Manuel clinique de psychanalyse - Collectif - E-Book

Manuel clinique de psychanalyse E-Book

Collectif

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Beschreibung

Ce Manuel de psychanalyse est destiné aux cliniciens, aux professionnels amenés à travailler en partenariat avec le psychanalyste et aux étudiants. Il propose une direction clinique de conduite de la cure psychothérapeutique et psychanalytique.
Comment opère le psychanalyste : avec quels repères, quelle méthode, quelles techniques ? Comment considère-t-il le symptôme et à quelle sémiologie se réfère-t-il ? Quel est le champ opératoire de la psychanalyse et comment ce dernier s’articule aux champs médical et social ? C’est pour répondre à ces questions et pour soutenir le statut scientifique de la psychanalyse qu’est proposé aujourd’hui ce Manuel clinique qui s’appuie sur le désir du psychanalyste, sa clinique et sa théorie.
S’efforçant de vouloir transmettre ce qui constitue la formation du psychanalyste et ce qui guide ce dernier dans la conduite des cures, les auteurs de l’ouvrage ont tenu à rendre compte de leur clinique quotidienne, actuelle et vivante, et à faire la démonstration de la fraîcheur et de la pertinence de l’enseignement freudo-lacanien, actualisé au regard de notre époque.
L’ouvrage est aussi une invitation faite aux psychanalystes : celle d’un travail commun, critique et constructif pour faire vivre la psychanalyse en France et dans le monde, et pour l’ajuster au singulier. Que le lecteur puisse s’approprier ce document et en devenir un partenaire, en faisant part de ses remarques pour l’enrichir en vue des futures éditions.


À PROPOS DES AUTEURS

Les auteurs de ce manuel, psychothérapeutes et psychanalystes, sont membres du Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital. Le RPH-École de psychanalyse est né de l’expérience du psychanalyste Fernando de Amorim commencée en 1991 dans le service de médecine interne de l’Hôpital Avicenne (AP-HP). L’École poursuit trois visées : l’accueil et l’écoute de personnes en souffrance psychique,  et organique ; la formation clinique et théorique nécessaire à occuper la position de psychothérapeute et de psychanalyste ; la mise en place d’une réflexion et d’une articulation concrète entre le champ médical et le champ psychanalytique. Le RPH dispose d’un Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence (SETU ? - 7j/7 - 24h/24) et ses membres participent au dispositif de la Consultation Publique de Psychanalyse (CPP).

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Couverture

Page de titre

Sous la direction de

Fernando de Amorim

Les auteurs :

Édith de Amorim

Psychanalyste

Fernando de Amorim

Psychanalyste

Laure Baudiment

Psychanalyste

Marine Bontemps

Psychothérapeute

Sara Dangréaux

Psychanalyste

Julien Faugeras

Psychanalyste

Ouarda Ferlicot

Psychanalyste

Jean-Baptiste Legouis

Psychothérapeute

Lucille Mendes

Psychothérapeute

Diane Merakeb

Psychothérapeute

Fairouz Nemraoui

Psychothérapeute

Avec la participation de :

Nouha Babay

Étudiante

Chloé Blachère

Psychothérapeute

Paul Bonamy

Psychothérapeute

Ranida Bonamy

Psychothérapeute

Élodie Chopard

Psychothérapeute

Nazyk Faugeras

Psychothérapeute

Erwann Gouadon

Psychothérapeute

Léa-Lou Rakotoasitera

Psychothérapeute

Sabrina Merabet

Psychothérapeute

Magali Meslem

Psychothérapeute

Jeanne Simmou

Psychothérapeute

Sophie Vitteaut

Psychothérapeute

PRÉFACE

Ce Manuel clinique de psychanalyse peut au premier abord être interprété comme une prétention, celle de transmettre la psychanalyse, d’enseigner comment manier sa méthode et ses techniques dans les situations que le clinicien est appelé à dénouer au quotidien, en institution ou en ville.

Depuis 2015, des membres du Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital-École de psychanalyse (RPH) élaborent cet ouvrage à partir de l’expérience psychanalytique de ce groupe de travail, s’appuyant sur la lecture de leur clinique et sur la théorie de Sigmund Freud ainsi que celle de Jacques Lacan. La praxis freudo-lacanienne est régulièrement mise à mal par ceux qui ignorent la navigation clinique psychanalytique et la cartographie théorique qui en découle.

D’une part, les « psys d’orientation analytique », comme ils se nomment, et les analystes sont responsables d’une certaine réaction virulente de la société contre la psychanalyse. C’est là mon observation. D’autre part, j’ai acquis la conviction que le Moi n’aime pas que l’être soit en vie. Ses trois résistances – refoulement, transfert, bénéfice de la maladie – et les organisations intramoïques (résistance du Surmoi et Autre non barré) l’assistent implacablement dans cette détestation de l’être. C’est ce que j’avance comme hypothèse de travail clinique.

Ainsi, tout ce qui peut sortir le Moi de son aliénation reçoit comme réponse de l’ignorance, mais aussi de l’amour et de la haine. La psychanalyse n’a rien à faire des passions. Elle ne les refuse pas. Elle se concentre sur une simple action : faire en sorte que le Moi, comme les organisations intramoïques, puissent laisser l’être vivre. Pour ce faire, la psychanalyse utilise la résistance du Ça pour ralentir la volonté acharnée du Moi de détruire son corps, son existence, voire carrément détruire complètement la vie dans son désir de sortir de l’enfer qui est, pour lui, son monde.

Revenons au manuel. En son sens premier, celui du début du XIIIe siècle, un « manuel » se rapporte à ce qui se fait à la main. Ensuite, il est devenu l’ouvrage qui contient les éléments d’une discipline ou l’essentiel d’un programme scolaire.

