Lombalgique chronique - Franck Samson - E-Book

Lombalgique chronique E-Book

Franck Samson

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Beschreibung

Qui n'a jamais eu mal au dos? Après un déménagement, une journée de jardinage ou de shopping... Généralement, une nuit ou quelques jours de repos suffisent à faire passer la douleur. C'est autre chose que de vivre en permanence avec cette indésirable compagne. Elle suit celui sur qui elle a jeté son dévolu comme son ombre, le harcèle sans répit du matin au soir, parfois même la nuit, et devient alors son pire cauchemar. Trahis par le corps, le moral finit par en prendre un coup. La lombalgie lorsqu'elle devient chronique gagne peu à peu tous les aspects de l'existence de celui qui en est victime: la santé tout d'abord, puis la vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale ensuite. Récit autobiographique, synthèse de ses apprentissages, exposé de sa stratégie personnalisée d'activité physique reconstructive, quête de salut, cet ouvrage évoque les différents aspects du cheminement de l'auteur. Celui-ci, en tant que patient, témoigne ici avec sincérité, pudeur et humour des différentes étapes de son parcours de lombalgique chronique. Il évoque les pistes thérapeutiques qu'il a suivies, mène une réflexion analytique sur son expérience et relate en les synthétisant les leçons apprises tant du point de vue médical que personnel. Enfin, il expose les pratiques quotidiennes qu'il a développées au fil du temps et qui lui permettent de "vivre" malgré la douleur repoussée toujours plus loin. S'il est sujet à la même pathologie, nul doute que le lecteur se reconnaîtra souvent dans les tranches de vie relatées, et qu'il trouvera dans ces pages des pistes concrètes pour comprendre, prendre en charge et dépasser cette épreuve. Ainsi, peut-être gagnera-t-il du temps et se sentira-t-il moins seul...

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Seitenzahl: 254

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Table des matières

Avant-propos

PARTIE 1. CE QUE J’AI VECU : TRANCHES DE VIE D’UN LOMBALGIQUE

LE TEMPS DES DOULEURS LOMBAIRES

D’AUSSI LOIN QUE JE ME SOUVIENNE

« GARDE A VOUS ! », REPOS

FAITES DES GOSSES!

LA COLLINE DE SISYPHE

PEPE N’EST PLUS LA

CPE (C’est Pas Evident!)

HISTOIRES DE PIQÛRES

DE PROFUNDIS

LE TEMPS DE LA HERNIE DISCALE

BENNY HILL SHOW

DR HOUSE

LE TEMPS DE LA LOMBALGIE et de la LOMBALGIE CHRONIQUE

TRAVERSEE DU DESERT

ROBOCOP AU SSR

LE TEMPS DU DEPASSEMENT: S’EN SORTIR COÛTE QUE COÛTE

BONNE ANNEE!

JE SOUFFRE DONC JE SUIS

PARTIE 2. CE QUE J’AI TESTE: MA QUÊTE DU GRAAL

DANS LES MAINS DU CLERGE

VISION OMNISCIENTE et REVELATION

DOCTEURS DE LA FOI

HOSTIES

EXORCISTE

THAUMATURGES et ANACHORETES

MOINES BÂTISSEURS

ACCESSOIRES LITURGIQUES

HERETIQUES ET PAÏENS

CULTE ORIENTAL

RAPIDES EXPERIENCES AUX FRONTIERES DU DOGME

SORCIERS et FAUX PROPHETES

LA SOLITUDE DU CROYANT

S’EN REMETTRE A SOI-MÊME

D’AUTRES SAUVEURS?

PARTIE 3. CE QUE J’AI APPRIS : DE L’EXPERIENCE A LA CONNAISSANCE

PREMIERES APPROCHES DE LA DOULEUR

FRAGILES ET SOLIDES A LA FOI

VERS L’INFINI et AU-DELA!

EGO DOS

VIVRE AVEC LA DOULEUR

50 NUANCES DE GREY

LE LABYRINTHE

PIEGE PSYCHOMOBILE

LE BOULET

POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE

TRAVAILLER C’EST TROP DUR…

COMMENT VA TON DOS?

TIME IS MONEY

ET MOI EMOI EMOI

« TU VAS COMPRENDRE TA DOULEUR »

KEZACO LA DOULEUR?

