Manuel de droit européen de l'environnement et du climat - Patrick Thieffry - E-Book

Manuel de droit européen de l'environnement et du climat E-Book

Patrick Thieffry

0,0
64,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Le présent Manuel de droit européen de l’environnement et du climat constitue la 3e édition de l’ouvrage jusqu’ici intitulé Manuel de droit européen de l’environnement.

Il est adossé au Traité du même nom et associé au Handbook of European Environmental and Climate Law publiés dans la même collection, avec lesquels il partage une même architecture.
Le Traité fournit une approche plus approfondie, avec une perspective historique, politique et jurisprudentielle, et surtout un appareil scientifique plus complet.

L’inclusion dans le titre de l’ouvrage de la dimension climatique, déjà présente dans chacune des précédentes éditions, manifeste l’importance qu’elle y a pris en l’absence d’une politique européenne et d’une base juridique autonomes.

Le droit du climat est couvert dans ses multiples occurrences tout au long de l’ouvrage, ses spécificités notées et leurs conséquences reconnues, en particulier eu égard au contexte international inédit et porteur d’interventions juridiques radicalement nouvelles, un véritable chambardement des approches classiques par l’instauration d’une nouvelle gouvernance pour la mise en œuvre de l’accord de Paris et de la législation européenne qui en résulte.

Les itératives révisions des législations environnementales sont bien entendu aussi mises en perspective, notamment avec la montée en puissance de l’économie circulaire et la proposition d’un Pacte vert pour l’environnement.

L’immixtion croissante des droits fondamentaux est désormais analysée : charte des droit fondamentaux de l’Union, convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH)... Plus généralement, le déploiement du contentieux environnemental et climatique se manifeste, par-delà les traditionnels recours aux juges de l’Union, devant les juridictions nationales, au-delà du classique contentieux administratif jusque dans le contentieux international privé, et même devant les juridictions arbitrales.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB

Seitenzahl: 920

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Parus précédemment dans la même série :

1. Manuel de droit de l’environnement de l’Union européenne, 3e édition, Patrick Thieffry, 2021.

2. Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 5e édition, Thierry Bonneau, 2020.

3. Droit fiscal de l’Union européenne, 2e édition, Alexandre Maitrot de la Motte, 2016.

4. Droit européen de la concurrence. Ententes et abus de position dominante, David Bosco et Catherine Prieto, 2013.

5. Manuel de droit européen du travail, Sophie Robin-Olivier, 2016.

6. Le droit de la fonction publique de l’Union européenne, Joëlle Pilorge-Vrancken, 2017.

7. Droit européen de la commande publique, 2e édition, Stéphane de La Rosa, 2020.

8. Droit européen de la protection sociale, 2e édition, Ismaël Omarjee, 2021.

9. Handbook of European Environmental Law, 2e édition, Patrick Thieffry, 2021.

10. Le droit douanier de l'Union européenne, Jean-Luc Albert, 2019.

11. Manuel de droit européen des assurances, Pauline Pailler, 2019.

12. Droit du marché unique numérique et intelligence artificielle, Céline Castets - Renard, 2020.

13. Histoire de la construction européenne, Geoffrey Grandjean, 2020.

Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votredomaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larcier.com.

© Lefebvre Sarrut Belgium SA, 2021Éditions BruylantRue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles

978-2-8027-6975-0

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

AVANT-PROPOS

Ce manuel, ici en sa troisième édition, propose une introduction au droit européen de l’environnement et du climat, et il est ainsi en premier lieu destiné aux étudiants. Les techniciens de l’environnement, qui éprouvent un grand besoin de percevoir le cadre juridique de leur activité, y trouveront également des indications générales utiles à cet égard. Ils pourront aussi lui préférer sa version anglaise, le Handbook of European Environment and Climate Law, dont la 2e édition est publiée simultanément dans la même collection.

En revanche, étant donné les vastes et multiples dimensions, à tous les sens du terme, de la matière, il ne saurait en rendre une image fidèle pour les besoins de la recherche, qu’elle soit scientifique ou appliquée. Les praticiens du droit comme les chercheurs se référeront donc plutôt au Traité de droit européen de l’environnement et du climat, dont la 4e édition a été publiée en 2020, également dans la collection Droit de l’Union européenne aux Éditions Bruylant.

Ce manuel, le traité et le Handbook avec lesquels il a été conçu se complètent d’autant plus facilement qu’ils partagent la même architecture, c’est-à-dire les mêmes parties, les mêmes chapitres, et dans la mesure du possible les mêmes subdivisions. En d’autres termes, les sujets évoqués dans le présent manuel et dans le Handbook sont développés de manière plus détaillée dans le traité, avec notamment une perspective historique, politique et jurisprudentielle, et surtout un appareil scientifique plus complet.

L’inclusion de la dimension climatique dans le titre de l’ouvrage, pour la première fois dans cette troisième édition, constitue le résultat de l’évolution progressive de la matière, la dimension climatique ayant été présente dans chacune des précédentes éditions. Le droit du climat est un aspect du droit de l’environnement, ainsi d’ailleurs que de toutes les autres politiques et actions de l’Union conformément au principe d’intégration, au premier rang desquelles figure la politique de l’énergie. Néanmoins ses spécificités sont notées et leurs conséquences reconnues, avec l’instauration d’une nouvelle gouvernance de l’union de l’énergie indispensable pour la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat.

Les autres évolutions qu’a connues la matière depuis la précédente édition sont aussi remarquables. Outre les itératives révisions des législations environnementales et climatiques, comme celles induites par la montée en puissance de l’économie circulaire ou la prochaine vague de réforme liée au projet de « pacte vert pour l’environnement », deux tendances fortes et transversales doivent être retranscrites : l’immixtion croissante des droits fondamentaux dans le contentieux environnemental et climatique et l’accélération dans le déploiement dudit contentieux environnemental et climatique.

Ces développements sont dans les pages qui suivent l’occasion d’autant d’incursions en terres inexplorées dans les précédentes éditions.

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS

LISTE DES ABRÉVIATIONS

INTRODUCTION

LIVRE PREMIER - LES SOURCES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CLIMAT

CHAPITRE I. – LE DOMAINE DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CLIMAT

CHAPITRE II. – LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CLIMAT

CHAPITRE III. – LES PRINCIPES DANS LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CLIMAT

LIVRE DEUXIÈME - LA LÉGISLATION ENVIRONNEMENTALE ET CLIMATIQUE

PARTIE I - LA RÉGLEMENTATION DES DOMAINES DE L’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE IV. – L’AIR ET L’ATMOSPHÈRE

CHAPITRE V. – L’EAU

CHAPITRE VI. – LES AUTRES MILIEUX NATURELS, LA FAUNE ET LA FLORE

PARTIE II - LES OBJETS AYANT UN IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE VII. – LES DECHETS

CHAPITRE VIII. – LES OBJETS BRUYANTS

CHAPITRE IX. – LES SUBSTANCES ET ORGANISMES DANGEREUX

PARTIE III - LES MESURES TRANSVERSALES

CHAPITRE X. – LES MESURES DITES INTÉGRÉES

CHAPITRE XI. – L’INFORMATION ET LA PARTICIPATION DU PUBLIC

PARTIE IV - LES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES ET FISCAUX

