Lettres de prison - SACCO & VANZETTI - E-Book

Lettres de prison E-Book

SACCO & VANZETTI

0,0

Beschreibung

Lettres échangées entre les deux anarchistes et leurs familles, leurs camarades et leurs avocats pendant la période où ils furent emprisonnés de 1920 à 1927.


En 2027, il y aura un siècle que ces deux hommes reconnus innocents auront été passés sur la chaise électrique parce que leur exécution favorisait la carrière d'un juge, d'un gouverneur et installait à long terme, la peur chez tous les syndicalistes et socialistes américains.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 330

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



SACCO et VANZETTI

LETTRES de PRISON

HISTORIQUE

BIOGRAPHIE DE NICOLAS SACCO

Nicolas Sacco avait vingt-neuf ans quand il fut arrêté avec Vanzetti, à Brockton, Massachussets, le 5 mai 1920. Ni lui, ni Vanzetti, n’avaient eu maille à partir avec la police auparavant. Pendant les douze années qu’il avait vécu en Amérique, il avait principalement travaillé comme cordonnier dans les villes ouvrières qui entourent Boston. C’est là qu’il avait débarqué en arrivant d’Italie. Il avait d’abord été employé comme porteur d’eau par une équipe qui construisait des routes à Milford, Massachussets. Il passa ensuite quelque temps dans une fonderie à Hopedale, Massachussets, puis il trouva à s’employer dans une fabrique de souliers à Webster, puis dans l’usine de la Milford Shoe Company à Milford. Il y travailla sans interruption de 1909 à 1917, plaçant régulièrement ses économies. C’est là qu’il devint un ouvrier qualifié, fraiseur de lisse.

En 1917 Sacco alla à Mexico pour éviter la mobilisation. Il rentra après la guerre et fut embauché à la manufacture de chaussures « Trois K » à Soughton, Massachussets, par Michael J. Kelley, qui en était le propriétaire et à l’école de qui il avait appris son métier en dehors des heures de travail régulier. Il travaillait pour M. Kelley au moment de son arrestation et il occupait une maison voisine de cellede M. Kelley, bâtie sur un terrain appartenant à son patron. Sacco en même temps qu’ouvrier était gardien de l’usine et M. Kelley lui avait donné un grand terrain où il cultivait des légumes et des fleurs.

Sacco était originaire du village de Torremaggiore, province de Foggia, dans l’extrême Sud de l’Italie. Son père Michel possédait de riches oliveraies et des vignobles. A errer dans les vignes et les vergers, et à partager les travaux des champs, Sacco avait acquis un amour passionné de la nature et de la vie en plein air. Il n’avait pas eu d’instruction régulière, mais il avait étudié sous la surveillance affectueuse de ses parents, bons catholiques, et de son frère aîné qui était son fidéle compagnon.

Remarquablement vigoureux et musclé, sa personnalité était chaude et exubérante. Autant qu’on pouvait en juger, ce qui l’intéressait le plus, c’était tout ce qu’il pouvait voir ou toucher, - ses outils, ses fleurs ou ses légumes qui poussaient dans son jardin, les arbres et le ciel.

Il était républicain à son arrivée en Amérique, mais il changea bientôt et devint socialiste puis anarchiste. Comme anarchiste, il devint le disciple de Galléani, intellectuel anarchiste qui vivait alors dans le Massachussets.

Sacco prit part à beaucoup de grèves pendant cette période où il passa du républicanisme à l’anarchie. Ses camarades disent que pendant ces grèves, il se montrait consciencieux à l’excès, parlant peu, mais « picketing » plus longtemps que n’importe qui, et toujours prêt à courir ou à faire n’importe quoi pour la cause.

En 1912, il épousa une belle Italienne aux cheveux roux, qui s’appelait Rosa et qu’il avait rencontrée à Milford. Ils allèrent ensemble jouer la comédie dans les quartiers italiens pour ramasser de l’argent pour les caisses de grève. Ils eurent un fils, Dante, après deux ans de mariage, et une fille, Inès, qui naquit quelques mois après l’arrestation de Sacco. Sacco était profondèment attaché à sa famille.

Les lettres écrites par Sacco pendant les six premières années d’emprisonnement à Dedham montrent comment il dut lutter pour s’adapter à ce qui l’entourait. Il ne pouvait pas travailler dans la prison, car les inculpés de meurtre dont la condamnation n’est pas prononcée, n’en ont pas le droit. Les exercices physiques qu’il faisait dans sa cellule étaient insuffisants pour un homme habitué au travail.

La révolte de son corps se traduisit par une grève de la faim d’un mois en 1923, et celle de son esprit par quelques lettres. La lettre adressée à Fred H. Moore, son premier avocat, en est un exemple bien significatif. Il détestait toute la « phraséologie » sur l’affaire, et la sympathie des «amis philanthropiques » lui inspirait un amer ressentiment. Cependant il ne gardait pas rancune à ceux qu’il attaquait même violemment. Il avait donné satisfaction à son caractêre entier. Par la suite, il se rappelait ces faits comme de simples différences d’opinion, et n’en causait pas moins gaiement sur d’autres sujets.