Dans cette deuxième acception, n’est-il pas prétentieux que les membres du RPH-École de psychanalyse s’engagent à proposer un rassemblement de cliniciens autour de « l’inconscient structuré comme un langage », selon la formule de Lacan ? Cependant, j’invite le lecteur à ne pas s’arrêter à cette conjecture et à me suivre dans mon argumentation historique, sociétale et clinique.

Historiquement, les sources dans notre discipline sont issues de la philosophie antique occidentale et des aliénistes français et allemands de la période du début du XIXe jusqu’au début du XXe siècle. Freud et Lacan ont baigné dans ces eaux, la psychanalyse française s’y abreuve encore et toujours.

Je retiens de ma clinique qu’il existe des effets d’écran sociétal. Pour en développer la démonstration, il me faut d’abord distinguer le social, les relations sociales et le sociétal. Le social est chevillé au Symbolique, comme ce dernier l’est au corps. Le social concerne la société, l’ordre social, les institutions et les rapports sociaux. Les relations sociales concernent le semblant nécessaire pour la vie publique. Le sociétal est fruit de la rhétorique des ventes, de l’acceptation par la foule d’une manière nouvelle et imaginaire de lire le Réel, portée par la parole vide. Ainsi, du point de vue social, la formation des psychistes (psychiatres, psychologues, psychothérapeutes) a chuté librement, transformant ce que la société reconnaissait comme étant un psychiste en une relation sociale tellement intime qu’il est, désormais, reconnu par un surnom : « psy ». Face au manque de culture clinique et à l’absence d’érudition dans la formation universitaire, nous avons vu apparaître, résultat du mouvement sociétal nord-américain, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux1 (DSM). Ce produit nouveau, fruit du marketing, a été mis sur le marché de la santé mentale à l’aide d’un énorme budget publicitaire. L’ambition démocratique des collègues nord-américains de simplifier la classification des malades et de donner, par la voie statistique, un statut scientifique à la psychiatrie, a été poussée si loin que leur manuel, tel un éléphant, écrase la clinique du possible sujet partout où il passe.

Le champ de la clinique n’est pas une chambre aux porcelaines, et pourtant il s’agit d’un exercice exigeant et de précision car des forces antagoniques animent l’appareil psychique humain et contraignent le clinicien à posséder agilité et équilibre. Pour être à un tel rendez-vous, une formation rigoureuse est prescrite. Nonobstant, des collègues ont pensé que d’être titulaire d’un diplôme universitaire de psychiatre ou de psychologue était suffisant pour occuper la position de psychothérapeute, cependant que d’autres se sont engagés dans une psychanalyse personnelle de quelques années, comptées chronologiquement voire bureaucratiquement, pour accéder à la position de psychanalyste. Leur nonchalance, voire la mollesse de leur démarche, les ont installés à la place de l’analyste. Cette place n’est pas davantage suffisante pour occuper la position de clinicien.

Le clinicien a une compétence à la fois pratique et technique ; il met son désir dans l’opération. Le praticien possède la compétence technique sans mettre du désir dans l’action clinique ; le technicien exerce à partir de l’acquisition de ses diplômes. Le clinicien porté par le désir du psychanalyste occupe la position de supposé-psychanalyste. En cédant sur son désir, le praticien devient analyste, voire psychothérapeute, et le technicien devient « psy d’orientation analytique », selon le discours sociétal.

La clinique exige du désir du psychanalyste quand le psychanalyste est appelé à occuper la position de psychothérapeute en institution face à un malade, alité, ou en ville face à un patient, sur le fauteuil. Quand le patient occupera la position de psychanalysant, sur le divan, le supposé-psychanalyste sera porté par son désir de psychanalyste. Son économie verbale, son silence, seront la preuve qu’il est dans la position de d’objet a. Le supposé-psychanalyste devient psychanalyste quand le psychanalysant devient sujet.

Ce Manuel témoigne du respect des indications freudo-lacaniennes, des techniques mises en place à partir de la clinique du psychanalyste en institution, en ville, dans la position de psychothérapeute ou dans celle de supposé-psychanalyste.

Qu’il soit psychologue ou détenteur d’un diplôme de médecin ou spécialisé en psychiatrie, le praticien est invité à contribuer à ce Manuel. Dans un premier temps sous forme de lecture attentive, dans un second temps en nous indiquant les aridités, les méprises, les erreurs.

Cet ouvrage est une invitation au travail, à la collaboration internationale ; que chaque clinicien puisse accueillir ce document comme un jet premier des cliniciens français ; que les collègues cliniciens puissent nous honorer de leurs remarques, critiques et propositions. Nous ferons alors le point, lors d’une révision, et ajouterons ou enlèverons des points cliniques ou théoriques.

Que ce Manuel devienne une carte actualisée et non une publication statique sous forme d’un livre d’oraisons.

Fernando de Amorim

1 Association américaine de psychiatrie. DSM-5 – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Paris, Elsevier Masson, 2015.

Choix de présentation typographique des concepts-clefs

Nous avons fait le choix de faire apparaître les instances psychiques freudiennes ainsi que les trois registres lacaniens avec des majuscules.

Nous avons opté pour l’écriture suivante pour « sujet supposé savoir » et « Nom-du-Père ».

Les italiques des vignettes cliniques correspondent aux verbatim des patients et psychanalysants.

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »2

Nicolas Boileau-Despréaux

2 Boileau, N. (1815). L’Art poétique, Chant I, Paris, Gallimard, 1985, p. 231.

Introduction

Ce manuel est le fruit de huit années d’un travail intense. Nous avons essayé d’y mettre, de façon exhaustive, l’état de notre conception de la psychopathologie, de la clinique psychanalytique et de la formation des psychanalystes. L’ensemble du manuel a été conçu collectivement, rédigé, relu et validé de même.

