Les chroniques du bizarre et de l'insolite - Francine Labrecque - E-Book

Les chroniques du bizarre et de l'insolite E-Book

Francine Labrecque

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Beschreibung

Si vous aimez les histoires d’horreur et de fiction terrifiantes, voici un recueil de trois nouvelles d’épouvante qui vous donneront des frissons garantis !

 
SANTA MUERTE : raconte l’histoire d’une femme qui recouvre la vue grâce à des prières à une déité mystérieuse. Mais ce qu’elle voit l’effraie au point qu’elle est forcée de commettre l’irréparable.

 
ETERNELLE : un savant trouve l’étincelle qui donne la vie au corps humain. Mais la jeune femme qu’il ramène au monde des vivants lui dévoile un secret qui n’aurait jamais dû voir le jour.


LA LUMIERE : un jeune homme est foudroyé par une crise cardiaque. Pendant qu’on s’attarde à le réanimer, il voit la lumière qui l’attire vers elle. Il pénètre alors dans un univers sinistre régi par des personnages maudits et dégoûtants.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Francine Labrecque écrit du fantastique, de la science-fiction, des contes et légendes, et de l’horreur. Elle a étudié à l’Institut national de l’image et du son à Montréal à titre d’auteure télé, et en Création littéraire à l’Université du Québec à Montréal. Elle écrit aussi pour la télévision et le cinéma.

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Les Chroniques du

bizarre

et de l’insolite

Francine Labrecque

Tome I

SANTA MUERTE

(surnaturel, horreur)

ETERNELLE

(science-fiction)

LA LUMIERE

(surnaturel, horreur)

Paranormal/ Horreur

Images : Adobe Stock

Illustration graphique : Graph’L

Art en Mots éditions

SANTA MUERTE

Pour Constance Beauregard, la vie a débuté dans la noirceur la plus totale malgré les beaux yeux bleus qu’elle hérita de sa mère. Totalement aveugle dès la naissance, elle eut quand même la chance d’avoir des parents assez fortunés pour lui donner une bonne éducation et l’entourer.

Malheureusement, alors que Constance n’avait que 17 ans, un accident d’automobile lui enleva ses parents soudainement et elle se retrouva seule dans la résidence familiale avec seulement les employés pour l’aider dans son quotidien. Heureusement, elle avait hérité assez d’argent pour lui durer toute une vie et pour qu’elle ne soit jamais dans le besoin malgré son handicap visuel.

Constance avait appris à naviguer les rues de la ville avec aisance dès son jeune âge. Sa curiosité naturelle l’avait amenée dans tous les quartiers et elle maniait sa canne blanche élégamment, une canne d’ivoire qui avait appartenu à son grand-père également atteint de cécité, mais à un âge plus avancé. Pour Constance, seuls les bruits de la ville et les arômes provenant des différents commerces lui procuraient une image mentale de ce qui se trouvait autour d’elle. Sur la rue, les gens étaient habitués à la voir et la saluaient, certains s’arrêtant même pour échanger quelques mots.

Maintenant âgée de 33 ans, Constance habitait toujours la maison familiale. Entourée de ses employées, elle ne manquait de rien, mais la noirceur dans laquelle elle était plongée depuis toujours lui pesait lourd. Elle voulait voir la lumière, les couleurs, les formes et les visages, le ciel… enfin, elle voulait voir ce soleil qui lui réchauffait les joues, les étoiles dont on parlait dans les poèmes d’amour, le sourire des gens… Mais ce rêve semblait impossible. Tous les docteurs qu’elle avait consultés lui avaient dit que ce ne serait jamais possible.

De retour chez elle un après-midi, sa jeune femme de chambre, Annette, une immigrante arrivée tout droit des Caraïbes et qui d’habitude ne parlait pas beaucoup, vint à sa rencontre à l’entrée de sa résidence.

— Madame, on vous a laissée sortir de cette façon ? s’enquit-elle.

— Que voulez-vous dire, Annette ? répondit Constance en se retournant vers son interlocutrice.

— Vos cheveux ne sont pas coiffés. Pardonnez-moi, mais vous n’auriez pas dû sortir comme ça. Pauvre vous…

Constance fronça les sourcils.

— Où est Angeline ?

— Dans la bibliothèque, Madame.

Constance prit aussitôt le chemin de la bibliothèque qui était derrière le grand salon. Angeline était couchée sur un sofa et lisait un bouquin sans se soucier de la besogne à faire. La pièce était sens dessus dessous alors que des livres recouvraient les tables et les fauteuils ; il y en avait même des piles sur le sol. Elle ne se leva même pas lorsque Constance entra dans la pièce.

— Angeline ? s’enquit Constance.

— Oui, Madame ?

— Que faites-vous ?

— Je mets de l’ordre dans la pièce, mentit-elle en souriant bêtement.

Annette, qui se tenait derrière sa patronne, fit de grands signes à Angéline de se lever, mais cette dernière l’ignora complètement.

