Les plus incroyables arnaques de l'Histoire - J-M Carpentier - E-Book

Les plus incroyables arnaques de l'Histoire E-Book

J-M Carpentier

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Beschreibung

Anecdotes sur des arnaqueurs-nés

Il y a eu Victor Lustig, qui réussit à vendre à un ferrailleur la Tour Eiffel. Mais connaissez-vous son homologue anglais, Arthur Ferguson, qui vendit la Colonne Nelson, Big Ben, Buckingham Palace, la Statue de la Liberté et même la Maison Blanche ?
Découvrez également...
• Henry Ford, qui acheta à coup de millions de dollars une solution liquide présentée comme une alternative à l’essence avec l’immense avantage de coûter trente fois moins cher, et qui fut bien entendu tout sauf miraculeuse.
• L’acquisition par le Louvre de la célèbre tiare de Saïtapharnès.
• Les détecteurs d’explosifs très utiles qu’utilise encore aujourd’hui l’armée irakienne.
• « La Grande Thérèse », qui réussit à se faire prêter par des banques des millions de francs sur base de la promesse d’un héritage qui n’existait pas.
• L’alchimiste de Pigalle et sa formule qui devait permettre de produire des diamants les plus beaux et les plus gros du monde grâce à l’électricité.
• Un « médecin » américain, qui transplanta des milliers de testicules de boucs à des hommes en manque de virilité ou de jeunesse, inspirant quelques années plus tard le fameux médecin de Hitler, Theodor Morell.
• Trois hommes, qui ont réussi à vendre, pour plusieurs millions, du sable soi-disant enrichi à l’uranium, pour sauver la France.

À travers ce livre, découvrez des dizaines d'exemples des plus surprenantes escroqueries de l’Histoire !

EXTRAIT

L’arnaque à l’héritage fait partie de ces escroqueries qui consistent à faire miroiter à l’autre un « retour » sur investissement important. Imaginons qu’arrive à vos oreilles le bruit qu’une connaissance, ou l’ami d’un ami, va hériter d’une très grosse somme. Vous vous en réjouissez pour elle ou lui, tout en l’enviant tout de même un peu. Oui, qui n’a pas rêvé d’argent venant de nulle part, sinon on ne jouerait pas à la loterie. Puis, quelque temps plus tard, vous croisez cette personne lors d’une soirée. Vous sympathisez et évidemment, à un moment donné, la conversation finit par tourner autour du fameux héritage. Celle-ci vous explique alors, à mi-voix et à demi-mot, que les formalités pour qu’elle puisse enfin toucher le pactole se font plus longues et compliquées qu’elle ne le pensait. D’ailleurs, vous avoue-t-elle, un peu comme on révèle un secret honteux, pensant que cela irait bien plus vite, elle a déjà pris certains engagements qu’elle va avoir du mal à tenir, vu la lenteur qu’ont prise les choses. Si elle connaissait quelqu’un qui pouvait lui avancer un peu d’argent le temps que la situation se débloque, elle serait prête à doubler la somme lors du remboursement.

À PROPOS DE L'AUTEUR

J-M Carpentier est passionné d’Histoire depuis toujours. À la retraite, il consacre maintenant tout son temps au plaisir de raconter le monde.

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© La Boîte à Pandore

Bruxelles — Paris

http ://www.laboiteapandore.fr

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ISBN : 978-2-39009-150-9 – EAN : 9782390091509

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

J-M Carpentier

Les + incroyables arnaques de l’histoire

Mais comment peut-on être aussi bête…

Gustave a gagné sa vie honnêtement, un peu trop regrette-t-il parfois, lorsqu’il reçoit chaque mois le chèque de sa pension. C’est plus pour la forme qu’autre chose, que Gustave se plaint de son sort. Il est propriétaire de sa maison et ce qu’on lui verse chaque mois lui suffit pour vivre correctement.

Mais lui, qui a sacrifié toute sa vie à l’usine où il fit toute sa carrière, aimerait, maintenant qu’il a du temps à revendre – c’est le cas de le dire –, profiter un peu plus de la vie, et ça, il ne peut pas se le permettre. Il aimerait tant voyager autour du monde ou s’acheter une télévision dernier cri, la grande passion de sa vie étant le football.

Mais tout cela est bien trop cher… Il pourrait se serrer la ceinture et mettre un peu d’argent de côté chaque mois, mais à son âge, il n’a plus envie de se priver de ses petits plaisirs quotidiens. Et puis, qui sait s’il sera encore en vie dans quelques mois…

Il y a bien le compte de Jeanine, sa femme, morte il y a trois ans à la suite d’un cancer. Elle avait pris l’habitude de déposer sur ce compte ce que lui rapportaient les quelques travaux de couture qu’il lui arrivait de faire de temps à autre pour une amie ou une voisine. Elle y avait aussi déposé l’argent qu’elle avait reçu en héritage à la mort de ses parents. Le tout représentait aujourd’hui exactement 224 159,54 euros. Mais ça, il n’était pas question pour Gustave d’y toucher, il en avait fait la promesse sur le lit de mort de sa femme : cet argent, c’était pour les enfants.

Si Gustave connaît ainsi au centime près le montant du compte, c’est qu’il sort à l’instant de la banque. Comme chaque année, il a quitté sa petite ville de banlieue tranquille, pour monter en train jusqu’à la capitale afin de venir se recueillir sur la tombe de son épouse. Il se rend ensuite sur le Champ-de-Mars, à l’endroit où, bien des années avant, il l’avait aperçue pour la première fois. Sa banque se trouvant tout près de là, il en profite à chaque fois pour venir saluer son banquier.

