Maîtresseeee ! - Isabelle Jeckel - E-Book

Maîtresseeee ! E-Book

Isabelle Jeckel

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Beschreibung

Maîtresseeee ! transporte les lecteurs dans une école maternelle, les plongeant ainsi dans le quotidien des enfants de cinq ans. Les adultes y découvriront des mots amusants issus de l’imagination débordante des tout-petits, des situations comiques et la réalité de leurs vies enfantines. Toutefois, l’œuvre aborde également leurs émotions dissimulées et les tristesses qu’ils ne parviennent pas à exprimer verbalement. Ces lignes sincères et véridiques ont été consignées par une aide maternelle, complice, souriante, partageant des rires et parfois émue face à des moments touchants.


À PROPOS DE L'AUTRICE 


Isabelle Jeckel a travaillé comme aide maternelle dans une école et durant les derniers mois de sa carrière, elle a pris note de situations hilarantes, de mots d’enfants et d’expressions drôles. Elle a décidé de transcrire ces anecdotes afin que les parents et futurs parents d’enfants en maternelle en profitent, leur permettant ainsi de découvrir le quotidien de leurs tout-petits dans un monde où tout n’est pas toujours parfait.

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Isabelle Jeckel

Maîtresseeee !

© Lys Bleu Éditions – Isabelle Jeckel

ISBN : 979-10-377-9709-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Mise au point

NON, l’école maternelle n’est pas le pays des Bisounours.

J’étais aide-maternelle, témoin privilégiée de la vie de la petite enfance ! Certaines personnes ont été perturbées par mon récit. Je m’en excuse. Souvent, on n’imagine pas tout ce qui peut se passer derrière ces murs recouverts de jolis dessins et de mille couleurs.

Toutes les anecdotes, petits mots d’enfants ont été récoltés pendant deux années au cours desquelles j’ai scrupuleusement noté tout ce que je voyais. J’y ai ajouté quelques souvenirs, tout n’y est pas bien sûr…

Je me suis toujours promis que lorsque je n’intéresserai plus personne, je m’assiérai sur un banc dans un parc et je regarderai les petits enfants jouer ensemble.

À tous les enfants qui m’ont accompagnée,

durant toute ma carrière d’aide-maternelle et qui m’ont tant apporté.

Solange

Ho ! voilà Solange, qu’allait-elle me sortir aujourd’hui ?

— Regarde comme je suis belle, dit-elle, tu ne me trouves pas magnifique ?

J’attestais, sans aucun doute. En écarquillant les yeux autant que possible.

— C’est parce que j’étais un super héros quand j’étais petite !

Ses mains parlaient autant que sa bouche.

Comme d’habitude, ses quinze barrettes multicolores lui plaquaient les cheveux qu’elle avait très sombres et raides. Ses magnifiques barrettes allaient bientôt tomber et prendraient une importance primordiale pendant le courant de la journée, et nous allions les chercher dans tous les coins avec les copains.

Les pupilles de ses grands yeux noirs roulaient de droite à gauche pour essayer d’apercevoir les barrettes et de les surveiller.

C’est qu’elle les aimait, ses barrettes, sa mère n’en pouvait plus !

— Dix minutes tous les matins pour les trouver, cinq minutes pour lui attacher dans les cheveux exactement là où elle les voulait !
— Comment avez-vous fait, Madame, pour mettre au monde un super héros à la vocation de Princesse ?

Elle portait une robe pétillante de toutes les couleurs. Le gros nœud qui serrait sa taille, dans le dos, allait lui aussi se défaire maintes fois. Je choisis de lui refaire une bonne fois pour toutes. En faisant deux grosses boucles et en les attachant ensemble deux fois. Heureusement qu’elle ne voyait pas le résultat, c’était sûr, l’effet n’était plus aussi joli.

La maman était presque gênée, et elle souriait largement. Mais elle n’eut pas le temps de répondre que surgissait « Thor ».

