Les cicatrices du silence - Yvan Tetelbom - E-Book

Les cicatrices du silence E-Book

Yvan Tetelbom

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Beschreibung

"Les cicatrices du silence – Au cœur du pardon" brise un tabou en plongeant au cœur du tourment d’un père, démuni face à la violence de son propre enfant, en proie à des troubles du développement tels que la dyslexie et le TDAH. D’abord maladroits, les gestes se font plus durs, les mots blessent, la communication s’effrite, laissant place à une incompréhension grandissante. Pourquoi une telle escalade ? Comment enrayer cette spirale infernale avant qu’elle ne devienne irréversible ? Avec sincérité, ce récit explore les dilemmes de la parentalité, les failles du système éducatif, le poids des attentes sociétales, mais aussi la force du pardon et le long chemin vers la réconciliation. Un ouvrage bouleversant et nécessaire, qui éclaire autant qu’il interpelle, et dont chaque page résonne comme un appel à comprendre l’indicible.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Engagé dans la création culturelle en Arts vivants, Yvan Tetelbom s’est également spécialisé en poétique de langage et est intervenu dans divers contextes éducatifs et sociaux. Auteur à la SACEM, il a étudié la comédie au cours René Simon afin d’interpréter ses propres poèmes.

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Seitenzahl: 101

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Yvan Tetelbom

Les cicatrices du silence

Au cœur du pardon

Essai

© Lys Bleu Éditions – Yvan Tetelbom

ISBN : 979-10-422-6645-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La vie, c’est comme un château de cartes. On met un temps infini à le construire, on essaie de poser des bases solides, on monte un étage après l’autre, et puis, un jour, tout s’effondre et quelqu’un les range dans une boîte.

Virginie Grimaldi

Pas d’existence sans épreuves, pas de lien sans déchirure.

Boris Cyrulnik

Prologue

Et tandis que Mohamed Mbougar Sarr lisait certains passages clés de son roman, La Plus Secrète Mémoire des hommes, devenu en quelques semaines un best-seller, ma pensée badaudait dans mon passé, ramenant à la surface des images de ma mère, désormais silencieuse, que j’associais à l’inéluctable disparition de la mer Morte.

Mais une autre image, plus sombre, plus sordide, était venue subrepticement se superposer à toutes les autres, introduisant le processus d’un questionnement sur les blessures affectives subies, lesquelles avaient engendré en moi des sentiments amers.

Puis Béatrice, la modératrice, demanda, devant un auditoire conquis, à quel moment on pouvait devenir écrivain. L’auteur n’avait pas de réponse. J’avais ma propre explication : un écrivain s’inspire toujours de ce qu’il a vécu. Les révélations qu’il confie à son écrit l’amènent à revenir, avec sincérité, sur son passé.

Aussitôt publié, un livre n’est plus de soi. Il revient à celui qui le lit. Et tant mieux pour l’écrivain qui se décharge du poids de ses ressentiments, de ses haines, parfois liés au souvenir d’une injustice ou d’une désillusion.

L’écriture précipite l’avènement du pardon.

1

La déposition

Qui supporterait tant de honte et de deuil, l’injure du tyran, les mépris de l’orgueil […] la cruelle souffrance […]

William Shakespeare,Hamlet

Il y a encore quelques jours, c’était le printemps, cette saison devenue de plus en plus sèche et chaude à cause du réchauffement climatique dû à l’activité humaine. Mais cette averse glaciale, neigeuse, qui s’était mise à tomber d’un coup sur mon existence, venait aggraver toutes les prévisions.

Je m’approche à pas poussifs d’une bâtisse à la rotondité grossière, s’élevant sur trois niveaux, chacun arborant d’innombrables fenestrons au-dessus desquels flotte un drapeau tricolore, symbole de la République française. Depuis le drame, j’ai une larme dans la gorge qui se contracte, se compacte, fait boule qui grossit, grossit.

Ce commissariat de police nationale est l’unique lieu où je peux libérer ma conscience ! La large porte vitrée me renvoie l’apparence d’un homme vieilli, usé, fatigué. J’ai peine à me reconnaître. Autrefois, j’étais fringant, sémillant. J’avais une perception positive du monde. Je lance un regard apeuré à l’intérieur. J’hésite à appuyer sur le poussoir de la sonnette. Trop tard pour rebrousser chemin. Je m’engage à reculons dans le sas sécurisé. Je vide nerveusement le contenu de mes poches : de la menue monnaie, des clés, un téléphone portable, tandis que le policier en faction fouille mon sac à dos.

