jung, Aïon. Études sur la phénoménologie du Soi, Paris, Albin Michel, 1983.

13 Voir l’interprétation linguistique de Didier Fontaine, « Jean 1.1 : sed perseverare », Réflexions sur la traduction biblique et les sciences du langage [en ligne]. Disponible sur : http://aeropage.net/blog/2017/05/01/jean-1-1-sed-perseverare, mis à jour le 1/05/2017 (pas consultée le 20/08/2018).

14 Joseph Campbell (dans Le Héros aux mille et un visages, J’ai Lu, 2013, p. 57-60) signale que les histoires héroïques sont la plupart du temps composées de trois étapes : une séparation d’avec le monde, un accès à une source de pouvoir ou initiation et un retour vivificateur.

15 Max Guilmot, Les initiés et les sites initiatiques en Égypte ancienne, Paris, Robert Laffont, 1977, p. 132-133.

16Ibid., p. 133.

17Ibid.

18 René Adolphe Schwaller de Lubicz, Propos sur ésotérisme et symbole, Paris, Dervy, 1993, p. 89.

Chapitre2LES SYMBOLES INITIATIQUES ÉGYPTIENS

L’initiation égyptienne

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