— Très bien. Mais pourquoi m’avez-vous laissée sortir toute décoiffée ?

— Vos cheveux étaient très bien placés, Madame, lui répondit-elle sur un ton un peu sec et en roulant les yeux vers le plafond. C’est peut-être le vent…

— Vous voulez les replacer pour moi ? J’avais l’intention de sortir à nouveau cet après-midi.

Angeline, une femme obèse aux cheveux sales et plats sans éclat, se leva en poussant un long soupir, dérangée dans sa relaxation. Elle s’approcha de sa patronne et jeta un coup d’œil rapide aux longs cheveux blonds de celle-ci qui étaient remontés et retenus maladroitement par de petites pinces.

— Ah ! Je vois le problème, mentit de nouveau l’employée. Je vous remonte cette mèche de cette façon et… voilà ! C’est fait. Vous êtes très jolie comme ça. Très distinguée.

— Merci, Angeline, dit Constance en souriant et en palpant ses cheveux maladroitement remontés.

Constance sortit de la pièce pour aller à la cuisine alors qu’Angeline retournait s’étendre sur le sofa pour reprendre sa lecture. Annette lui fit les gros yeux, mais la servante n’en fit pas de cas.

À l’intérieur de la résidence, Constance n’avait pas vraiment besoin de sa cane tellement elle connaissait tous les recoins de la maison où elle avait grandi. En arrivant dans la cuisine, elle fut accueillie par une odeur de soupe aux pois. Germaine, une ancienne sœur grise, qui avait laissé le voile pour venir à l’emploi de la famille Beauregard il y a très longtemps, s’occupait de la cuisine depuis la mort violente des parents de Constance. Bonne cuisinière, elle s’occupait des repas pour toute la maisonnée et des achats de nourriture. Mais Constance ne voyait pas que la cuisine était dans un état de décrépitude avancée malgré les améliorations qu’on lui avait dit avoir fait faire. Germaine avait tout simplement gardé l’argent pour elle. Et Dieu sait que Germaine n’avait pas l’esprit charitable. Essentiellement, quand elle servait à table, elle gardait les bonnes pièces de viande pour elle et Angeline, et servait les restes à Constance qui ne s’était jamais plainte, ne voyant pas ce qui se passait. Annette prenait ce qu’on lui donnait sans se plaindre.

Seule Annette avait pitié de sa patronne mais, lorsqu’elle osait dire un mot, les deux autres s’assuraient qu’elle ne recommence pas. Elles avaient la vie bien facile dans cette résidence où personne ne voyait vraiment ce qui se passait. Constance, isolée dans la noirceur, n’avait pas d’ami non plus. Ses parents avaient fait son éducation à la maison et l’avaient gardée à l’écart pendant toute son enfance. Quand ils perdirent la vie, Constance n’avait que 17 ans et préféra la sécurité de sa résidence et des gens déjà à l’emploi de sa famille.

Dans le quartier, les gens connaissaient Constance comme étant une aveugle bien nantie. On savait que ses parents lui avaient laissé une petite fortune et qu’elle n’en avait jamais profité. Des gens mal intentionnés lui avaient souvent soutiré des montants en lui racontant des malheurs imaginaires. Parce qu’elle avait grand cœur et à cause de son incapacité à discerner la sincérité dans leurs yeux ou sur leurs visages, elle acquiesçait à leurs demandes sous les regards amusés de ses servantes qui, elles aussi, abusaient de sa bonté. Seule Annette semblait ne pas prendre plaisir à ce qui se passait et à la façon dont on traitait son employeur.

Toutefois, Constance n’était pas si dupe qu’on le croyait. Elle sentait autour d’elle que les choses n’allaient pas comme il devrait, qu’elle n’était pas respectée par ceux qu’elle employait. Elle n’avait jamais osé parler, mais elle rêvait souvent du jour où ses yeux verraient la lumière et qu’elle pourrait enfin vraiment voir ce qui se passait autour d’elle, en être certaine, le voir de ses propres yeux. Il lui arrivait de prier pour un miracle, mais ses prières étaient restées sans réponse. Elle demeurait hantée par ce désir de découvrir le monde.

— Cette soupe sent bien bon, dit Constance en s’asseyant à la table.

— Une bonne soupe aux pois comme vous l’aimez. Elle est prête. Vous en voulez un bol, Madame ?

— Oui, merci, Germaine.

La vieille Germaine remplit un bol de sa soupe et le déposa devant Constance.

— Attention. Elle est chaude, cette soupe.

Constance goûta la soupe en portant le bol à ses lèvres. Germaine ne lui offrit jamais une cuillère. Satisfaite, Constance sourit en direction de sa cuisinière. En signe de réponse, Germaine grimaça, visiblement frustrée par ce travail de servante. Elle n’offrit même pas à Constance les biscottes qui se trouvaient juste devant elle, une façon pour elle de lui montrer qui avait vraiment le contrôle dans cette maison. Annette ouvrit un tiroir et en ressortit une cuillère. À bien y regarder, la cuillère était sale comme toutes les autres dans le tiroir. Elle la frotta sur sa chemise pour la nettoyer du mieux qu’elle put. Puis, elle la plaça à la portée de Constance qui la remercia d’un sourire.