CHAPITRE XII. – L’INTERNALISATION FORCÉE

CHAPITRE XIII. – LES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES

CHAPITRE XIV. – LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

LIVRE TROISIÈME - L’INTÉGRATION ENVIRONNEMENTALE ET CLIMATIQUE DANS LES AUTRES LÉGISLATIONS

PARTIE I - LES RÈGLES TRANSVERSALES

CHAPITRE XV. – LE MARCHÉ INTÉRIEUR EUROPÉEN

CHAPITRE XVI. – LES RÈGLES DE CONCURRENCE

PARTIE II - LES LÉGISLATIONS SECTORIELLES

CHAPITRE XVII. – LA LÉGISLATION AGRICOLE

CHAPITRE XVIII. – LA POLITIQUE DES TRANSPORTS

CHAPITRE XIX. – LA POLITIQUE DE L’ÉNERGIE

CHAPITRE XX. – L’ACTION EN MATIÈRE DE SANTÉ HUMAINE

LISTE DES ABRÉVIATIONS

ADEME

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

BCAE

bonnes conditions agricoles et environnementales

BREFs

Best Available Technique Reference Documents

CCN CC

convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques

CECA

Communauté européenne du charbon et de l’acier

CEDH

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme

CFC

chlorofluorocarbures

COV

composés organiques volatils

CSC

captage et le stockage géologique du dioxyde de carbone

CUELE

comité de l’Union européenne pour le label écologique

DCE

Directive-cadre sur l’eau

DEEE

déchets d’équipements électriques et électroniques

DSD

Duales System Deutschland

ECHA

European Chemicals Agency

EFSA

Autorité européenne de sécurité des aliments

EINECS

European Inventory of Existing Commercial Substances

EIONET

European Information and Observation Network

EMAS

Environmental Management and Audit System

FEADER

Fonds européen agricole pour le développement rural

FEIS

Forum d’échange d’informations sur les substances

FEOGA

Fonds européen d’orientation et de garantie agricole

GATT

General Agreement on Tariffs and Trade

HCFC

hydrochlorofluorocarbures

MDP

mécanisme de développement propre

MEERQ

mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives

MOC

mise en œuvre conjointe

MTD

meilleures techniques disponibles

OACI

Organisation de l’aviation civile internationale

PAC

politique agricole commune

PCB

polychlorobiphényle

PCT

polychloroterphényle

PIP

politique intégrée des produits

PNAQ

plan national d’allocation des quotas

POP

polluant organique persistant

PRTR

registre intégré des transferts et rejets de polluants

RDR

Règlement sur le développement rural

REACH

Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals

REP

responsabilité élargie du producteur

SEQE

SIC

système d’échange de quotas d’émission

site d’intérêt communautaire

SIEG

service d’intérêt économique général

UE

Union européenne

UTCATF

utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie

VHU

véhicules hors d’usage

Voy.

voir

ZSC

zone spéciale de conservation

ZPS

zone de protection spéciale

INTRODUCTION

§ 1. – UNE HISTOIRE TORTUEUSE

§ 2. – UNE MISE EN ŒUVRE LABORIEUSE

§ 3. – UNE RECHERCHE D’EFFICIENCE STRUCTURANTE

§ 4. – LE GRAND CHAMBARDEMENT CLIMATIQUE ET LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

§ 5. – LE PACTE VERT POUR L’EUROPE

§ 6. – PLAN DE L’OUVRAGE

Les problématiques liées aux phénomènes environnementaux et climatiques sont d’autant plus complexes qu’ils présentent des particularités marquées. Allant de l’échelon local (bruit, déchets) aux phénomènes planétaires (réchauffement climatique, et désormais la « mer de plastique »), ils sont évolutifs et sans cesse renouvelés (appauvrissement de la couche d’ozone puis changements climatiques, OGM puis nanotechnologies…, voire suspicion de pandémies liées à la biodiversité), et parfois difficilement imputables (pollutions diffuses, sites orphelins, plastiques encore… sans oublier évidemment les incidences environnementales des phénomènes climatiques). Ces spécificités ont une incidence directe sur leur appréhension juridique, qui est elle-même réactive, plurielle et très diversifiée.

Le droit de l’environnement et du climat, celui de la relation entre protection de l’environnement et du climat et développement économique qui nourrit le concept de développement durable, a une dimension supplémentaire dans le cas de l’Europe occidentale, celle de la création du marché intérieur.

Quelques observations introductives peuvent être faites dans cette double perspective qui est celle du droit de l’environnement de l’Union, l’une à caractère historique (§ 1), la deuxième relative à ses aspects processuels (§ 2), la troisième relative à sa quête d’efficience (§ 3), la quatrième portant sur sa remise en cause par la problématique des changements climatiques (§ 4), et la cinquième plus prospective sur le projet de pacte vert pour l’environnement (§ 5). Elles seront suivies de l’annonce du plan de l’ouvrage (§ 6).

§ 1. – UNEHISTOIRETORTUEUSE

Pour le traité de Rome, l’intégration des marchés constituait une œuvre fondamentale à laquelle la protection de l’environnement était largement étrangère. Tel qu’il avait été signé le 25 mars 1957, il ne contenait aucune disposition spécifique à l’environnement. Les premières initiatives du législateur européen intervinrent pourtant très vite, telles que la directive 67/548 du 27 juin 1967, relative à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses1 – dont la réforme a été l’un des grands débats du début du XXIe siècle (voy. infra, Chapitre IX) –, puis deux directives relatives aux émissions sonores2 et atmosphériques3 des véhicules automobiles en 1970. Les bases juridiques choisies ont été qualifiées de « pis-aller »4. En 1972, année de la conférence des Nations unies sur l’environnement de Stockholm, la Commission présenta sa première communication consacrée à ce sujet et les chefs d’État et de gouvernement lancèrent le principe d’une politique européenne.

En 1986, l’Acte Unique européen entérina une action communautaire en matière environnementale aux articles 130 R, S et T du traité CE qui fondèrent en partie les mesures adoptées ensuite. Cette action devait reposer sur les principes d’action préventive, de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et du pollueur-payeur, visant un niveau de protection élevé (art. 130 R, § 2, du traité CE).

En 1992, le traité sur l’Union européenne éleva cette action au rang de politique à part entière (art. 3 (k) du traité CE) et l’agrémenta du principe de précaution. Il précisa que le développement harmonieux des activités économiques, qui constituait l’une des composantes de la mission de la Communauté, devait être « équilibré ». Il devait être accompagné d’une croissance « durable et non-inflationniste respectant l’environnement », ainsi que d’un « haut degré de convergence des performances économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres » (art. 2 du traité CE). Mieux, les exigences de la protection de l’environnement devaient être « intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques » (art. 130 R, § 2, du traité CE) – c’est le « principe d’intégration ».

En 1997, avec le traité d’Amsterdam, les articles 130 R, S et T du traité CE sont devenus les articles 174, 175 et 176 CE5. L’article 2 CE dispose alors que le développement des activités économiques auquel la Communauté a notamment pour mission de pourvoir doit non seulement être harmonieux et équilibré, mais encore durable, référence explicite à la protection de l’environnement6. Une autre composante de cette mission, qui consiste à promouvoir dans l’ensemble de la Communauté « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement », est alors directement et exclusivement consacrée à la protection de l’environnement par ce même article 2 CE. Le principe d’intégration prend une importance remarquable en étant repositionné dans un nouvel article 6 CE.

Enfin, le traité de Lisbonne n’a eu que des incidences relativement peu importantes en ce qui concerne la politique de l’environnement, mais certaines modifications apportées au cadre institutionnel général sont susceptibles d’influer sur sa mise en œuvre et ses applications :

– le traité sur l’Union européenne dispose désormais que « l’Union […] œuvre pour le développement durable de l’Europe […] et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement […] » (art. 3, § 3, TUE) ;

– la charte des droits fondamentaux se voit expressément reconnaître « la même valeur juridique que les traités » (art. 6, § 1, TUE)7 ; l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) est prévue et, de toutes façons, « les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux » (art. 6, § 3, TUE) ; de telle sorte que ces droits subjectifs qui ont fait l’objet d’une reconnaissance jurisprudentielle significative en matière environnementale se retrouvent dans le champ de compétence de la Cour de justice ;

– les parlements nationaux disposent désormais du moyen de faire valoir les principes de proportionnalité et de subsidiarité en émettant un avis motivé auquel cas, et sous réserve du franchissement de certains seuils permettant d’attester la concordance de leurs points de vue, la proposition doit être réexaminée sous le contrôle de la Cour de justice8 ; il faut aussi signaler l’introduction d’une potentielle situation de démocratie directe en la forme d’un référendum d’initiative populaire (art. 11, § 4, TUE).

