Les Chasseurs de girafes (1897) - Thomas Mayne Reid - E-Book

Les Chasseurs de girafes (1897) E-Book

Thomas Mayne Reid

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Beschreibung

C’est dans cette contrée que nous connaissons tant et si peu, où la nature prodigue ses plus étonnantes créations, ses plus étranges contrastes, que nous allons errer une fois encore.
Nous retournons en Afrique pour y rencontrer de nouvelles aventures.
Sur les rives du Simpopo brûlait un feu clair, autour duquel le lecteur pourra contempler trois cercles d’êtres animés.
Le plus grand est composé de chevaux, le second de chiens, et le troisième, le moins nombreux, de jeunes gens. Je n’ai qu’à citer les noms de Hans et Hendrick von Bloom, Groot Willem et Arend van Wyk, pour faire connaître les « jeunes yagers » engagés dans l’expédition que nous allons raconter.

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JACQUESON
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE I
ARRIVÉE A LA TERRE PROMISE
C’est dans cette contrée que nous connaissons tant et si peu, où la nature prodigue ses plus étonnantes créations, ses plus étranges contrastes, que nous allons errer une fois encore.
Nous retournons en Afrique pour y rencontrer de nouvelles aventures.
Sur les rives du Simpopo brûlait un feu clair, autour duquel le lecteur pourra contempler trois cercles d’êtres animés.
Le plus grand est composé de chevaux, le second de chiens, et le troisième, le moins nombreux, de jeunes gens. Je n’ai qu’à citer les noms de Hans et Hendrick von Bloom, Groot Willem et Arend van Wyk, pour faire connaître les « jeunes yagers » engagés dans l’expédition que nous allons raconter.
Tous ne sont pas inspirés par les mêmes espérances et les mêmes désirs.
Le tranquille et savant Hans von Bloom, ainsi que beaucoup de jeunes gens des colonies, désire visiter la patrie de ses ancêtres, l’Europe, afin d’utiliser les connaissances qu’il a acquises dans des voyages précédents, et la collection florale qu’il a amassée pendant qu’il était « Bush boy ».
Mais auparavant il a jugé utile d’élargir ses connaissances en histoire naturelle par une excursion dans le sud de l’Afrique, sachant que ce pays présente une singulière variété de plantes rares, surtout entre les rivières Simpopo et Zambosi.
Son désir de faire ce voyage dans les déserts africains n’était pas plus fort que celui de l’enragé chasseur Groot Willem, qui, depuis son retour de sa dernière expédition, avait toujours été tourmenté du désir d’en entreprendre une autre, à la recherche d’un gibier inconnu.
Les deux jeunes cornettes, Hendrick von Bloom et Arend van Wyk, tous les deux s’efforçant de prendre les apparences de vieux guerriers, sont dans le camp.
Bien que passionnément épris de la vie de chasseur, chacun d’eux, pour certaines raisons, s’était abstenu de faire valoir la nécessité ou l’avantage de la présente expédition.
Ils eussent préféré rester chez eux, se contentant du gibier inférieur que l’on peut trouver près de Graaff-Reinet. — Ce n’est pas qu’ils craignissent le danger ou méritassent en aucune façon le surnom de « cockney sportsmen », mais leur patrie avait pour eux un charme que l’amour des aventures ne pouvait contrebalancer.
Aux émotions de la chasse auxquelles il avait, dans ses voyages précédents, pris tant de plaisir, Hendrick von Bloom préférait les sourires de Wilhemina van Wik, la sœur unique de ses amis Groot Willem et Arend.
Ce dernier, de son côté, ne se fût pas éloigné de la société de Trüey von Bloom, s’il avait été laissé à ses propres inclinations ; mais Willem et Hans ayant résolu de pousser une pointe vers le nord, dans des contrées inconnues d’eux, le départ avait été résolu.
La promesse de belles chasses, et surtout la crainte du ridicule s’ils restaient chez eux, avaient décidé Hendrick et Arend à accompagner le grand chasseur et le naturaliste aux rives du Simpopo.
Assis près du feu, sont deux autres individus ; l’un est le gros bushman Swartboy, court de taille et lourd d’esprit, à qui il eût été inutile de vouloir persuader de rester au logis, quand ses jeunes maîtres, Hans et Hendrick, allaient au loin courir le monde.
L’autre personnage est Congo le Cafre.
La rivière Simpopo se trouvait trop loin de Graaff-Reinet pour que les jeunes chasseurs pussent songer à l’atteindre avec des voitures et des vaches.
