Les énigmes de l'espoir - Lyazid Hadj-Smaha - E-Book

Les énigmes de l'espoir E-Book

Lyazid Hadj-Smaha

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Beschreibung

Au cœur de la "décennie noire" en Algérie, Youcef, un jeune artiste peintre, découvre un don unique : la prémonition. Animé par le désir de devenir un héros pour sa famille et son pays en ces temps sombres, il prédit les drames à venir à travers des visions qu'il transpose sur des toiles mystérieuses. Ses créations deviennent une boussole pour sa mère, Maria, et son grand-père, Michaël, qui les décryptent pour éviter des tragédies imminentes. "Les énigmes de l’espoir" rend hommage aux familles algériennes qui ont survécu à des années de plomb, explorant le rêve caché de posséder un prémoniteur, et le courage d'une famille progressiste déterminée à maintenir son amour de l'art en dépit des obstacles. Plongez dans cette épopée qui mêle réalité et prophétie, dans un pays en pleine tourmente. Ce roman légèrement ésotérique éclaire la décennie noire d'Algérie d'une manière nouvelle, offrant un aperçu de la résilience et de l'espoir au milieu des ténèbres.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1988 à Mostaganem en Algérie, Lyazid Hadj-Smaha est architecte/géographe de formation et Docteur en Science de l’Information et de la Communication de l'Université Polytechnique Hauts-de-France. Passionné par la littérature, il consacre son temps libre à l'écriture.


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Lyazid Hadj-Smaha

Les Énigmes de l’Espoir

 

 

À mes parents

 

« La vie est un sommeil, l’amour en est le rêve, et vous aurez vécu si vous avez aimé. »

 

Alfred de Musset

I. La Révélation

Aujourd’hui, Maria et Adam ont reçu le plus précieux des présents, celui qui se mesure en années d’attente et de prières exaucées. Le gynécologue, messager de la bonne nouvelle, leur a annoncé avec solennité que leur désir le plus ardent allait enfin se concrétiser : ils allaient bientôt accueillir leur premier enfant. Si l’attente n’est qu’une simple chaîne qui lie tous les désirs humains, rien ne peut égaler l’incroyable et incommensurable joie que procure l’attente du premier enfant pour un couple. À cet instant précis, le visage radieux d’Adam reflétait la sérénité du sort qui enfin, lui avait souri. Il saisit la main de sa tendre épouse avec une infinie douceur, la regardant intensément, sans avoir besoin d’exprimer par des mots la force de ses sentiments. Des larmes de joie coulaient sur les joues de Maria, illuminant ses grands yeux bleus. À trente-sept ans, il était trop tôt pour elle de perdre espoir et elle avait su patienter jusqu’à ce que la vie leur offre cette grâce tant désirée. Le docteur, gardant un air bienveillant et une neutralité professionnelle, ajusta ses lunettes et leur lança cette phrase énigmatique : « Eh bien, désormais, votre vie quotidienne va changer !

– Énormément ! C’est ce que nous espérons de tout cœur » répondit le futur papa d’un sourire.

Sa légitime, émue aux larmes, demeura silencieuse, consciente que les mots ne pouvaient exprimer la joie qui la submergeait. Désormais, l’enfer était loin derrière eux et une graine de paradis avait été semée.

Sortant du cabinet du gynécologue, situé en plein cœur d’Oran, le couple déambula sur le boulevard du front de mer, respirant l’air frais et se délectant de la vue sur le port. Le bateau d’El Djazaïr, arrivant de Marseille sans doute, ajoutait une touche de poésie au tableau. Ils firent halte dans une crémerie, celle-là même où ils s’étaient rencontrés pour la première fois. En cette journée bénie, ce lieu symbolisait un nouveau départ pour eux.

Chaque étape de la grossesse était une découverte heureuse à partager en couple. Ils étaient fascinés par le profil de leur bébé sur l’échographie et ne cessaient de s’émerveiller devant le ventre rond de la future maman. Tout se déroula avec une aisance naturelle, les neuf mois passèrent sans encombre. Le premier enfant tant attendu naquit enfin, un petit garçon aux yeux bleus de sa mère et au doux sourire, qui fut nommé Youcef.

– Rien n’est aussi merveilleux qu’une famille entière réunie autour de son nouveau-né, déclara le père de Maria, la voix empreinte d’émotion.

Michaël était extrêmement fier et heureux. Celui-ci est enfin grand-père, et être grand-parent pour la première fois est un moment unique dans la vie de quiconque, mais il aurait tant souhaité que sa tendre épouse soit encore vivante. Malgré tout, il se réjouissait d’accueillir ce nouveau membre dans leur famille, avec tout l’amour et la tendresse qu’ils avaient à offrir.