Sacco n’était pas de tempérament studieux. Il ne lisait pas beaucoup, et, avant d’être en prison, il n’avait certainement pas écrit beaucoup de lettres. Dans ces lettres de prison, on sent ses efforts pour dompter son inexpérience et pour exprimer les réactions de sa vibrante sensibilité.

BIOGRAPHIE DE VANZETTI

Vanzetti débarqua à Ellis Island en 1908, à l’âge de vingt ans. Il était né à Villafalleto, province de Cuneo, dans l’Italie du nord, et appartenait à une famille bourgeoise et aisée, son père était un riche fermier. Ses parents étaient de dévots catholiques et Bartolomeo fut très strictement élevé. Il alla à l’école du village jusqu’à treize ans et puis son père le plaça chez un pâtissier à Cuneo. Il y resta un an et demi puis il travailla à Cavour, Courgne et Turin, comme pâtissier confiseur.

Six ans après avoir quitté sa famille, il tomba gravement malade et revint se faire soigner par sa mère et ses sœurs. Il avait alors dix-neuf ans. Pendant ces années de travail il avait beaucoup lu et étudié, s’était détourné du catholicisme et s’intéressait aux théories sociales extrêmes. Sa mère mourut d’une longue maladie et cette mort fit sur Vanzetti une impression profonde et durable. Il décida de quitter de nouveau les siens et bientôt, partit pour l’Amérique.

Pendant deux ans, il fut plongeur dans un restaurant de New York. Il travailla ensuite par périodes dans les fermes du Connecticut, puis deux ans aux carrières de pierre de Meriden, Connecticut, aux briquetteries de Springfield, Massachussets, puis de nouveau à New York comme pâtissier. Cinq mois sans travail le ramenèrent à Springfield où il fut embauché dans une équipe de construction de voies ferrées. De là, il alla à Worcester, et finalement en 1915 à Plymouth où il resta jusqu’à son arrestation (sauf un intervalle de 1917 à 1918 où il vécut à Mexico pour éviter la mobilisation. il fut foreur de puits, terrassier, ouvrier à la Corderie de Plymouth, casseur de glace et crieur de poisson. il prit une part active à la grève des corderies de Plymouth en 1916 et eut dès lors dans la région la réputation d’un meneur.

Où qu’il allât, Vanzetti continuait ses études avec une ferveur croissante. Ses deux livres les plus feuilletés étaient La Divine Comédie et La Vie de Jésus de Renan.

Vanzetti avait trente et un ans quand lui et Sacco furent arrêtés. Ni l’un ni l’autre n’avaient jamais été poursuivis.

De 1921 à 1926, Vanzetti fut transporté trois fois de la prison de Charlestown à celle de Dedham. Chaque fois des demandes pour un nouveau jugement furent adressées à la Cour de justice.

Pendant ce temps, il s’était fait, parmi les surveillants et les gardiens de la prison d’État, la réputation d’un solide ouvrier et d’un homme qui écrivait et lisait constamment. Dès son entrée en prison, en juillet 1920 (condamné pour le crime de Bridgewater) il avait travaillé à l’atelier de peinture pour les automobiles de l’État. Au début de 1923, il fut obligé de chercher un autre travail, à cause de troubles digestifs provoqués par les émanations gazeuses des colorants. Il fut alors placé dans l’atelier du tailleur de la prison où il travailla jusqu’en 1924.

A force d’occuper ses mains et son cerveau, Vanzetti arriva à supporter les quatre premières années de prison et les délais et les déceptions qui suivirent les refus successifs du juge Thayer d’accorder un nouveau jugement,

Au début de 1925 cependant, sa résistance fléchit temporairement. Des troubles digestifs semblaient indiquer qu’il était atteint d’un ulcère à l’estomac, et ces souffrances physiques expliquent sans doute l’irritabilité qui caractérise alors son attitude. Il fut donc placé en observation à l’hôpital de la prison et cessa le travail. Après quelques semaines on le transporta de l’hôpital à la maison des fous de Bridgewater. Il y resta cinq mois, recouvra la santé, puis il retourna à Charlestown et travailla de nouveau à la peinture. Cette année là, il n’y eut pas encore de nouveau jugement pour lui, ni pour Sacco.

A la fin de 1924, M. William G. Thompson, suivi de M. Herbert B. Ehrmann remplacèrent M. Fred H. Moore et les autres conseils, Vanzetti fut très heureux du changement et attendit avec une patience relative l’année 1925 pendant qu’on faisait les démarches nécessaires pour amener son affaire devant la Cour suprême.

En 1926 eurent lieu une série d’importantes démarches légales. M. Thompson étant chargé de la défense, fit appel le 11 janvier devant la Cour suprême de Massachussets. La cour décida contre les deux accusés. Alors on fit une autre tentative auprès du juge Thayer pour obtenir un nouveau jugement justifié par les révélations de Celestino Madeiros. Celui-ci, emprisonné à Dedham pour assassinat, affirmait que le crime de South Braintree avait été commis par la bande de criminels dont il faisait partie. Le juge Thayer décida de nouveau contre Sacco et Vanzetti.