Le voyage dans ces conditions eût été possible, mais trop long, et ils étaient impatients d’arriver à ce que Groot Willem avait coutume d’appeler « la terre promise ! »
Les jeunes aventuriers avaient donc pris des chevaux et la route la plus courte. Outre leurs montures, ils emmenaient encore six autres chevaux chargés de leurs bagages, de provisions de bouche, et des différents objets utiles et nécessaires.
Le camp où nous les rencontrons ne doit être qu’une halte temporaire. Ils ont réussi à traverser la rivière du Simpopo, et sont maintenant sur les lisières de cette contrée qui leur a été si souvent citée comme le paradis des chasseurs ; ils en ont fini avec les fatigues du voyage, et n’ont plus devant eux que le plaisir, doublement appréciable quand on a fait plusieurs centaines de milles pour en jouir.
Nous avons dit qu’en entreprenant cette expédition les jeunes gens avaient des motifs différents ; cela est vrai, bien qu’ils eussent aussi un but commun, outre celui de simple amusement.
Le consul de Hollande ayant été chargé, par son gouvernement, de lui procurer une paire, mâle et femelle, de girafes, pour être envoyée en Europe, où cet étrange quadrupède n’avait jamais été vu vivant, cinq cents pounds avaient été promis pour les deux animaux amenés sains et saufs soit à Cape-Town, soit à Port-Natal. Plusieurs partis de chasseurs avaient tenté l’aventure et tué des caméléopards par vingtaines, mais sans pouvoir jamais en capturer de vivants.
Nos jeunes gens avaient alors formé la résolution de prendre une paire de jeunes girafes, et de payer, avec le prix dévolu, toutes les dépenses de leur expédition. Ils projetaient aussi de vendre les dents des hippopotames qu’ils tueraient. Cette espérance n’était point déraisonnable. Ils savaient que des fortunes avaient été faites par la vente des défenses des éléphants ; or les dents de l’hippopotame sont d’un ivoire plus fin et se vendent quatre fois plus cher que les premières sur les marchés européens.
L’intérêt cependant n’était pas le principal mobile de nos chercheurs d’aventures. Groot Willem notamment, en chasseur de profession, souhaitait d’abord de réussir dans ce que tant d’autres avaient tenté sans succès ; pour lui, la gloire d’avoir capturé les deux girafes dépassait de beaucoup l’attrait des cinq cents livres sterling de récompense, 12,500 francs, bien que la somme ne fût pas à dédaigner.
CHAPITRE II
SUR LE SIMPOPO
Durant la première nuit passée sur le Simpopo, nos chasseurs eurent de bonnes raisons pour supposer qu’ils étaient dans le voisinage du gibier qu’ils étaient venus chercher.
Leur repos fut troublé par un mélange de sons dans lesquels ils distinguèrent les rugissements du lion, de l’éléphant, et des voix d’animaux qu’ils n’avaient pas encore entendues.
Plusieurs heures de la journée s’étaient écoulées à chercher un gué dans la rivière, et ils n’avaient pu le trouver que lorsque le soleil était déjà bas à l’horizon. Tous, à l’exception de Congo, désiraient ne pas aller plus loin avant la nuit.
Le Cafre suggéra qu’ils feraient bien d’avancer au moins encore de la moitié d’un mille en montant ou en descendant la rivière, et Groot Willem appuya la proposition, sans autre raison pour cela qu’une profonde confiance dans le jugement de son compagnon.
L’avis de Congo avait fini par être adopté  ; les bruits qui troublaient maintenant nos aventuriers se faisaient entendre à quelque distance d’eux, et semblaient provenir de l’endroit où ils avaient traversé la rivière.
« Maintenant, devinez-vous pourquoi Congo nous a conseillé de venir ici ? demanda Groot Willem, comme ils écoutaient les cris qui les avaient réveillés.
— Non, fut la réplique de ses compagnons.
— Eh bien, c’est parce que l’endroit où nous étions est celui où tous les animaux des environs viennent s’abreuver.
— C’est cela même, dit Congo, confirmant les conjectures de son maître.
— Mais nous ne sommes pas venus ici pour fuir les animaux, à ce qu’il me semble du moins, observa le chasseur Hendrick.
— Non, répondit Willem, mais nos chevaux ont besoin de repos, si nous pouvons nous-mêmes nous en passer. »
Après ces quelques mots échangés, nos chasseurs, s’habituant au concert des animaux sauvages, tombèrent dans un profond sommeil qui dura toute la nuit.
L’aurore éclaira un spectacle d’une splendide beauté.
Les chercheurs d’aventures se trouvaient dans une large vallée, couverte d’arbres magnifiques, de gigantesques baobabs (adansonia digitata), de dattiers croissant par bouquets, sur un tapis floral regardé par Hans avec une satisfaction particulière.