B-A BA D’ANATOMIE POUR LOCALISER OU J’AI MAL

TOUT N’EST PAS « DANS LA TÊTE »

PARTIE 4. DESIGNE VOLONTAIRE : REPRENDRE LE CONTRÔLE DE MA VIE

A LA CROISEE DES CHEMINS

MADE BY MYSELF

A DEUX C’EST MIEUX (et plus si affinités)

P’TIT TUTO POUR APPRENTI PRO

MATE LE MATOS

DO IT MYSELF

ME SOULAGER

EXERCICES EN CAS DE CRISE DE

SCIATIQUE

EXERCICES EN CAS DE CRISE DE

CONTRACTURES/TENSIONS

INTENSES (voire de lumbago…)

ENCHAÎNEMENT

D’ASSOUPLISSEMENTS “PASSIFS”

AUTOMASSAGES

MASSAGE VISCERAL

POINTS D’ACUPRESSION

PETITS EXERCICES DE

RELAXATION

REMETTRE MA VIE EN MOUVEMENT

CORRIGER MA

POSTURE

MARCHER

ME MOUVOIR

APPROCHE DE LA MOBILITE

ENCHAÎNEMENT D’EXERCICES DE MOBILITE

INSPIRATIONS

EXERCICES DE PROPRIOCEPTION

ME RENFORCER

ME MUSCLER INTELLIGEMMENT SANS ME BLESSSER

EXERCICES DE RENFORCEMENT DU DOS AVEC BARRE FLEXIBLE (Flexi-bar)

EXERCICES DE RENFORCEMENT DU DOS

EXERCICES DE RENFORCEMENT DU TRONC

EXERCICES DE RENFORCEMENT DES JAMBES et du BASSIN

MOT DE LA FIN, FIN DES MAUX?

A mon épouse, qui compense et compose depuis des années avec les conséquences quotidiennes de ma pathologie. Elle a fait preuve de plus de patience que je n’en aurais sans doute été capable à sa place.

A mes enfants, avec le regret de tous ces moments gâchés, volés par cette satanée douleur, et avec l’amertume de leur avoir trop souvent donné l’image d’un père diminué.

A tous les soignants auxquels je ne tiens pas rigueur de ne pas avoir de solution magique pour me sauver, et qui ont toute ma gratitude pour avoir tout de même essayé.

A tous les compagnons d’infortune, connus et inconnus, qui vivent avec la douleur comme une seconde ombre à leur côté, à chaque seconde de leur existence.

Avant-propos

A l’heure où je relis ces lignes, j’ai désormais 50 ans passés.

De sexe masculin, mesurant 1,81m pour 69kg, en couple depuis plus de trente ans, marié depuis plus de vingt, j’ai trois grands enfants de vingt et un, dix-sept et treize ans et je suis fonctionnaire, CPE dans l’Education nationale.

Je vis dans une petite ville tranquille du sud-ouest de la France.

J’ai une jolie maison avec un grand jardin, une cheminée et une piscine.

J’aime la lecture, le cinéma et les voyages.

Ni beau ni laid, ni plus intelligent ni, je l’espère, plus bête qu’un autre, relativement cultivé sans être érudit, j’ai une vie sociale faite de relations de travail et d’un petit cercle de couples de copains avec qui nous partageons la catégorie d’âge, le milieu socio-économico culturel, les amitiés des enfants et quelques centres d’intérêts qui nourrissent nos conversations.

Bref, je suis quelqu’un d’assez commun et il serait facile de dire que je n’ai aucune raison de me plaindre.

Sauf que j’ai mal au dos.

Terriblement mal au dos.

Depuis des années.

La douleur a ceci de particulier qu’elle s’immisce dans chacun des aspects de la vie et la parasite.

Petit à petit, elle grignote l’espace, le temps et la matière du quotidien, et donne à l’existence une consistance particulière au goût bien amer.

Malicieusement, elle se substitue au plaisir d’exister et, si l’on n’y prend pas garde, peut finir par impacter jusqu’à notre appétence au bonheur.

Invisible aux yeux des autres, incompréhensible intimement même pour les plus compatissants puisque non ressentie en leur chair, elle est néanmoins devenue la compagne fidèle de mon quotidien.

Pour bien comprendre la problématique de cet ouvrage, il est nécessaire de définir ce que sont les douleurs lombaires, les lombalgies, la hernie discale et la lombalgie chronique.

Les douleurs lombaires sont dans mon esprit celles que l’on ressent parfois lorsqu’on est resté assis ou debout de façon prolongée, ou lorsqu’on a fait un effort important ou répété mobilisant le bas du dos, comme du jardinage par exemple.

Une ou deux nuits de sommeil suffisent généralement à récupérer de cet effort et à faire passer les douleurs.