Cette recrudescence d’activité eut son effet sur Vanzetti. Au début il s’était occupé surtout en traduisant en anglais Paix et Guerre, de Proudhon, en écrivant son autobiographie : Histoire d’une Vie prolétarienne, en finissant un roman : Événements et Victimes, qui était le récit de ses expériences dans une fabrique de munitions quelque temps avant l’entrée en guerre américaine. Il écrivait aussi pour des journaux anarchistes et pour le bulletin du Comité de Défense, des articles qui traitaient quelquefois de sujets étrangers à l’affaire. Alors que, à partir de 1926, toute son activité fut employée à seconder son avocat et le Comité de Défense. Il commença à traduire les communiqués de M. Thompson en italien pour leur publication en Europe. Ses lettres de cette époque indiquent qu’il est plus sérieusement préoccupé par l’affaire. Il conférait plus fréquemment avec les membres du Comité de Défense sur les démarches à suivre.

En janvier 1927 une dernière tentative fut faite devant la Cour suprême, arguant des révélations de Celestino Madeiros. Le 4 avril la Cour de nouveau soutint le juge Thayer. Toutes les démarches légales ayant échouées, les deux hommes furent conduits de nouveau devant le tribunal pour entendre leur condamnation. Vanzetti fut transféré de Charlestown à Dedham le 9 avril et conduit devant le tribunal avec Sacco.

A cette occasion, et comme on lui posait la question conventionnelle : « Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? » Vanzetti parla pendant trois quarts d’heure avec une éloquence qui émut le tribunal. Au moment où le juge Thayer prononçait la sentence, il l’interrompit et demanda la permission d’ajouter quelque chose qu’il avait oublié. Cette permission lui fut refusée.

Les trois semaines qui suivirent furent employées à rédiger une pétition au gouverneur Fuller. Vanzetti, comme Sacco, refusa de signer une formule qui eut impliqué qu’il demandait pardon ou miséricorde. Au lieu de cela, avec l’aide de M. Thompson, il écrivit sa propre pétition, dans laquelle il affirmait ses principes anarchistes et ceux de Sacco et resumait les principaux points de la défense. Sacco demeura ferme dans son refus de signer, et la pétition fut présentée au gouverneur Fuller, avec la seule signature de Vanzetti.

Le Gouverneur commença immédiatement son enquête personnelle. Des pétitions lui arrivaient de partout, demandant d’une manière pressante une sérieuse révision du procès. Le 1er juin, le gouverneur annonça qu’il avait nommé une Commission consultative d’enquête composée du président Lowell de Harvard, du président Stratton, de l’Institut Technologique de Massachussets, et du juge Grant, qui avait été juge à la Cour de Probation (probate Court.)

Pendant ces semaines (après la présentation de la pétition) Vanzetti observa les événements avec une fermeté qui frappa tous ceux qui le virent. Il continua sa correspondance, lut beaucoup et joua avec Sacco à un jeu de boules italien pendant l’heure qu’ils passaient dans la cour.

L’AFFAIRE

Le 15 avril 1920 à 3 heures de l’après-midi, le chef de paye Parmenter et le gardien Berardelli revenaient des bureaux de la manufacture de chaussures Slater et Morril et portaient deux coflres contenant le montant de la paie. Comme ils passaient dans la grande rue de South Braintree, Massachussets, ils furent tués à coups de revolvers par deux hommes. En même temps une auto portant plusieurs autres hommes arriva. Les assassins jetèrent les deux coffres dans l’auto, y sautèrent eux-même et s’en allèrent à toute vitesse. Deux jours après, l’auto fut trouvée abandonnée dans les bois loin de la scène du crime.

A la même époque, la police recherchait les auteurs d’un attentat du même genre commis à Bridgewater. Dans les deux cas le crime avait été commis par une bande. Dans les deux cas les bandits s’étaient enfuis en auto. Dans les deux cas les témoins pensaient que les criminels étaient des Italiens.

Dans l’affaire de Bridgewater l’auto avait pris la direction de Cochesett, C’est pourquoi le brigadier Stewart de Bridgewater recherchait, à l’époque du crime de Braintree, des Italiens propriétaires ou chauffeurs d’auto à Cochesett. Il pensa avoir trouvé son homme dans un certain Boda dont l’auto était alors en réparation dans un garage. Stewart demanda au propriétaire du garage, Johnson, de l’avertir par téléphone dès que quelqu’un viendrait chercher l’auto. Suivant toujours cette piste, Stewart découvrit que Boda avait habité à Cochesett avec un révolutionnaire nommé Coacci.

