Manuel de Leuven sur le droit international applicable aux opérations de paix - William H. Boothby - E-Book

Manuel de Leuven sur le droit international applicable aux opérations de paix E-Book

William H. Boothby

0,0
59,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Le Manuel de Leuven offre un aperçu complet des règles qui font autorité et qui doivent être respectées lors d’opérations de paix menées sous l’égide des Nations unies, de l’Union européenne, de l’OTAN, de l’Union africaine et d’autres organisations. Le Manuel contient également des commentaires détaillés sur les bonnes pratiques liées aux règles qu’il contient. Le Manuel aborde de nombreux sujets parmi lesquels les droits de l’homme, le droit international humanitaire, les aspects de genre, l’emploi de la force et la détention par les casques bleus, la protection des civils et la pertinence du droit de l’État hôte. Des universitaires de renom, des officiers militaires et des fonctionnaires, ayant une expérience pratique des opérations de paix contemporaines, figurent parmi le groupe international d’experts ayant contribué à l’ouvrage. Ce groupe a également pu compter sur les contributions d’experts des Nations unies, de l’Union africaine, de l’OTAN et du Comité international de la Croix-Rouge, fournies à titre individuel. Ce Manuel est destiné à servir les États et les organisations impliqués dans la planification et la conduite d’opérations de paix, ainsi que les practiciens et le monde académique.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
MOBI

Seitenzahl: 918

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larcier.com.

© Lefebvre Sarrut Belgium SA, 2021

Éditions Bruylant

Rue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

9782802770060

Sommaire

Collaborateurs à l’ouvrage

Préface

Remerciements

Contexte, contenu et approche du Manuel

Partie I Introduction

1. Champ d’application du Manuel

2. Bref historique du droit des opérations de paix

Partie II Cadre juridique applicable à la conduite des opérations de paix et articulation entre les régimes juridiques applicables

3. Mandat

4. Cadre juridique et procédures spécifiques à chaque organisation

5. Applicabilité du droit international des droits de l’homme aux opérations de paix

6. Applicabilité du droit international humanitaire aux opérations de paix

7. Mise en œuvre de la dimension de genre

8. Statut des forces et statut de la mission

9. Droit de l’État hôte

10. Droit de l’État d’envoi

11. Protocoles d’accord entre pays contributeurs de troupes et autres instruments et règlements pertinents

Partie III Conduite d’une opération de paix (mandatée) par les Nations unies

12. Emploi de la force

13. Détention

14. Protection des civils

15. Composantes aérienne et maritime des opérations de paix

16. Contrôle du respect des règles en matière de déontologie et de discipline

17. Promotion de l’État de droit

18. Déminage et enlèvement des restes explosifs

Partie IV Responsabilisation et responsabilité

19. Responsabilisation et responsabilité dans les opérations de paix

20. Demandes d’indemnités de tiers

21. Responsabilité pénale individuelle et justice pénale internationale dans le cadre des opérations de paix

Annexe I

Annexe II

Annexe III

Annexe IV

Annexe V

Annexe VI

Annexe VII

Annexe VIII

Table des matières

Collaborateurs à l’ouvrage

Composition du groupe d’experts et observateurs(1)

• Col (ret.) Roy H. Abbot (Australie)

• Jens Andersen (Observateur, ONU, DOMP)

• Suzanne Appelman (Service juridique de l’armée, Pays- Bas)

• Catherine Baele (Ministère de la Défense, Belgique)

• Marco Benatar (Institut Max Planck pour le droit procédural, Luxembourg)

• Tom de Boer (Pays-Bas)

• Antoaneta Boeva (Observateur, OTAN)

• Dr Bill Boothby (Royaume-Uni)

• Cdt (Marine) Gianmatteo Breda (Marine italienne)

• Dr Anne-Marie de Brouwer (Université de Tilburg)

• Col Cheik Dembele (Observateur, UA)

• Dr Petra Ditrichovà-Ochmannovà (Ministère de la Défense République tchèque, précédemment observateur pour l’OTAN)

• Dr Tristan Ferraro (Observateur, CICR)

• Dr Dieter Fleck (Allemagne)

• Professeur Terry Gill (Université d’Amsterdam et Académie de défense des Pays-Bas)

• Professeur Wolff Heintschel von Heinegg (Europa Universität Viadrina Frankfurt [Oder])

• Remy Jorritsma (Institut Max Planck pour le droit procédural, Luxembourg)