L’année dernière, il était cap’ tain America. En petite section, il était Superman. J’ai toujours été émerveillée par les panoplies colorées qu’arborait Thor et par sa capacité indéfectible de croire à ses rôles d’invincible. Son marteau virevoltait dans l’air, sa mère lui courait après pour le récupérer. Il était, sans aucun doute, un personnage extraordinaire et merveilleux. Personne ne songerait à lui dire le contraire.

La maman de Solange en profita pour me ramener sur terre. Elle était sérieuse et voulait que je le sois aussi.

— Solange m’a dit qu’elle avait mal au ventre.

— Tu as envie de faire pipi, Solange ? lui demandai-je.

— Non, dit-elle le menton levé, les Princesses ne font pas pipi…

— Qu’est-ce que je dois faire ?

En regardant Solange, je fis remarquer que les Princesses ne font jamais pipi dans la culotte et que celles qui avaient un gros ventre plein de pipi n’étaient pas les plus belles.

— Maîtresse, dit la princesse, je peux aller aux toilettes ?

Elle se faufila dans le couloir.

En l’attendant, je racontais à sa mère qu’hier elle avait déclaré que les filles aimaient le rose, pas les garçons. Aussitôt, Joséphine avait rétorqué que son papa avait un caleçon avec des cœurs roses. Josette, les mains sur les hanches, avait vite ajouté que le sien avait des lutins ou peut-être les sept nains… Elle ne savait plus.

Informations essentielles dans la vie scolaire. Heureusement que les papas n’entendaient pas leurs filles s’extasier sur les sous-vêtements masculins !

La maman de Solange, en riant, me rétorqua :

— Ça me fait du bien de passer le matin chez vous avant d’aller m’enfermer dans mon bureau !

Joséphine arrivait, elle secouait ses petites tresses blondes frénétiquement ainsi que son corps qui était toujours en mouvement. Elle était une Lolita. Sa mini-jupe et son t-shirt à paillettes accompagnaient ses gestes de star.

— Mais vous savez tout ! dit la maman de Solange. Elle voulait absolument continuer sa conversation.

— Ma fille ne quitte plus ses poupées Barbie. Hier, elle voulait que je l’appelle Barbie. C’est trop maintenant !

— Faites-lui pratiquer le rugby, répondis-je amusée.

Je pensai qu’elle seule avait la réponse. Je ne me faisais pas de soucis. Courage maman de Solange !

Néanmoins, je ne lui dis pas que lors de l’examen dentaire Solange avait annoncé : « mon papa et ma maman ont les dents jaunes ! »

Derrière les parents, accompagnant les enfants j’aperçus un homme qui ne m’était pas inconnu. Ce n’était pas la première fois que je le voyais à cette même place. Il ne bougeait pas et regardait les enfants et leurs accompagnateurs avec grand intérêt, me semblait-il. J’attirai l’attention de Céline sur lui :

— Moi aussi, je l’ai déjà vu, me dit-elle.

— Hier il m’a demandé si nous avions des jumelles dans l’école, je lui ai répondu que non.

— C’est bizarre, je crois qu’il vient tous les jours, non ?

Céline s’éloigna en haussant les épaules, je suis certaine qu’elle gardera cet épisode dans la tête jusqu’à ce qu’elle trouve une suite. Elle ne lâchait jamais rien.

Pendant que les petites filles s’adonnaient à leurs effusions quotidiennes :

— Regarde ma robe, la couleur de mon chouchou, mes chaussures, les invitations d’anniversaires. Je pouvais remarquer leur manque de diplomatie cruelle.

Tu n’es pas belle, tu n’es pas invitée. Les larmes déchirantes, les hurlements dramatiques couvraient le brouhaha de la classe. Cette souffrance était intenable ! Les enfants peuvent être d’une cruauté insoupçonnée.

— Impossible, ma fille ne dirait jamais ça à son amie, elles s’adorent ! Et puis elle est tellement douce et gentille ! C’est horrible comme remarque et c’est méchant…

Et pourtant ! J’ai souvent pensé à ces adultes que j’ai malheureusement bien connus, qui semblent charmants et qui te détruisent inexorablement en toute occasion. Ils sortaient bien de quelque part !

Mais je les aimais bien, je pouvais encore leur faire la morale sans me faire haïr.