Les lombalgies affirment une intensité ou une fréquence plus importantes.

Des douleurs de natures multiples également : pesanteur, écrasement, tiraillement, barre transversale, etc.

Les causes peuvent être diverses : musculaires, osseuses, ligamentaires ou autres.

Ainsi, certaines de ces lombalgies peuvent trouver leur origine dans une hernie discale, c’est-à-dire le bombement d’un disque intervertébral formant protusion, à un stade plus ou moins avancé et plus ou moins important.

Cette protusion fait saillie et peut venir compresser le nerf sciatique, l’irriter voire entraîner une inflammation, ce qui déclenche souvent des douleurs dans la fesse ou la jambe, parfois jusqu’aux orteils le long du trajet du nerf.

Enfin, la lombalgie est dite « chronique » lorsque, selon la définition donnée par le corps médical, les douleurs durent plus de trois mois, quelles que soient la nature et l’origine de ces douleurs.

C’est cette dernière qui est le sujet central de cet ouvrage.

Tapez « lombalgie » sur google et vous tomberez invariablement sur quantité de sites qui, en préambule, rappellent systématiquement l’importance quantitative de cette pathologie sur les populations (nombre de personnes atteintes), les systèmes de santé (nombre de prises en charge) et l’économie (coût des arrêts de travail et des soins)1.

Il convient cependant de distinguer les lombalgies communes, temporaires (environ 80% de la population sera concernée à un moment ou un autre de son existence) et la lombalgie chronique qui impacte durablement l’existence d’un individu de façon souvent dramatique.

La littérature sur le thème du dos est généralement écrite par des spécialistes du sujet : médecins, kinésithérapeutes, coachs sportifs ou autres.

Ils proposent parfois des voies thérapeutiques à travers le prisme de leur savoir homologué, qu’il suffirait d’appliquer pour régler de façon universelle le problème.

Or, toute lombalgie chronique est liée à l’histoire individuelle de la personne, et il n’existe à mon sens tout simplement pas de solution « prêt à porter », sorte de kit reproductible sur tous.

Je ne suis pour ma part expert d’aucun domaine.

Ma spécialité médicale, mon diplôme, c’est mon statut de patient.

En effet, au fil du temps et de l’installation de ma pathologie, et à mon grand désarroi, je suis devenu lombalgique « chronique ».

Ce modeste ouvrage trouve ainsi son origine dans l’impérative nécessité qui était mienne de me mettre « au clair » avec ma problématique.

Il a également pour vocation de témoigner humblement de mon expérience et de mon vécu, et ainsi, peut-être, d’être un peu mieux compris par mon entourage.

Bien sûr, c’est aussi pour moi une façon d’exorciser toute la douleur, l’amertume et l’impuissance ressenties.

Modeste catharsis « littéraire » !

Mais je l’ai aussi et surtout écrit dans l’espoir de rompre la solitude des lecteurs, compagnons d’infortune, avec l’ambition de leur apporter des pistes de connaissances, de réflexion et d’action.

Finalement, mon récit vise à témoigner qu’il est possible de « vivre avec », en dépit de tous les découragements auxquels il faut faire face tout au long d’un parcours fait rarement de hauts et trop souvent de bas.

J’espère ainsi faire gagner du temps à ceux qui souffrent en les faisant bénéficier de mon humble expérience, et en leur montrant les pistes que j’ai suivies pour composer avec la pathologie.

Cependant, cet ouvrage n’a aucune prétention médicale et ne donne aucune recommandation impérative à suivre : je ne suis ni médecin, ni kinésithérapeute, ni un quelconque soignant, ni même un « coach » dans un domaine ou un autre.

Je ne prétends à aucune Vérité reproductible sur un autre que moi.

Simplement, ces pages constituent le modeste témoignage d’un parcours individuel.

Chacun s’en inspirera en fonction de sa pathologie, de l’avis de ses thérapeutes qui restent dépositaires de l’autorité médicale de diagnostic et de conseil, de son adhésion ou non aux propos et aux pistes évoquées.

Je souhaite aux lecteurs concernés courage, persévérance, patience, humilité et espoir…

1 Les douleurs chroniques (pas uniquement les lombalgies) toucheraient 12 millions de personnes en France, 30% de la population adulte (Valeurs mutualistes n°311, avril 2018)

PARTIE 1. CE QUE J’AI VECU : TRANCHES DE VIE D’UN LOMBALGIQUE

LE TEMPS DES DOULEURS LOMBAIRES

D’AUSSI LOIN QUE JE ME SOUVIENNE…

J’ai tout juste dix-huit ans.