• Col Ben Klappe (Service juridique de l’armée, Pays-Bas)

• Bright Mando (Observateur, UA)

• Luke Mhlaba (Observateur, ONU, Bureau des affaires juridiques)

• Professeur associé Kjetil Mujezinovic Larsen (Centre norvégien pour les droits de l’homme)

• Dr Frederik Naert (Conseil de l’Union européenne, service juridique et Katholieke Universiteit Leuven)

• Col Abdulaye Ngouyamsa (Cameroun, précédemment CEEAC)

• Col Floribert Njako (Cameroun)

• Dr Aurel Sari (Université d’Exeter)

• Professeur Harmen van de Wilt (Université d’Amsterdam)

• Alfons Vanheusden (Secrétaire général adjoint de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre)

• Professeur Marjoleine Zieck (Université d’Amsterdam)

• Dr Marten Zwanenburg (Ministère des Affaires étrangères, Pays-Bas)

Composition du comité consultatif(2)

• Professeur Fausto Pocar (Président de l’Institut international de droit humanitaire, San Remo)

• Lt gén. (ret.) Abhijit Guha (Inde, membre du Groupe indépendant de haut niveau des Nations unies chargé d’étudier les opérations de paix)

• Dirk Dubois (Directeur du Collège européen de sécurité et de défense)

(1) Les affiliations des membres du groupe d’experts et observateurs datent de décembre 2017 et peuvent avoir changé depuis.

(2) Les affiliations des membres du comité consultatif datent de décembre 2017 et peuvent avoir changé depuis.

Préface

En 2011, le Conseil d’administration et le Conseil de direction de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre ont décidé de demander à un groupe d’experts de rédiger un Manuel sur le droit international applicable aux opérations de paix. Le projet a conduit, au fil des ans, à la tenue d’activités académiques dans le monde entier : le droit international applicable aux opérations de paix fut notamment discuté lors d’événements organisés au Cameroun, au Canada, en Chine, en République tchèque, en Allemagne, en Italie et au Pérou.

Deux des réunions, parmi les plus intenses et les plus productives, ont eu lieu dans la ville médiévale belge de Leuven. Au cours de sa longue histoire, la ville de Leuven a été assiégée et occupée à de nombreuses reprises. La ville a cependant su fièrement bâtir sa réputation de sanctuaire et de moteur de la connaissance, en particulier grâce à la fondation, en 1425, de la plus ancienne université des Pays-Bas du Sud, et ce, malgré la tragique destruction de sa célèbre bibliothèque universitaire lors de la Première Guerre mondiale.

L’histoire et le statut actuel de la ville de Leuven, en tant que sanctuaire paisible et prospère, caractérisé par sa soif de connaissance, a incité la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre à intituler le Manuel, « Le Manuel de Leuven sur le droit international applicable aux opérations de paix » afin de lier le nom de la ville à ce Manuel qui a pour objectif de faciliter le travail des décideurs politiques, des soldats de la paix et de tous ceux qui sont impliqués dans la formation et l’entraînement de ces hommes et de ces femmes aux fins d’une paix durable. Puisse la référence à la ville de Leuven donner l’espoir à cette communauté qui se consacre aux opérations de paix, que les villes déchirées par la guerre et les zones de conflits puissent retrouver leur gloire d’antan grâce aux efforts déployés en faveur de la paix !

Nous félicitons l’équipe de gestion du projet, les conseillers universitaires principaux et le groupe d’experts pour le résultat de leur dur labeur au cours des dernières années et nous remercions les observateurs auprès du projet pour leur engagement et leur précieuse et active participation tout au long du projet de recherche.

Général de brigade (ret.) Jan Peter Spijk et Ludwig Van Der Veken, président honoraire et secrétaire général de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre

Remerciements

La Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre adresse ses remerciements aux seize organisations ou institutions ci-après pour leur soutien :

1er Corps d’armée germano-néerlandais (www.1gnc.org)

Académie de défense des Pays-Bas (www.defensie.nl/nlda)

Académie des sciences militaires, Chine (http://english.chinamil.com.cn)

Centre norvégien pour les droits de l’homme (www.jus.uio.no/smr/english)

Forces armées du Chili (www.armada.cl)

Institut Max Planck Luxembourg pour le droit procédural (www.mpi.lux)

Ministère belge de la Défense (www.mil.be)