Il faut dire que le 16 avril 1920, lendemain du crime de Braintree, Stewart, sous les ordres du département de justice alors engagé dans la chasse aux « rouges », était allé chez un certain Coacci pour savoir pourquoi il n’avait pas répondu à une convocation de la police pour une audience au sujet de son expulsion. Il avait trouvé Coacci faisant sa malle et visiblement très pressé de partir pour l’Italie le plus tôt possible. A ce moment-là (16 avril) la malle de Coacci et sa hâte ne furent pas rapprochées par le commissaire Stewart de l’affaire de Braintree. Mais quand il eut découvert ce qu’il croyait être les traces de l’auto de Boda près de l’auto du crime, et qu’il eut appris que Boda avait habité avec Coacci, il relia le départ de Coacci avec l’affaire de Braintree, et il supposa qne la malle contenait le butin. Il en conclut que Coacci, copain de Boda, « s’éclipsait avec le magot ». En réalité, la malle, quand elle fut examinée par la police italienne, à l’arrivée, ne contenait rien de suspect. Cependant Stewart continuait à bâtir sa thêse autour de Boda : quiconque viendrait demander l’auto de Boda au garage Johnson pourrait être soupçonné du crime de Braintree. Le 5 mai, en fait, Boda et trois autres Italiens vinrent demander l’auto. Pour expliquer pourquoi ils venaient, il faut rappeler toutes les mesures prises pour l’expulsion des « rouges » par l’Attorney général Palmer, au printemps de 1920. En particulier il ne faut pas oublier le cas d’un certain Salsedo - c’était un révolutionnaire tenu au secret par la police de New York au 14e étage d’un immeuble de Park Row. Boda et ses compagnons étaient des amis de Salsedo. Le 4 mai ils avaient appris que Salsedo avait été trouvé mort au pied de l’immeuble de Park Row. Ils furent effrayés et se mirent en campagne « pour cacher la littérature et avertir leurs amis ». Pour cela ils avaient besoin d’une auto et ils avaient pensé à celle de Boda. Telles étaient les circonstances qui expliquaient la visite des quatre Italiens, le 4 mai, au garage Johnson. Deux d’entre eux étaient Sacco et Vanzetti. Mme Johnson téléphona à la police. L’auto n’était pas en état et les Italiens partirent, Sacco et Vanzetti allèrent chercher un taxi pour aller à Brockton, Boda et Orciani partirent sur une motocyclette. Orciani fut arrêté le lendemain, quant à Boda on n’en entendit plus parler.

Stewart pensa tout de suite à appliquer sa théorie qui voulait que les deux crimes, Bridgewater et Braintree aient été commis par la même bande. La théorie ponrtant ne put tenir. Orciani avait été à l’usine à ces deux dates et eut ainsi un alibi, il fut relâché. Sacco, employé dans une fabrique de chaussures à Stoughton, avait pris un jour de congé le 15 avril. Il ne pouvait être accusé du crime de Bridgewater, il le fut seulement de celui de Braintree. Vanzetti, qui était son propre employeur, ne put avoir d’alibi irrécusable pour les deux jours, alors il fut accusé des deux crimes.

La thèse de Stewart, crime commis par des révolutionnaires italiens, ne fut jamais partagée par les chefs de la police d’Etat qui soutinrent toujours que c’était un travail de professionnels.

Accusés de l’assassinat du 5 mai, Sacco et Vanzetti furent officiellement inculpés le 14 septembre 1920 et jugés en mai 1921 à Dedharn, comté de Norfolk. Le lieu du jugement, le palais de justice qui est situé en face de la vieille maison de Fisher Ames constituait un saisissant contraste avec le milieu et les antécédents des prisonniers. Dedham est un faubourg tranquille, fait de maisons bourgeoises, habité par des Bostoniens cossus, parmi lesquels beaucoup de descendants des petit s fermiers du New-England. Une bonne partie du jury avait été choisie parmi ceux que l’on estime être des citoyens représentatifs, de « situation solide » et « intelligents ». Le juge qui présidait était Webster Thayer, de Worcester. Le principal avocat pour les deux Italiens fut Fred H. Moore, homme de l’Ouest; révolutionnaire et défenseur professionnel de révolutionnaires. Par son origine comme par ses idées, il était là un «étranger ». Moore, qui ne connaissait pas les traditions du Massachussets, qui n’était pas membre du barreau du Massachussets, qui ne connaissait pas le tempérament du juge Thayer, ne fut jamais en sympathie, ni personnelle, ni professionnelle avec le juge. Pour autant que les relatlons entre l’avocat et le juge peuvent, même inconsciemment, avoir d’influence sur la manière dont se déroule une affaire, Moore fut un facteur d’irritation et non d’apaisement. Sacco et Vanzetti parlaient un anglais très incorrect et les dépositions montrent souvent qu’ils ne comprenaient pas les questions qui leur étalent adressées. Quant à l’interprète du tribunal, sa conduite suscita de tels doutes que les accusés durent amener leur propre interprète pour contrôler ses questions et ses réponses...

La question posée par l’instruction était la suivante : Sacco et Vanzetti étaient-ils ou n’étaient-ils pas deux des assaillants de Parmenter et Berardelli. A cette question il y eut une multitude de réponses contradictoires. Cinquante-neuf témoins déposèrent pour la thêse officielle, et quatre-vingt-dix-neuf pour les accusés. Les témoignages fournis par l’accusation n’étaient pas les mêmes contre les deux hommes. La théorie officielle était que Sacco ait tiré et que Vanzetti était assis dans l’auto et était complice de l’agression. Les témoins de l’accusation attestèrent avoir vu les deux accousés à South Braintree le matin du 15 avril; ils reconnureut Sacco comme l’homme qui avait tué le gardien Bérandelli et qui s’était ensuite enfui en automobile. Un expert déclara que l’une des quatre balles extraites du corps de Bérardelli pouvait provenir du revolver Colt que Sacco avait sur lui au moment de son arrestation. Quant à Vanzetti, on eut contre lui les témoins qui dirent l’avoir vu dans l’auto. De plus l’accusation mit en valeur la conduite des deux hommes après l’attentat : les revolvers qu’ils avaient sur eux, les mensonges qu’ils avaient dit aux policiers lors de leur arrestation. De tout cela on fit un argument : « conscience d’avoir fait le mal » qui devait peser d’un grand poids.