C’est à partir de l’expérience clinique quotidienne de l’ensemble des membres qui participent au RPH-École de psychanalyse qu’est né le désir d’en formaliser les lignes directrices sous la forme de ce manuel. Le projet nous a poussés à revenir, dans un premier temps, sur la formation du psychanalyste et les dispositifs propres à notre École pour en délimiter les contours et faire cette proposition de réunir les professionnels autour d’un projet à la fois commun et ambitieux : le projet d’une clinique du partenariat au service de la logique du soin psychique, corporel et organique.

Le désir de ce manuel est de témoigner et de rendre compte d’un travail et d’une élaboration de plus de 20 ans engagés par un psychanalyste, Fernando de Amorim, pour proposer un modèle rigoureux de notre pratique clinique et de nos repérages sémiologiques s’appuyant sur un modèle métapsychologique. Un tel manuel psychanalytique n’a encore jamais été proposé. Nous nous adressons grâce à lui à la communauté psychanalytique freudo-lacanienne et lui proposons d’entamer un dialogue fécond sur les fondements de notre approche théorico-clinique. Les lecteurs de Sigmund Freud et de Jacques Lacan trouveront dans cet ouvrage des conceptions qui leur seront familières. Ils y trouveront également des propositions conceptuelles tout à fait nouvelles.

Notre lecture psychanalytique est freudo-lacanienne, enrichie par les apports théoriques d’Amorim. Celui-ci nous invite à nous appuyer sur une métaphore maritime et à imaginer l’inconscient comme un océan et la psychanalyse comme une traversée. Cette métaphore est au cœur de cet ouvrage et de nombreux termes tirés du vocabulaire des navigateurs sont utilisés ici dans une conception psychanalytique. Ils sont explicités dans le corps du texte et définis dans un lexique en fin d’ouvrage. Nous nous inscrivons parallèlement dans la lignée de la psychiatrie franco-allemande classique.

Ce manuel s’adresse également aux étudiants en psychologie, en médecine ou dans d’autres disciplines qui y trouveront une proposition concrète relative à la formation des psychanalystes. Ils y rencontreront de nombreuses illustrations cliniques afin d’éclairer les conceptions nouvelles que nous proposons.

Il est aussi une réponse aux critiques nombreuses de la psychanalyse provenant du champ médical, neuroscientifique, des différents courants de la psychologie et des psychothérapies brèves, qui se targuent d’être les représentants d’approches rigoureuses et scientifiques.

Ce manuel constitue, enfin, une proposition concrète pour établir une psychanalyse scientifique. Nous pensons que la psychanalyse mérite d’avoir le statut de science. Pour cela, nous proposons des concepts articulés à des pratiques rigoureuses. Le lecteur trouvera dans ce manuel des repérages clairs concernant le déroulement d’une cure : la distinction entre psychothérapie et psychanalyse ; la façon de les mener selon la structure psychique de l’être ; la prise en compte dans la stratégie clinique des maladies organiques et des symptômes corporels et psychiques.

Parce que nous considérons la clinique psychanalytique quotidienne comme notre première source d’enseignement, nous avons choisi d’illustrer notre propos, pour chaque partie de ce manuel, de vignettes cliniques. Aucune théorisation ne saurait tenir la route sans l’épreuve de la clinique. De même, la conduite des cures nécessite des points de repères théoriques fondamentaux. L’un ne va pas sans l’autre. C’est grâce à une solide articulation théorico-clinique, fruit de l’étude minutieuse de l’histoire des concepts et de leur actualisation, appuyée par la clinique, que la psychanalyse restera vivante.

Nous espérons que cet ouvrage trouvera place dans l’espace public et constituera un support afin d’échanger de façon constructive avec l’ensemble des acteurs œuvrant dans le soin psychique ainsi qu’avec les décideurs des politiques de santé publique. Nous pensons que les propositions concrètes que nous faisons dans ce manuel pourraient légitimement retenir leur attention.

PARTIE 1

LE RPHÉCOLE DE PSYCHANALYSE

I.La formation du psychanalyste

Dans la lignée de l’enseignement de Freud et de Lacan, la formation du psychanalyste au Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital-École de psychanalyse (RPH) est directement articulée à sa psychanalyse personnelle. Quels que soient son âge, son niveau d’études ou son statut social, la cure personnelle du clinicien constitue certainement l’élément le plus important de la formation psychanalytique. C’est en apprenant sur ses symptômes, ses empêchements et ses résistances, puis en les dénouant pour que se dévoile son désir, que le clinicien peut gagner une autorité de transfert* auprès de ceux dont il assure la conduite de la cure.

C’est également une expérience qui lui permet, lorsqu’il débute son activité clinique, de pouvoir s’appuyer sur ce qu’il aura perçu de la technique à travers sa cure. Au fil du temps, il pourra ensuite construire son propre style tout en affinant son usage de la méthode et des techniques psychanalytiques.

La cure personnelle ne suffit pas à elle seule à former un psychanalyste. Elle est accompagnée d’une formation clinique et théorique solide dispensée au sein de l’École. L’alliance entre cure personnelle et enseignements favorise la prise en compte par le clinicien de ses propres résistances qui entravent sa pratique et son autorité* clinique. Par cette alliance, le clinicien surmonte ses résistances, mais surtout évite de s’y enliser, c’est l’éthique de la castration*.