Germaine se prit un bol de soupe et s’essaya à l’autre bout de la table pour y lire son journal.

— C’est le journal d’aujourd’hui, Germaine ? Vous voulez me lire ce qu’il y a d’intéressant ?

— Toujours la même chose, Madame, répondit-elle sèchement en tournant les pages rapidement.

Mais elle s’arrêta sur un article en particulier.

— Tiens. « Un homme retrouve l’usage de ses jambes grâce à Helena Ramirez », une sorte de médium d’après ce qu’on raconte. « Les docteurs sont bafoués ».

— Un miracle ?

— C’est ce qu’on dit. On raconte que les gens viennent de partout pour la voir.

— Ah ? Et où habite cette Madame Ramirez ?

— Ça vous intéresse, Madame Beauregard ? se moqua Germaine sans vraiment le cacher. La prière est beaucoup plus puissante.

— Vous priez souvent, Germaine ? demanda Constance avec un brin de sarcasme, sachant très bien que l’ancienne sœur grise ouvrait rarement sa bible.

— Helena Ramirez habite de l’autre côté de la ville, dans le ghetto où se cachent les immigrants illégaux.

L’endroit dont elle parlait était une des zones de la ville les plus dangereuses et où il était fortement suggéré de ne pas s’y promener seul. Beaucoup d’immigrants y habitaient parce que la plupart n’avaient pas beaucoup d’argent, et la criminalité y était très élevée. En fait, Germaine se disait que Constance, une belle jeune femme blonde habillée richement et visiblement étrangère à ce monde, y serait une cible facile. Comme son employeur n’avait pas de famille, Germaine visait l’héritage de la fortune, et sa patience avait des limites. Un accident dans un quartier défavorisé serait une solution rapide pour ces fainéantes qui se contentaient de faire le minimum et de dire à Constance ce qu’elle voulait entendre.

— Madame, c’est juste de l’autre côté de la rivière. Elle habite sur la Principale, précisa Annette en lisant par-dessus l’épaule de Germaine.

Constance sourit gentiment et se leva de table. En sortant de la cuisine, elle demanda à Annette de lui appeler un taxi.

— Pour aller où ? s’enquit celle-ci.

— De l’autre côté de la rivière, sur la Principale.

— Madame ! Ce quartier… enfin, ce n’est pas très prudent. Je peux vous accompagner si vous voulez.

— Non, non. Je trouverai ce que je cherche. Ne vous inquiétez pas.

Annette appela le taxi, mais avec beaucoup d’inquiétude. Qu’allait faire sa jeune patronne dans une partie de la ville que même la police semblait éviter ?

— Je reviendrai dans quelques heures. Ne vous inquiétez pas.

Constance remit son manteau et Annette lui ouvrit la porte alors que le taxi se stationnait dans l’entrée. Constance y monta, mais Annette resta sur le pas de la porte, inquiète, jusqu’à ce que le taxi soit hors de vue.

Dans le taxi, Constance n’avait pas d’adresse exacte à donner au chauffeur.

— Je vais de l’autre côté de la rivière.

— Dans le ghetto ? lui demanda une voix qui dénotait un homme de descendance mexicaine.

— Vous connaissez ? Je cherche une madame Ramirez… Helena Ramirez ?

— Ah, elle est bien connue. C’est une femme dont la magie est très puissance.

— C’est vrai qu’elle peut guérir… faire des miracles ?

— Elle peut. Elle puise ses pouvoirs dans des rites très anciens… vous êtes catholique ?

— Par mon baptême, oui, mais je ne suis pas pratiquante. Pourquoi ?

— Juste une question. Certaines personnes ne croient pas au surnaturel, à l’autre monde… Vous ?

— Je crois qu’il y a des choses qu’on ne peut pas expliquer.

— Vous portez une médaille sur vous, une sainte par exemple ?

— Non. Pourquoi ? C’est important ?

— Santa Muerte est terriblement jalouse. Elle n’accepte pas qu’une autre sainte occupe le même espace.

— Santa Muerte ? Je n’en ai jamais entendu parler.

— La Sainte Mort, Madame…

Le reste du chemin se fit en silence. Constance se demanda si enfin elle avait trouvé son miracle. Elle sentait la chaleur du soleil sur son visage et les moindres obstacles sur la route. Elle sut quand ils passèrent sur le pont qui reliait les deux côtés de la ville. Le calme des districts plus riches était maintenant noyé dans une pollution sonore qui mêlait cris et klaxons, et la frénésie des gens dans un quartier trop populeux.

Le taxi freina.

— Nous y sommes, Madame, dit le chauffeur en sortant de la voiture pour ouvrir la porte à sa passagère.