Quant au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les modifications apportées au droit de l’environnement sont marginales :

– l’article 6 CE sur le principe d’intégration devient l’article 11 FUE ;

– les termes du protocole sur la protection et le bien-être des animaux conclu en 1992 sont repris à l’article 13 FUE et imposent d’en tenir compte dans les domaines de la politique agricole commune, des transports, de la recherche et du marché intérieur ;

– l’article 95 CE devient l’article 114 FUE, sans modification de fond ;

– les articles 174, 175 et 176 CE, berceau de la politique de l’environnement, deviennent les articles 191, 192 et 193 FUE mais ne sont pas affectés dans leur substance, à la seule exception que la composante de la politique de l’environnement consistant en « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement » vise désormais « en particulier la lutte contre le changement climatique » ;

– de telle sorte que son évolution la plus notable lui est peut-être extérieure sur le plan institutionnel puisqu’il s’agit de l’introduction formelle à l’article 194 FUE d’une politique de l’énergie reposant sur une base juridique autonome dont on ne pourra que constater que l’imbrication est très étroite avec la politique de l’environnement.

§ 2. – UNEMISEENŒUVRELABORIEUSE

La Commission européenne ne manque pas une occasion de souligner les importantes « faiblesses » de la mise en œuvre du droit européen de l’environnement, parfois attribuées à une série de causes tenant à la complexité des phénomènes environnementaux plus qu’aux réticences des États membres.

Dans une communication de 20179, la Commission a rendu compte d’un examen de la mise en œuvre de la politique environnementale, dit « Environmental Implementation Review » ou « EIR », qui rapporte que les principaux défis et lacunes en la matière concernent, et ce n’est pas une surprise, la gestion des déchets, la nature et la biodiversité, la qualité de l’air, le bruit et la qualité et la gestion de l’eau, c’est-à-dire, somme toute, la plupart des principaux secteurs du droit de l’environnement. Par exemple, bien que la qualité de l’air dans l’Union se soit améliorée au cours des dernières décennies, seuls cinq États membres ne connaissent aucun dépassement des valeurs limites et font état d’une qualité de l’air généralement bonne. Les mécanismes de coordination entre les différents niveaux de gouvernance sont peu efficaces, les responsabilités fragmentées et, par force, la transposition de la législation de l’Union incorrecte « dans plusieurs pays » alors que des obstacles subsistent en matière d’accès à la justice, notamment en raison de frais de justice excessifs ou de conditions trop restrictives.

Plus encourageante est un autre Communication de la Commission, simultanée, qui établit le Deuxième rapport sur l’État de l’Union de l’énergie10 : l’Union a « dans son ensemble » poursuivi sa « bonne progression vers la réalisation des objectifs » en matière de climat et d’énergie pour 2020, la consommation d’énergie diminue, les émissions de gaz à effet de serre étaient dès 2015 inférieures de 22 % au niveau de 1990, les énergies renouvelables ont atteint une part de 16 % dans la consommation finale brute d’énergie en 2014… Alors qu’entre 1990 et 2015, le PIB cumulé a progressé de 50 %, les émissions de CO2 ont diminué de 22 %.

Afin d’illustrer la diversité et la complexité des problématiques environnementales, mais aussi institutionnelles et réglementaires, qui nuisent à l’effectivité du droit de l’environnement dans l’Union européenne, il est utile de se référer à un échantillon de quelques affaires choisi à dessein au gré des développements jurisprudentiels en fonction de la diversité des bases juridiques en cause au stade du processus normatif, et des procédures juridictionnelles au stade du contentieux de leur application.

A) LEMAÏSTRANSGÉNIQUEDENOVARTIS

Le Conseil d’État français, ayant suspendu la mise en culture d’une variété de semences de maïs génétiquement modifié au motif qu’un moyen soulevé paraissait sérieux et de nature à justifier l’annulation de l’arrêté qui l’avait inscrite au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées11, a interrogé la Cour de justice à titre préjudiciel sur l’interprétation de la directive 90/220, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement12, qui était fondée sur l’article 100 A du traité CE (devenu article 114 FUE), s’agissant d’une mesure relative à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur.

La Cour a jugé que les autorités françaises étaient en situation de compétence liée parce qu’une décision favorable était intervenue au niveau européen et que la seule alternative pour un État membre qui estime que ces OGM présentent un risque pour la santé humaine ou l’environnement est en ce cas de prendre des mesures de sauvegarde s’il dispose « entretemps de nouveaux éléments d’information qui l’amènent à considérer que le produit qui a fait l’objet de la notification peut présenter un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement » et en informant immédiatement la Commission et les autres États membres13.

Un consensus n’ayant pas été trouvé en matière d’OGM, et l’histoire pouvant ainsi se répéter, la Cour a de nouveau désapprouvé la France sur recours préjudiciel du Conseil d’État lorsque, fin 2007, cédant à la pression médiatique, elle suspendit la cession et l’utilisation des semences de maïs MON 810, puis la mise en culture des variétés de ces semences14. Plus fort encore, le Tribunal a fini par condamner la Commission en carence pour ne pas avoir pris de décision sur une demande d’autorisation déposée douze ans plus tôt, comme elle aurait dû le faire après que les États membres ne soient pas parvenus à prendre une décision à la majorité qualifiée15.

B) LATENEURENNITRATESDEL’EAUDESUEZ LYONNAISE

La seconde affaire est tout aussi illustrative de l’importance des questions environnementales aux yeux de l’opinion publique française, attentive aux nitrates autant en raison du phénomène des algues vertes que parce que les mesures destinées à l’endiguer pèsent sur un secteur agricole très audible. Sur le plan institutionnel, cette affaire fait apparaître au grand jour la montée en puissance de la responsabilité de l’État du fait de sa carence dans la mise en œuvre des réglementations environnementales.

Fondée sur l’article 130 S du traité CE (devenu article 192 FUE), la directive 91/676 du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles16, prescrit aux États membres de désigner comme zones vulnérables toutes celles qui alimentent les eaux atteintes par la pollution et qui sont susceptibles de l’être et d’établir des programmes d’action pour ces zones.

L’État a été condamné par le juge administratif à garantir un distributeur d’eau qui avait dû indemniser des habitants de la ville de Guingamp de la qualité non-conforme des eaux mises à leur disposition, au motif qu’il ne lui incombait pas de supporter les conséquences de cette non-conformité aux normes européennes imputable aux manquements de l’État17. La France a ensuite été condamnée plus classiquement par la Cour de justice en manquement d’État pour ne pas avoir procédé de manière appropriée à la désignation des zones vulnérables18.

Puis la responsabilité de l’État a été engagée à l’égard de quatre associations bretonnes en réparation du préjudice moral que leur a causé la prolifération des algues vertes qui ont frappé les baies de Saint-Brieuc et de Douarnenez et qui provenaient « essentiellement de l’épandage des lisiers issus des exploitations d’élevage ». Le juge administratif s’est alors référé à la transposition tardive de la directive 91/676 et aux différentes procédures y relatives, outre divers autres manquements19. La Cour administrative d’appel a souligné dans la même affaire que la négociation avec les représentants de la profession agricole pour établir un système d’aide financière à l’adaptation des exploitations constituait une « carence fautive des autorités de l’État dans l’application aux exploitations agricoles d’élevage de la réglementation des installations classées »20.

C) LE « VERDISSEMENT » DUMARCHÉDESLIGNESD’AUTOBUSD’HELSINKI

D’autres affaires illustrent le rayonnement de la problématique environnementale, en particulier lorsqu’elle ébranle les pratiques bien ancrées du marché.