Il avait trouvé un nouveau champ pour ses études, et de brillants rêves peuplaient ses pensées : il se voyait déjà possesseur de découvertes qui lui donnaient rang parmi les savants de l’Europe.
Ses compagnons dormaient encore, que déjà Groot Willem, accompagné de Congo, se mettait en route pour explorer le pays environnant. Ils dirigèrent leur marche vers la rivière.
En atteignant la place où ils l’avaient traversée, ils furent témoins d’une scène que même un vieux chasseur n’eût pu considérer sans une pénible émotion. Dans un espace de cent yards étaient étendues cinq antilopes mortes, d’une espèce inconnue à Willem.
Plusieurs hyènes se nourrissaient de leurs cadavres ; à l’approche des chasseurs, elles se retirèrent lentement, en riant comme des créatures humaines privées de raison, qui viennent de commettre quelque horrible action. Par les fumées laissées sur le rivage, il était évident qu’éléphants et lions avaient visité cet endroit durant la nuit. Pendant qu’il faisait ces reconnaissances, Groot Willem était rejoint par Hans qui, lui aussi, avait déjà commencé ses explorations.
L’attention de Hans se dirigea aussitôt sur les antilopes mutilées, qu’il déclara appartenir à une nouvelle variété de ces animaux ; chacune portait en travers du corps de petites bandes blanches, qui, pour cette raison, les faisaient ressembler à des « koo-doos ».
Après un court examen des traces, Congo assura qu’une troupe d’élans avait déjà visité l’endroit, et que là, quatre gros éléphants aussi à la recherche de l’eau, étaient tombés sur eux. Trois ou quatre lions s’étaient mis de la partie, et dans la lutte, les élans seuls avaient été victimes.
« le pense que nous ferons bien d’établir ici un kraal en règle, et de nous y arrêter quelques jours, dit Willem à son retour au camp. Il y a grandement de quoi nourrir les chevaux, et il n’y a pas à douter que le gué où nous avons traversé ne soit fréquenté par toutes les espèces de gibier.
— C’est aussi mon opinion, dit Hendrick, mais je ne voudrais pas camper si près du gué. Nous ferons mieux de nous établir à quelque distance, afin de ne pas. empêcher le gibier de venir à l’eau, et afin aussi de dormir. Ne pensez-vous point que nous aurons plus d’avantage à nous éloigner un peu de la rivière ?
— Oui, oui, » fut la réponse unanime.
On décida donc que l’on se mettrait à la recherche d’une place propre à l’établissement d’un « kraal » (1).
Après avoir pris leur premier repas sur le Simpopo, Groot Willem, Hans et Hendrick montèrent à cheval et longèrent la rivière suivis de tous les chiens, laissant Arend avec Swartboy et Congo pour prendre soin du camp.
Pendant près de trois milles, les jeunes chasseurs coururent sans trouver aucun endroit favorable ; les rives étaient à pic et arides, et par conséquent peu visitées par les animaux qu’ils désiraient chasser. Enfin, le paysage changea pour prendre un aspect plus en rapport avec leurs vœux.
Du bois léger, tel qu’il le fallait pour leurs besoins, croissait près de la rivière, qui n’était plus inaccessible, bien que ses bords parussent peu fréquentés par les animaux.
« Je pense que cet endroit conviendra admirablement, dit Groot Willem. Nous ne sommes qu’à un demi-mille du courant, et probablement nous trouverons à faire bonne chasse en remontant la rivière.
— Très-probablement, repartit Hendrick, mais avant de prendre trop de peine à nous bâtir un kraal, nous ferons bien de nous assurer du genre de gibier qui peut être trouvé ici.
— Vous avez raison, répondit Willem, il faut nous assurer si ce sont des hippopotames ou des girafes. Nous ne pouvons reparaître devant nos amis sans avoir pris une paire de ces derniers animaux ; quelques-uns, j’en suis persuadé, seraient enchantés de pouvoir se moquer de nous.
— Et vous, entre tous, mériteriez leurs sarcasmes ; rappelez-vous combien vous avez plaisanté les chasseurs qui revenaient bredouille. »
Ayant choisi une place pour le kraal, au cas où ils décideraient de rester quelque temps dans le voisinage, les jeunes chasseurs continuèrent leur exploration le long de la rivière.
CHAPITRE III
UNE DOUBLE TRAPPE
Peu de temps après le départ de Groot Willem et de ses compagnons, Arend aperçut au milieu d’un fourré, à environ un demi-mille de la rivière, un petit troupeau d’antilopes broutant tranquillement les arbustes et les herbes de la prairie. Immédiatement, il monta à cheval avec l’intention d’en tuer une pour leur dîner.