Assis sur un banc de la gare du Nord, il attend le train qui doit le ramener jusque chez lui. Il ne fait rien pour dissimuler son air un peu bougon. C’est qu’il aurait tant aimé se payer le luxe d’un bon restaurant ou, pourquoi pas, mettre le pied, pour la première fois de sa vie, au Moulin Rouge, mais s’il veut tenir jusqu’à la fin du mois…

Perdu dans ses pensées, il ne s’est pas rendu compte que depuis quelques minutes, un homme, à quelques pas de là, l’observe. Ce n’est que lorsque l’individu lui demande s’il peut prendre place à ses côtés sur ce banc qu’il remarque sa présence. Si Gustave était plus attentif ou plus physionomiste, il aurait remarqué que cet homme était celui qui faisait mine de remplir quelque document au guichet voisin du sien un peu plus tôt à la banque.

L’homme présente bien, avec son beau costume et sa petite mallette, et, sous le prétexte d’un renseignement, interrompt Gustave dans ses pensées. Puis, l’homme se présente, explique qu’il est en France pour affaire et Gustave se prend au jeu de la conversation. Il faut dire que depuis que sa femme n’est plus là, il n’a plus grand monde à qui parler. Certes ses enfants l’appellent une fois par semaine, mais là, sans savoir pourquoi, il a besoin de parler et même de se confier à cet homme qu’il est certain de ne jamais plus revoir.

Profitez bien de votre vie, lui dit-il, mais surtout mettez de côté pour plus tard, car quand viendra l’heure de votre pension, pour peu que cela existe encore dans quelques années, c’est là que vous en aurez vraiment besoin. Et le voilà parti dans le récit de sa vie et de tout ce qui le frustre actuellement.

Les deux hommes partagent le même compartiment dans le train et de confidence en confidence, une sorte de confiance s’est installée entre eux. Gustave se rend compte soudain que le prochain arrêt est le sien. Il commence à remercier son interlocuteur pour le bon moment qu’il vient de passer. L’homme se penche alors vers lui et, presque en chuchotant, lui explique qu’il s’est vraiment pris de sympathie pour lui et qu’il a peut-être une solution à ses problèmes. Il ne peut en discuter ici, mais lui propose de le revoir le lendemain à 22 h au Café de la Gare. À cette heure-là, l’endroit étant plutôt désert, ils pourront discuter à leur aise.

Pas moyen cette nuit-là pour Gustave de trouver le sommeil. Il pense et repense à ce que lui a dit son nouvel « ami », au rendez-vous. Doit-il y aller ou non ? Et le lendemain, son esprit continue à réfléchir à la question. Sur le coup de 21h, il se dit que finalement, un rendez-vous ne l’engage à rien.

Comme prévu, il n’y a pas un chat dans la grande salle du Café de la Gare. Ni chat, ni le jeune homme du train. Trente minutes passées à tourner une petite cuillère dans une tasse de café, et toujours aussi seul. En même temps qu’il se lève pour quitter l’endroit, l’homme tant attendu ouvre la porte et se dirige, une petite mallette à la main, vers Gustave. Il l’entraîne vers une petite table un peu cachée par de grandes plantes vertes artificielles et, sans prendre le temps de s’excuser pour son retard ou de saluer plus qu’il ne faut Gustave, se met à chuchoter que pour rien au monde, ce qui va être dit ce soir autour de cette table ne doit arriver à d’autres oreilles. En aucun cas, insiste-t-il, demandant à Gustave d’en faire le serment sur l’âme de sa défunte femme.

Posant dans un geste, qui se veut un peu mystérieux, sa mallette sur un coin de la table, il en sort un bout de papier noir. Il le dépose discrètement sur la table et explique que ce bout de papier qu’il a devant lui est un billet de cinquante euros. Enfin, pas encore tout à fait. La Banque de France, pour éviter les risques de vol lors du transport des billets à travers la France, a mis au point un nouveau système. Si les billets sont complètement fabriqués par la Banque, elle ne procède pas à la coloration de ceux-ci. L’opération se fait dans des agences locales, le billet étant jusqu’à cette opération aussi noir que celui posé sur la table. Ceux-ci étant inutilisables, ils n’intéressent pas les voleurs.

Sans laisser le temps à Gustave d’accumuler toutes ces informations, l’homme continue son récit. Il y a quelques semaines, par un prodigieux hasard, deux caisses contenant chacune dix mille de ces « presque » billets de cinquante euros sont tombées d’un camion pour arriver jusqu’à lui.

Ne pouvant rien faire de ces papiers sans valeur, il s’apprêtait à les brûler, lorsqu’un de ses amis chimistes lui dit qu’il avait peut-être une solution. S’il arrivait à se procurer les produits nécessaires, il pourrait peut-être fabriquer un fixateur chimique de couleurs. Il suffirait alors de mettre un vrai billet de cinquante euros en contact avec le billet noir et d’imbiber le tout de la solution aux propriétés quasi magiques, pour qu’une partie de l’encre du vrai billet se transfère sur l’autre et s’y fixe, accomplissant ainsi l’étape manquante de colorisation du billet.