La Cour de justice, consacrant l’intégration des considérations environnementales dans la mise en œuvre de la réglementation des marchés publics, a jugé que, lorsque le pouvoir adjudicateur décide d’attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération des critères relatifs à la protection de l’environnement21. En l’espèce, la ville d’Helsinki, pouvoir adjudicateur, avait établi un barème sur la base de critères ayant trait notamment au niveau des émissions atmosphériques et sonores des autobus devant desservir une ligne de transports urbains. Visant expressément l’article 6 CE (devenu article 11 FUE), la Cour n’a toutefois pas fait du principe d’intégration une application très remarquable, ce qui ne doit pas surprendre, s’agissant avant tout d’un principe directeur d’action législative (voy. infra, Chapitre III), interprétant la directive applicable dans un sens favorable à l’environnement et donc aux critères contestés.

La réglementation des marchés publics s’est ensuite adaptée à la recherche de compromis entre les objectifs poursuivis par les règles du marché et la protection de l’environnement (voy. infra, Chapitre XV).

D) LELOGOETLECAHIERDESCHARGESD’ECO-EMBALLAGES

Les règles du marché ont contribué à la jurisprudence environnementale en France aussi, par exemple lorsque la Cour de cassation a interrogé la Cour de justice pour savoir si un décret relatif à l’identification des emballages à l’élimination desquels contribuent les producteurs constituait une règle technique devant être notifiée à la Commission et/ou une entrave à la libre circulation des marchandises. La Cour de justice a considéré que la notification de l’obligation d’identification « s’imposerait si elle entraînait […] eu égard à l’ensemble des éléments de fait et de droit […] une obligation de marquage ou d’étiquetage » bien que le décret ne précise pas quel signe doit être apposé22.

En l’occurrence, la Cour de cassation a décidé que l’obligation particulière de marquage provenait des seuls contrats conclus entre les producteurs et les éco-organismes auxquels ils confiaient la mission d’exécuter leurs obligations, et ne constituait de ce fait pas une spécification technique23.

E) DESFUITESDESSTATIONSSERVICESTEXACO, DUPÉTROLIERERIKAETDESRÉSEAUXD’EAUXUSÉES

Un autre exemple encore révèle le potentiel de questionnement du droit européen de l’environnement jusqu’aux catégories même du droit civil interne des États membres et surtout jusqu’aux confins des terrains de jeux politiques et industriels.

La Cour de justice a jugé qu’une compagnie pétrolière approvisionnant une station-service pouvait, dans certaines circonstances, être tenue des coûts de décontamination du sol et du sous-sol de celle-ci24, interprétant la directive 75/442 du 15 juillet 1975, relative aux déchets (voy. infra, Chapitre VII)25, qui était alors en vigueur. Le coût de l’élimination des déchets devait être supporté par leur détenteur et/ou détenteurs antérieurs ou par le producteur du produit générateur de déchets « conformément au principe du pollueur-payeur ». De même, la terre contaminée par des substances qui se déversent accidentellement lui a paru pouvoir être qualifiée de déchet, et ce qu’elle soit excavée ou non, car l’exploitant « s’en défait », ce qui en est caractéristique.

La jurisprudence Van de Walle, du nom de l’ancien exploitant de cette station-service, a ensuite été étendue par la Cour de justice aux eaux usées fuitant des canalisations du distributeur d’eau anglais Thames Water, puis aux hydrocarbures qui s’étaient engouffrés par la brèche de la coque du pétrolier échoué Erika. C’est alors que le législateur y porta un coup sérieux, en excluant les sols et sous-sols du champ d’application de la réglementation générale des déchets (voy. infra, Chapitre VIII).

F) LEDÉTOURNEMENTDESEAUXDUFLEUVE ACHÉLOOSVERSLEFLEUVE PINEIOS

Un projet de détournement des eaux d’un fleuve vers un autre permet d’illustrer certains phénomènes liés à l’évolution, sinon du droit européen de l’environnement, au moins de sa pratique. Vingt ans de contentieux, cinq arrêts du Conseil d’État grec annulant des décisions administratives aboutirent à la saisine de la Cour de justice à titre préjudiciel sur pas moins de quatorze questions impliquant quatre des directives environnementales les plus notoires, et on se limitera ici à souligner la diversité des thèmes abordés dans cette affaire26.

On lit à cette occasion que, dès la période transitoire prévue par une directive fondamentale de la politique de l’eau (voy. infra, Chapitre V) pour la mise en œuvre progressive de son dispositif complexe, les États membres doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation de ses objectifs. Ledit détournement, dans la mesure où il est susceptible d’entraîner des effets négatifs pour l’eau, peut être autorisé si ces modifications ou ces altérations « répondent à un intérêt général majeur », ou si les bénéfices pour l’environnement et la société de leur maintien sont « inférieurs aux bénéfices pour la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable qui résultent des nouvelles modifications ou altérations », par exemple si le bassin récepteur est dans l’impossibilité de satisfaire par ses propres ressources aquatiques à ses besoins en eau potable, en production d’électricité ou en irrigation.

Quant à la préservation de la biodiversité (voy. infra, Chapitre VI), elle peut, dans certains cas, « requérir le maintien, voire l’encouragement, d’activités humaines ». Dès lors, toute mesure compensatoire rendue nécessaire par la transformation d’un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre fortement anthropique « doit s’appliquer à la lumière de l’objectif du développement durable ».

La Cour a encore précisé qu’une loi qui approuve un tel projet, en se fondant sur une évaluation des incidences environnementales qui avait servi de base à une décision administrative adoptée au terme d’une procédure conforme aux obligations d’information et de participation du public (voy. infra, Chapitre V), peut s’appuyer sur des informations recueillies dans le cadre de la procédure administrative antérieure, la circonstance que la décision administrative a finalement été annulée étant, en tant que telle, sans pertinence.

§ 3. – UNERECHERCHED’EFFICIENCESTRUCTURANTE

Jusqu’au début des années 1990, le droit européen de l’environnement était composé de mesures s’attachant aux différents domaines de l’environnement (air, eau, milieux naturels) et aux objets ayant un impact sur celui-ci (déchets, objets bruyants, substances dangereuses). Il posait des paramètres tendant à assurer la satisfaction d’objectifs de qualité ou le respect de valeurs limites d’émission, et même de normes de procédé. Les activités les plus sensibles étaient interdites, comme la capture et le commerce de certaines espèces d’oiseaux sauvages menacées d’extinction, l’exploitation des avions les plus bruyants ou les opérations portant sur des gaz nocifs pour la couche d’ozone, alors que d’autres étaient soumises à autorisation préalable, telles l’élimination des déchets ou les opérations concernant les OGM.

La mise en œuvre de ce corps de réglementation était loin d’être assurée de manière cohérente dans les différents États membres. L’ensemble était d’autant plus critiqué qu’outre sa technique purement réglementaire, il s’agissait d’une juxtaposition de mesures éparses, visant à empêcher que les dispositions nationales de protection de l’environnement fassent obstacle à la libre circulation des produits dans le marché commun alors en pleine construction ou à réagir à des phénomènes ou à des événements particuliers, comme la catastrophe environnementale de Seveso.

Le cinquième programme d’action pour l’environnement27 esquissa en 1993 une gamme plus large d’instruments juridiques : la réglementation avait d’abord été sectorielle, omettant ainsi de prendre en considération les nombreuses interdépendances propres à la matière, mais le besoin d’autres instruments, plus efficients s’est manifesté. De nombreux dispositifs, notamment ceux sur la qualité de l’air ou les ressources en eau, consolident ainsi les réglementations existantes, « intégrant » l’ensemble des mesures relatives à tout ou partie d’un secteur de l’environnement en tenant compte de leurs répercussions sur les autres secteurs. Une autre approche, dite transversale, doit aussi permettre de mieux tenir compte de leur interdépendance et de couvrir les divers aspects de l’environnement touchés par un phénomène, par exemple une activité économique, approche parfois qualifiée d’« intégrée ». Des instruments économiques et fiscaux s’appuient sur les phénomènes micro-économiques, même s’ils ne parviennent pas à prospérer dans une mesure telle qu’ils puissent un jour faire pièce aux réglementations sectorielles.