Ayant galopé sous le vent du troupeau, et s’en étant approché, il vit qu’il appartenait à une espèce appelée « plongeurs ».
Près d’eux était un bouquet de nerium olander, un arbrisseau d’environ douze pieds de haut, chargé de fleurs magnifiques.
A l’abri de ces buissons, il s’approcha assez près des antilopes, et visant une des plus grosses, il fit feu.
Les animaux, à l’exception d’un seul, se précipitèrent vers la lisière du hallier, firent un grand saut, et disparurent à la vue par-dessus les sommets des buissons, montrant ainsi qu’ils méritaient leur surnom de « plongeurs ».
Galopant vers celui qui était resté en arrière, et sur lequel il avait tiré, le jeune chasseur s’assura qu’il était mort.
Il s’en retourna alors au camp, et dépêcha Congo et le bushman pour le rapporter.
Ceux-ci revinrent bientôt avec le gibier, qu’ils se préparaient à dépecer pour le faire rôtir.
Tandis qu’ils étaient ainsi occupés, Swartboy parut remarquer quelque chose dans la plaine.
« Regardez là-bas, baas Arend, dit-il.
— Bien ! qu’est-ce que c’est, Swart ?
— Vous voyez ce cheval qui pâture ? Il est trop loin du camp. »
Arend se tourna dans la direction indiquée par le bushman. Un des chevaux s’était éloigné de ses compagnons, il se trouvait maintenant à plus d’un mille et continuait à courir en avant.
« Soyez tranquille ! Swart, continuez votre cuisine. Je vais courir après la bête moi-même, et la faire rentrer. »
Arend, remontant à cheval, se mit à trotter dans la direction qu’avait prise l’animal.
Congo et Swartboy virent la nécessité, pour cuire l’antilope ; de se procurer un peu d’eau, et chacun prenant un seau à cette intention, ils se dirigèrent vers le gué, qui se trouvait le point le plus à portée pour leur dessein.
Ils suivaient la rivière, mais au moment d’atteindre la place où ils pouvaient descendre dans l’eau, Congo, qui marchait en avant, disparut tout à coup.
Il était tombé dans une fosse soigneusement construite en vue de prendre des hippopotames ou des éléphants.
La trappe avait environ neuf pieds de profondeur, et lorsque le Cafre, revenu de son étonnement, voulut reconnaître les lieux, il se trouva presque aveuglé par le sable, la poussière et les autres matériaux qui avaient formé la couverture de la fosse.
Congo, au fait des ruses des chasseurs du sud de l’Afrique pour tuer du gros gibier, ne fut aucunement déconcerté par ce qui lui arrivait. Après s’être assuré qu’il ne s’était point blessé dans sa chute, il leva les yeux, espérant que son compagnon lui viendrait en aide.
Le bushman, surpris d’abord par l’incident dont son rival venait d’être victime, eut l’idée bientôt de s’en amuser un peu.
Poussant un éclat de rire sauvage, imitation assez exacte du cri d’une hyène, Swartboy, dans sa joie, se mit à danser et à sauter sur le bord du trou.
Jamais son petit esprit n’avait été si agréablement diverti, mais les manifestations de son plaisir furent aussi vite terminées que commencées ; car, lui aussi, il disparut tout à coup, comme s’il venait d’être englouti par un tremblement de terre.
Un malheur semblable à celui de son compagnon lui était arrivé.
C’est l’habitude, dans le sud de l’Afrique, d’établir deux trappes l’une près de l’autre, les animaux qui viennent d’en éviter une pouvant, dans leur hâte et leur effroi, tomber dans l’autre.
La cavité dans laquelle Congo s’était le premier trouvé emprisonné contenait environ deux pieds de boue ; les parois en étaient perpendiculaires, et d’une espèce d’argile savonneuse ; aussi ses efforts pour grimper et en sortir furent-ils inutiles, au grand chagrin de ce peu philosophique esprit.
Plusieurs minutes qui semblèrent des heures à Congo s’écoulèrent, et cependant point de nouvelles de son compagnon. Swartboy était-il retourné au camp ? Mais alors, comment Arend, ayant été averti, ne s’était-il pas empressé d’accourir au secours de son fidèle compagnon ?
Pour ajouter aux charmes de l’endroit, la fosse contenait des reptiles et des insectes qui, comme lui, ne pouvaient plus en sortir. Les grenouilles et les crapauds qui la peuplaient (sans compter les grosses fourmis appelées « soldats ») n’étaient point une compagnie pour faire passer le temps.
En vain Congo appelait « Swartboy » et « baas Arend », personne ne venait.