Je travaille pour la période estivale dans une agence de la banque où mon père est employé.

C’est un « job d’été », un de ceux que les jeunes gens de mon âge effectuent pour gagner un peu d’argent pour financer leurs études, ou égayer leur quotidien par des sorties ou achats lorsqu’ils sont moins dans la nécessité d’aider leur famille.

D’autres travaillent dans des bars ou restaurants, dans les champs de maïs ou de fraises, dans des services d’entretien.

Moi, je suis caissier au guichet de l’agence bancaire de mon père qui en est le directeur.

Pour le jeune néophyte du monde du travail que je suis, c’est un emploi un peu stressant.

J’ai la responsabilité de ce qui entre et sort de la caisse.

Premier jour, première erreur : il manque environ trois mille francs (nous sommes au début des années quatre-vingt-dix) dans la caisse !

Un collègue compatissant et expérimenté reprend avec moi toutes les écritures de la journée et identifie finalement mes erreurs.

On retombe heureusement sur nos pieds.

Il ne manque rien.

Mais en retombant, j’ai dû mal me réceptionner, car durant cet été-là, je ressens une douleur au milieu du dos, du côté droit, qui ne passe pas.

Au fur et à mesure des journées, la douleur s’intensifie et impacte fortement ma mobilité et mon quotidien.

Je commence par consulter un médecin généraliste qui me prescrit des anti-douleurs et une sorte de corset souple et élastique bien inadéquat lorsque la température stagne autour de 30°C.

Rien n’y fait.

Au bout d’un moment, et après en avoir discuté avec un voisin agriculteur, il est décidé de me faire rencontrer une rebouteuse locale.

Me voici donc en route dans la voiture du voisin, pour aller me faire soulager par la doctoresse du fond des âges, elle-même d’une maturité honorable.

Parvenus à son domicile, elle s’avère être une vieille mémé des campagnes dont le poids doit être équivalent au nombre de ses années.

J’ai des doutes sur le bien-fondé et le rationnel de la démarche.

Nous sommes reçus dans la cuisine de la guérisseuse espérée.

Assise, elle repasse son linge et la vapeur m’évoque ma propre grand-mère attelée à la même activité.

Cette petite madeleine de Proust m’apaise ostensiblement.

Avec autorité face au « petit jeune » que je suis à ses yeux, elle m’intime l’ordre d’ôter ma chemise et de m’asseoir sur une chaise, dos à elle.

Dois-je trembler ?

Je sens l’ongle de son pouce suivre le tracé de mes côtes du côté où j’ai mal, de haut en bas.

Soudain, elle me précise : « c’est là ! ».

Elle s’attarde, appuie un peu plus et me dit que c’est fini.

Dubitatif, la douleur a disparu.

Il n’y a pas eu d’incantation magique, de fumée odorante ni de gris-gris, pas d’herbes médicinales ni de baves de crapauds.

Juste une pression de son pouce salvateur.

Je la remercie et lui laisse un petit billet comme il est d’usage, puis nous prenons congé.

Nous remontons dans la voiture et mon voisin me ramène chez moi.

Cet été de mes dix-huit ans, j’ai découvert que mon dos pouvait être un espace de souffrance.

J’ai également découvert que celle-ci pouvait être soulagée.

Mais jeune et en bonne santé, j’ai eu tôt fait d’oublier cet épisode.

« GARDE A VOUS ! », REPOS…

Quelques années plus tard, au hasard des surprises que nous réserve l’existence, et alors même que je m’étais juré (après le déracinement de ma verte campagne pour effectuer mon service militaire dans la Marine) de ne plus jamais porter l’uniforme, surtout dans une grande ville et dans un immeuble « cage à lapins », je me retrouvais Gendarme, Garde Républicain au sein de la « Compagnie des Grands Services n°1 », au quinzième étage d’une tour abritant les personnels militaires de cette Arme « prestigieuse », au beau milieu du treizième arrondissement parisien.

Il ne faut jamais dire « jamais ».

Avant de rejoindre cette affectation, j’ai été formé dans l’une des quatre écoles de sousofficiers de la Gendarmerie de l’époque, celle de Chaumont dans la Haute-Marne.

Joggings et parcours du combattant formaient le quotidien des élèves Gendarmes (avec les cours de droit, de police judiciaire, les séances d’entraînement au tir et diverses autres activités).

Mais ce que je redoutais alors le plus, c’étaient les cérémonies, défilés et autres garde-à-vous prolongés lors des rassemblements des élèves et en toutes autres multiples occasions.