Le sixième programme d’action pour l’environnement de 200228 définit des priorités principales dans les secteurs de l’environnement les plus cruciaux : le changement climatique, la nature et la diversité biologique, la santé et la qualité de la vie, les ressources naturelles et les déchets. Sur le plan juridique, il participait d’un classicisme plus marqué que son prédécesseur, et même d’une certaine réaction, en posant que « la réglementation demeure un outil essentiel […] ». Les autorités européennes ne pouvaient au demeurant se montrer plus satisfaites de sa transposition dans les ordres juridiques des États membres, ni de son application, ce qui ne laissait d’autre possibilité que de décider, dans un élan qui n’était pas sans comporter une certaine dose d’autocritique, que « la mise en œuvre intégrale et correcte de la législation en vigueur constituera une priorité ».

Le septième programme29, qui couvre la période 2014-2020, constate des lacunes dans les quatre domaines prioritaires définis par son prédécesseur. Or, l’Union « s’est fixé pour objectif de devenir une économie intelligente, durable et inclusive d’ici à 2020, forte d’un ensemble de politiques et de mesures visant à faire d’elle une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources ». Dès lors, « un engagement absolu » des États membres et des institutions compétentes de l’Union est nécessaire : « la prospérité à long terme de l’Union est subordonnée à l’adoption de nouvelles mesures » permettant de relever les défis environnementaux, et des objectifs prioritaires sont fixés pour 2020 « sur la base d’une vision claire à long terme pour 2050 », permettant également de « créer un environnement stable favorable à des investissements et à une croissance durables ».

§ 4. – LEGRANDCHAMBARDEMENTCLIMATIQUEETLATRANSITIONÉNERGÉTIQUE

À peine le droit de l’environnement avait-il pu paraître avoir accédé à un cadre institutionnel et à une structure juridique matures, il fut ébranlé par le fracas universel des problématiques climatiques. La négociation climatique internationale et l’action législative correspondante au sein de l’Union suscitèrent un déploiement normatif tous azimuts, un subtil équilibre s’établissant entre des engagements substantiels moins fermes et un régime de « sanction » juridique moins stigmatisant pour les États, reposant sur des processus de « facilitation » et de contrôle infra-juridictionnels.

A. La négociation climatique multilatérale et ses répercussions dans l’ordre européen

La Communauté a été aux avant-postes de la lutte contre les changements climatiques, approuvant la convention-cadre des Nations unies du 9 mai 1992 sur les changements climatiques (CCNUCC) et le protocole de Kyoto, et elle avait adopté sans attendre leur entrée en vigueur de premières mesures esquissées par un programme européen sur le changement climatique30. Cette « politique d’exemplarité » pour décevante qu’elle fût quant à l’effet d’entraînement qu’elle visait à produire, n’en a pas moins laissé aux Européens une importante production normative.

1. Une politique d’exemplarité décevante

Les parties à la CCNUCC ont échoué à Copenhague en décembre 2009 à souscrire des engagements pour l’« après 2012 ». Les Européens s’étaient fixé un objectif de réduction de ses émissions de 20 % à l’horizon 2020 par rapport à 1990, voire 30 % en cas d’accord international. La Communauté avait adopté le 23 avril 2009 un « paquet de mesures » ambitieux31. Las, ils durent faire face à deux évidences : l’insuffisance de ces objectifs et l’incapacité de la communauté internationale à souscrire des engagements de réduction.

En vue, cette fois-ci, de la fameuse COP 21 de décembre 201532, le Conseil Européen esquissa un « cadre pour la politique 2030 du climat et de l’énergie » à peine consensuel : l’adoption de toutes mesures concrètes fût renvoyée « après la conférence de Paris », pour laquelle il appelait les autres pays à proposer des objectifs et des politiques ambitieux33. L’Union et ses États membres devraient, quant à eux, relever leur objectif conjoint de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % pour 2020 à 40 % en 2030, toujours par rapport au niveau de 199034, le Conseil appelant de ses vœux un ensemble complet de décisions substantielles35. La réduction des émissions serait 43 % par rapport au niveau de 2005 pour les secteurs soumis au système d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre (« SEQE ») et de 30 % pour les autres secteurs ; la part des énergies renouvelables dans la consommation dans l’Union devrait être relevée à 27 % ; un autre objectif de 27 % d’amélioration de l’efficacité énergétique, ne serait qu’indicatif. En l’absence de contraintes pesant sur les États membres, la Commission concevrait un « nouveau processus de gouvernance ».

Contrairement à ce qui peut paraître, l’accord de Paris36 qui a alors été adopté par 195 États n’est pas sans incidences sur le droit européen37, même en l’absence d’engagements chiffrés de réduction des émissions. Le cœur du dispositif réside dans les contributions des parties « déterminées nationalement » (les fameuses Nationally Determined Contributions ou « NDCs ») qui « doivent » constituer des « efforts ambitieux […] en vue d’atteindre » ses objectifs. Chaque partie doit communiquer ses contributions tous les cinq ans, chacune représentant une progression par rapport à la précédente et « reflétant sa plus haute ambition possible ». Surtout, plus dans le « cadre de transparence renforcée » mis en place par l’article 13 de l’accord de Paris que par application de l’idée dissuasive de « name and shame », les parties « doivent » rendre compte de leurs contributions et l’information ainsi rapportée sera soumise à une « revue » d’expertise technique, même si le « cadre de transparence améliorée pour l’action et le soutien » sera mis en œuvre d’une « manière facilitative, non intrusive, non punitive, dans le respect de la souveraineté nationale et en évitant d’imposer des fardeaux indus aux parties ».

Au demeurant, la politique d’exemplarité qui avait conduit à anticiper sur la mise en œuvre du protocole de Kyoto, puis sur la conférence de Copenhague, a fait place à Paris à une discrétion teintée de circonspection, l’Union y cédant le devant de la scène aux États-Unis et à la Chine.

2. Un droit matériel foisonnant

Les mesures adoptées ont été diverses et variées, relevant tantôt d’une classique réglementation sectorielle des émissions de certaines activités, tantôt de l’incitation financière, tantôt des instruments de marché, avec bien d’autres variations et nuances, et parfois précoces38. La pièce maîtresse du dispositif, le SEQE, un mécanisme de marché39, a été étendue et renforcée par une des directives du paquet législatif de 2009, lesquelles diffèrent beaucoup les unes des autres : une décision relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre40, trois autres directives relatives à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables41 ; aux spécifications relatives aux carburants42 ; et au stockage géologique du dioxyde de carbone43 ; un règlement sur les émissions des voitures particulières44.

Dans le prolongement de l’accord de Paris45, et en complément de la proposition d’une nouvelle révision du SEQE faite le 15 juillet 201546, la Commission a présenté deux nouvelles propositions de « paquets législatifs ». Un premier ensemble de mesures est destiné à accélérer la transition « vers une économie à faible intensité de carbone dans tous les secteurs »47, et a débouché sur deux règlements adoptés le 30 mai 2018. Le premier a pris la suite de la décision relative à l’effort à fournir par les États membres précitée : il s’agit du règlement 2018/842, relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030, contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris48. Son objet est de faire en sorte que chaque État membre ne dépasse pas un niveau défini d’émissions pour les activités des secteurs « énergie, processus industriels et utilisation des produits, agriculture et déchets » et à l’exclusion de celles visées par le SEQE. Le second, le règlement 2018/841, relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF)49 s’inscrit dans la perspective de l’accord de Paris d’un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions par les puits de gaz à effet de serre au cours de la seconde moitié du siècle.