La défense produisit des témoins un peu plus nombreux et au moins aussi bien placés que ceux de l’accusation pour identifier les assaillants et ils affirmèrent que les accusés n’étaient pas les hommes qu’ils avaient vu. Leur témoignage fut coufirmé par ceux des personnes ayant vu Sacco et Vanzetti ailleurs qu’à Braintree au moment de l’attentat. D’autres témoins confirmèrent la déposition de Sacco disant que le 15 avril - jour où il n’était pas à l’usine - il était allé à Boston pour se procurer un passeport; il voulait en effet aller bientôt en Italie voir son père. La vérité de cette déposition fut confirmee par le témoignage d’un employé du consulat de Boston qui déclara que Sacco était venu au consulat à 2 heures un quart après-midi.

Pour Vanzetti l’alibi fut étonnant. Trente et un témoins déposèrent que, aucun des hommes, qu’ils avaient vus dans l’auto du crime, n’était Vanzetti. Treize témoins déposèrent en affirmant directement la présence de Vanzetti à Plymouth, où il vendait du poisson, le jour du meurtre, ou bien confirmèrent les dépositions directes.

Au cours du procès, le juge Thayer devait déclarer que la condamnation des deux hommes n’était pas la conséquence des témoignages contre Sacco et Vanzetti. Selon lui « la preuve qui condamnait ces accusés était... leur « conscience d’avoir fait le mal » (1)

... Jusque-là tout l’effort de la défense avait été de démontrer que les circonstances du crime éloignaient les soupçons de Sacco et de Vanzetti. Mais la mort de Parmenter et celle de Berardelli restaient inexpliquées. La défense allait produire de nouvelles preuves établissant que non seulement Sacco et Vanzetti n’avaient pas commis le crime mais qu’il avait été commis par une bande bien connue de criminels. Un jeune Portugais, criminel d’expérience, Celestino F. Madeiros, se trouvait en 1925 dans la même prison que Sacco. Il était condamné à mort pour un assassinat commis au cours d’une tentative de vol dans une banque. Le 18 novembre, au moment où l’appel qu’il avait fait devant la Cour suprême était encore pendant, il put faire passer à Sacco la note suivante :

« Je confesse par la présente avoir pris part au crime de la Compagnie de Chaussures de Braintree, et Sacco et Vanzetti n’ont pas pris part au dit crime. »

CELESTINO F. MADEIROS.

Aussitôt que l’avocat de Sacco connut cette note, il commença une enquête pour vérifier l’affirmation de Madeiros. On apprit alors que plusieurs fois, Madeiros avait essayé de dire à Sacco qu’il connaissait les vrais auteurs du coup de Braintree, mais Sacco, craignant que ce ne fut un espion cherchant à le tromper, n’avait pas fait attention à ce qu’il disait. Une interview avec Madeiros fit connaître des détails tellement circonstanciés qu’il apparut évident que l’homme devait être interrogé par la défense et par le ministère public. Ses dépositions, l’une d’elles de 100 pages et pour laquelle il avait été interrogé par l’Attorney du District, racontaient l’histoire suivante :

En 1920, Madeiros qui avait alors vingt ans, habitait Providence. Il avait déjà un casier judiciaire et il était associé avec une bande d’Italiens qui volaient des camions chargés de marchandise. Un soir, ils causaient ensemble dans un bar de Providence, lorsque l’un des membres de la bande lui proposa de prendre part au vol projeté de South Braintree. Il n’avait jamais pris part à un « hold up », mais ils lui dirent qu’ils avaient fait des « tas de coups de ce genre » et le persuadèrent. Comme il n’avait que dix-huit ans, il devait jouer un rôle secondaire. Il devait être assis à l’arrière de l’auto avec un revolver et aider à tenir à distance la foule au cas où elle se serait précipitée. Quelques jours après, le 15 avril 1920, le plan fut exécuté. Dans la bande, avec Madeiros, il y avait trois Italiens et une espèce de type maigre à cheveux blonds qui conduisait l’auto. Pour ne pas être identifiés, ils employérent deux voitures. Ils partirent dans une Hudson, qu’ils conduisirent dans les bois prés de Randolph. Ils échangèrent alors l’Hudson pour une Buick, qui avait été amenée par un autre membre de la bande. Ils allèrent à South Braintree dans la Buick et y arrivèrent vers midi. Le moment venu les coups de feu furent tirés par le plus vieux des Italiens, homme d’environ quarante ans, et par un autre. Les autres restèrent tout près dans l’auto.

Une fois le crime commis, les assassins montèrent avec l’argent et ils repartirent. Ils allèrent jusqu’aux bois de Randolph, changèrent la Buick pour l’Hudson et retournèrent à Providence. Il était entendu que Madeiros retrouverait les autres dans un bar à Providence, le lendemain soir, et que l’on partagerait le butin. Cet engagement fut-il tenu, et Madeiros toucha-t-il une part du butin ? Il refusa obstinément de le dire.