De par ses racines, Maria a grandi entre deux mondes distincts, celui de son père russe et de sa mère algérienne. Cette double culture a sans aucun doute contribué à la beauté et à la richesse intérieure de cette femme remarquable, dotée d’une voix enchanteresse qui a conquis le cœur des Oranais. Professeur de musique dans un collège d’Oran, Maria a également cofondé avec son époux l’association d’art et de culture El-Yasmine, en hommage à sa défunte mère. Cette association s’est rapidement fait un nom dans la région et a permis de faire rayonner la culture sous toutes ses formes.

Adam est un grand pianiste célèbre. Son élégance artistique et son intelligence hors du commun ont également fait de lui un homme d’affaires respecté et prospère à Oran. Au sein de cette famille artistique de talent, le nouveau-né est arrivé comme un rayon de soleil. Très vite, il est devenu le centre de toutes les attentions et tout a été mis en place pour son bien-être et son épanouissement. Berceau douillet, couches douces, biberons, tétines et vêtements adéquats, rien n’a été laissé au hasard pour le confort de ce petit être si cher à leurs yeux. Grâce à une éducation empreinte de bienveillance et d’amour, l’enfant s’est développé à un rythme accéléré et s’est vite montré très précoce. Dès l’âge de quatre ans, il était capable d’écrire certaines lettres en majuscules, de faire la distinction entre le bien et le mal, et avait déjà une compréhension avancée de la notion de partage. Cette intelligence précoce lui a permis d’intégrer l’école élémentaire à l’âge de cinq ans avec une aisance remarquable.

Youcef avait une passion pour le dessin, et il excellait dans cet art. Il s’intéressait de plus en plus à la peinture, notamment aux sujets mythologiques et religieux qu’il aimait copier avec une grande habileté. À l’âge de sept ans, il réalisa une peinture de « L’Arche de Noé » qui fit sensation parmi les artistes locaux et remporta même le prix du meilleur tableau d’artiste junior de l’année. Encouragé par son père, Youcef produisait des œuvres qui étaient bien plus que de simples copies, mais de véritables chefs-d’œuvre. Pourtant, la toile qui avait le plus surpris les gens était « L’Arche de Noé », car elle était d’une conception originale et mystérieuse. Personne, pas même les parents de Youcef, ne connaissait l’origine de cette idée, et la mère s’était toujours demandé comment son fils avait pu concevoir cette scène biblique alors qu’il ne connaissait ni la religion, ni le prophète Noé, et encore moins le sujet de « L’Arche de Noé ».

Youcef était très proche de son grand-père, le seul à connaître le secret de ce tableau énigmatique. En réalité, il s’agissait d’un rêve que Youcef avait fait, dans lequel il se voyait avec ses parents sur un bateau contenant toutes sortes d’animaux. Le navire était sur le point de sombrer, lorsque le rêveur s’était réveillé. Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché à comprendre les mystères de leurs rêves, sans jamais vraiment y parvenir. Néanmoins, nous pouvons entretenir un dialogue fascinant avec ces récits oniriques, qui nous permettent de mieux comprendre notre destinée !

Le pépé, fervent croyant, se montra bouleversé par ce que son petit-fils venait de lui confier :

« Il y a là quelque chose de mystérieux, fiston ! » s’exclama-t-il. « Tu viens de raconter l’histoire du prophète Noé, la connais-tu ? »

Youcef, interloqué, secoua la tête en signe de négation. Fasciné par les récits religieux et littéraires, l’aïeul se fit un plaisir de lui narrer cette épopée avec passion, révélant ainsi son talent pour la narration et la transmission de savoir. Au fil du temps, une relation privilégiée se tissa entre les deux, fondée sur une complicité émouvante malgré leur différence d’âge.

Devenu adolescent, Youcef se rendit de plus en plus souvent chez son grand-père à Mostaganem, petite ville côtière située à quarante minutes d’Oran, célèbre pour ses érudits, ses mausolées et ses zaouïas, mais surtout pour sa richesse en matière de création artistique et de diversité culturelle. La maison modeste de son aïeul, un simple trois-pièces d’architecture coloniale doté d’un jardinet qui le séparait de la rue, était située dans un quartier résidentiel paisible, où chacun menait sa vie sans prêter attention aux autres.