Après plusieurs essais qui s’avérèrent peu concluants, la bonne formule fut enfin mise au point et le résultat fut bluffant. Présenté comme un faux possible auprès de la Banque de France, le billet ainsi produit fut déclaré comme étant on ne pouvait plus vrai.

Un téléphone sonne, l’homme répond dans une langue étrangère. Il doit prendre congé de Gustave, une affaire urgente l’appelle ailleurs, mais il prendra contact avec Gustave dans quelques jours pour lui faire une démonstration de ce dont il vient de lui parler. Il lui secoue amicalement la main, se dirige vers la sortie, puis revient sur ses pas pour lui rappeler la promesse de ne pas parler de tout cela à qui que ce soit. Enfin, il s’en va.

Gustave est abasourdi : est-ce seulement possible ? Les attaques de fourgons blindés s’étant répétées ces derniers temps, l’histoire des billets non finis est plausible. Puisqu’il est possible de procéder à la coloration des billets par la suite, il n’est pas impossible qu’un chimiste un peu doué puisse réaliser à son tour l’opération. Mais qu’est-ce que lui pouvait bien avoir à gagner dans toute cette histoire ?

Les jours passèrent, suffisamment pour que l’imagination de Gustave ait pu envisager toutes les possibilités sur ce qu’on pouvait bien attendre de lui dans cette affaire, et plus aucune nouvelle de l’homme aux billets noirs. Un soir, alors qu’il venait de se mettre au lit, le téléphone sonna : c’était l’étrange homme d’affaires qui s’invitait chez lui pour faire la tant attendue démonstration.

Quelques minutes plus tard, c’est son inséparable mallette dans une main et en tirant une grosse valise de l’autre que se présente à lui son invité-surprise. Ils s’installèrent autour de la table de la cuisine, la lumière y étant plus vive, et cette fois-ci ce sont deux plaques d’acier noires et une petite fiole qu’il sortit de sa mallette, en précisant que les plaques étaient identiques à celles qu’utilise la Banque de France.

L’opération peut commencer, l’homme sort un vrai billet de cinquante euros de son portefeuille et un billet noir de sa mallette. Il place les deux billets l’un contre l’autre, s’interrompt, s’inquiète, fouille dans ses affaires. Visiblement, il a un problème. Il a oublié le papier aluminium. Mais heureusement, près de l’évier se trouve justement un rouleau. Il en prélève un grand morceau qu’il dépose sur la table, puis place en son centre les billets. Il fouille à nouveau et c’est une petite boîte qui fait cette fois son apparition. Celle-ci contient une poudre blanche dont il saupoudre abondamment les billets, puis il ouvre la petite fiole et déverse presque au goutte-à-goutte son contenu, qui est tout juste suffisant pour imbiber les deux billets. Ensuite, il emballe le tout dans le papier aluminium et place le paquet entre les deux plaques. Il presse le système entre ses mains et demande à Gustave de lui apporter quelque chose de lourd pour déposer sur l’ensemble et maintenir ainsi la pression. Il cherche, puis va vers la bibliothèque d’où il revient avec deux volumes d’une vieille encyclopédie qui font très bien l’affaire. Il ne reste plus qu’à attendre que le processus se réalise.

Pour patienter, l’homme se met à expliquer une nouvelle fois, avec plus de détails, toute l’histoire, consultant de temps à autre sa montre. Cent vingt minutes plus tard – pas une de plus –, il est temps de vérifier si les promesses sont tenues. Il retire les deux volumes, tourne le paquet dans tous les sens avant de l’ouvrir et d’en ressortir non pas un, mais deux beaux billets. Incroyable ! Fabuleux !

Gustave n’en croit tout simplement pas ses yeux, il compare les billets, les touche, les passe devant l’ampoule du luminaire de la cuisine. Rien, absolument rien ne permet de dire lequel des deux était le billet noir. Mieux encore, le numéro d’identification n’est pas le même sur les deux billets et pour cause, lui répond le magicien, car les deux ont été fabriqués par la Banque de France ; seule la couleur manquait à l’un d’eux. Et l’hologramme, quelle qualité ! Aucun doute : pour Gustave, les deux billets sont vrais et en effet ils le sont, mais trop impressionné par les manipulations de son « ami », il ne s’est pas aperçu du tour de passe-passe grâce auquel l’homme face à lui remplaça le papier noir par un autre vrai billet de cinquante euros.

Mais retrouvant un peu ses esprits, si la démonstration était des plus convaincantes, le retraité ne comprenait toujours pas pourquoi on lui montrait tout cela. Avant même d’avoir le temps de s’en inquiéter, l’autre prit les devants. Les produits qui permettaient de réaliser le transfert des couleurs d’un billet vers l’autre et leur fixation sur celui-ci coûtaient terriblement cher. L’ami chimiste n’étant pas du genre bénévole, il demandait cinquante mille euros pour produire la quantité suffisante de la solution pour blanchir l’ensemble des billets. Le problème étant qu’en dehors de ces billets inutilisables dans leur état actuel, ses finances ne lui permettaient pas de payer une telle somme, il cherchait en conséquence quelqu’un qui pourrait avancer cette somme. Mieux, il était prêt, en échange, à donner à son futur partenaire la moitié du magot. Et, joignant le geste à la parole, il attira vers lui la grosse valise qu’il avait emportée, et l’ouvrit, dévoilant ainsi son contenu : des milliers de bouts de papier noir, des billets de cinquante euros en devenir.