L’esprit vindicatif de sa race fut bientôt excité au plus haut point, et il ne désira plus recouvrer sa liberté que dans un seul but, celui de se venger de l’homme qui, au lieu de le délivrer, n’avait songé qu’à se réjouir de son accident.
Quant au bushman Swartboy, il n’avait nullement souffert de sa chute.
Sa première pensée fut de sortir de sa prison sans recourir au compagnon aux dépens duquel il venait de se réjouir. Son orgueil eût été grandement mortifié si le Cafre, parvenu à sortir avant lui de sa fosse, l’eût trouvé pris à son tour dans une autre. C’eût été une revanche trop humiliante.
Il écouta donc en silence les appels « au secours » de Congo, s’efforçant de tout son pouvoir de se dégager seul. Il se mit en conséquence à essayer d’utiliser un pieu aigu qui avait été placé là par les chasseurs, dans le but d’empaler et de tuer les hippopotames ou les éléphants qui tomberaient dans la trappe. Le projet du bushman était de s’aider de ce pieu pour sortir du trou ; mais, au milieu de sa tâche, son esprit se tourna vers d’autres idées.
Swartboy fit comme bien des gens : au lieu de s’en prendre à lui-même de ce qui lui arrivait, il accusa son compagnon. N’était-ce pas le malheur du Cafre qui avait attiré le sien ? Cependant il prit son mal plus en patience que Congo, parce qu’il avait un espoir de délivrance qui manquait à son camarade.
Il savait qu’Arend allait bientôt revenir au camp arec le cheval égaré, et qu’il s’inquiéterait d’eux ; de plus, Arend s’apercevrait de l’absence du seau et se dirigerait vers le gué, la seule place où l’eau pût être puisée, et il passerait nécessairement en vue des fosses.
CHAPITRE IV
DANS LES FOSSES
Cependant Swartboy, voyant le temps s’écouler et les ombres de la nuit descendre du côté de la rivière, commença à perdre espoir. Il ne pouvait se rendre compte des raisons qui empêchaient le jeune chasseur de venir à son secours.
Groot Willem, Hendrick et Hans devaient être de retour : comment ne s’étaient-ils pas mis en quête de leurs serviteurs absents ?
Après être resté silencieux, il fut saisi tout à coup du besoin d’exprimer son peu de satisfaction de la manière dont le sort avait conduit les événements.
« Congo ! cria-t-il, où êtes-vous ? pourquoi ne rentrez-vous pas au camp ? »
Le Cafre reconnut immédiatement cette voix. Comme lui, le bushman était dans une tombe vivante. Ceci expliquait sa négligence à apporter l’aide désirée.
« Pourquoi ? pourquoi ? s’écria Congo, souriant pour la première fois depuis son emprisonnement, je ne veux pas aller au camp et vous laisser derrière moi, je vous attends.
— Vous avez trop bonne opinion de votre amabilité, répliqua le bushman : qui désirerait la compagnie d’un vieux fou de moricaud comme vous ? Vous pouvez retourner au camp, et quand vous serez là, dire à baas Hendrick que Swartboy désire le voir. J’ai quelque chose de particulier à lui dire.
— Très-bien, fit le Cafre, de plus en plus réconcilié avec son emprisonnement. Mais ne puis-je dire à baas Hendrick ce que vous désirez sans lui donner la peine de venir ici ? Que voulez-vous que je lui demande ? »
En réponse à cette question, Swartboy fit un long speech dans lequel le Cafre était requis d’avouer sa maladresse et sa stupidité d’être tombé dans une trappe.
Celui-ci répliqua en demandant comment l’un aurait été plus maladroit que l’autre. Mais rien ne pouvait ôter de l’esprit du bushman que la maladresse de Congo avait causé la sienne.
Cette pensée, bien que consolante pour son orgueil, ne pouvait empêcher qu’il ne fût emprisonné dans un trou noir et sale, en compagnie de peu aimables reptiles.
Peu à peu son imagination s’exalta : qu’adviendrait-il si, par accident, Arend ne retournait point au camp, et si Groot Willem et les autres n’y rentraient pas non plus avant deux ou trois jours ?
Et si une tribu des sauvages habitants de cette contrée venait à les découvrir ? Ou si un éléphant étourdi lui tombait sur le dos...
Ces conjectures et un millier d’autres remplissaient la cervelle du bushman et le menaient à cette conclusion, que lui et son compagnon avaient pour perspective, après s’être nourris des reptiles qui remplissaient la trappe, de mourir de faim.
Ces désagréables rêveries furent interrompues par un aboiement furieux ; levant les yeux jusqu’à l’ouverture par laquelle il était tombé, Swartboy aperçut une sauvage créature, le « wilde houden » des chasseurs hollandais.