Comme chaque semaine, le petit Youcef se rendait chez son grand-père pour passer le week-end dans cette charmante maison située dans la petite ville côtière de Mostaganem. Un vendredi matin, alors que le ciel était d’un bleu azur et que le rosier mitoyen au cep de vigne déployait toutes ses splendeurs, le jeune artiste s’installa devant son chevalet, prêt à créer son prochain chef-d’œuvre. Tout était paisible et calme, jusqu’à ce qu’un chant d’oiseau mélodieux soit venu perturber cette tranquillité. Soudainement, l’enfant sentit un malaise qui le saisit et son pinceau tomba de sa main. Sa tête bascula sur le chevalet et il s’effondra par terre, renversant tout son matériel de peinture. Alerté par le bruit de la chute, son grand-père qui se déplaçait en chaise roulante, arriva rapidement dans le jardin et trouva son petit-fils inanimé. Il appela son voisin d’en face pour lui venir en aide. Youcef reprit alors connaissance et fut transporté dans sa chambre pour se reposer.

« Que s’est-il passé, jeune homme ? » demanda le vieux voisin.

Youcef but une gorgée de thé et se détendit.

« J’ai eu un malaise et après je ne sais plus, répondit-il. Je vais bien maintenant, inutile de le dire à maman, je ne veux pas l’inquiéter.

– Mais si, au contraire ! On doit t’emmener chez le médecin », répliqua le grand-père.

La venue des parents de Youcef confirma l’ampleur de leur inquiétude. Ils prirent alors la décision de se rendre chez le médecin pour s’assurer que leur fils allait bien. Après une auscultation minutieuse, le médecin sourit et rassura la famille en annonçant que le jeune garçon était en parfaite santé, mais qu’il aurait besoin d’un peu plus d’activité physique. Sur le chemin du retour, le jeune artiste ne pouvait s’empêcher de repenser à son évanouissement et aux visions qu’il avait eues pendant son inconscience. Des images énigmatiques et mystérieuses qui semblaient nécessiter une herméneutique, une interprétation, de la part de son grand-père ; certainement pas de ses parents.

Une semaine plus tard, de retour chez son grand-père, Youcef finit par se confier à lui. Il cherchait le bon moment pour parler, marchant dans tous les sens pour se faire remarquer jusqu’à ce que son grand-père l’interpelle :

« Veux-tu me dire quelque chose, fiston ? demanda le vieux.

– Oui, pépère, ce n’est peut-être pas intéressant pour toi, mais j’ai envie de te le dire quand même, répondit le jeune homme.

– Je suis là, fiston, tu peux tout me raconter, rassura le grand-père.

– J’ai vu des choses étranges lorsque je me suis évanoui la semaine dernière. »

L’aïeul s’approcha un peu plus : « Et qu’as-tu vu au juste ? l’interrogea-t-il.

– J’ai vu plusieurs toiles de peinture, et parmi elles, j’ai reconnu la mienne, celle de l’Arche de Noé, sauf qu’elle était brisée et fragmentée en deux. C’est alors qu’un jeune garçon est apparu et a remplacé ma toile par une autre identique, ornée d’un cadre en or », répondit le petit-fils.

Le regard pétillant de Michaël se teinta d’une curiosité insatiable. Que pouvait bien signifier cette vision de la toile brisée ? Qui était ce mystérieux enfant qui semblait posséder une magie envoûtante ? Son esprit érudit cherchait à percer les secrets enfouis derrière ces images oniriques.

« Te rappelles-tu les détails de l’enfant ? demanda le grand-père d’une voix empreinte de patience et d’intérêt.

– Oui, absolument, c’était un gamin âgé de six à huit ans, il portait un short blanc et un T-shirt bleu ainsi que des sandales noires. Il était beau, avec ses yeux verts et ses cheveux raides. Je me souviens parfaitement de son image et j’ai bien envie d’en faire un tableau, répondit-il.

– Tant mieux alors, je ne peux que t’encourager à le faire, ce sera peut-être ton deuxième prix national, qui sait ? »

L’artiste se hâta de commencer le portrait de l’enfant, rêvant d’être le prochain lauréat. Il passa des heures à esquisser les traits de l’enfant mystérieux, de ses vêtements, de son visage, de ses yeux verts et de ses cheveux raides. Il chercha à retranscrire sur la toile l’atmosphère étrange qui l’avait enveloppé lors de son évanouissement. Au fil des jours, la toile prenait forme, et le petit-fils se sentait de plus en plus proche de son sujet. Il avait l’impression que le mystère qui entourait cette vision se dissipait peu à peu, et que la toile prenait vie sous ses yeux. Il laissait son inspiration le guider, comme s’il était dirigé par une force invisible. Le résultat était époustouflant. Le tableau était une fusion des deux rêves : le bateau échoué sur une plage lointaine et l’enfant observant les animaux et les personnes émerger de l’arche. Ce tableau était bien plus qu’une simple représentation artistique. Il était le témoignage d’une rencontre entre deux mondes, entre la vision prophétique de l’enfant et le talent du jeune artiste.