Pour Gustave, il n’y a même pas à réfléchir, voilà la chance de sa vie : puisqu’il n’avait été rétribué de sa vie d’homme honnête que par une maigre pension, il était temps pour lui de profiter des faiblesses du système. Il pouvait bien faire une entorse à sa promesse, et puis, c’était en quelque sorte pour faire fructifier les économies de sa femme et non pour les dépenser. N’imaginant pas pouvoir dépenser cinq cent mille euros, car son cerveau venait de se réveiller et avait fait le calcul en une fraction de minute, avant sa mort, ses enfants n’en hériteront que davantage.

C’était d’accord : lui, Gustave, allait avancer cette somme et enfin vivre la vie qu’il méritait. Un rendez-vous est organisé dans un hôtel à Paris, puisque c’est là que se trouve la banque de Gustave. En échange des cinquante mille euros qu’il s’est fait remettre en petites coupures, il se voit remettre un jeu de plaques d’acier, une boîte de poudre et une grande bouteille contenant la solution.

L’affaire est conclue. Gustave se dirige vers la Gare du Nord, puis se ravise… Non, maintenant qu’il est riche, à lui les grands restaurants et les jolies filles de Pigalle.

Le lendemain, n’étant plus le jeune qu’il fut, il lui faut un certain temps pour émerger et c’est avec un fort mal de tête qu’il se prépare à suivre à la lettre les instructions que, dans son immense bonté, son collègue en crime avait pris la peine de noter sur une feuille à en-tête de l’hôtel parisien où ils firent affaire la veille.

La troisième tentative n’ayant pas donné, pas plus que les deux précédentes, le résultat attendu, c’est assez énervé que Gustave contacte l’homme à la base de ses problèmes, afin de lui expliquer son incapacité à transformer le papier en argent. Celui-ci le rassure : si cela ne fonctionne pas, c’est qu’il doit mal s’y prendre. Sans doute que la pression exercée pendant cent vingt minutes sur les billets n’est pas suffisante. Il lui conseille donc de réessayer en s’asseyant sur le tout, ce qui devrait être suffisant comme poids.

Évidemment, cela ne changea rien au résultat obtenu. Pire, le vrai billet de cinquante n’ayant pas supporté l’opération, il ressortit du paquet dans un état tel qu’il en était devenu inutilisable.

Se plaignant à nouveau de l’absence de résultat, il s’entendit répondre qu’en effet, son interlocuteur avait lui aussi essayé la solution sur ses billets à lui et qu’il n’y était pas parvenu non plus. Il avait contacté le chimiste qui s’était rendu compte qu’il avait oublié d’ajouter à la solution un ingrédient important. Il travaillait actuellement à réparer son erreur et d’ici une semaine ou deux, Gustave recevrait la bonne solution.

Les semaines passèrent, puis les mois et toujours pas de nouvelles. C’est en lisant un matin son journal qu’il comprit qu’il s’était fait avoir, mais qu’il n’était pas le seul. L’article expliquait les mésaventures d’une dame à qui on avait offert pour paiement de sa maison des billets noirs qui devaient devenir de vrais billets si elle achetait, sur tel site web, le produit adéquat.

Pourtant, lorsque, sentant sa fin venir, il expliqua ses mésaventures à ses enfants, c’est avec de la fierté dans la voix qu’il leur annonça que s’il s’était fait avoir avec l’achat du produit, il avait toujours gardé un œil sur les billets et que ceux-ci étaient bien à l’abri dans une valise au grenier, n’attendant qu’à être colorisés. Il mourut convaincu que les bouts de papier étaient réellement des billets inachevés.

Lorsqu’on lit cette histoire, on ne peut s’empêcher de penser comment peut-on être aussi naïf, aveugle,… et de faire le constat que ce n’est pas demain la veille qu’on tombera dans un tel piège. Pourtant, ce type d’arnaque, dite arnaque aux billets noircis, est un grand classique et connaît des centaines de variantes. Elle s’inspire de la machine à dupliquer les billets en vogue au début du XXe siècle et on peut supposer que son inventeur trouva l’idée en prenant au pied de la lettre l’expression « blanchir de l’argent ».

Si on s’afflige volontiers de la bêtise des autres, il est plus difficile de reconnaître la poutre dans notre œil, notre ego s’accommodant de nos propres faiblesses. Pourtant, en cherchant un peu dans vos souvenirs ou votre quotidien, vous devriez rapidement trouver une situation où vous vous êtes fait arnaquer, et bien souvent avec votre consentement. Évidemment, certainement pas de façon aussi grossière que Gustave, mais tout de même.

Imaginons qu’un maraîcher vous explique qu’il vient d’acheter un lot de belles tomates pour trois fois rien, quelques centimes la tomate. Qu’ensuite il colle une étiquette sur une tomate et cherche à vous la vendre pour 40 euros. Vous le remerciez gentiment en lui expliquant qu’il doit chercher ailleurs meilleur pigeon. Pourtant, si on prend la même tomate, mais que cette fois c’est en fines lamelles, avec quelques gouttes d’huile d’olive, qu’elle vous est proposée sur une des plus belles assiettes d’un des restaurants les mieux étoilés ou cotés par de célèbres guides gastronomiques, allez-vous encore la renvoyer à son expéditeur ? C’est moins certain... Et si on remplaçait cette tomate par un vêtement, n’avez-vous jamais craqué pour ce pantalon, cette chemise, ce bel ensemble, même en période de soldes, un peu cher, mais affichant sur une belle étiquette le logo de telle ou telle marque ? Vous n’ignorez pourtant pas que le vêtement que vous venez d’acheter a été fabriqué en Chine ou en Inde, c’est écrit d’ailleurs aussi sur l’étiquette et ça n’a pas coûté plus cher qu’une tomate à la société qui le commercialise. Et chaque année, justement pendant les soldes, l’industrie textile nous rappelle à quel point nous sommes de beaux pigeons : regardez, même avec une réduction de 40, 50 ou 60%, on ne vend pas encore à perte.