Je me dirige en titubant vers la réception. Une jeune femme aux cheveux d’ébène me demande d’une voix de crécelle la raison de ma présence, puis m’indique du regard la salle d’attente bondée d’individus singuliers.

Je jette un œil furtif sur les gens qui m’entourent : celui-ci est chétif, rondouillard. Il porte une casquette de jockey, ornée sur le devant d’un écusson en silicone transparent. Ses mains et ses pieds sont agités par des mouvements de contorsion involontaires. Celui-là, un grand maigre aux yeux craintifs, se ronge les ongles jusqu’au sang. Et cette femme, là-bas, à la raideur guindée, qui se tortille sur son séant, vocifère à tue-tête que des Maghrébins viennent de lui arracher son sac Hermès, avec tout son argent, ses papiers et ses bijoux.

Je ne devrais pas être là. Pour tuer le temps, je reconstitue dans ma tête la scène de « l’exécution ».

Je me retrouve assis, pantelant sur un tabouret branlant, dans une pièce exiguë, sombre, enserrée par des murs épais, noircis par la poussière. Une trappe intégrée au plafond diffuse une lueur crayeuse.

Un homme à la carrure d’athlète, grand, brun, sûr de lui, le regard franc, prend place derrière un bureau gris, datant des années 50, sur lequel est posée une vieille machine à écrire modèle Olivetti. Vu l’envergure qu’il dégage, je pense que c’est le commissaire divisionnaire. Sa voix grave, virile, puissante, tranche avec la mienne, affaiblie, presque inaudible.

« Bonjour Monsieur. Je vous écoute ! Et d’abord, comment vous appelez-vous ?

— Eugène… Eugène Timothée. Voilà ! J’ai un fils qui s’appelle Tom. Il est majeur. Il vit encore à la maison. Ces derniers temps, il était devenu agressif à mon égard, me coupant systématiquement la parole, m’apostrophant en termes insolents, jusqu’à user de sa force physique pour me molester.

— Et donc ?

— Je vais tout vous dire. C’est difficile de mettre des mots sur ce qui m’est arrivé. Tom devait récupérer sa besace qu’il avait oubliée chez sa tante. Il avait pris le volant de notre vieille Renault Clio, comme on prend le pouvoir. Muriel était assise à ses côtés, et moi, je me tenais sur la banquette arrière parce que je n’aime pas conduire. Je leur avais demandé de me déposer à mi-parcours, entre Saint-Laurent-du-Var et Nice.

— Quand cela s’est-il passé ?

— C’était il y a deux jours. Il était 9 heures.

— Muriel, c’est qui ?

— C’est mon épouse et c’est aussi sa mère. Tom est notre fils !

— Poursuivez, je vous prie.

— L’autoradio diffusait la bande originale du film Himalaya, tandis que Tom conversait haut et fort avec sa mère. Sa voix couvrait la musique. Il affirmait que la famille, c’était central ou quelque chose comme ça ! J’aurais dû rester discret. Mais voilà, à cet instant, je n’ai pas su me taire. C’était plus fort que moi. J’ai murmuré sur un ton à peine perceptible « NON ». Les contre-vérités me heurtent. Cette réponse soulevait une espérance. L’espérance d’une famille unie ! Et pour moi, nous étions loin du compte !

— Passons sur les détails ! Venons-en au fait.

— C’est alors que, pris dans un tourbillon irrationnel de démence, Tom a brusquement pilé. Par miracle, les véhicules qui nous collaient ont freiné à mort, évitant in extremis la collision. On se serait cru dans un épisode de la série J’ai tué mon père, inspirée de faits réels, réalisée par Skye Borgman.

— Vous ne m’avez pas compris, Monsieur Timothée, je vous ai dit d’aller à l’essentiel !

— Oui, oui, je poursuis… Conscient qu’il ne pouvait rester immobilisé, au milieu de la route, Tom a redémarré en trombe, accéléré pleins gaz, roulé sur une dizaine de mètres, s’est engagé sur un petit chemin en montée raide, signe qu’il avait encore toute sa lucidité pour suspendre sa pulsion morbide. Il a stoppé le moteur, puis a jailli hors du véhicule, l’a contourné d’un pas militaire, a foncé sur moi, les yeux injectés de rage, a ouvert violemment la portière où je me tenais, a relevé ma tête pour la dégager, et là, il m’a asséné trois gifles coup sur coup, en gueulant comme un charretier.

— Bon, soyez plus précis.