Ce refus était en accord avec la tactique de Madeiros. Dès le début il avait déclaré qu’il ne dirait rien sur l’identité de ses associés, tandis qu’il ne cacherait rien de ce qui le concernait seul. Pour ne pas les dénoncer, il refusa obstinément de répondre à certaines questions, ou mentit ouvertement. Aussi l’enquête ne put pas lui arracher les noms des membres de la bande et après, il songea à dissimuler leur identité en leur donnant de faux prénoms. Il se montra très habile pour éviter de dire ce qu’il voulait cacher. Mais en entreprenant de raconter l’histoire du crime sans dénoncer les criminels, il avait entrepris là une tâche impossible. En dépit de tous ses efforts, un avocat aussi habile que M.Thompson était capable d’élucider un certain nombre de faits qui, si on les suivait, pouvaient servir à établir l’identité de la bande et qui confirmaient ainsi l’histoire de Madeiros.

Madeiros disait que sa bande « volait des charges de camions à Providence » Existait-il une bande telle que sa composition et son activité correspondissent à l’histoire de Madeiros et en même temps expliquassent les faits du crime de Braintree ? Il y avait la bande Morelli, bien connue comme bande de criminels professionnels par la police de Providence et de New Bedford, et dont quelques membres étaient inculpés, devant la Cour de Rhode Island de vol de camions chargés, au moment du meurtre de Braintree. Cinq sur neuf des inculpations concernant des vols de chaussures, avaient trait à des vols commis au détriment de Slater et Morrill à South Braintree, et de Rice et Hutchins, fabrique voisine. Pour ces opérations, la bande devait avoir un complice à Braintree expédiant les marchandises. L’usine Slater et Morrill était à cent mètres à peu près de la gare de South Braintree et un complice s’occupant des expéditions verrait passer le chef de paye toutes les semaines. Il faut rappeler que la caisse de paye volée était celle de l’usine Slater et Morrill et que le crime fut commis en face de Slater et Morrill et de Rice et Hutchins. Les Morelli, inculpés, étaient en liberté en attendant le jugement. Ils avaient besoin d’argent pour assurer leur défense et leur seule source de revenu était le crime. Ils restèrent en liberté jusqu’au 25 mai, jour de leur condamnation et de leur départ pour Atlanta.

Madeiros ne nomma pas la bande, mais fit la description des hommes qui étaient avec lui à Braintree. Comment cette description convenait-elle à la bande Morelli ?

Le chef de la bande était Joe, trente-neuf ans. Il y avait ensuite ses frères : Mike, Patsy, Butsy et Fred. Autres membres, Bibba Barone, Gyp le Sanglant, Mancini, Stève le Polonais. Bibba Barone et Fred Morelli étaient en prison le 15 avril 1920. D’après Madeiros, ils étaient cinq, y compris lui-même, dans l’auto du crime, trois Italiens et le chauffeur « Polonais ou Finlandais ou de quelque part dans le nord de l’Europe ». Les coups de feu furent tirés par le plus vieux des Italiens, qui avait dans les quarante ans et qui s’appelait Bill. Un quatrième Italien amena la Buick à Randolph. Cette description convient aux membres de la bande Morelli. Mais les témoignages de témoins indépendants confirment les déclarations de Morelli. Une des plus grandes difficultés qu’avaient eu l’accusation dans l’affaire Sacco et Vanzetti, était l’impossibilité d’identifier Vanzetti et le conducteur de l’auto. L’attorney du district dit aux jurés qu’ils devaient être impressionnés par le fait que quand l’auto partit, elle était conduite par un homme aux cheveux clairs qui avait l’air malade. Steve le Polonais convient à la description de Madeiros et à la déposition du témoin. Pour enlever tout doute, deux femmes, travaillant chez Slater et Morrill, reconnurent en Stève le Polonais, l’homme qu’elles avaient vu ce jour-là attendant pendant une demi-heure, près d’une automobile et devant leur fenêtre.

Deux témoins qui déposèrent lors du jugement reconnurent en John Morelli l’homme qui avait tiré, et un autre reconnut Mancini. Les Morelli étaient nés en Amérique, ce qui explique le témoignage disant que l’un des bandits parlait un anglais parfaitement clair, chose impossible à Sacco ou à Vanzetti.

Le personnel de la bande Morelli convient au crime de Braintree. Autres détails : La balle mortelle venait d’un Colt 32; Joe Morelli avait un Colt 32 à ce moment-là; le revolver de Mancini était d’un modèle et d’un calibre correspondant aux cinq autres balles trouvées dans les victimes. L’auto du crime était une Buick. Madeiros dit qu’on s’était servi d’une Buick, et Mike Morelli, selon la police de Bedford, avait alors une Buick, qui disparut immédiatement après le 15 avril 1920. En fait, la police de Ncw Bedford, où opérait la bande Morelli, les soupçonna du crime de Braintree, mais laissa tomber l’affaire après l’arrestation de Sacco et de Vanzetti. Peu de temps aprés le coup de Braintree, Madeiros fit cinq mois de prison pour vol d’une somme de moins de 100 dollars. Mais immédiatement après sa libération, il avait à peu prés 2800 dollars en banque qui lui permirent de faire un voyage d’agrément dans l’Ouest et à Mexico. Les 2 800 dollars peuvent très bien être sa part du butin de Braintree : le total était de 15 776,51, et suivant sa version ils auraient été six hommes dans l’affaire, Joe Morelli fut envoyé à Atlanta pour avoir participé au vol de chaussures Slater et Morrill. Dans la prison, il s’entendit avec un camarade pour que celui-ci, le cas échéant, lui fournisse un alibi prouvant qu’il était à New York le 15 avril 1920.