La formation du psychanalyste au RPH-École de psychanalyse se structure autour du désir. Elle met en exergue le rapport éthique que le clinicien entretient avec son propre désir, en un exercice quotidien de son rapport à la castration*.

I.1Présentation de l’École

Né en 1997, le RPH-École de psychanalyse est une association de psychanalyse – loi 1901 – qui regroupe des psychanalystes, psychothérapeutes, psychologues, étudiants en psychologie ou psychiatrie, mais aussi des médecins à Paris et sa région. C’est un lieu de formation clinique et théorique pour ceux qui souhaitent occuper la position de psychothérapeute et de psychanalyste.

Ce lieu s’articule autour de trois pôles :

–la formation clinique,

–la formation théorique,

–la représentation de la psychanalyse au niveau de la Cité.

Le RPH-École de psychanalyse s’origine de l’expérience d’Amorim, psychanalyste qui, depuis 1981, a mis en place une clinique spécifique à l’hôpital avec des patients atteints de maladies organiques et de souffrances corporelles ou psychiques. Le RPH effectue son travail dans la lignée de Freud, Lacan et quelques autres.

Le RPH-École de psychanalyse poursuit trois grands objectifs :

–l’accueil et l’écoute de personnes en souffrance psychique, corporelle et organique ;

–la formation clinique et théorique nécessaire pour occuper la position de psychothérapeute ou psychanalyste ;

–la mise en place d’une réflexion et d’une articulation concrète entre le champ médical et le champ psychanalytique.

Ainsi, le RPH-École de psychanalyse, d’une part, reçoit ceux qui souhaitent rencontrer un psychothérapeute ou un psychanalyste ; d’autre part, et dans une visée de transmission, soutient le désir de celui (étudiant ou non) qui souhaite devenir psychothérapeute, voire psychanalyste.

Dans notre association, nous travaillons en coopération théorique et clinique avec le corps médical, paramédical et social, ce que nous avons appelé la clinique du partenariat (Cf. Partie 1. II – La clinique du partenariat).

Pour la formation clinique, l’École a mis en place le Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence (SETU ?) et la Consultation Publique de Psychanalyse (CPP) pour ceux qui souffrent psychiquement, corporellement ou organiquement. Le RPH poursuit ainsi la visée freudienne de ne pas séparer psychanalyse et social tout en formant les étudiants et jeunes diplômés à la clinique psychanalytique. Il leur offre la possibilité d’occuper la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste au sein de la CPP. Cette pratique est encadrée par une supervision* individuelle et une supervision de groupe afin que le clinicien y expose ses difficultés et ses questions nées de la rencontre clinique. Cette dernière confronte très tôt le clinicien à son propre désir et au transfert : comment recevoir un patient ? Comment manier le transfert ? Comment conduire la cure ? Au contraire d’un isolement et d’une solitude inhérents à l’exercice, le clinicien dispose de différents lieux pour rendre compte des difficultés et impasses de la clinique qui mettent à l’épreuve le désir du psychanalyste*. C’est pourquoi cette formation s’associe à une étude théorique soutenue au cours de laquelle les œuvres et textes fondamentaux de la psychanalyse sont travaillés en groupe, accompagnée de la participation à des enseignements obligatoires, y compris des réunions cliniques.

De plus, l’École propose une réflexion et une articulation concrète entre le champ médical et le champ psychanalytique. Ces engagements permettent un travail de recherche et d’expérimentation s’accompagnant de propositions théoriques, cliniques et politiques.

I.2Organisation de l’École

La clinique et l’étude théorique au sein du RPH-École de psychanalyse, alliées à l’expérience du SETU ? et de la CPP, permettent de dégager des choix d’organisation concrets. Ceux-ci visent à élaborer la scientificité de la psychanalyse en mettant à l’épreuve une méthode qui lui est propre.

Les propositions qui suivent correspondent à des avancées techniques3 ou à des précisions quant à la formation du psychanalyste ; elles ont pour vocation d’être expérimentées et discutées par des cliniciens du monde entier :

–La cure du psychanalyste est sans fin tout au long de son exercice professionnel. Cette exigence est une réponse concrète au principal écueil que rencontrent la psychanalyse et sa transmission depuis son origine : le renforcement du Moi* du psychanalyste qui contamine la cure des patients et des psychanalysants, jusqu’à la psychanalyse elle-même. Cette proposition souligne l’engagement et la responsabilité éthiques du clinicien. La fonction de psychanalyste est une position et non une place (Cf. Partie 2 – I.3 – Les positions transférentielles du clinicien).

À partir de la passe lacanienne, le RPH-École de psychanalyse propose d’autres conditions pour attester de la position de psychanalyste :

–D’une part, le témoignage de sortie de cure d’un psychanalysant est ce qui pourra déterminer la position de psychanalyste du clinicien qui a conduit cette cure. Lors d’une réunion où sont présents les membres cliniciens du RPH ainsi qu’au moins deux psychanalystes invités de différentes Écoles de psychanalyse, le supposé-psychanalyste présente un écrit retraçant les moments cruciaux de la cure du psychanalysant. Cet écrit s’accompagne du témoignage oral du supposé-psychanalyste qui argumente s’il y a sortie de psychanalyse*. Si les cliniciens repèrent, après examen, les différents éléments attestant la sortie de la cure, le supposé-psychanalyste est reconnu comme psychanalyste de cette cure-là. Ainsi, le psychanalyste au RPH ne s’autorise pas uniquement de lui-même ni de quelques autres, mais surtout du grand Autre barré* (Ⱥ). C’est ce que nous nommons la passe externe.