A ce premier aboiement en succédèrent plusieurs autres.
Les animaux, par une crainte instinctive de l’homme, se retirèrent à une petite distance, mais ils avaient faim, et eurent le sens de reconnaître que l’ennemi qu’ils avaient aperçu devait se trouver pour quelque raison dans l’impossibilité de leur nuire.
En se rapprochant peu à peu des fosses, ils jugèrent qu’au fond de chacune il y avait de la nourriture pour eux.
La voix et les regards humains avaient perdu leur pouvoir, et les chiens sauvages commencèrent à gratter sur les fosses, envoyant dedans une pluie de poussière, de sable, de gazon qui faillirent suffoquer les deux hommes qui y étaient enfermés.
Les perches qui soutenaient l’écran de terre furent déracinées avec rage, et tout l’échafaudage menaça de s’écrouler. « C’est une avalanche de chiens, pensa Swartboy, j’espère que Congo en a sa part. »
Cet espoir fut bientôt réalisé, car un instant après, il entendit les aboiements d’un de ces animaux évidemment tombé dans le trou voisin.
Le chien était en effet dans la trappe, mais non sans s’être blessé, heureusement pour Congo, de façon à ne pouvoir être dangereux. Il était tombé sur le bâton à bout aigu, planté dans le centre du trou !
Le Cafre ne pouvait tenir son visage éloigné de plus de douze pouces de la gueule du chien, qui se débattait et tournait sur sa pique comme sur un pivot, et Congo dut se serrer contre un côté de la fosse, afin de se tenir hors de l’atteinte de l’animal enragé.
Swartboy pouvait distinguer les cris du chien empalé de ceux de ses compagnons qui étaient au-dessus, et l’interprétation qu’il y trouva fut qu’un terrible combat se livrait entre lui et le Cafre.
La jalousie et la rancune, si souvent témoignées par le bushman, n’étaient pas aussi invétérées qu’il le pensait.
Son intense anxiété pour savoir l’issue du combat lui fit comprendre que son amitié pour le Cafre triomphait de son animosité.
Tout à coup, il lui sembla que le troupeau sauvage s’éloignait. Le seul animal qui parût rester était celui qui aboyait toujours dans la fosse de Congo.
A quelle cause fallait-il attribuer le départ des chiens ? Le secours venait-il enfin ?
Le bushman écouta en retenant son haleine.
CHAPITRE V
AREND PERDU
Dans l’après-midi, quand Groot Willem, Hans et Hendrick revinrent au camp, ils le trouvèrent désert.
Plusieurs chacals s’éloignèrent à leur approche, et en arrivant à l’endroit que ces créatures venaient de quitter, ils aperçurent les os bien nettoyés d’un quartier d’antilope.
Le camp devait donc être abandonné depuis plusieurs heures.
« Qu’est-ce que cela veut dire ? s’écria Groot Willem. Qu’est devenu Arend ?
— Je ne sais pas, répondit Hendrick ; il est étrange que Swartboy et Congo ne soient pas ici pour nous le dire.
— Qu’allons-nous faire ? demanda Willem d’un ton qui témoignait de quelque inquiétude.
— Attendre, » répondit Hans.
A ce moment deux ou trois objets fixèrent leur attention. C’étaient leurs propres chevaux, au loin, dans la plaine ; Hendrick et Groot Willem partirent pour aller les chercher et les ramener au camp.
Environ une heure se passa avant qu’ils eussent réussi à reprendre les chevaux.
En passant près. du gué, sur leur retour, ils galopèrent vers la rivière pour faire boire leurs montures.
Arrivés plus près de la rive, ils aperçurent plusieurs chiens sauvages qui s’enfuyaient.
Les cavaliers continuèrent leur chemin vers la rivière. Pendant que leurs chevaux buvaient, il leur sembla entendre des sons étranges.
« Écoutez, dit Hendrick, ce bruit singulier ; qu’est-ce que ce peut être ?
— Un des chiens sauvages, sans doute, répondit Willem.
— Où  ? »
Cette question resta sans réponse jusqu’à ce que Groot Willem eût aperçu une des fosses.
« Là-bas ! s’écria-t-il, une trappe, et il y a un chien qui y est tombé, c’est lui qui aboie. Tirerai-je sur la bête ?
— Oui, répliqua Hendrick ; je déteste ces animaux, mais il serait cruel de laisser périr de faim un être quelconque. »
Willem trotta vers la trappe et mit pied à terre. Ni lui, ni son compagnon n’avaient encore parlé assez haut pour se faire entendre de ceux qui étaient enfermés dans les fosses.