Vous avez donc acheté une tomate à quarante euros (dans le meilleur des cas). La différence entre le maraîcher et la marque de vêtements, c’est que cette dernière connaît les lois de l’arnaque et sait qu’une des clés du succès en la matière est de flatter l’égo du candidat pigeon.

Le constat n’est pas des plus agréables à faire, mais nous avons tous nos petites faiblesses et la force des arnaqueurs est de savoir les déceler. Il lui suffit alors d’aller un peu, et habilement, titiller nos points faibles pour obtenir ce qu’ils attendent de nous. Et aussi intelligent qu’on soit, c’est avec une étrange facilité qu’on se laisse aveugler.

Naïveté, crédulité, rêve de gloire ou de célébrité, d’argent facile, générosité, amour,… Rien ne leur échappe.

Si, pour certains, tous les moyens sont bons, faux aveugles ou handicapés, et n’hésitent pas à s’en prendre au plus faible d’entre nous, d’autres vont s’attaquer au haut du panier, cherchant l’argent là où il se trouve. Ils vont devoir pour cela faire preuve d’une incroyable créativité, d’un toupet hors normes, d’ingéniosité, pour réussir à bluffer les gens les plus à même de démasquer leur combine : banquiers, hommes d’affaires, experts, scientifiques, aristocrates,…

C’est d’eux dont il sera question ici.

La Grande Thérèse

L’arnaque à l’héritage fait partie de ces escroqueries qui consistent à faire miroiter à l’autre un « retour » sur investissement important. Imaginons qu’arrive à vos oreilles le bruit qu’une connaissance, ou l’ami d’un ami, va hériter d’une très grosse somme. Vous vous en réjouissez pour elle ou lui, tout en l’enviant tout de même un peu. Oui, qui n’a pas rêvé d’argent venant de nulle part, sinon on ne jouerait pas à la loterie. Puis, quelque temps plus tard, vous croisez cette personne lors d’une soirée. Vous sympathisez et évidemment, à un moment donné, la conversation finit par tourner autour du fameux héritage. Celle-ci vous explique alors, à mi-voix et à demi-mot, que les formalités pour qu’elle puisse enfin toucher le pactole se font plus longues et compliquées qu’elle ne le pensait. D’ailleurs, vous avoue-t-elle, un peu comme on révèle un secret honteux, pensant que cela irait bien plus vite, elle a déjà pris certains engagements qu’elle va avoir du mal à tenir, vu la lenteur qu’ont prise les choses. Si elle connaissait quelqu’un qui pouvait lui avancer un peu d’argent le temps que la situation se débloque, elle serait prête à doubler la somme lors du remboursement.

Si, à ce moment-là, vous avez quelque économie qui dort dans une banque à un ou deux pour cent par an, votre esprit fera tilt. Pourquoi ne pas tenter le coup ? En plus, vous allez aider l’ami(e) d’un(e) ami(e).

À cet instant, il est même fort peu probable que vous doutiez de l’existence de cet héritage. Et, grand prince, vous décidez de « sauver » cette personne et surtout de doubler vos économies, vite fait bien fait. Cette personne vous remercie de toute sa gratitude et vous demande de ne pas ébruiter l’affaire, ne voulant pas que tout le monde soit au courant de ses petits problèmes.

Mais voilà, le temps passe et toujours pas de retour de votre argent. Vous contactez l’heureux héritier qui, à chaque fois, a une bonne excuse : il y a des problèmes de notaires, de légitimité, de je ne sais quoi d’autre… Mais elle vous montre une lettre de son avocat qui se veut rassurante. Alors, vous continuez à patienter. Mieux, cette personne vous explique, documents à l’appui, qu’un problème de frais de notaire ou de succession bloque la situation, qu’elle aurait besoin de quelques milliers d’euros et qu’alors l’affaire serait débloquée en deux ou trois jours. Vous vous rappelez alors qu’il y a un vieux compte d’épargne qui dort quelque part et, afin de récupérer au plus tôt vos deniers, vous acceptez de prêter la somme manquante à un taux, évidemment, très avantageux.

Et puis, et puis, plus rien, plus de nouvelles. Vous vous inquiétez, vous demandez autour de vous si quelqu’un a des nouvelles, mais vous vous rendez compte que personne ne connaît vraiment cette personne, et que personne ne sait comment la joindre. Il ne vous reste plus que vos yeux pour pleurer et si vous en avez encore les moyens, engager un avocat, pour peu que vous ayez officialisé cela par écrit.

Une variante contemporaine de ce genre d’arnaque est ce mail, qu’on a tous au moins une fois dans sa vie reçu, de la fille ou le fils d’un ancien dirigeant africain qui a besoin de vous pour faire rapatrier en Europe la fortune familiale. En échange de votre aide, vous recevrez, bien sûr, une part conséquente des bijoux de famille, mais très vite apparaissent des frais divers (avocats, douanes, banques,…), qu’on vous demande d’avancer et qui sont à chaque fois certifiés par un document « officiel ». Mais cet argent que vous avancez, bien sûr, vous ne le reverrez jamais.