C’est avec cette œuvre d’art inspirée de son rêve, et avec la motivation et l’encouragement de son grand-père, que l’artiste participa au concours national de peinture et remporta son deuxième prix, comme son grand-père l’avait prédit avec fierté. Malgré ses efforts, les parents n’avaient toujours pas réussi à comprendre le mystérieux tableau, et leur fils refusait de leur expliquer son inspiration. Ils commencèrent à s’intéresser davantage à ses créations artistiques et à devenir plus curieux à leur sujet. Maria soupçonnait que l’idée initiale venait de son père. Elle décida donc de lui rendre visite dans l’après-midi pour essayer d’en savoir plus. Ils partagèrent un moment de tranquillité dans le petit jardin, autour d’un thé chaud et de crêpes savoureuses qu’elle avait apportées. Peu de temps après, elle demanda à son père avec un sourire captivant : « Dis, papa ! Ne trouves-tu pas que le dernier tableau de Youcef est un peu étrange ? »

Son père rit et répondit : « En quoi le trouves-tu étrange ? Mystérieux, tu veux dire !

– Je sais que ce ne sont pas ses idées ! Je pense à une personne fascinée par l’histoire et les légendes, comme son grand-père par exemple, hein ? rétorqua sa fille en souriant. Vous faites une bonne équipe !

– Cela n’est pas faux, répondit Michaël. Mais je t’assure qu’il s’agit de ses propres idées, c’est juste que votre fils est unique, ma fille », ajouta le bienheureux.

Sa fille devint confuse et lui dit : « Mmm, je vois ! T’en sais, des choses, plus que moi en tout cas.

– Tout ce que je peux te dire, mon ange, c’est d’aller questionner ton fils ! Il est tard maintenant, Adam va s’inquiéter », dit-il.

Elle termina son thé, enfila sa veste et embrassa son père et la femme de ménage avant de partir. Ils l’accompagnèrent jusqu’à ce qu’elle fasse démarrer sa petite voiture rouge. Elle se mit un peu de maquillage avant d’attacher sa ceinture et d’allumer la radio pour écouter sa propre musique créée avec son association El-Yasmine.

Elle circula sur l’autoroute reliant Mostaganem à Oran qui s’avère particulièrement belle. Bien que la chaussée ne soit pas toujours soignée et que l’urbanisme des villages traversés révèle une certaine pauvreté architecturale, la multitude des superbes plages attrayantes, le paysage bleu de la Méditerranée qui l’accompagnaient le long du trajet, l’odeur de l’iode et du varech frais qui chatouillait les narines, ainsi que les petits champs de tomates bordés d’oliviers sauvages laissaient la belle dame plongée dans sa musique, avec l’esprit préoccupé par le mystère de son fils. Soudain, au détour d’un virage, près d’un parc forestier aux espèces végétales typiquement méditerranéennes qui s’étalent vers la mer, elle aperçut un gamin abandonné en train de pleurer. Leurs regards se croisèrent lorsqu’elle se rapprocha.

En tant qu’Algérienne, Maria et sa famille vivaient encore dans la peur, plongées dans une ambiance trouble et instable. Les derniers événements de l’année ne faisaient qu’accentuer leur angoisse : l’arrivée du parti islamiste « F.I.S. » au pouvoir, la démission du président Chadli B. et surtout l’assassinat du président A. Boudiaf. Le pays était loin d’être apaisé et le manque de sécurité se faisait cruellement ressentir. Cette période était également marquée par les enlèvements d’enfants par les groupes extrémistes, avec pour objectif de les endoctriner. Dans ce contexte, il était naturel que Maria se méfie et trouve étrange de voir un enfant abandonné sur le bord de la route. Elle craignait un piège, une ruse des groupes armés pour l’attirer dans un guet-apens. Pourtant, le regard de l’enfant l’avait profondément touchée et bouleversée, chamboulant ses émotions. Elle se mit alors à éprouver un besoin irrépressible de s’arrêter et de découvrir ce qui se passait avec cet enfant laissé à lui-même.

Quelques centaines de mètres passées, elle prit une décision téméraire : freiner brutalement, enfoncer la marche arrière au milieu d’une autoroute, un geste aussi audacieux que risqué. Elle descendit de sa voiture et l’enfant se précipita vers elle, en pleurs, comme s’il venait de retrouver son ultime sauveur après une attente interminable.