Le deuxième « paquet législatif » intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens »50, a conduit à la révision de trois directives. La nouvelle directive 2018/2001 du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables51, qui a substitué celle de 200952, fixe un objectif contraignant de 32 % au moins d’énergie renouvelable dans la consommation totale à l’horizon 2030. Cependant, les États membres ne sont plus tenus à des objectifs individuels et il appartient à la Commission de faire en sorte que leurs actions combinées, dans le cadre de « plans nationaux intégrés climat et énergie », rendent l’objectif commun réalisable. En revanche, les dispositifs en faveur de l’efficacité énergétique restent répartis entre deux textes distincts, la directive 2010/31 sur la performance énergétique des bâtiments53 et la directive 2012/27 sur l’efficacité énergétique54, lesquelles sont modifiées par une directive du 30 mai 201855.

La représentation graphique ci-dessous permet de visualiser la juxtaposition de ces dispositifs de droit du climat s’appliquant aux principaux secteurs d’activité concernés :

B. Le déploiement normatif tous azimuts du droit du climat

Aux traditionnelles interventions chères à l’économie politique, « au niveau de l’offre » de produits énergétiques, d’une part, et agissant « au niveau de la demande » de ces mêmes produits énergétiques, d’autre part, il faut ici ajouter, au-delà de toute considération de politique économique, des mesures agissant « au niveau du citoyen ».

1. L’intervention publique « au niveau de l’offre »

Les mesures « au niveau de l’offre » prêtent le plus à controverse car il est souvent considéré que le marché et ses règles ne sont pas favorables aux intérêts environnementaux. Or, les dispositions prises en faveur de la transition énergétique s’y rattachent souvent.

Ainsi en est-il du règlement 2018/842, relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions, comme, auparavant, de la décision précitée « sur l’effort à répartir » entre les États membres, ceux-ci disposant d’une large marge de manœuvre pour déterminer comment obtenir les réductions attendues des principaux secteurs économiques qui ne relèvent pas du SEQE. La directive précitée sur le captage et le stockage géologique du dioxyde de carbone, « technologie de transition » et non substitut aux actions visant à la réduction des émissions56, établit un cadre juridique autour de trois phases principales : l’exploration et la sélection des sites de stockage, leur exploitation et leur fermeture. Le règlement no 443/2009, également précité, plafonne les émissions moyennes des véhicules automobiles, sous peine d’une « prime sur les émissions excédentaires » imposée au constructeur contrevenant de 95 euros par gramme de CO2/km57.

L’importance des mesures « au niveau de l’offre » se mesure encore sur le terrain, essentiel, du soutien public aux énergies renouvelables. À l’échelle micro-économique, l’incitation financière figure traditionnellement au premier rang des mesures que les États membres mettent en œuvre pour créer les conditions propres à leur permettre d’atteindre leurs objectifs en termes de bouquet énergétique. Ces incitations, toutes déployées en faveur des producteurs, ont des formes diverses : aides à l’investissement, exonérations ou réductions fiscales, obligations d’utiliser de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, régimes de soutien direct des prix, y compris tarifs et primes de rachat… Mais, depuis quelques années, la Commission insiste sur la nécessité de « réduire au minimum l’incidence de l’intervention publique sur les systèmes électriques et la concurrence, et (de) mettre fin aux subventions déguisées », les États membres étant tenus de veiller à ce que les règles nationales qui ne sont pas harmonisées ne privilégient pas une technologie plutôt qu’une autre et ne dispensent aucun producteur d’électricité d’assumer les conséquences financières de ses actes58.

De la même façon, il était traditionnellement admis que les États membres « ont le droit de décider […] dans quelle mesure ils soutiennent l’énergie provenant de sources renouvelables qui est produite dans un autre État membre »59, ce qu’a bien illustré la jurisprudence de la Cour de justice dans les affaires Ålands Vindkraft60 et Essent Belgium61.

Cependant, si le fonctionnement du marché suffisait à assurer que toutes les décisions des acheteurs d’énergie soient économiquement et écologiquement rationnelles, les autorités publiques feraient en sorte que les prix des produits énergétiques intègrent correctement les externalités correspondantes et la transition énergétique s’opérerait alors d’elle-même. Or, la multitude des dispositifs de toutes sortes mis en œuvre montre que, soit cette évidence n’est pas vraie, soit les externalités ne sont pas aussi importantes qu’on le dit, soit encore elles ne sont pas effectivement reflétées dans les prix sur le marché. D’où la nécessité pour l’intervention publique de se situer aussi « au niveau de la demande ».

2. L’intervention publique « au niveau de la demande »

Ainsi, la directive relative à la performance énergétique des bâtiments vise à « parvenir à des niveaux optimaux en fonction des coûts » en favorisant l’utilisation de procédés techniques idoines dans les bâtiments neufs qui devraient être à « consommation d’énergie quasi nulle » dès le 31 décembre 2020, et même dans ceux, existants, qui font l’objet de travaux de rénovation importants dans la mesure où cela est techniquement, fonctionnellement et économiquement réalisable. De la même façon, la directive relative à l’efficacité énergétique prévoit des plans nationaux d’action en matière d’efficacité énergétique appréhendant non seulement la fourniture, mais aussi le transport, la distribution et l’utilisation finale de l’énergie.

Une nouvelle accélération du « verdissement des marchés publics » est survenue en 2014 à l’occasion de la dernière réforme du droit européen de la commande publique62 : les pouvoirs adjudicateurs y sont invités à prendre en compte « tous les coûts supportés durant le cycle de vie des travaux, fournitures ou services », y compris « les coûts imputés aux externalités environnementales » en particulier celui des émissions de gaz à effet de serre et « d’autres coûts d’atténuation du changement climatique », et ce « y compris les facteurs intervenant dans le processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation et ses conditions ».

Mais, quelle que soit l’importance des interventions publiques « au niveau de l’offre » et « au niveau de la demande », l’arsenal classique s’inspirant de l’économie politique n’est pas suffisant, en grande partie parce que la volonté politique se détermine dans un horizon temporel qui est beaucoup plus court et opportuniste que la transition énergétique.

3. L’intervention publique « au niveau du citoyen »

C’est pourquoi un des aiguillons de l’intervention en matière climatique réside dans le rôle moteur du public, c’est-à-dire qu’elle requiert une action « au niveau du citoyen », par opposition à l’agent économique, fournisseur ou consommateur. Les compromis inhérents à la recherche d’un développement durable, objectif aujourd’hui largement accepté, sont en effet tellement délicats à opérer que les pouvoirs traditionnels peinent à trouver les moyens pour atteindre les objectifs qu’ils se fixent à eux-mêmes. Ils doivent s’accommoder d’une dose de démocratie directe, de l’influence du citoyen sur les actions prises dans le cadre politique de l’environnement et de l’énergie. Ce qui interroge l’existence d’un droit à la transition énergétique (en marge d’un droit à un environnement sain ?). Les obligations de « soft law » conviennent particulièrement en droit international public aux situations dans lesquelles il est impossible ou prématuré pour les États de souscrire des engagements forts. L’accord de Paris, sur le fond sinon dans sa forme, en est un exemple, et sa mise en œuvre dans l’Union appelle de nouvelles approches.

Les 195 pays participant à la COP 21 y ont reconnu formellement le besoin « d’une réponse effective et progressive à la menace urgente du changement climatique ». Toute carence, abstention ou action insuffisante, deviendra de ce fait un enjeu juridique, que ce soit au regard du droit international, régional ou national, des juridictions pouvant en tirer les conséquences à l’instigation de la société civile et en fonction de la place qui lui est donnée par leurs systèmes juridiques respectifs.