Ministère camerounais de la Défense (www.spm.gov.cm/en/public-administrations/national-security-defence/defence)

Ministère de l’Enseignement supérieur du Cameroun (www.minesup.gov.cm)

Ministère italien de la Défense (www.difesa.it/EN)

Swedish Defence University (www.fhs.se/en)

Université d’Amsterdam (www.uva.nl)

Université d’Exeter (www.exeter.ac.uk)

Université libre de Berlin (www.fu-berlin.de/en)

Université d’Utrecht (www.uu.nl/EN)

Vrije Universiteit Brussel (www.vub.ac.be)

Contexte, contenu et approche du Manuel

1. Sur proposition de M. Arne Willy Dahl, président honoraire de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre, le Conseil d’administration et le Conseil de direction de la Société(1) ont décidé en 2011 de demander à un groupe d’experts d’élaborer un manuel de droit international applicable aux opérations de paix. Le projet s’inspire notamment du Manuel de San Remo de 1994 sur le droit international applicable aux conflits armés en mer, du Manuel du HPCR de 2010 sur la guerre aérienne et anti-missile et sur le Manuel de Tallinn de 2013 sur le droit international applicable à la guerre cybernétique. Tout comme ces manuels, le Manuel de Leuven est également destiné aux praticiens et au monde académique. Il s’adresse aux officiels de haut rang d’organisations nationales et intergouvernementales, aux officiers supérieurs chargés de la planification et de la conduite des opérations de paix, aux cadres d’organisations non gouvernementales qui mènent des activités humanitaires ou d’autres activités connexes dans des zones où des opérations de paix ont lieu, ainsi qu’aux académiciens qui travaillent sur la recherche et l’enseignement des opérations de paix.

2. Le projet s’appuie sur le Handbook of theInternational Law of Military Operations, coédité par le Dr Dieter Fleck et le Professeur Terry Gill (qui aborde, entre autres, les opérations de paix). Ce manuel a, en effet, constitué une source d’information de premier plan et ses éditeurs ont contribué à la réalisation du projet, en tant que conseillers universitaires principaux. Tandis que ce dernier ouvrage visait à donner un aperçu complet des différentes règles et régimes juridiques régissant le déploiement de forces armées à l’étranger, et couvre un large éventail de missions, allant des opérations offensives aux opérations de paix, le présent Manuel aborde uniquement mais de manière exhaustive les opérations de paix dites « consensuelles », c’est-à-dire à la fois les missions traditionnelles de maintien de la paix mais aussi les opérations de paix pluridimensionnelles qui incluent des aspects de maintien de la paix, de consolidation de la paix, et de soutien au processus politique de résolution des conflits. Le Manuel de Leuven constitue donc un ouvrage différent qui aborde largement l’application du droit international dans les opérations de paix et couvre donc des thèmes qui n’ont pas été traités dans le Handbook of theInternational Law of Military Operations. En tant qu’ouvrage spécifique et détaillé, la teneur du présent Manuel dépasse, d’une part, le cadre du Handbook, lequel aborde le droit international applicable aux opérations militaires en général, et d’autre part les différents manuels nationaux destinés aux officiers, subalternes et supérieurs, du niveau tactique. Le Manuel est utile et peut être d’intérêt pour un large public, composé de décideurs politiques, de praticiens, d’universitaires et d’autres personnes intéressées par le sujet. L’autorité de l’ouvrage réside dans le fait qu’il présente le droit pertinent en matière d’opérations de paix et les bonnes pratiques qui y sont liées, dans un ensemble de règles structurées et compréhensibles qui ont été validées par les membres du groupe d’experts. Ce résultat est destiné à aider les États et les organisations internationales qui participent à la planification et à la conduite d’opérations de paix, ainsi qu’au public mixte de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre, laquelle offre un forum privilégié où la pratique du droit converge avec le milieu académique de la recherche et de l’enseignement.