Voici un exemple de ces fameux mails1 :

Objet : ASSISTANCE

GEORGES TRAORE

ABIDJAN, CÔTE D’IVOIRE.

AFRIQUE DE L’OUEST.

Bonjour,

Je vous prie de bien vouloir excuser cette intrusion qui peut paraître surprenante à première vue d’autant qu’il n’existe aucune relation entre nous.

Je voudrais avec votre accord vous présenter ma situation et vous proposer une affaire qui pourrait vous intéresser.

Je me nomme Georges TRAORE, j’ai 22 ans et le seul fils de mon Père Honorable RICHARD ANDERSON TRAORE qui était un homme très riche, négociant de Café/Cacao basé à Abidjan la Capitale Économique de la Côte d’Ivoire, empoisonné récemment par ses associés.

Après la mort de ma mère le 21 Octobre 2000, mon père m’as pris spécialement avec lui.

Le 24 Décembre 2003 est survenu le décès de mon père dans une clinique privée (LAMADONE) à Abidjan.

Avant sa mort, secrêtement, il m’a dit qu’il a déposé une somme d’un montant de ($8,500,000) Huit Millions Cinq Cent Mille Dollars Américains dans une valise dans une Compagnie de Sécurité Financière en mon nom comme héritier.

En outre, il m’a dit que c’est par rapport à cette richesse qu’il a été empoisonné par ses associés. Il me recommande aussi de chercher un associé étranger qui pourrait honnêtement me faire bénéficier de son assistance pour sauver ma vie et assurer mon existence.

­– Changement de bénéficaire ;

– Servir de gardien ;

– Fournir un compte pour le transfert de fonds ;

– M’aider à le rejoindre dans son pays ;

– Investir dans un domaine profitable.

D’ailleurs, je vous donnerai 25 % et 5% serviront aux dépenses éventuelles qui seront effectuées.

Je vous serai reconnaissante de pouvoir bénéficier de vos conseils utiles.

NB : Je vous recommande de traiter cette affaire avec subtilités et confidentialité vu la dégradation de la situation sociopolitique dans laquelle nous vivons présentement.

Que Dieu vous bénisse !

GEORGES TRAORE.

Mais c’est bien plus près de chez nous et à la fin du XIXe siècle que va se jouer ce qui est sans doute le plus grand chef-d’œuvre de ce genre d’escroquerie.

Comme c’est souvent le cas, le génie, car pour le coup on peut vraiment parler de génie, certes du mal, mais de génie tout de même, prend sa source dans l’enfance. C’est donc quelques années avant le début du XIXe siècle qu’il nous faut remonter, et nous rendre du côté du pays occitan, pour y suivre le cours de l’Aussonnelle jusqu’au hameau de Aussonne. Ce village, qui se situe dans la zone rurale qui entoure la « ville rose », est peuplé principalement d’agriculteurs qui cultivent tant bien que mal la pêche et le maïs ainsi que quelques pieds de vigne produisant un vin simple, mais agréable.

Toutefois, et comme c’était encore assez fréquent à l’époque, parmi les habitants d’Aussonne figure un original, un homme profitant des superstitions encore fort ancrées dans l’esprit de ces paysans peu ou pas éduqués, pour s’autoproclamer, tantôt sorcier, tantôt jeteur de sort, ou guérisseur, ou sourcier, ou voyant, ou… Si l’homme inspire encore la peur auprès des enfants du village, ça fait longtemps que les villageois ont de sacrés doutes sur les prétendus pouvoirs de l’individu, et c’est sans doute plus par charité que par crainte qu’ils lui donnent de temps à autre un petit quelque chose pour subvenir à ses besoins quotidiens. Cet étrange personnage se prénomme Guillaume Auguste. Juste Guillaume Auguste, deux prénoms, sans nom de famille. C’était là la coutume, à l’époque, pour les enfants naturels : on leur donnait, comme nom de famille, leur second prénom. Et Guillaume fait partie de ceux-ci, ayant été abandonné à la naissance par sa mère. Après être passé par la case orphelinat, il fut recueilli par monsieur le curé, dont on chuchotait qu’il était en réalité le géniteur de l’enfant.

Il fallut à Guillaume attendre d’avoir passé la trentaine pour enfin avoir un nom de famille, un vrai. Sans qu’on en connaisse vraiment les tenants et aboutissants, à ce moment de sa vie, Guillaume se fait adopter par une riche veuve de Toulouse qui lui donna comme patronyme son nom de jeune fille : Daurignac.

Comme c’est souvent le cas chez ceux qui ont manqué de quelque chose dans leur enfance, une fois qu’ils obtiennent de quoi combler ce manque, ils agissent avec excès, et donc très rapidement, Daurignac s’ennoblit en devenant d’Aurignac et s’invente un titre de comte. Il rebaptise aussi la ferme en triste état qu’il occupe du nom de « Château de l’œillet ». Il a retenu de ses pratiques magico-mystiques que ce qui compte, ce n’est pas ce qu’on est, mais ce que les gens pensent que vous êtes. Donc peu importe être ou non un vrai aristocrate, l’important est que vos voisins en soient persuadés. Alors, pour faire illusion auprès des paysans du village, le comte d’Aurignac parle ce beau français que parlent les gens de la ville et qu’il a pu apprendre à l’orphelinat, et se vêt d’une vieille redingote et d’un haut-de-forme.