De rigueur en ces circonstances, la posture debout, immobile et prolongée est pire que tout.

La tension lombaire s’installe pour ne plus se relâcher tant que le gradé ne donne pas l’ordre sur un ton sec et sonore : « repos ! ».

Alors, seulement, le corps peut à nouveau bouger et aller vers le soulagement.

Ces instants forment dans mon esprit les premiers souvenirs de douleurs lombaires conséquentes mais encore éphémères.

L’affectation à la Garde Républicaine qui a suivie a achevé définitivement de m’inscrire dans la catégorie de la population qui ne peut vivre sans ignorer une partie bien précise de son anatomie, à savoir son dos.

Mes collègues et moi-même partions assurer la sécurité des palais nationaux (Assemblée nationale et Sénat) pendant vingt-quatre heures.

Je restais debout, par tranches d’une heure en journée et deux heures la nuit, entre cinq et onze heures au total par gardes de vingt-quatre heures.

En position statique ou employé à arpenter le bitume, telle une péripatéticienne costumée de Paname, ou bien parfois (avec un peu de chance) dans les jardins des Présidents, les lombaires étaient mis à rude épreuve.

Et lorsque les questions existentielles liées à mon activité me taraudaient, cela n’arrangeait rien !

En effet, tout le monde ne se satisfait pas de la même façon du fait de jouer les « plantes vertes » ou de servir d’accessoire à selfies pour touristes japonais, le tout sous les ordres de gradés aux QI trop souvent dans les valeurs négatives (je me souviens d’un adjudant que nous surnommions « potentiel atteint » !), comme l’étaient les températures nocturnes des mois d’hiver.

Bref, je restais indubitablement dubitatif quant au sens de mon métier et à la raison de ma présence au sein de cette institution patrimoniale.

Je ruminais sans cesse et cherchais alors une échappatoire dans les brumes des quais de Seine qui se confondaient avec celles de mes pensées.

Ainsi, à défaut d’avoir fait de moi un « Homme », l’Armée a très fortement contribué à me révéler lombalgique, même si l’on peut imaginer que cette pathologie m’aurait rattrapé tôt ou tard avec ou sans l’expérience militaire.

C’est durant ces années, peu avant la trentaine, que j’ai commencé à consulter des ostéopathes, afin de tenter de soulager autant que possible ces « petites » douleurs (comparativement à celles qui allaient suivre) lancinantes, certes temporaires mais de plus en plus fréquentes, qui commençaient à s’installer dans mon quotidien.

J’ai démissionné au bout de trois ans de bons et loyaux services au sein de la Garde Républicaine.

Sans rancune.

L’Arme m’a nourri et m’a permis d’avancer, malgré mon incapacité à m’y épanouir, laquelle tenait d’abord et avant tout à mon positionnement personnel.

Mais force est de reconnaître qu’après m’être mis au garde à vous, et pour ce qui est de mon dos, je n’ai plus jamais trouvé le repos.

FAITES DES GOSSES!

J’ai l’immense bonheur d’avoir, comme je l’ai déjà précisé, trois enfants : deux filles et un garçon.

Jeune, je me rêvais en patriarche biblique à barbe blanche siégeant à l’extrémité d’une table immense, entouré d’une famille nombreuse et joyeuse.

Lorsque nous étions jeunes, mon épouse et moi en voulions six !

C’était avant.

Il y a longtemps.

Lorsque nous ne savions pas ce qu’élever un enfant implique.

Passées les souffrances de l’enfantement, ce sont nombre de contraintes et soucis, plus ou moins grands selon l’âge : « petits enfants, petits soucis » répètent les plus expérimentés des géniteurs.

Ce n’est pas faux.

Pour commencer ce sont des nuits atroces, des hectolitres de biberons, des couches par milliers, des crottes par tonnes, des visites interminables et éreintantes chez les pédiatres, un équipement digne de la reine d’Angleterre à trimballer au moindre déplacement, des kilomètres à arpenter en poussant une poussette trop mal conçue (pourquoi n’ont-ils pas prévu de moteur ?), les innombrables fêtes de fin d’années des écoles (avec chorales chaotiques), les crises diverses pour une raison ou une autre (fatigue, fièvres, chutes et parfois même caprices, ça arrive aux meilleurs).

Ensuite ce sont les agacements avec les enfants des autres qui viennent squatter et retourner le salon, le déballage indécent des cadeaux de Noël, les anniversaires avec une ribambelle de morveuses survoltées, les longues listes de devoirs des maîtres et maîtresses sadiques.