3. Le Manuel s’intéresse aux différentes étapes de la planification et de la conduite des opérations de paix menées sous l’égide de l’ONU et d’autres organisations régionales ou accords régionaux. Il tente d’aborder toutes les questions utiles, notamment la base juridique de telles opérations, les régimes juridiques applicables à la conduite des opérations, en particulier le droit international des droits de l’homme (DIDH) et le droit international humanitaire (DIH), les relations de la force de paix avec l’État hôte, l’État d’envoi et les autres parties prenantes, l’emploi de la force dans le cadre de la légitime défense et pour l’exécution de tâches définies dans le mandat, l’appui à la préservation d’un environnement stable et le maintien de l’ordre public ainsi que la promotion des droits de l’homme et de l’État de droit. Il aborde également des sujets tels que la protection des civils, le maintien de la discipline, la prévention des abus à l’encontre de la population civile de l’État hôte, le sujet des immunités et ses conséquences pour le personnel de la mission, ainsi que les questions liées aux responsabilités internationale et pénale en cas de violation du droit international.

4. Le Manuel nous guide dans les domaines du droit international qui sont particulièrement concernés par la planification et la conduite des opérations de paix et développe les thèmes qui nécessitaient une recherche plus poussée ou une clarification doctrinale. Le Manuel propose, le cas échéant, des recommandations de principe notamment dans les domaines dans lesquels le droit est inexistant ou a besoin d’être clarifié. Le Manuel offre une reformulation du droit, faisant autorité et, le cas échéant, les « bonnes pratiques » en matière de planification et de conduite des opérations de paix susmentionnées. Le Manuel est composé d’un ensemble de règles (145 au total) assorties de commentaires(2). Les règles qui reflètent le droit en vigueur sont formulées de manière à refléter la notion d’obligation juridique (et utilisent une forme conjuguée qui exprime cette notion d’obligation) (par exemple « doivent »). Les bonnes pratiques qui sont énoncées dans les règles sont, quant à elles, formulées conformément aux principes de droit en vigueur mais font plutôt appel à l’emploi du conditionnel (par exemple « devraient ») afin de les distinguer des obligations juridiques contraignantes. Les règles résultent d’un consensus adopté parmi les experts ayant participé au projet et elles ont été entérinées par les dirigeants de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre. Les commentaires qui accompagnent les règles se focalisent sur l’application et l’interprétation des règles et reflètent les contributions fournies par le groupe d’experts. Des observateurs des Nations unies, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et d’un certain nombre d’organisations et accords régionaux ont participé aux discussions menées lors de la rédaction des règles et de leurs commentaires, et ont eu la possibilité de rendre des avis et des contributions sur des questions directement liées aux politiques et aux pratiques de leurs organisations respectives, dont certaines ont été annexées au présent Manuel(3).

5. La réalisation du projet s’est étalée sur plusieurs années. La volonté de publier un ouvrage de référence de qualité dans le domaine des opérations de paix a pris le pas sur le souhait de respecter un calendrier de publication précis. Il était aussi important que le Manuel soit le fruit d’un travail collectif qui reflète les points de vue de l’ensemble des participants au projet, plutôt qu’une publication qui rassemble des chapitres fournis par des auteurs individuels. Dès lors, l’échéancier du projet a prévu un nombre suffisant de rencontres afin de pouvoir atteindre et confirmer ce consensus.

6. Une conférence sur le « droit international des opérations de paix » a été organisée par la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre avec le soutien de son groupe chinois, à Pékin, du 9 au 12 novembre 2011, et a permis le lancement de la « phase de définition » du projet. Le Rapport du 17e Congrès de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre a servi de base pour la préparation de cette conférence. Les documents de la 41e Table ronde sur le droit international humanitaire, le droit relatif aux droits de l’homme et les opérations de paix, organisée par l’Institut international de droit humanitaire à San Remo, ainsi que les documents du 12e Colloque de Bruges du CICR sur « l’implication des organisations internationales dans les missions de paix : cadre légal applicable et la question de la responsabilité » ont également permis d’identifier d’autres sujets à traiter dans les règles du Manuel. Deux articles ont été préparés par des experts et présentés lors du 19e Congrès de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre (« L’application du droit des droits de l’homme aux opérations de paix » et « La détention opérationnelle et le contrôle indépendant des opérations de paix ») qui s’est tenu dans la ville de Québec (au Canada) en mai 2012. Lors de ce Congrès, le projet et les deux articles ont été présentés et discutés. La discussion a permis d’engendrer le soutien et l’appropriation du projet par les membres internationaux de la Société. Au cours de la phase de définition du projet de recherche, l’équipe de gestion du projet et ses conseillers universitaires principaux se sont réunis à plusieurs reprises principalement à Bruxelles (en Belgique). Une réunion s’est ensuite tenue avec le groupe d’experts à Münster (en Allemagne) le 8 avril 2013, laquelle a permis de clore la phase de définition du projet.