*

Mais revoilà Thor qui surgissait de nouveau. Il faisait le tour de la classe pour montrer son marteau. Il coupa net les chagrins inconsolables, tant son enthousiasme était sincère et bruyant.

— Regarde Maîtresse, dit-il, l’œil vif, il y a Karine qui revient.

— Bonjour Karine, ça fait longtemps qu’on ne te voyait plus.

— J’étais malade, rétorqua Karine avec son accent parisien qui lui venait du bord de mer.

— Qu’est-ce que tu avais, demanda Thor ?

— Le cancer...

Encore stupéfaction (La maternelle est un lieu de stupéfactions).

— Ma maman, dit Thor, est enrhumée des chats !

— Tu es de nouveau en forme ? demandai-je à Karine.

— Oh oui, dit-elle. Maman l’a eu aussi !

— Bon, le principal c’est que tout soit terminé, dis-je, très rassurée.

— Ses lourdes et magnifiques boucles rousses passèrent devant moi. Karine était sûre d’elle, elle entra dans la classe en conquérante. Cet espace lui appartenait. La tête haute, elle s’assit devant une feuille de papier et s’empara des crayons de couleur qui traînaient sur son bureau. Plus personne ne devait intervenir, l’artiste s’exécutait !

Karine était souvent absente, des maladies plus ou moins confuses accompagnaient ses excuses. Tant qu’elle n’était pas à l’école primaire, on ne lui en demandait pas davantage.

Pourtant quelques fois, elle arrivait en classe plutôt hagarde, fatiguée. Pas exaltée comme aujourd’hui !

— Maîtresse ! demanda Pauline, en tirant sur ma jupe. Maîtresse, maîtresse, maîtresse !

— Non, moi d’abord, voulait rajouter Léon, Karine n’avait plus sa vraie forme ? Elle était comment ?

— Heu ! Je ne sais pas ! Je veux parler de sa santé.

— Maîtresse, maîtresse, continuait Pauline, tirant toujours sur ma jupe. C’était une jupe bariolée de couleurs qui tenait juste avec un élastique à la taille. (J’allais finir par la perdre !) C’est vrai, Pauline était un petit bout haut comme trois pommes, ses yeux pervenche et ses cheveux roulés à l’anglaise faisaient d’elle une poupée romantique de porcelaine, irrésistible ! Mais quand elle tirait sur ma jupe, j’oubliais son côté fragile… Nous avions eu, il y a longtemps, une petite fille avec un visage de poupée qui ressemblait à Pauline, mais dès qu’elle bougeait, c’était pour frapper les autres. Son visage changeait de forme, ses yeux se révulsaient on ne voyait plus que ses dents, ses lèvres disparaissaient, elle devenait une furie. Nous l’appelions Chucky.

— Quelle forme avait Karine avant ? répétait de plus en plus fort, Léon.

Léon était un petit garçon aux cheveux très courts. Les poux n’avaient aucune chance de s’y accrocher. Je pensais d’ailleurs que cette coupe avait été inspirée par ces parasites qui nous menaient la vie dure. Nous en attrapions nous-mêmes souvent.

— MAÎ-TRESSEEEEEE ! hurlait maintenant Pauline. Cette fois, elle utilisait ses deux mains pour tirer sur ma jupe.

— Pauline, je vais devenir folle. Laisse ma jupe !

— Maîtresse, quelle forme avait Karine ?

— Maîtresse (la jupe s’en va…) Maîtresse !

— Mais quoi Pauline ? Quoi Pauline ?

Je sentais que je perdais patience, disais-je, en remettant ma jupe en place.

— Quelle forme avait Karine avant ? insista Léon.

Pauline daigna enfin lâcher la jupe !

— Karine est revenue ? demanda Pauline en sautillant…

— Ouiiiiiii !

— Pourquoi ? s’exclama-t-elle.

— ?

— Quelle forme avait Karine ? continuait Léon en s’emportant inlassablement et en gardant le doigt dans le nez.

— Ronde ! Voilà, Karine était ronde !

— !

Quelle aventure !