En se penchant sur le trou, Willem n’aperçut que le malheureux chien pendu sur la pique et aboyant toujours ; il le vis à l’œil et fit feu.
L’animal tomba mort ; mais le coup de fusil fut suivi de deux cris terribles, poussés par les deux Africains.
« Arend ! s’écria Willem inquiet de son frère et ne songeant qu’à lui ; Arend, est-ce vous ?
— Non, baas Willem, répondit le Cafre, c’est Congo.
— Que diable faites-vous là  ? dit Willem.
— Je vous le dirai quand vous m’aurez aidé à en sortir, » repartit Congo.
Willem introduisit par l’ouverture de la trappe le bout de son long rifle, tandis qu’il le tenait fortement serré par la crosse.
Le Cafre prit à deux mains le canon du fusil que Groot Willem tira à lui de toutes ses forces, et le prisonnier se trouva ainsi délivré.
Swartboy, qui avait crié à son tour, sortit de sa fosse de la même manière, et les deux pauvres diables purent se contempler en face l’un de l’autre, chacun fort heureux de revoir son rival. La colère qui avait animé les yeux du Cafre s’était évanouie, et un large sourire éclairait son visage.
« Mais où est Arend ? demanda Willem inquiet de l’absence de son frère.
— Je ne sais pas, baas Willem, répondit Congo ; je suis ici depuis longtemps.
— Mais quand l’avez-vous vu en dernier lieu ? » demanda Hendrick.
Congo se trouva dans l’impossibilité de répondre à cette question ; il semblait croire qu’il avait été plusieurs jours enfermé dans le sein de la terre.
Willem et Hendrick apprirent de Swartboy qu’aussitôt après leur départ Arend s’était mis à la poursuite d’un des chevaux égaré dans la plaine.
Le soleil était déjà vers son déclin, et, sans perdre de temps en paroles inutiles, les deux chasseurs remontèrent à cheval et galopèrent vers l’endroit où Arend avait disparu.
Ils atteignirent la lisière du bois, presque à un mille du camp ; alors, ne sachant plus que faire, Willem tira un coup de fusil.
Le bruit éveilla les échos de la forêt, et anxieusement ils attendirent une réponse, mais les gémissements des vautours, les caquetages des singes et les rugissements des lions, furent tout ce qu’ils entendirent.
« Que faire, Willem ? demanda Hendrick.
— Allons au camp, » répondit Willem en faisant retourner sa monture.
CHAPITRE VI
SPOOR’EM
Le dernier rayon du soleil couchant avait déserté la vallée du Simpopo, quand Willem et Hendrick, munis d’une torche et accompagnés du Cafre et du chien Spoor’em, se remirent à la recherche de leur compagnon perdu.
L’animal répondant au nom de Spoor’em, né dans les établissements portugais et acheté par Groot Willem, avait eu Congo pour parrain. Les privations et les fatigues d’un voyage semblèrent alors fort antipathiques à Spoor’em, qui, plus d’une fois, parut disposé à abandonner ses maîtres. On l’avait néanmoins emmené dans la présente expédition, avec l’espoir qu’il rendrait quelque service en compensation des peines jusqu’alors prises pour lui.
On suivit la lisière de la forêt qui conduisait sur les traces laissées par Arend au moment où il s’était mis à la poursuite du cheval égaré. La piste des deux animaux se continuait dans la forêt, le long d’un chemin bien battu, évidemment par les buffles et autres animaux.
Ce chemin, embarrassé par des branchages épineux, rendait inutile l’aide du chien.
Congo conduisit donc la marche.
« Êtes-vous sûr que les deux chevaux ont passé par ici ? demanda Willem en s’adressant au Cafre.
— Oui, baas Willem, » répondit Congo.
Willem, se tournant vers Hendrick, ajouta :
« Je voudrais qu’Arend eût laissé le cheval aller au diable ; il ne valait pas qu’il se risquât dans un endroit comme celui-ci. »
Après avoir continué de marcher dans ce fouillis de buissons pendant près d’un demi-mille, ils atteignirent une étendue de plaine, où il n’y avait plus de voie tracée, mais des empreintes allant dans différentes directions.
Les marques des pieds du cheval d’Arend s’y retrouvèrent encore, et le limier fut lancé sur elles.
Contrairement aux autres limiers, Spoor’em ne laissait pas loin derrière lui ceux qui le suivaient. Il parut penser qu’il serait prudent pour tous qu’ils restassent les uns près des autres. Ses maîtres n’eurent donc aucune difficulté à se maintenir au niveau de son allure.
Dans l’espérance d’apprendre bientôt quelque chose de leur compagnon, ils continuèrent de marcher, tandis que de la voix ils encourageaient le limier à une course plus rapide.