Les principes d’information et de participation du public à la prise de décision en matière environnementale ont vocation à s’appliquer à la transition énergétique, et peut-être même les droits fondamentaux. L’Union est apparue en défaut par rapport aux obligations qu’elle avait souscrite à l’égard de certains de ces engagements selon le Comité d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, des ressortissants ayant fait valoir que les autorités publiques nationales et l’Union avaient manqué à leur obligation de diffuser en temps opportun des informations exactes et suffisantes concernant leur action en matière d’énergies renouvelables63. Les textes de droit conventionnel relatifs aux droits de l’Homme sont un vecteur potentiel de progrès puisqu’ils comportent des systèmes contentieux effectifs et ouverts aux individus et que le changement climatique peut mettre en cause des droits tels que le droit à la vie, à l’autodétermination, à l’eau, à la nourriture, à la santé, ou à une qualité de vie adéquate64. Et la responsabilité de l’État peut être engagée en raison non seulement de son interférence « active » dans l’exercice d’un droit, mais aussi de la non-adoption de mesures positives que l’application concrète du droit requiert, c’est-à-dire d’une ingérence passive65. Une juridiction hollandaise a ordonné aux Pays-Bas de limiter le volume total d’émissions nationales de gaz à effet de serre66 en citant les objectifs et principes posés dans la CCNUCC et le traité FUE qui, s’ils n’ont pas d’effet direct, « constituent un point de vue important pour apprécier si l’État a agi de manière fautive ou non » au regard des principes de la responsabilité civile. La motivation de cette longue décision tenait en quelques points prévisibles, mais la Cour d’appel de La Haye n’a eu besoin que d’un seul motif pour confirmer le jugement, à savoir que l’État néerlandais agissait de manière illégale car en contravention avec les articles 2 et 8 de la CEDH67, et le recours porté devant la Cour suprême des Pays-Bas a été rejeté68. Plus près de nous, le Conseil d’État français s’est engagé dans une voie comparable lorsqu’il a ordonné la production des « éléments et motifs permettant d’établir la compatibilité du refus opposé » par l’administration « avec la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre telle qu’elle résulte du décret du 21 avril 2020 permettant d’atteindre l’objectif de réduction du niveau des émissions de gaz à effet de serre produites par la France fixé par l’article L. 100-4 du Code de l’énergie et par l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 »69. Dans le même esprit, la Cour d’appel du Royaume-Uni a exigé du gouvernement britannique qu’il tienne compte des engagements politiques qu’il a souscrits en matière politique, fusse en expliquant pourquoi il jugerait opportun de ne pas les respecter70.

Jusqu’où le citoyen peut-il « forcer » la transition énergétique sans porter atteinte à ceux d’un autre citoyen ? Les droits des investisseurs sont sous les feux de l’actualité depuis de récentes affaires d’autant moins probantes que non encore jugées71 et les négociations du projet de traité transatlantique de commerce et d’investissement. Un parallèle ironique peut être esquissé avec la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte72, et plus particulièrement l’article L. 311-5-5 nouveau du Code de l’énergie qui plafonne la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire à un niveau inférieur à la somme des puissances résultant des autorisations accordées, contraignant ainsi EDF à renoncer à certaines d’entre elles. En effet, selon le juge constitutionnel français, ces dispositions « ne font pas obstacle » à ce que les exploitants « puissent prétendre à une indemnisation du préjudice subi »73. De la même façon, on peut mentionner le traité sur la charte de l’Énergie de 1994, ratifié par 51 pays et l’Union qui, pour stimuler le redressement des pays européens de l’ancien bloc soviétique et assurer la sécurité d’approvisionnement en énergie de l’Union, se sont engagés à optimiser l’efficacité de la production, de la transformation, du transport, de la distribution et de la consommation d’énergie et à favoriser les transferts de technologie, mais non sans assurer la protection des investisseurs…

C. L’ambiguïté institutionnelle de l’action en matière énergétique et la tentation d’une « gouvernance de l’Union de l’énergie »

Si le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, a institué une politique européenne de l’énergie à l’article 194 FUE, elle est assujettie à des contraintes telles que les engagements souscrits au niveau multilatéral imposeront de recourir à des palliatifs.

1. Un cadre institutionnel contraint

Lorsque les États membres sont convenus de se concerter « sur les grandes décisions prises au niveau national dans le domaine énergétique qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur d’autres États membres », c’est à la condition que les choix nationaux en matière de bouquet énergétique soient « pleinement respectés »74. C’est alors que la Commission s’avisa de « définir le rôle, le degré et la nature de l’intervention publique, dans le respect du principe de subsidiarité, au niveau européen, régional, national ou local », tout en invitant les États membres « à garantir des approches cohérentes dans l’ensemble de l’Union ». Elle insista sur la nécessité de « réduire au minimum l’incidence de l’intervention publique sur les systèmes électriques et la concurrence », sans privilégier une technologie plutôt qu’une autre ni dispenser un producteur d’électricité d’assumer les conséquences financières de ses actes75. Un bras de fer est engagé : les États membres veulent que l’Union respecte ses engagements internationaux sans que cela entraîne de contrainte pour eux, et la Commission, qui en est la garante, cherche à s’en donner les moyens.

Sur le plan institutionnel, la commonalité de préoccupations des politiques de l’environnement et de l’énergie ressort de leurs objectifs respectifs. La politique de l’environnement doit, entre autres, viser une « utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles » dont font évidemment partie les ressources énergétiques. La politique de l’énergie doit, notamment, « promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ». La confusion est grande puisque les principaux textes de droit dérivé préexistants à la politique de l’énergie, ceux sur la promotion de l’énergie de sources renouvelables, la performance énergétique des bâtiments et l’efficacité énergétique, furent fondés sur l’ex-article 175, § 1, CE (devenu article 192, § 1, FUE), de telle sorte qu’un des principaux objectifs de la politique de l’énergie était, ab initio, porté par la politique de l’environnement. D’ailleurs, les deux derniers ont été abrogés et remplacés depuis par des mesures prises au visa de l’article 194, § 2, FUE : la directive 2010/31 et la directive 2012/27 susmentionnées. Et, sur l’énergie de sources renouvelables, la nouvelle directive 2018/2001 également susmentionnée est elle aussi fondée sur l’article 194, alors que celle de 2009 avait été prise dans le cadre de la politique de l’environnement. De tels changements de base juridique, pour des dispositifs dont l’objet et l’esprit sont pourtant substantiellement identiques, illustrent bien cette proximité entre les deux fondements. Le traité de Lisbonne a donc ici opéré une translation du pouvoir principal des institutions européennes depuis les domaines d’action environnementaux vers la politique de l’énergie.

Or, l’article 194, § 2, FUE prévoit que les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs « n’affectent pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans préjudice de l’article 192, § 2, point c) ». Ainsi, la politique de l’énergie ne permet pas de mesures affectant, d’une manière quelconque, « les choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique » (art. 194, § 2, FUE), mais les mesures affectant « sensiblement » ces mêmes choix peuvent être adoptées dans le cadre de la politique de l’environnement même si ce n’est que selon la procédure législative spéciale, donc à l’unanimité des États membres (art. 192, § 2, (c), FUE).

2. Une nouvelle « gouvernance »

Confrontée à ces contraintes et aux obligations collectives dépourvues de relais nationaux envisagés des deux propositions de paquets législatifs de 2016 évoqués plus haut, la Commission a imaginé une nouvelle « gouvernance de l’Union de l’énergie » devant lui permettre de faire en sorte, dans son rôle de gardienne des traités, que l’Union atteigne ses objectifs. C’est l’objet du règlement 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat76, qui vise à mettre en œuvre des stratégies et des mesures destinées à atteindre les objectifs généraux et les objectifs spécifiques de l’union de l’énergie ainsi que les engagements à long terme pris par l’Union conformément à l’accord de Paris et à « garantir l’actualité, la transparence, l’exactitude, la cohérence, la comparabilité et l’exhaustivité des informations soumises par l’Union et ses États membres au secrétariat de la CCNUCC et de l’accord de Paris ». À cette fin est mis en place un processus « itératif » entre la Commission et les États membres en vue de la préparation et de la mise en œuvre de « plans nationaux intégrés énergie et climat » touchant aussi bien au SEQE qu’aux dispositifs relatifs aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique, à la performance énergétique des bâtiments, etc. La Commission peut émettre des recommandations en ce qui concerne le niveau d’ambition de leurs objectifs, cibles et contributions dont les États membres devraient tenir le plus grand compte. Elle fait ensuite rapport des progrès réalisés pour atteindre les objectifs communs et peut prendre certaines mesures à cette fin.