Enfin, à l’adolescence, et pour achever les parents exsangues, ce sont les Jules qui viennent câliner nos Juliettes sous le toit familial, le passage du statut de papounet à celui de « daron relou » (voir hasbeen) qui ne comprend rien à rien selon la jauge d’adolescents individualistes, égocentriques et connectés, ou encore les nuits d’angoisses lors des « soirées » de jeunes à l’extérieur du nid protecteur familial.

Mais je ne regrette rien.

Pire, dans un élan masochiste j’affirme que je ferais à nouveau la même chose si c’était à refaire.

Bon, trois, pas six…

Il faut savoir raison garder.

En effet, mes enfants sont beaux, gentils, intelligents, brillants à l’école, bien intégrés socialement, bien plus futés et aiguisés que je ne l’étais à leur âge, pleins d’avenir je l’espère.

Une jeunesse dorée qui n’a conscience de sa chance qu’à la mesure de son ingénuité.

A l’instar de beaucoup d’autres parents de ma génération, je trouve qu’ils sont, malgré toute la lucidité dont je suis capable, absolument merveilleux.

Il paraît que c’est normal.

Je les aime plus que tout.

Le hic, c’est que tout cela a un coût.

Un coût physique tout d’abord.

La fatigue qui use à petit feu, les bébés à porter (toujours du même côté…), à installer dans la poussette ou le siège auto (tout cumulé cela fait presque une décennie de bête de somme), le stress en maintes occasions.

Un coût psychologique ensuite, la « charge mentale » se trouve décuplée à chaque naissance.

Un coût évident sur le rythme de notre existence enfin.

Contraintes et obligations multiples, sollicitations permanentes, horaires des repas ou des couchers à respecter, bref quotidien à « assumer » et vies personnelles ou de couple mises un peu trop souvent de côté.

L’abnégation des parents méritants pour répondre aux différents aspects de leur statut, si elle leur permet d’accéder à une forme de sainteté insuffisamment reconnue par la CAF, crée une pression certaine qui, le moment venu, ne manque pas de se manifester d’une manière ou d’une autre.

La facture d’énergie déployée dans la parentalité et prélevée sur le capital santé n’est pas négligeable, et l’addition pèse lourdement sur la charge lombaire.

Ainsi, malgré tout l’amour que je porte à ma progéniture et l’absence totale de rancune, il y a fort à parier que mon dos a fortement pâti du fait d’être papa.

LA COLLINE DE SISYPHE

Pour abriter tous nos rejetons, nous avons acheté une maison.

J’avais une certaine expérience du statut de propriétaire, mes parents ayant souvent déménagé et même rénové plusieurs maisons durant ma jeunesse, notamment en raison des divers lieux d’affectations professionnelles de mon père.

Bien que n’ayant pas conduit moi-même à l’époque les travaux, je savais différencier une perceuse d’une ponceuse, un plâtre d’un enduit, une clé plate d’une clé à tube.

Bref, même si j’étais conscient de ne pas être né pour la bricole, je me faisais suffisamment confiance pour relever le défi de mettre à notre goût notre acquisition.

Et puis, mon père était là pour pallier mes défaillances en la matière.

Nous nous sommes donc attelés à la tâche avec motivation et application.

Petit à petit, pièce après pièce, nous avons « relooké » notre « chez nous » pour en faire un nid qui nous abrite et où nous nous sentons bien.

Mais il n’y avait pas que la maison.

Deux mille cinq cent mètres carrés de jardin en terrasses à flanc de côteaux attendaient d’être domestiqués.

Mètre carré après mètre carré, j’ai débroussaillé, tondu, planté, coupé, ratissé, déplacé brouettes de terre et de cailloux, monté des murets de pierres sèches, mis à niveau un sol accidenté.

Et comme si cela ne suffisait pas, j’ai fait venir de nombreux camions de remblais pour prolonger les terrasses et créer des chemins d’accès.

Tout être censé aurait loué une mini-pelle.

Pas moi.

Une bonne partie de l’aménagement a été réalisée avec mon ridicule râteau, mètres cubes après mètres cubes.

Grave erreur !

L’un de mes amis ironise encore à mon sujet, se moquant de ce qu’il appelle « ma colline », œuvre « sisyphienne » s’il en est, réalisée à la force des poignets.

Des poignets sans doute, mais surtout des reins.

La facture à payer au niveau de mes lombaires a sans doute été conséquente.