–D’autre part, le témoignage de sortie de cure d’un être, par ailleurs clinicien, pourra déterminer non pas sa position de psychanalyste, mais celle de sujet. Celui qui témoigne adresse aux cliniciens membres de l’École un écrit retraçant les moments cruciaux de sa cure. Lors d’une réunion, il sera invité à répondre aux questions que son texte aura soulevées, et transmettra ainsi ce qu’il aura appris de sa psychanalyse et de ses effets. Après examen et discussion, si les éléments nécessaires ont été repérés, l’être sera reconnu en position de sujet. C’est ce que nous nommons la passe interne.

–Qu’il soit étudiant ou jeune diplômé, la pratique clinique libérale du membre de l’École est vivement encouragée. Cette proposition, facilitée par la possibilité d’exercer au sein de la Consultation Publique de Psychanalyse, vise à former le clinicien en le confrontant au plus tôt au Réel de la clinique. Cela favorise l’engagement du clinicien avec son désir, quel que soit son âge ou son diplôme.

–L’articulation de la formation clinique et théorique du RPH à la recherche, notamment universitaire, nourrit la dimension scientifique de la psychanalyse, au lieu de théorisations qui ne sont pas articulées au Réel de l’expérience. Pousser au plus loin les champs de son savoir fait partie intégrante de la formation du psychanalyste et concourt à construire sa position éthique. En effet, la position de chercheur est indissociable de la position du psychanalyste et constitue le seul rempart dans la lutte des passions humaines dont il doit se tenir éloigné.

–Le membre clinicien est en cure et en supervision* ou en contrôle* au sein de l’École. Cette proposition permet la cohérence dans la formation et favorise le repérage et la levée des résistances du psychanalyste. Elle rend possible l’évitement des positions de clivage et d’isolation qui nourrissent les résistances et, inévitablement, nuisent à la conduite de la cure. Si le clinicien conduit la cure avec son style, il le développe selon un socle commun, des références partagées au sein de l’École.

–Les réunions cliniques font partie de la formation du clinicien ; outre les séminaires, supervisions*, groupes d’études et colloques, il y présente régulièrement un cas clinique. En étudiant collégialement les retranscriptions des interventions du clinicien dans la cure d’un patient ou d’un psychanalysant, ces réunions permettent à tous les membres d’apprendre mutuellement de leurs erreurs. Celui qui conduit la cure prend en compte les remarques techniques et cliniques afin de réorienter, le cas échéant, la conduite de la cure.

–Dès le début de son apprentissage, le clinicien est vivement sollicité à intervenir aux colloques du RPH ou d’autres associations ainsi qu’à l’université. Ces moments publics où il témoigne de son travail et de sa clinique l’amènent à quitter ses inhibitions, le poussent à s’engager davantage dans son travail et lui apprennent la rigueur, la concision et la précision du travail scientifique.

Soulignons ici que le désir de l’analyste ou encore le passage à l’analyste, au cœur des procédures de passe d’autres Écoles lacaniennes, sont pour nous insuffisants pour s’autoriser psychanalyste. C’est aussi pour cela que nous distinguons le désir du psychanalyste* de la position de psychanalyste, et celle-ci de la position de sujet*. Nous assumons le choix de ne pas organiser notre École selon les modèles classiques issus de l’héritage freudo-lacanien, mais considérons offrir une proposition nouvelle, face aux impasses et écueils des procédures en vigueur, pour la formation du psychanalyste.

Cette organisation favorise la formation du psychanalyste en l’articulant davantage avec ce qui en constitue l’ossature : la psychanalyse personnelle. Celle-ci constitue le pivot autour duquel s’organise le fonctionnement du RPH ; en évitant les stases libidinales institutionnelles, en désamorçant les résistances des cliniciens et en leur facilitant la possibilité de traiter leurs symptômes sur le divan. L’organisation de l’École permet au clinicien de construire son rapport éthique à son désir. Ce faisant, elle évite certains biais imaginaires et consolide la formation du psychanalyste dans la voie de la rigueur et de l’exigence.

I.3Enseignement

L’enseignement au sein de l’École se distingue par la part qu’il confère à l’expérience ; la psychanalyse personnelle s’articule alors aux dispositifs cliniques SETU ? et CPP. Les enseignements oraux sont dispensés par des psychanalystes qui pratiquent au quotidien et qui continuent d’occuper régulièrement la position de psychanalysant : groupes d’études, réunions cliniques, séminaires, supervisions* individuelles et de groupe, colloques.

Les différentes avancées théoriques sont donc éprouvées au jour le jour par l’ensemble des cliniciens qui font usage de l’enseignement de Freud et de Lacan, de la cartographie et des différentes techniques actualisées. Se faisant les témoins de la pertinence et de la validité théorique de l’enseignement dispensé, ils participent activement à sa construction. Chacun des membres peut également faire la proposition de réunion de travail ou de la constitution d’un groupe sur un thème de recherche qu’il souhaite développer. Il s’agit ainsi de lutter contre des formes d’institutionnalisation rigides susceptibles de gangréner, d’étouffer et de saturer le désir. Une école de psychanalyse n’est pas exempte de ces phénomènes.

Les réunions cliniques sont enregistrées, retranscrites puis publiées dans le Bulletin de l’École. Par cette précaution scientifique, cet enseignement peut être objectivement critiqué par les membres cliniciens.

Ainsi, il est possible de retirer quelques enseignements de l’ensemble des propositions de formation que le RPH expérimente depuis 24 ans. Il apparaît, dès lors que l’on examine la situation professionnelle des cliniciens de l’École, que l’expérimentation fonctionne. En effet, l’exigence, la rigueur et l’expérience que les cliniciens acquièrent dans leur formation leur permettent de vivre de leur clinique.