« Où sont tes parents ? Tu es seul, mon petit ? » demanda-t-elle avec douceur. Le garçonnet secoua la tête, pleurant à chaudes larmes.

« Ne t’inquiète pas, je suis avec toi, mon petit. Comment t’appelles-tu ?

– Salim, répondit l’enfant en sanglotant.

– Ils t’ont fait du mal ? »

Elle tenta de le réconforter en essuyant ses larmes, puis le prit dans sa voiture en direction du commissariat le plus proche, situé à Stidia, petit village côtier traversé par le méridien de Greenwich, un point stratégique important. Sur place, un officier à l’allure sévère et à la grosse moustache informa la belle dame que l’enfant était en réalité un enfant kidnappé. Il avait établi le lien avec les parents qui étaient venus le jour de sa disparition.

Maria fut soulagée et pressée en même temps, consciente qu’elle avait peu de temps avant le couvre-feu. Elle glissa rapidement sa carte de visite dans la poche de l’enfant, l’embrassa chaleureusement, le serra fortement contre elle, puis quitta le commissariat. Elle était rassurée de savoir que le petit Salim était désormais entre de bonnes mains. Nous avons tous eu à endurer des épreuves difficiles, mais l’espoir reste possible même lorsque tout semble perdu.

Elle regagna son domicile tard dans la soirée, épuisée par cette journée singulière et le trajet pénible qu’elle avait entrepris. Adam, son mari, remarqua immédiatement quelque chose d’inhabituel chez elle, une pâleur marquée de fatigue. « Je me suis inquiété, où étais-tu passée ? », interrogea-t-il, s’approchant d’elle pour mieux déceler les signes de stress sur son visage. Il observa les traces de maquillage effacé sous ses yeux rougis. « As-tu pleuré, Maria ? » ajouta celui-ci. Elle prit la main de son époux pour le rassurer et lui raconta avec détail toutes les péripéties de sa journée, depuis son départ de Mostaganem jusqu’à son retour à Oran, en passant par la rencontre avec le petit garçon kidnappé.

« Tu as pris des risques inconsidérés en t’arrêtant en plein milieu d’une autoroute ! Tu as embarqué un enfant inconnu dans ta voiture ! Mais tu as finalement réussi à le sauver et il n’y a que les héros qui sont capables d’accomplir de telles prouesses ! » s’exclama-t-il, encore sous le coup de l’émotion.

Elle le regarda de ses yeux tendres et lui répondit : « Il est des moments dans l’existence où il est impératif de prendre des risques pour obtenir ce que l’on désire. J’ai voulu redonner le sourire à cet enfant et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ses parents, à quel point ils devaient être angoissés, et à notre propre douleur si notre fils avait été enlevé ou porté disparu. Nous nous sommes battus pendant des années pour l’avoir, tu te souviens ? »

Fatigué lui aussi, Adam versa du café brûlant dans sa tasse et offrit à son épouse un verre de jus d’orange frais. La boisson rafraîchissante et réconfortante se répandit dans son corps, la relaxant peu à peu.

« Repose-toi, maintenant, et prends une douche », conseilla-t-il à sa femme, conscient de sa fatigue et de son besoin de repos.

Sous le doux jet de la douche, Maria se perdait dans ses pensées, laissant son esprit divaguer vers des horizons inexplorés. C’est alors qu’elle ressentit une étrange connexion avec l’enfant enlevé, comme si une force mystique les liait l’un à l’autre. Des images de scènes déjà vécues ou de réponses à des questions insaisissables lui apparurent soudainement. Après s’être enveloppée dans une serviette moelleuse, elle entra dans la chambre de son fils, prête à le pouponner, comme d’habitude, avant de lui souhaiter une bonne nuit. Mais son regard fut captivé par la toile représentant un enfant qui ornait le mur. Sa curiosité fut piquée et elle s’approcha pour l’examiner de plus près. Ce qu’elle découvrit alors la laissa sans voix.

En effet, l’enfant peint sur le tableau était l’enfant enlevé. La ressemblance était troublante, de la coupe de cheveux jusqu’aux vêtements qu’il portait. Le décor dans lequel il était représenté avait également son importance. Il s’agissait de la plage de Stidia, le même endroit où elle avait rencontré l’enfant enlevé. Mais le plus étonnant était la présence d’animaux et d’humains sortant d’une arche, symbole d’espoir et de renouveau. Maria se laissa envahir par une profonde réflexion. Elle y vit la prémonition de son fils, annonçant l’arrivée d’un enfant en danger dans un endroit précis. Et elle comprit que sa présence sur cette plage avait été orchestrée par le destin, pour sauver cet enfant.