Caillou après caillou, brouette après brouette, l’ouvrage m’a coûté là encore une autre partie du capital de résistance de mon dos.

Bêtement, j’ai « forcé » trop de fois sans en avoir suffisamment conscience, de façon insidieuse.

Mes disques lombaires en ont pâti.

C’est en forgeant qu’on devient forgeron.

Sans doute.

C’est en ratissant que l’on rate l’occasion de s’économiser.

C’est sûr.

PEPE N’EST PLUS LA

« Nom de Dieu, de nom de Dieu de bordel de merde ! »

Combien de fois aurais-je entendu mon grand-père, que j’appelais « Pépé », jurer de cette façon, emporté par son tempérament colérique ?

Colérique il l’était, et ma grand-mère en faisait les frais dès que l’occasion se présentait.

Pour autant il l’adorait et la chérissait plus que tout, à sa manière.

Avec moi, il se pliait en quatre pour me satisfaire de toutes les manières qu’il lui était possible en tant que grand-père : il me récupérait à la sortie de l’école, me bricolait toutes sortes de choses, se promenait dans la campagne, jouait des après-midis entiers, me faisait - complice - mes devoirs, me cuisinait des grillades au barbecue « comme les sioux ».

Il était dans mes yeux d’enfant puis d’adolescent, un repère, solide comme un roc, un chêne, donnant sa stabilité au monde que je percevais de plus en plus, l’âge avançant, comme chaotique et dépourvu de sens.

Et puis, un triste jour de mars, alors qu’il venait comme à son habitude de suivre le tiercé hippique à la télévision, il s’est écroulé en se levant de son fauteuil, dans son salon.

Il ne s’est plus relevé.

Je me souviens de l’appel téléphonique de mon père alors que j’étais dans mon bureau au travail.

J’ai fermé la porte et pleuré.

Le monde était irrémédiablement devenu instable, impermanent, injuste, sans direction claire à suivre.

Je m’étais bien sûr préparé à ce jour funeste, conscient de façon intellectuelle qu’il ne manquerait pas d’advenir.

Mais le vivre fut pour moi le moment de bascule vers l’âge adulte, celui où l’on prend toute la mesure de la fugacité de la condition humaine.

Je ne suis pas loin de penser que mon grand-père, ancien officier de Gendarmerie (et oui…) a très largement contribué en décédant à faire de moi « un Homme », là où toutes les années passées au sein des armées2 avaient échoué.

Sa disparition fut sans doute le coup le plus rude que j’ai reçu de toute ma vie.

Sa présence me manque et il ne se passe pas un jour, plus de dix ans après, sans que je n’aie une pensée pour lui.

Bien sûr, et malgré ce que ces lignes pourraient laisser croire, j’ai « fait mon deuil » et accepté sa disparition.

Il le faut bien.

Mais c’est également tout ce qui lui était associé qu’il m’a fallu admettre avoir perdu : l’enfance, l’insouciance, un repère tangible et ce qu’il incarnait, une façon d’être au monde.

La force et l’éternité se sont effacées et ont cédé la place à la fragilité et à l’impermanence.

Le décès de mon grand-père, j’en suis sûr, a contribué au développement de ma lombalgie en alourdissant brutalement le poids que représente le fait même d’exister en ce monde.

A porter celui-ci sur mes épaules, ce sont mes lombaires qui ont souffert.

Sa disparition m’a ôté la possibilité que j’avais jusqu’alors d’éviter de me confronter à la réalité de la condition humaine.

Depuis, comme nous le faisons tous, j’ai fait mon bonhomme de chemin pour composer avec la vie.

Une partie de moi accepte et s’adapte.

J’ai atteint une certaine maturité.

L’autre partie reste en colère et s’écrie « nom de Dieu de nom de Dieu de bordel de merde ! ».

Pépé sera toujours là !

CPE (C’est Pas Evident!)

J’ai quitté la Gendarmerie pour l’Education nationale au sein de laquelle j’exerce en tant que CPE, acronyme de conseiller principal d’éducation.

Après une expérience de deux ans en tant que surveillant (le traditionnel « pion ») durant mes études, ce métier cumulait divers avantages qui m’ont poussé, alors que j’étais encore Gendarme, à passer le concours de recrutement de ce corps aussi méconnu parfois qu’indispensable à l’institution.

Si j’avais le concours, je pouvais quitter l’armée, quitter Paris, être affecté dans le sud-ouest (mon épouse est professeur et je pouvais bénéficier du rapprochement de conjoint), travailler auprès de la jeunesse de ce pays, bénéficier d’un salaire décent, de la sécurité de l’emploi, de l’absence de réelle hiérarchie (comparativement à ce que je vivais dans l’armée) et de quatre mois de vacances me permettant d’assouvir ma passion des voyages.