Précisons que nombre de membres du RPH ont à peine 30 ans et remarquons qu’ils poursuivent également leurs études universitaires au moins jusqu’au doctorat. Ainsi, la situation professionnelle des membres de l’École illustre suffisamment la justesse de l’enseignement qui y est dispensé et l’examen annuel du fonctionnement de la CPP en révèle toute la pertinence.

3 Amorim (de), F. (2019). « Propositions », in Brèves 2018/2019, Paris, RPH, 2021, pp. 283-8.

II.La clinique du partenariat

La clinique du partenariat est une formulation introduite par Amorim. Elle désigne une clinique organisée autour de la souffrance du patient, de la volonté du médecin de guérir et du désir du psychanalyste*, soutenue par le transfert.

La clinique du partenariat est une réponse à l’impasse clinique que rencontre le champ médical dès lors qu’est exclue de la logique du soin la question du désir et de la responsabilité de l’être. Elle met en évidence l’articulation nécessaire entre le champ psychanalytique et le champ médico-chirurgical dans le traitement des symptômes psychiques, corporels et organiques.

II.1Les différents champs opératoires

II.1.1Le champ opératoire en psychanalyse

Le champ opératoire est un terme issu du vocabulaire chirurgical que Amorim emprunte pour délimiter, dans la clinique psychanalytique, le champ des interventions du psychanalyste. C’est au clinicien qu’il revient d’installer ce champ, de s’y limiter et d’être attentif à en éviter la contamination.

Le champ opératoire psychanalytique est celui d’une clinique avec transfert orientée par les associations libres*. C’est une clinique de l’objet a*. Pour l’installer, le clinicien part de la souffrance produite par le symptôme, de la présence des affects et de l’ignorance, et s’appuie sur le transfert qui pourra naître et être nourri au fur et à mesure des consultations4.

Il est nécessaire que le psychanalyste puisse supporter d’occuper la position d’objet a*. Selon l’expérience et la proposition d’Amorim, occuper cette position exige que la psychanalyse du psychanalyste soit poursuivie tant qu’il exerce. De plus, pour protéger ce champ et s’y limiter, il est nécessaire que le psychanalyste n’occupe pas d’autres positions, par exemple qu’il ne délivre pas d’ordonnance, même s’il a une formation de psychiatre.

II.1.2La collaboration nécessaire entre professionnels de différents champs opératoires

Chaque professionnel du domaine médico-social a son propre champ d’intervention. Les médecins soignent l’organisme malade. Lorsqu’ils sont cliniciens, ils peuvent également reconnaître la dimension de l’être, à savoir ses affects, ses fantasmes, son désir, mais n’ont pas les instruments pour opérer dans ce champ-là. C’est pour cette raison qu’il importe que les médecins puissent lier leur travail à celui du psychanalyste en utilisant l’autorité du transfert* pour inviter le patient à associer à la thérapeutique médico-chirurgicale la clinique psychanalytique, et cela dès la première consultation.

La clinique du partenariat vise à ce que chaque professionnel puisse travailler dans son champ opératoire : pour que le médecin soigne l’organisme, que le chirurgien opère, que le psychothérapeute ou le psychanalyste conduisent la cure.

Vignette n° 1

La nécessaire clinique du partenariat

Madame D. est en psychothérapie depuis cinq mois, au rythme de trois séances par semaine. Elle voit par ailleurs un psychiatre qui lui prescrit un traitement médicamenteux.

Grâce à sa psychothérapie, la patiente reprend le travail après dix ans d’inactivité. Elle se maintient ainsi en poste pendant deux mois.

Lors d’une séance, alors qu’elle n’avait pas abordé cette éventualité dans sa cure, elle dit que son psychiatre a accepté de lui prescrire un arrêt maladie. Elle lui a demandé également à être reconnue en tant que travailleur handicapé. J’examine : « Quel est votre handicap ? ». Elle répond : « Mon refus total de travailler ». Elle est inquiète parce que, maintenant qu’elle est en arrêt, sa situation financière va être « catastrophique » : elle va en effet perdre la moitié de ses ressources. Je demande comment elle compte faire pour assurer ses séances, elle répond qu’elle ne pourra plus venir, elle ajoute « en tout cas au montant fixé » (elle paie les deux premières séances dix euros et la troisième trois euros). Je lui dis que je ne suis pas d’accord pour baisser le prix des séances, et que ce n’est pas le moment d’abandonner sa cure. Je l’invite à proposer rapidement une solution.

Lorsqu’il prescrit un arrêt maladie (et s’il effectue les démarches pour que la patiente obtienne la reconnaissance de travailleur handicapé), le psychiatre nourrit le symptôme de madame D. plutôt que son désir. Il travaille dans le sens opposé à la psychothérapie ; la patiente menaçant même d’abandonner sa cure du fait de l’arrêt maladie.

Il y a là nécessité à mettre en place une clinique du partenariat telle que proposée par le RPH. Ainsi, les médecins soignent l’organisme des malades – si le symptôme est organique – et les psychothérapeutes et psychanalystes écoutent et appuient le désir des patients et des psychanalysants afin qu’ils construisent une autre voie que celle du symptôme.

Cette clinique du partenariat est également possible et souhaitable selon les mêmes conditions avec l’ensemble des professionnels du milieu médico-social : éducateurs, infirmiers, assistants-sociaux, sage-femmes entre autres.

Vignette n° 2

Clinique du partenariat à l’épreuve du symptôme institutionnel

La phase dépressive et le risque suicidaire s’accentuant, j’avais conseillé à une patiente souffrant de psychose maniaco-dépressive de retourner au CMP afin d’effectuer un changement dans sa prise en charge médicamenteuse. Ils lui ont répondu qu’ils étaient dans l’impossibilité d’avancer son rendez-vous prévu un mois plus tard.