Et monsieur le comte va même finir par se marier. En 1852, il prend pour épouse Lucie Rose, fille illégitime d’un riche fermier. Celle-ci s’avéra en fin de compte être un bon parti, ayant reçu d’une de ses sœurs, en guise d’héritage, en quelque sorte, mille francs de l’époque, qui permirent au couple de devenir propriétaire du « château de l’œillet ».

Trois enfants virent le jour de cette union : deux garçons, Émile et Romain, et surtout une fille, Thérèse, en 1856. Trois autres enfants viendront plus tard agrandir la famille. Les dons de monsieur n’étant pas suffisants pour faire vivre tout ce beau petit monde, c’est la mère qui, ayant ouvert une petite affaire, assura le minimum vital.

Mais le destin sembla s’acharner sur cette famille et la mère de Thérèse, puisque c’est de Thérèse qu’il va être principalement question par la suite, décède. La famille tombe petit à petit dans la misère. Thérèse, fille aînée, se doit de reprendre en main le rôle de sa mère et de nourrir ses frères et sœurs. S’étant vue dotée par la nature d’un grand pouvoir d’imagination, elle comprend très rapidement, les chiens ne faisant pas de chats, qu’on obtient plus facilement et mieux en faisant usage de ruses et d’illusions qu’en s’abaissant à tendre la main. Un des autres grands avantages de Thérèse pour mener à bien ses petites intrigues est que, si elle n’est pas d’une beauté exceptionnelle, voire même assez laide selon certains, elle a ce charme, cette simplicité, cette innocence qui fait qu’on lui donnerait le bon Dieu sans confession. À cela s’ajoute un zozotement qui achève de vous attendrir et de vous convaincre que Thérèse est une bien « gentille » fille.

Mais c’est son père, dont la personnalité hors normes la fascine, qui, en lui montrant comment il transforma le « il n’est pas besoin d’être, il suffit de paraître », qu’il avait appris de la vie, en « il n’est pas besoin d’être riche, il suffit de le laisser croire », va être l’inspirateur du futur grand coup de bluff de sa fille.

Son père s’étant endetté auprès de tous ses voisins à un tel point que la situation devint rapidement impossible, les créanciers, las d’attendre un hypothétique remboursement, se faisaient de plus en plus pressants à la porte du château. Mais au lieu de faire profil bas, c’est de toute la hauteur de sa noblesse – qu’il n’a pas – qu’il les accueille. Et, les ayant installés confortablement dans la grande salle du « château », c’est avec un rien de condescendance dans la voix qu’il leur répond qu’ils ne doivent pas s’inquiéter, car il va les rembourser.

Ne pouvant se contenter de la parole, même d’un comte, et s’inquiétant auprès de celui-ci de la manière dont il comptait honorer ses dettes, chacun s’entendit raconter à mots couverts la même histoire.

Il était, mais cela devait rester un secret, le seul et unique héritier d’un aïeul richissime qui se portait au plus mal et dont il ne faisait aucun doute que la mort, dans sa clémence, allait sous peu mettre fin aux souffrances du vieil homme. Puis, dans un mouvement le plus théâtral possible, il découvrait, dans un coin de la pièce, un coffre dans lequel, affirmait-il avec emphase, se trouvaient tous les documents nécessaires à confirmer ses propos et surtout le fameux testament.

Et, les uns après les autres, ils acceptaient de lui donner un délai supplémentaire avant d’avoir à les rembourser ; surtout, il leur promettait évidemment de les indemniser comme il se doit pour ce délai.

Mais si le terreau est propice, Thérèse ne peut, comme son père, faire usage de son don pour l’embrouille qu’à leur petit niveau. Mais la vie va en décider autrement. Parmi leurs voisins figure la famille Humbert. Et les Humbert, ce n’est pas n’importe qui. Le père, Gustave, est un politicien en vue et, entre autres, sénateur, procureur général à la Cour des comptes et professeur de droit. Et il se fait que Gustave a un fils, Frédéric, étudiant en droit de son état. Et voilà que Thérèse tombe amoureuse du jeune homme, qui finit lui aussi par tomber sous le charme de la jeune fille, ou tout du moins par son intelligence.

On peut évidemment se poser la question de savoir s’il s’agit vraiment d’amour pour Thérèse ou si elle voit déjà là la possibilité d’agrandir son horizon. L’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre.

L’amour donnant des ailes, le couple se met à rêver de mariage. À rêver seulement, car à part dans les contes de fées, la différence de classe entre les deux familles est trop importante que pour penser juste un instant à vouloir officialiser cela. Mais le moins que l’on puisse dire est que Thérèse est du genre fataliste ; elle se souvient de la leçon de son père : l’important est moins d’être que de paraître et va reprendre à son compte l’idée de l’héritage. Afin de passer du statut de « erreur de jeunesse de son fils » à « bru potentielle » aux yeux de son futur beau-père, Thérèse explique que la propriétaire du château de Marcotte l’a désignée dans son testament comme héritière. Le château est évidemment une invention issue du monde imaginaire de Thérèse où elle se réfugie depuis sa petite enfance. Elle a évidemment parlé de ce château à son prince charmant à de nombreuses reprises, qui à son tour en a parlé à ses parents. M. Humbert sait donc de quoi il est question et l’idée de faire ainsi entrer un château dans la famille est suffisamment bourgeoise pour ne pas le laisser indifférent.