Un parallèle est possible entre la revue d’expert du « cadre de transparence renforcée » de l’accord de Paris et cette nouvelle « gouvernance de l’Union de l’énergie » européenne, entre les rapports nationaux fournis au secrétariat de l’accord de Paris et à la Commission européenne, et entre leurs traitements et les publicités qui y seraient données. On serait alors aussi conduits à sonder la portée juridique des recommandations susmentionnées de la Commission, peut-être à l’aune du principe de coopération loyale de l’article 4, § 3, TUE.

Tant au niveau international qu’européen, la souplesse normative exigée par les États pour souscrire quelque engagement se répercute désormais jusqu’au droit processuel où ils privilégient facilitation et revue d’experts peu stigmatisants, bref un droit processuel répliquant en quelque sorte au caractère de soft-law desdits engagements substantiels. Ce qui ouvre tout grand la voie aux acteurs non étatiques, acteurs économiques autant que société civile, et peut-être surtout aux juridictions de tout poil, pour s’emparer de leurs carences, loin du bel ordonnancement juridictionnel à l’abri duquel ils étaient jusqu’alors accoutumés. L’impératif planétaire de lutte contre les changements climatiques aboutit ainsi à une sorte de déconstruction du droit européen qui évoque un grand chambardement climatique. D’une part, la négociation multilatérale aussi bien que les divergences entre États membres de l’Union provoquent un recul de la norme substantielle au profit d’engagements plus proches de la soft-law. D’autre part, l’universalité du phénomène climatique requiert des actions multiples, d’une diversité et d’une modularité inédites, et s’adressant à des activités et à des acteurs de toutes natures, transcendant de ce fait toutes les structures et catégories juridiques établies. Il faut alors inventer de nouvelles démarches qui, faisant fi des cadres et intérêts en présence, et donc des moyens de solliciter les uns en ménageant les autres, s’attachent à un résultat, en fixant des objectifs communs et en observant leur réalisation. Le droit processuel l’emporte de ce fait inexorablement sur le droit substantiel et la porte est ouverte à de nouveaux mécanismes dont flexibilité et souplesse sont les maîtres-mots. L’accord de Paris est à considérer, de ce point de vue, comme un précurseur du droit européen.

§ 5. – LEPACTEVERTPOURL’EUROPE

La Commission européenne a présenté une communication intitulée « Le pacte vert pour l’Europe »77 le 11 décembre 2019, la veille de la déclaration du Conseil européen faisant sien « l’objectif consistant à parvenir d’ici 2050 à une UE neutre pour le climat, conformément aux objectifs de l’accord de Paris »78 et annonçant de nouvelles NDCs en ce sens79. Feuille de route « transformant les défis climatiques et environnementaux en opportunités dans tous les domaines d’action et en garantissant une transition juste et inclusive pour tous »80, ce « pacte vert » est à la fois l’annonce anticipée de ces nouvelles NDCs et une esquisse du huitième programme d’action pour l’environnement. Depuis, le Conseil a adressé la nouvelle NDC de l’Union et de ses États membres à la CCNUCC le 18 décembre 2020 avec un objectif actualisé et renforcé de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport à 199081.

Le pacte vert, dont l’intitulé en anglais, plus porteur de sens historique, est « European Green Deal », se présente comme une « nouvelle stratégie de croissance [qui] vise à transformer l’UE en une société juste et prospère, dotée d’une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, caractérisée par l’absence d’émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 et dans laquelle la croissance économique sera dissociée de l’utilisation des ressources » aussi bien qu’à satisfaire aux traditionnels objectifs environnementaux et sanitaires, précisant que « cette transition doit être juste et équitable ». L’Union transformerait son économie et sa société « pour les placer sur une trajectoire plus durable », sur la voie d’une « croissance durable et inclusive ». Le pacte vert fait partie intégrante de la stratégie visant à mettre en œuvre le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et ses objectifs de développement durable82. Il doit « repenser » les politiques en matière d’énergie propre, d’industrie, de production et de consommation, de grandes infrastructures, de transports, d’alimentation, d’agriculture, de construction, de fiscalité et de prestations sociales sans que soit niée la délicatesse des « possibles arbitrages entre des objectifs économiques, environnementaux et sociaux ».

À l’appui de ces propos ambitieux, la communication est accompagnée d’une liste d’« actions clés », une longue série d’initiatives, dont beaucoup à caractère législatif, que la Commission prévoit de prendre entre 2020 et 202183. Si la plus remarquée est une proposition relative à une première « “législation européenne sur le climat” consacrant l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 », d’autres iraient du renforcement de la législation climatique actuelle et d’« une nouvelle stratégie, plus ambitieuse, en matière d’adaptation au changement climatique »84 à un nouveau verdissement de la politique agricole commune85. Sans souci d’exhaustivité, on retiendra surtout que, sur le plan juridique, deux lignes-forces en ressortent relativement, d’une part, au climat (A) et, d’autre part, à ses éternels et turbulents compagnons de jeu, l’environnement et l’économie, en ce compris le « social » (B).

A. Le climat, cible essentielle : vers la « neutralité carbone en 2050 »

Primauté de l’urgence climatique oblige, l’axe de travail le plus important du pacte vert pour l’Europe passe par un « renforcement de l’ambition climatique de l’Union pour 2030 et 2050 »86. Le panel de mesures envisagées de ce seul point de vue est déjà très large puisque, outre la législation sur le climat déjà mentionnée (1), celles déjà adoptées sont appelées à être révisées (2), ainsi que, au-delà, les dispositifs pertinents relatifs aux bâtiments et aux transports (3), entre autres.

1. La « première législation européenne sur le climat »

La « première législation européenne sur le climat », qui est au cœur du pacte vert, doit consacrer l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, le rendre légalement contraignant tout en garantissant que « toutes les politiques de l’UE contribueront à l’objectif de neutralité climatique et que tous les secteurs joueront leur rôle »87. En réalité, l’accord de Paris prévoit déjà de « […] parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle […] ». La « neutralité climatique d’ici à 2050 » dans l’Union, qui est l’une des économies avancées à forte responsabilité historique dans le domaine climatique, n’est donc que la stricte application de l’accord de Paris.

La Commission a effectivement présenté, dès le 4 mars 2020, sa proposition de règlement établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique dit « loi européenne sur le climat »88, lequel fixerait « un objectif contraignant de neutralité climatique au sein de l’Union d’ici 2050 qui vise à respecter l’objectif de température à long terme énoncé à l’article 2 de l’accord de Paris » et prévoirait « un cadre permettant de progresser vers l’objectif mondial d’adaptation défini à l’article 7 de cet accord »89. Les institutions de l’Union et les États membres, chacun à son niveau, devraient prendre « les mesures nécessaires » pour permettre « la réalisation collective » de cet objectif, bien entendu « en tenant compte de la nécessité de promouvoir l’équité et la solidarité entre les États membres »90. Pour assurer la mise en œuvre de cet objectif commun de l’Union non décliné au niveau des États, la « loi européenne sur le climat » s’appuierait sur la gouvernance de l’union de l’énergie déjà évoquée91.

2. La révision des dispositions environnementales et énergétiques mettant en œuvre l’accord de Paris