Cette patiente n’a eu pour seul recours que d’en passer par son médecin généraliste. Quand elle a enfin revu le psychiatre du CMP, ce dernier lui a demandé si faire quatre séances par semaine de psychothérapie n’était pas un peu trop.

La clinique du partenariat ne va pas de soi.

La nécessité de respecter les différents champs opératoires est fondamentale dans la clinique du partenariat. Dès lors que le médecin quitte son champ de compétence en faisant fi de la nécessité du traitement psychique ou en émettant une opinion sur le déroulement de ce dernier, il va à l’encontre de la logique clinique, pouvant mettre en péril la cure. Ce constat concerne l’ensemble des professionnels du champ médico-social, tout comme le psychanalyste s’il n’oriente pas le patient ou le psychanalysant vers le médecin en cas de signe d’une problématique organique.

Vignette n° 3

Psychanalyse et médecine

Une préconisation de prise de vitamine B9 en amont de la conception permet d’éviter « en particulier les anomalies de formation de la moelle épinière et des vertèbres (Spina bifida) »5. En France, il y a un déficit de prise en compte de ces recommandations simples. Un appel est fait pour inviter les professionnels de santé à s’unir pour améliorer cette prévention : « Gynécologues, médecins traitants, sage-femmes, pharmaciens, médecins du travail, médecins universitaires, infirmières peuvent s’impliquer en informant les couples avant la grossesse… ».

Cet appel ne s’adresse pas aux psychistes* ou aux psychanalystes. Pourtant, les intentions procréatives sont amplement abordées en séance ainsi que les obstacles au devenir mère ou père.

Le partenariat avec la médecine commence partout, tout le temps : une lecture d’un court article et le psychanalyste ne peut plus faire comme s’il ne savait pas. Il n’a pas à se transformer en supplétif mais il a les moyens transférentiels d’alerter sur cette prévention. Auparavant, il y avait débat sur la non-intervention du psychanalyste sur des sujets comme l’usage de drogues ou du préservatif mais c’était avant ; depuis, le désir du psychanalyste* entre dans l’arène* pour calmer les organisations intramoïques* et apaiser la souffrance du Moi* : « Est-ce vraiment nécessaire de vous infliger cela ? » Mais ce « depuis » semble parfois méconnu de certains médecins. Le psychanalyste est concerné par tout ce qui touche l’être parlant, car comment pourrait-il aborder l’écueil de la part de la responsabilité de l’être dans ce qui lui arrive s’il – le psychanalyste – se fait Ponce Pilate ?

Être ami de la médecine c’est pouvoir faire savoir qu’il y a des précautions à prendre une fois que le désir d’enfant est assumé et possible : « Parlez de ce projet à votre médecin. »

Vignette n° 4

Résolution d’une problématique de fertilité par la psychanalyse

Madame S. n’arrive pas à tomber enceinte. Elle veut bénéficier d’une fécondation in vitro (FIV). Ses résultats d’analyses ne sont pas favorables : sa demande de FIV est refusée par la commission pluridisciplinaire en charge de juger son dossier médical. Madame S. accuse le coup, poursuit sa psychanalyse et tombe enceinte naturellement quelques semaines plus tard. Elle attribue cette réussite aux effets de sa psychanalyse.

Cette vignette clinique illustre bien l’ampleur du champ opératoire de la psychanalyse. Elle témoigne de la nécessité clinique que le champ médico-chirurgical puisse s’articuler au champ psychanalytique.

II.2Les difficultés rencontrées par les partenaires

Les principales difficultés rencontrées par les partenaires du milieu médico-social sont liées au transfert dont ils sont l’objet. En effet, de par leur position professionnelle, ils sont en première ligne pour recevoir l’appel, la plainte* et la demande*. Cela ouvre la porte à l’expression des passions humaines, à toutes les incompréhensions et aux violences qui en découlent.

Dès que le professionnel perçoit que la demande* qui lui est adressée va au-delà de son champ d’action, l’offre qu’il fait de rencontrer un psychanalyste oriente le transfert vers ce dernier. Cette offre participe de ce que Amorim a nommé cônification du transfert (Cf. Partie 1 – II.5. La cônification du transfert).

Des obstacles sont repérés dans le champ médico-social pour orienter une personne vers un psychiste*. Dans les structures de droit commun, les délais pour obtenir un premier rendez-vous sont souvent de plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Cela a pour effet de décourager l’être qui veut consulter.

Les professionnels médicaux et sociaux signalent aussi leur embarras lorsqu’ils orientent quelqu’un qui est renvoyé d’une institution à une autre. Cette errance institutionnelle empêche la naissance du transfert.

Autres obstacles : lorsqu’un patient, reçu en consultation par un psychiste* avec lequel un transfert est né, se voit contraint de poursuivre avec un autre ; quand il n’a pas la possibilité de choisir le clinicien ; quand les horaires sont incompatibles avec les contraintes d’une vie professionnelle ; quand le rythme des séances proposé est inadapté au regard de la nécessité clinique.

Enfin, la problématique du coût des consultations de psychothérapie et de psychanalyse est souvent évoquée comme le frein principal à la prise de rendez-vous en dehors des structures de droit commun.

Pour répondre à ces difficultés, Amorim a créé deux dispositifs :

–Le Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence (SETU ?).

–La Consultation Publique de Psychanalyse (CPP).

II.3Le Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence (SETU ?)

Cette ligne téléphonique fonctionne 24h/24 et 7j/7. Ce service répond aux appels de personnes qui cherchent à parler de leurs souffrances* ou de leurs symptômes avec un psychothérapeute ou un psychanalyste. Plusieurs cliniciens du RPH assument cette mission à tour de rôle.