Les bruits d’une querelle entre quelques-uns des sauvages habitants de cette forêt furent tout à coup entendus à peu de yards en avant.
C’étaient des bruits familiers aux chasseurs, et qu’ils pouvaient aisément interpréter.
Un lion et une compagnie d’hyènes se querellaient sur le corps d’un gros animal. Il n’y avait pas de combat, car, bien entendu, le roi des animaux était en possession non disputée de l’épave, et les hyènes ne faisaient que se plaindre à leur manière.
Aux rayons de la lune, les chasseurs aperçurent une douzaine d’hyènes rassemblées autour d’une masse sombre.
« On dirait le cadavre d’un cheval, murmura Hendrick.
— Oui, j’en suis certain, répliqua à voix basse aussi Willem, car je puis distinguer le harnais. Mon Dieu ! c’est le cheval d’Arend. »
Spoor’em, qui s’était avancé à une quinzaine de pas de l’endroit où le lion était étendu, lança un aboiement de menace, comme une provocation au lion.
Un grognement furieux fut la seule réponse qu’obtint Spoor’em, et le lion resta tranquille.
« Nous pouvons ou le tuer, ou le chasser, dit Willem ; lequel des deux ferons-nous ?
— Tuons-le, répondit Hendrick : c’est le mieux. »
Se glissant en bas de leurs selles, Willem et Hendrick remirent le soin de leurs chevaux au Cafre. Ils avancèrent doucement, leurs fusils bien chargés et Spoor’em sur leurs talons, jusqu’à cinq pas du lion qui restait toujours à la même place.
Le seul respect qu’il montra pour leur présence fut de cesser de manger, et de s’accroupir, comme s’il s’apprêtait à s’élancer sur eux.
« Maintenant, murmura Hendrick, ferons-nous feu ?
— Oui, oui. »
Tous deux pressèrent la détente, et les deux coups ne produisirent qu’une seule détonation.
Instinctivement chacun se jeta hors de la ligne où l’animal devait bondir. Lui, poussant un terrible rugissement, s’élança lourdement au-devant d’eux ; mais ce fut pour tomber à leurs pieds, ayant franchi d’un bond une distance d’environ vingt pieds.
Sans se préoccuper plus longtemps de l’animal, les deux chasseurs tournèrent immédiatement leur attention sur le cheval. C’était bien celui d’Arend, mais il n’y avait pas la plus petite trace du cavalier. Quel que fût son sort, rien n’indiquait qu’il eût été tué.
Une espérance restait donc, qu’il avait pu s’échapper.
« Essayons de savoir si le cheval a été tué à l’endroit où il est étendu maintenant, ou s’il a été amené ici par le lion ; c’est la meilleure manière pour asseoir nos conjectures et commencer nos recherches sur un terrain un peu solide. »
Après avoir examiné la terre, Congo déclara que le cheval avait été tué sur la place même, et par le lion.
Cela parut assez étrange.
Après un plus minutieux examen, on découvrit qu’une des jambes du cheval était embarrassée dans l’une des brides ; cela expliquait, jusqu’à un certain point, le fait. Autrement il eût été difficile d’établir qu’un animal aussi léger et aussi vif qu’un cheval eût pu se laisser atteindre en rase campagne.
« Tant mieux, si les choses sont ainsi, dit Groot Willem ; jamais Arend n’est venu jusqu’ici sur son cheval.
— C’est vrai, reprit Hendrick, et notre premier soin doit être de découvrir où il s’est séparé de sa monture. »
Durant cette conversation, les chasseurs avaient rechargé leurs rifles, et étaient remontés à cheval dans l’intention de retourner sur leurs pas.
« Baas Willem, suggéra Congo, laissez Spoor’em chercher encore un peu par ici. »
Cet avis fut adopté, et Congo, partant devant le limier, commença à décrire un long cercle autour de l’endroit.
Après avoir atteint un côté de la plaine, où ils n’avaient pas encore pénétré, le Cafre appela ses compagnons.
Ils galopèrent vers le Cafre, qui leur montra les empreintes du cheval d’Arend, s’éloignant de l’endroit où son corps était étendu, et dans une direction opposée au camp.
Évidemment le cheval était allé plus loin que la place où ses restes se trouvaient maintenant. Ayant perdu son cavalier, il retournait au camp, quand il avait fait la dangereuse rencontre du li on.
De nouveau, Spoor’em s’élança sur la piste, Congo marchant derrière lui, et les deux cavaliers galopant consciencieusement à la suite.
Mais il nous faut retourner au camp, et chercher d’une façon plus sûre, les traces du chasseur absent.