Que rêver de plus ?

Pour autant, il s’agissait avant tout d’un choix stratégique plus que d’une réelle vocation.

En effet, foncièrement individualiste, cultivant l’ironie et allergique aux certitudes, je n’ai que trop peu le goût du collectif (voire du contact social) et la certitude du bien-fondé du respect absolu des règles.

D’un naturel contemplatif, rêveur, à la recherche de sens et de « Vérité », ayant de l’appétence pour la spiritualité, je vis mal le fait d’être l’objet d’attentes et de sollicitations permanentes, ainsi que la nécessité impérative d’anticiper les choses comme de toujours envisager les conséquences et implications de mes décisions.

Par-dessus tout, je déteste dire aux autres ce qu’ils doivent faire, n’appréciant pas qu’on le fasse pour moi.

Aussi, donner des consignes, diriger, sanctionner, être « responsable » m‘est parfois pesant.

Symboliser une autorité garante d’un ordre établi ne m’est pas forcément naturel.

Bien sûr, je sais que ma posture ne tient pas face à la nécessité d’imposer un « vivre ensemble ».

D’aucuns diront qu’elle ne fait sans doute que prouver mon manque de maturité sociale, de sens des responsabilités, de professionnalisme… et surtout mon attachement viscéral à la liberté individuelle.

Il m’arrive même de penser qu’il y a une erreur de casting en quelque sorte.

C’est ainsi.

Nécessité faisant loi, et étant dans l’obligation de gagner ma vie, je n’ai pas eu (ni fait) d’autre choix que d’adapter mon positionnement.

Je me suis fait violence.

Les autres m’ont d’ailleurs aidé dans cette démarche, parfois dans la douleur !

J’ai ainsi parfois été en désaccord, pour des motifs divers, avec la plupart des catégories de personnes avec qui j’interagis : collègue directe, Proviseure, professeurs, AED, parents…

Une année j’ai perdu sept kilos en un mois !

J’avais souvent mes torts bien sûr.

Mais les autres parfois également.

Dans ce genre de situations, les choses ne sont que rarement binaires.

Et puis, avec le temps, j’ai mûri, développé des outils et des réflexes, mieux compris ce qu’il était attendu de moi.

Aujourd’hui, je pense ne pas être parmi les plus mauvais de la corporation.

J’anticipe (un personnel de direction m’a même surnommé « trois coups d’avance »).

J’écoute et soutiens élèves, professeurs, collègues et supérieurs hiérarchiques.

J’organise.

Je sanctionne, je l’espère, avec raison et bienveillance.

Je pense être apprécié à défaut de (presque) tous, tout au moins d’une majorité.

Mon rapport d’inspection me classe dans la catégorie « Excellent ».

Je ne fais plus de complexes et suis serein et lucide quant à ma valeur, avec la distance issue de l’expérience et l’humour comme armes principales.

Bien sûr recul et sens de l’ironie restent mes armes favorites !

Il n’en demeure pas moins qu’au fond de moi, j’ai le sentiment de ne pas être tout à fait ni à ma place ni dans le moule, estimant que ce dernier cumule bien trop d’imperfections.

L’Education nationale reste normative, sélective, hypocrite dans sa promesse d’égalité, de fraternité et d’ascenseur social.

Elle prône la bienveillance mais renvoie aux élèves chaque jour une violence inouïe.

Elle est d’abord un outil politico-économique de gestion de flux de générations, avant de viser à l’épanouissement et à la réussite réels des élèves.

Elle est un système.

Pas un levier humaniste.

L’institution est sauvée par une partie de ses personnels qui, avec leurs talents propres, chacun à sa mesure, apportent une part de richesse à la jeunesse.

Je nourris l’espoir d’être l’un d’eux. Parfois.

Dans l’histoire de ma lombalgie, la contrainte professionnelle a pesé de tout son poids sur le développement de ma fragilité : stress, contrariétés, conflits, pressions et exigences diverses, estime de ma valeur, mais aussi sédentarité due au travail de bureau impliquant de rester assis de façon prolongée.

Autant de motifs ayant contribué quotidiennement à ce que j’en ai « plein le dos ».

CPE, C’est Pas Evident…

HISTOIRES DE PIQÛRES

Le nombre d’années commençant à s’accumuler, les douleurs lombaires sont devenues de plus en plus fréquentes et intenses.