Un résumé, même aussi rapide, des témoignages, rend évident le fait que la défense, usant seulement de ses propres ressources, avait bâti une très forte thèse. Des témoignages, autres que celui de Madeiros, permettaient de croire à la culpabilité des Morelli. Quelle était maintenant la valeur intrinsèque de la confession de Madeiros qui, si on la croyait, terminerait l’affaire ? Un homme, condamné à mort lui-même, qui cherche à en décharger un autre, peut ne pas être cru. Mais les circonstances particulières dans lesquelles se trouvait Madeiros garantissent sa véracité. Il était loin de n’avoir rien à perdre, au contraire, il jouait sa vie. Au moment où il faisait sa confession, il faisait aussi un appel qui lui valut en fait un nouveau jugement. Rien ne pouvait lui être plus mauvais alors que de s’accuser d’un autre crime. C’est si clair que cette confession, par suite d’un accord avec l’attorney du district, fut tenue secrète jusqu’au moment où le nouveau jugement fut accordé. De plus, la note envoyée par Madeiros à Sacco le 18 novembre, n’était pas la première. Ce n’était pas non plus son premier aveu explicite. L’assassinat pour lequel il avait été condamné, avec un nommé Weeks, - le crime de la banque de Wrentham - était un « hold up » comme le coup de Braintree; Weeks, condamné à mort, et interrogé, dit que, en organisant le coup de Wrentham, Madeiros avait fait valoir son expérience de Braintree. Pendant leur association, Madeiros avait souvent parlé du coup de Braintree, disant qu’il avait été fait par la bande Morelli (que Weeks connaissait) et en même temps, disant qu’un bar qu’il fréquentait était le même que la bande visitait avant le « hold up • de Braintree. En organisant le coup de Wrentham, Madeiros avait dit à Weeks « qu’il avait eu assez de la Buick pour le coup de Braintreë », Avant le crime de Wrentbam il avait parlé, au couple qui tenait une auberge où il logea quelque temps, de la part qu’il avait prise au crime de Braintree, disant qu’il voulait sauver Sacco et Vanzetti, parce qu’il savait qu’ils étaient parfaitement innocents...

Ces premières conversations de Madeiros réfutent cette opinion que l’on pouvait avoir : qu’il eut parlé dans l’espoir de toucher une forte somme. On suggéra que, en novembre 1925, il avait vu le compte rendu financier du Comité de Défense pour Sacco et Vanzetti. Mais l’accusation fut obligée de reconnaître qu’il n’y avait aucune preuve d’une promesse de ce genre faite à Madeiros. Deuxièmement, il ne pouvait pas connaître ce compte rendu au moment où il parlait à Weeks et aux autres, pour la bonne raison qu’il n’existait pas alors. il est incroyable qu’un homme accusé d’ un assassinat et qui cherche à sauversa vie, se charge faussement d’un autre crime, dans l’espoir de gagner de l’argent. Il savait qu’il était dangereux d’avouer, puisque sa première condamnation à mort avait été provoquée surtout par les aveux qu’il avait fait. Pourquoi le croire et le condarnner dans un cas et ne pas le croire quand il avouait avoir commis un autre crime de meme espèce. Les motifs qu’il donne peuvent être des motifs qui poussent à avouer, même un criminel. « J’ai vu la femme de Sacco venir ici avec les gosses et j’ai plaint les gosses. »

A la lumière de toutes ces informations, quelle est le plus probable ? La culpabilité de Sacco et de Vanzetti ou celle des Morelli ? La thèse Morelli justifie le nombre des agresseurs. La thèse Sacco Vanzetti n’en justifie que deux, car il est entendu que si Madeiros y était, Sacco et Vanzetti n’y étaient pas. La thèse Morelli rend compte des six balles trouvées dans les cadavres. La thèse Sacco et Vanzetti d’une seulement sur les six. La thèse Morelli établit le motif du crime, le besoin d’argent de la bande pour assurer la défense de ses membres inculpés de vol; la thèse Sacco et Vanzetti ne donne aucun motif. Madeiros possède 2800 dollars qui peuvent être sa part du butin, on ne trouve pas un sou dans la thèse Sacco-Vanzetti. Dans l’histoire Morelli on ne trouve pas cette absurdité : des professionnels du hold-up qui volent des automobiles à volonté et qui ont fait récemment un coup de 16 000 dollars, passant un après-midi, comme firent Sacco et Vanzetti le jour de leur arrestation, à rouler dans des taxis de banlieue pour aller emprunter à un ami une vieille Overland de six ans. Le caractère de la bande Morelli justifie l’opinion des policiers qui firent l’enquête, et les faits eux-mêmes qui font du crime le crime de professionnels, tandis que le passé de Sacco et de Vanzetti rend incroyable qu’ils aient pu commettre un meurtre aussi hardi, avec une si grande habileté. Un bon ouvrier travaillant régulièrement, sauf un certain jour où il peut justifier son absence, et un marchand de poisson, rêveur propagandiste d’anarchie, ne font ni ne peuvent faire un pareil coup de banditisme professionnel.