— La première gifle me surprit. C’était un coup violent, frappé du plat de la main, produisant un son bref, infligé pour humilier. La deuxième survint, sèche, hargneuse, vengeresse, donnée pour faire mal, aussitôt suivie d’une troisième frénétique, barbare, puissante, fougueuse, chargée de répulsion, comme lorsque l’on donne le coup de grâce à un animal blessé. Muriel a crié. Son cri l’a désarçonné.

— Qu’a-t-il fait, après ?

— Il s’est dissipé dans le vide.

— Moi, à votre place, je l’aurais fracassé. Là, il a pris un ascendant psychologique sur vous. Il se sent fort, désormais. Ça va être difficile d’inverser la tendance. Cette main courante est juste une simple déclaration. Mais vous pouvez porter plainte. En ce cas, c’est un juge qui se saisira de l’affaire. À vous de voir.

J’eus quelques secondes d’hésitation.

« Si cela devait recommencer, alors oui, j’irais plus loin dans la procédure. Vous savez, je ne m’y attendais pas. Je me suis vu mourir. Non pas de douleur, mais de honte. Car la main d’un fils portée au visage de son père est plus humiliante que l’acte de tuer. C’est une mutilation morale qui laisse des traces, telle une blessure de guerre, dont on ne se relève jamais… Et puis, je n’ai pas eu cette réaction de riposter à chacune de ses offensives. Bien sûr, j’étais en état de légitime défense. Mais qui sait ce qui se serait passé ensuite ? La violence entraîne la violence. J’aurais peut-être perdu la maîtrise de mes nerfs. Ça m’est arrivé lorsque j’étais plus jeune, et dans ces moments où la raison s’estompe, le pire peut survenir. J’ai considéré à temps que son geste était celui d’un fou. Il ne faut pas pousser à bout les fous.

— Oui. Je comprends. Vous avez peut-être choisi la bonne solution. L’avenir le dira. »

Le commissaire relut de sa voix grave ma déposition.

« Êtes-vous d’accord ?

— Oui, c’est bien ça !

— Bon, alors signez là ! »

2

Le monde d’après

Il est une peine si profonde, qu’elle ne peut même pas prendre la forme des larmes.

Haruki Murakami

Envie de vomir. La nausée !

Outrage. Sacrilège. Déshonneur. Sensation de vide intérieur. Le chaos ! Tout quitter. Fuir. Là. Sur le champ ! Partir. Partir seul. Partir loin. D’aucuns diraient « comme un lâche ». Tout abandonner. Rendre les armes. Me perdre dans mon désert mental.

Pouvais-je imaginer qu’un jour ce fils tant aimé, choyé, adulé, à qui j’avais donné la vie, conduirait mon exécution et que celle-ci prendrait la forme d’une arme à cinq doigts ? Tout ça, à cause d’un mot, d’un simple mot mal interprété !

Comment exprimer l’irréparable, mot dont le sens me renvoie à une notion d’irréversibilité, de perte définitive ?

En droit romain, la sanction du parricide était particulièrement sévère, et accompagnée d’une forme de rituel d’expiation.1 La peine la plus connue est celle de la poena cullei, qui consistait à enfermer le parricide dans un sac en cuir (le culleus), souvent avec des animaux (un chien, un serpent, un coq et un singe) et à le jeter ensuite dans une rivière ou dans la mer. Cette peine symbolisait à la fois l’exclusion du parricide de la société et son rejet hors du monde des vivants.

Ce fait était considéré, alors, comme l’un des crimes les plus abominables, et était puni par des sanctions particulièrement cruelles, illustrant l’importance capitale du respect de la famille et de l’autorité parentale dans la société romaine.

Le crépuscule s’étendait désormais sur l’horizon, y projetant ses ombres sinistres. Meurtrie dans sa chair, Muriel ne comprend pas le geste dingue de Tom, aux portes du parricide. Elle prend conscience qu’elle peut tout perdre en un instant : mari, enfant, et se retrouver esseulée, délaissée, désespérée, ressassant à vie cet acte primitif.

Au lieu de tenir secrète cette tragédie, elle se confie, en larmes, à sa famille, à nos amis. J’enrage !« Tu n’pouvais pas garder ta langue ? Qu’est-ce qu’il t’a pris ? Mets-toi à ma place. Comment vais-je désormais les regarder en face ? »

Muriel essaie de trouver une échappatoire, afin d’étouffer ma contrariété : « Tu ne peux t’en sortir, seul. Arrête de te complaire dans ta douleur. Tout ce temps passé à nous retrouver, à nous aimer ? Nous risquons désormais de nous déchirer à cause d’un p’titmerdeux qui n’a rien compris ! »