Et évidemment, reprenant à sa sauce les histoires de son père, la dame est à l’agonie. Bien entendu, l’affaire se complique et la succession se transforme en sinécure : tel point légal pose un petit problème, ou certaines formalités se font difficiles à remplir… Mais étonnamment, lorsqu’on connaît le statut du père, cela fonctionne. Le père donne son accord pour le mariage. En fait, si on y regarde de plus près, ce n’est pas aussi étonnant que ça. Nous avons un homme qui voit là une opportunité de flatter son ego, son image (et on sait que ce sont là des choses importantes chez les politiciens) et une jeune fille qui semble si gentille et inoffensive qu’il n’est pas possible de penser à mal trente secondes. Comment une aussi brave fille aurait-elle pu imaginer une telle histoire ? Il faut aussi à cela sans doute ajouter un rôle actif du futur époux. Si rien n’indique qu’il ait participé à l’entourloupe, on peut supposer que son rôle ne fut pas neutre à au moins deux niveaux. Celui de rendre réelle auprès de ses parents l’existence du château et d’autre part, grâce à ses études, rendre techniquement plausibles les problèmes qui retardent le pseudo-héritage.

C’est en 1878 que Thérèse devient officiellement madame Humbert. On raconte que Thérèse ne put s’empêcher, durant ce mariage, de faire usage de ses dons de manipulatrice. Lorsque son coiffeur vint lui présenter la note de ses prestations, elle réussit non seulement à ne pas lui donner le moindre sou, mais au contraire faire débourser au brave homme l’argent nécessaire pour payer la location des voitures devant transporter pendant la journée les mariés et leurs invités.

C’est à Paris que les jeunes mariés s’installent, rue Monge. Dans un quartier aussi modeste que l’appartement qu’ils occupent. Mais ce déménagement a un coût, le couple a besoin d’argent. Qu’à cela ne tienne, ils vont alors, grâce aux connaissances du diplômé en droit, confectionner de faux titres de propriété du château de Marcotte et mettre la bâtisse, qui rappelons-le n’existe que dans l’imaginaire de Thérèse et maintenant de son mari, en hypothèque.

Évidemment, l’illusion du beau château finit par se dissiper, mais ni le fils ni le père ne s’en offusquent. Le père, préférant sans doute taire l’affaire par honte de s’être fait ainsi rouler par une aussi simple fille. Nous verrons que la honte joue souvent un grand rôle dans le mécanisme d’arnaque. Quant au silence du fils, il semble confirmer l’idée qu’il était au courant de la manœuvre depuis le début ou presque.

À Paris, Thérèse et Frédéric ont du mal à joindre les deux bouts et vivotent plus qu’ils ne vivent. Comme elle l’a fait pour faire vivre ses frères et sœurs, Thérèse, avec la complicité de son mari, réalise de temps à autre de petites escroqueries pour améliorer le quotidien. Il faut dire que le duo se complète bien ; elle, l’intelligence, l’audace, l’imagination, le côté oie blanche inoffensive ; lui, la connaissance du droit et de tout le baratin qui va avec.

Le problème est que, malgré toutes leurs « compétences », l’illusion qu’ils projettent est assez limitée pour vraiment rapporter de quoi les mettre à l’abri du besoin pour un bon moment.Il leur manque deux choses importantes : une clé pour accéder au grand monde, là où on peut parler gros sous sans faire peur à personne, et une base assez solide sur laquelle asseoir confortablement l’illusion. Et c’est le beau-père, bien malgré lui, qui va leur donner le tremplin inespéré.

Le 26 janvier 1882, le gouvernement Léon Gambetta s’effondre après 73 jours de pouvoir. Lui succède, le 30 janvier, le gouvernement Charles de Freycinet dans lequel le père Humbert se voit confier le poste de garde des Sceaux.

Et voilà Thérèse et Frédéric promus au titre d’enfants de ministre, ouvrant les portes de la belle société. Ils vont enfin pouvoir faire la démonstration de toute l’envergure de leurs « compétences ». Et ils vont faire très fort.

Le couple n’a aucun mal à faire bonne figure dans la haute société. Il faut dire qu’une rumeur les suit ou les précède à chaque fois : le ministre aurait eu le nez fin pour choisir sa belle-fille ; en effet, celle-ci attend un héritage colossal d’un richissime Américain, Henry Crawford. Celui-ci serait le vrai père de Thérèse et sans doute pris de remords face à la mort, il a légué toute sa fortune, cent millions en titre au porteur, à cette fille illégitime. Il y a toutefois un léger problème : presque au même moment, Crawford a rédigé un autre testament qui désigne cette fois, comme légataire, Maria, une sœur de Thérèse, et Henri et Robert Crawford, deux neveux du riche Américain. Normalement, la loi prévoit que seul le dernier testament rédigé est le seul valable, mais voilà, Crawford ayant signé les deux testaments le même jour, la situation est plus que conflictuelle et inextricable.

Le premier testament dit :

« Je lègue en toute propriété tous mes biens à Marie-Thérèse d’Aurignac, fille de mon ami d’Aurignac. Fait et daté de ma main à Nice. Le six septembre ١٨٧٧. Signé : H.R. Crawford. »

Et le second :

« Ceci est mon testament, je veux qu’après ma mort