S’appuyant sur tous ces témoignages nouveaux, en septembre 1926, la défense sollicita du juge Thayer un nouveau jugement. Non pas pour déterminer la culpabilité des Morelli et l’innocence de Sacco et Vanzetti, ce n’était pas à lui à apprécier les nouveaux témoignages comme l’eut fait un jury, mais on lui demandait simplement si les faits étaient suffisants pour motiver une nouvelle comparution devant un Jury. Le 31 octobre 1926, le juge Thayer, dans une décision de 25000 mots, décida que le verdict de culpabilité etait maintenu, et que les nouveaux témoignages ne justifiaient pas la comparution devant un nouveau jury.

La Cour suprême du Massachussets ne trouva dans toutes ces décisions aucun motif légal d’annulation. La constitution du Massachussets ne permet d’ouvrir des révisions de procès qu’en « matière de légalité ». Les « matières de légalité » comprennent ce que l’on appelle un abus de pouvoir - c’est-à-dire une décision telle que aucun juge consciencieux, agissant intelligemment, n’aurait pu honnêtement agir de la même manière ». Ainsi le pouvoir de révision est très limité et presque illusoire pratiquement. Car « il n’est pas besoin d’ajouter » dit le Conseil de Justice du Massachussets , « qu’un tel abus est constaté si rarement par la Cour suprême qu’en réalité il n’y a pas d’appel ». La décision de la Cour suprême du 5 avril 1927 ne trouvant pas « d’erreurs » dans les décisions du juge Thayer, on n’avait plus rien à attendre de démarches devant les Cours de justice. En sorte que le 9 avril 1927 la sentence de mort fut prononcée devant les deux hommes par le juge Thayer. Ce fut l’occasion de la fameuse adresse de Vanzetti au juge Thayer.

La défense fit alors un dernier effort pour sauver les deux condamnés par le moyen du recours en grâce. Vanzetti lui-même exposa son affaire, ainsi qu’un exposé de sa foi politique dans une pétition au gouverneur. Sacco refusa de signer la formule habituelle et toute forme de recours en grâce. Le gouverneur Fuller entreprit une enquête privée sur les jugements de Plymouth et de Dedham et sur la culpabilité des deux hommes. Il vit les témoins que lui envoya la défense et il entendit Me Thompson et son associé Me Herbert B. Ehrmann, argumentant en faveur des accusés. Mais il refusa d’entendre les témoins à charge en présence des avocats, de donner les noms des témoins qui déposaient devant lui et de faire connaître le contenu des dépositions. Le 1erjuin 1927, il nomma un « Comité consultatif en relations avec l’enquête du gouverneur sur l’affaire Sacco-Vanzetti », composé du luge Robert Grant, du Président Abbot Lawrence Lowell de l’Université d’Harvard et le Président Samuel W. Stratton, de l’Institut Technologique de Massachussets. Ce comité rejeta la demande d’audience publique de MM. Thompson et Ehrmann. Ils permirent pourtant aux avocats d’assister aux séances, et d’examiner les témoins devant eux. Mais ils interrogèrent en séance secrète le grand juge Hall de la Cour supérieure de Massachussets, le juge Webster Thayer, onze des jurés du procès de Dedham et, en partie, Frédéric G. Katzmann, qui comme attorney du district, avait été chargé des poursuites contre Sacco et Vanzetti. Le comité ne communiqua pas à la défense ce que ces entrevues privées pouvaient avoir révélé. Le 3 août 1927, le gouverneur fit connaître sa décision défavorable et le 7 le rapport du Comité consultatif, aboutissant aux mêmes conclusions, fut publié. Ayant épuisé toutes les ressources légales, M. Thompson pensa que toute action nouvelle devait être entreprise par un autre avocat. Mais comme citoyen il resta jusqu’à la fin dévoué aux deux hommes et à leur cause.

Après la condamnation, un certain nombre de citoyens influents vinrent témoigner devant le gouverneur de la partialité du juge Thayer contre Sacco et Vanzetti, partialité causée par sa haine des anarchistes. Ils soutenaient l’incapacité, dans de telles conditions, de juger équitablement si un nouveau jugement devait être accordé ou non. Ces preuves de la partialité du juge Thayer devinrent la base de nouveaux efforts pour sauver les deux hommes entrepris par M. Arthur D. Hill du barreau de Boston. Il s’adressa à la fois à l’État et aux Cours fédérales. Par décision du grand juge Hall de la Cour supérieure, la plainte contre la partialité du juge Thayer fut transmise au juge Thayer lui-même. Le juge Thayer décida qu’il n’avait pas été partial. Tous les autres efforts auprès des tribunaux d’État furent inutiles. La plainte contre la partialité du juge Thayer devint alors la base d’une supplique adressée à M. le juge Holmes et à M. le juge Stone de la Cour suprême des États-Unis, et aux juges Anderson et Morton, de la deuxième Cour fédérale.

Tous les efforts furent inutiles. Les deux hommes furent condamnés par l’arrêté du gouverneur. Le 22 aoùt 1927, peu après minuit, ils furent exécutés.