Amorim a créé ce service à partir du constat que la plupart des services d’écoute téléphonique ne proposent pas de rendez-vous avec un clinicien. En outre, ces services favorisent l’anonymat et l’appel reste dans le champ de la conversation téléphonique.

À l’inverse, le SETU ? vise à encourager la rencontre avec un clinicien et à sortir de cette logique qui nourrit l’Imaginaire. Comme son nom l’indique, le SETU ?, à entendre « Sais-tu ? », veut faciliter la naissance du transfert. Pour cela, le clinicien va examiner avec l’appelant s’il souffre et ce qui le fait souffrir. Si la personne accepte de venir en consultation, il sera alors possible d’installer et de nourrir le transfert.

L’appel au SETU ? a la particularité de pouvoir déboucher sur la rencontre avec un clinicien, si possible celui qui aura reçu l’appel.

Vignette n° 5

De l’appel au désir

Il y a cinq ans, monsieur V. est venu consulter par le biais du SETU ?. Il vivait depuis de nombreuses années du RSA et dans un refus de s’insérer dans la société. Il paie alors cinq euros ses séances. Puis, il entre en psychanalyse. Durant sa cure, il a repris ses études et passé son diplôme. Aujourd’hui, il travaille tout en préparant une agrégation. Il a retrouvé une dignité et il peut payer davantage pour ses séances.

II.4La Consultation Publique de Psychanalyse (CPP)

La Consultation Publique de Psychanalyse est un dispositif né à l’hôpital Avicenne (AP-HP) en 1991. Par la suite, d’autres adresses en ville ont vu le jour. Ce projet est une réponse au vœu de Freud de rendre la psychanalyse accessible au plus grand nombre.

La CPP est une consultation qui permet à toute personne qui souhaite rencontrer un psychothérapeute ou un psychanalyste d’être reçue rapidement en fonction de ses moyens financiers. Cette consultation s’adresse aux adultes, aux adolescents, aux parents et à leurs enfants. Dans le cadre de cette consultation, les personnes peuvent venir dire leurs souffrances*, qu’elles soient psychiques, corporelles, organiques ou relevant de plusieurs de ces champs. À la CPP ont lieu des psychothérapies et des psychanalyses.

La CPP du IXe arrondissement de Paris s’inscrit dans un projet social, politique et éthique puisqu’elle aspire à former étudiants ou diplômés à la clinique psychanalytique, en leur permettant d’y assurer, sous supervision*, des consultations. Lorsque ces cliniciens peuvent ouvrir leur propre lieu de consultation, ils ne rompent pas le transfert avec les patients et psychanalysants qu’ils recevaient mais, au contraire, leur proposent de poursuivre leur cure dans une consultation privée aux mêmes conditions financières.

Suivant la tradition inaugurée par Max Eitingon et Karl Abraham sous le patronage de Freud6, l’ensemble des cliniciens du RPH continuent à recevoir des patients et psychanalysants qui paient selon leurs moyens (tarif CPP).

Vignette n° 6

Retour à la vie professionnelle

Quand elle arrive à ma consultation, madame D. est en arrêt de travail depuis presque un an suite à un épuisement professionnel. Elle n’a plus aucune motivation pour reprendre le travail, son couple se détériore et elle est profondément déprimée.

Elle paie ses séances avec son argent personnel, au tarif CPP.

Soutenue par sa psychothérapie et le transfert nourri par sa psychothérapeute, elle parviendra à mettre en place un projet professionnel et à se projeter vers l’avenir. Après avoir décroché un poste de très grande qualité, elle quittera son ancienne entreprise et emménagera dans un nouvel appartement.

Vignette n° 7

La CPP : une proposition sociale

Monsieur T., patient psychotique, vient en séance depuis maintenant presque six mois. Il ne travaille pas et n’est, jusqu’à présent, jamais resté plus de deux mois dans un même emploi. Monsieur T. vit des aides financières qu’il reçoit et a obtenu le statut de personne handicapée suite à la proposition d’un psychiatre de constituer un dossier pour cela il y a plusieurs années.

Monsieur T. a fait plusieurs tentatives de suicide lorsqu’il avait une vingtaine d’années. C’est sur les conseils d’un médecin généraliste que monsieur T. a pris connaissance de la Consultation Publique de Psychanalyse et a pu être adressé au cabinet. Ce patient a commencé à venir en consultation en réglant cinq euros par séance et en venant deux fois par jour, soit douze séances par semaine. Puis, voyant que financièrement il ne pourrait pas continuer à ce rythme, il a été convenu qu’il ferait six séances par semaine. Il a proposé de lui-même d’augmenter d’un euro chaque séance puis, quelques temps après, d’augmenter à nouveau d’un euro.

Monsieur T. aborde en séance sa difficulté à « entrer dans le monde », à « faire partie de la société ». Il a pu dire dernièrement que sa sensation d’être rejeté venait du fait que lui-même se mettait en retrait et s’isolait et qu’il ne souhaitait pas que cela continue ainsi.

La CPP permet d’éviter des passages à l’acte suicidaire et des hospitalisations, notamment avec des patients de structure psychotique. Elle permet à des personnes en situation de précarité financière et sociale de pouvoir commencer et s’engager dans une cure dans la durée.

Vignette n° 8

La CPP : un dispositif spécifique

Madame O. a été reçue à la Consultation Publique de Psychanalyse il y a huit ans. Elle était arrivée en France quelques années plus tôt. Elle disposait de peu de ressources financières et avait alors commencé sa psychothérapie en réglant 10 euros chacune de ses deux séances hebdomadaires.