7. Dès le début, le CICR a mandaté le Dr Tristan Ferraro comme observateur auprès du groupe d’experts. Il a revu tous les documents de recherche liés au DIH et a transmis les commentaires du CICR. Le CICR a également mis les travaux de son 12e Colloque de Bruges à la disposition de la Société.

8. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a également mandaté un observateur auprès du groupe d’experts : Mme Petra Ditrichovà-Ochmannovà du Bureau juridique de l’état-major du Commandement allié Transformation (ACT) en Europe (jusqu’en 2014) puis Mme Antoaneta Boeva, du Bureau des affaires juridiques du Quartier général de l’OTAN (à partir de 2015). Les experts de l’OTAN ont également contribué à des chapitres spécifiques du Manuel : Mme Ditrichovà-Ochmannovà, assistée par le ministère de la Défense de la République tchèque, et Mme Boeva, à titre personnel.

9. L’Union européenne (UE) n’a pas officiellement désigné d’observateur pour le projet, mais ce dernier a pu bénéficier de l’expertise de l’UE grâce à la participation, à titre personnel, du Dr Frederik Naert, qui travaille au service juridique du Conseil de l’UE et est chercheur à la Katholieke Universiteit Leuven. Enfin, le directeur du Collège européen de sécurité et de défense, M. Dirk Dubois, membre du Comité consultatif du Manuel, a également participé au projet.

10. Dès le début de la « phase de rédaction » du manuel, l’accent a été mis sur la production des premières ébauches de texte. Le groupe d’experts s’est réuni à Bruxelles du 24 au 26 février 2014. Une autre rencontre du groupe d’experts et d’observateurs s’est tenue à Bruxelles du 26 au 28 novembre 2014. La participation au projet du Bureau des affaires juridiques (BAJ) des Nations unies ainsi que du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP, aujourd’hui Département des opérations de paix – DOP) et du Département de l’appui aux missions (DAM, aujourd’hui Département de l’appui opérationnel – DAO) a été approuvée à New York le 19 mars 2014. M. Luke Mhlaba du BAJ et M. Jens Andersen du DOMP ont été désignés comme observateurs des Nations unies auprès du groupe d’experts. Tout au long du projet, les observateurs des Nations unies ont fourni, à titre personnel, des commentaires et des contributions précieuses sur des chapitres spécifiques du Manuel. D’autres experts des Nations unies ont fourni des commentaires, parmi lesquels M. Charles Briefel, M. Henk-Jan Brinkman, M. Dirk Druet, le Dr Laurent Dutordoir, Mme Ann Makome, Mme Laura Perez et M. Jonathan Robinson.

11. Du 28 juin au 1er juillet 2015, plusieurs autorités camerounaises ont organisé une réunion régionale d’experts à Yaoundé sur des thèmes particuliers (suivant une approche de conférence). Les perspectives africaines ainsi que la question de la protection des civils étaient à l’ordre du jour. Le Rapport de la réunion a été rédigé sous forme d’ébauches de chapitres et de sous-chapitres complémentaires du Manuel. La participation de l’Union africaine (UA) au projet a été confirmée et M. Bright Mando du Bureau du Conseiller juridique et le Colonel Cheick F. Mady Dembele du Département Paix et Sécurité, ont été désignés comme observateurs de l’UA pour le projet. Ils ont présenté les spécificités de l’UA lors de la Conférence de Yaoundé.

12. Du 26 au 28 octobre 2015, une autre rencontre du groupe d’experts et d’observateurs s’est tenue à Leuven (en Belgique). Cette rencontre a permis aux experts de finaliser une ébauche complète de chapitres et de sous-chapitres en vue de son examen indépendant par le Comité consultatif du projet. La réunion du Comité consultatif a eu lieu à Leuven les 19 et 20 septembre 2016 et une dernière rencontre du groupe d’experts et d’observateurs s’est tenue le 21 septembre 2016 afin d’intégrer l’avis du Comité consultatif et de passer une dernière fois en revue le contenu des règles du Manuel.

13. Après la dernière rencontre de Leuven, la « phase de rédaction » a débuté et un comité de rédaction, composé des conseillers universitaires principaux et de certains membres de l’équipe de gestion du projet, a préparé les documents en vue de leur publication. Le Manuel de Leuven sur le droit international applicable aux opérations de paix a été approuvé par le Conseil d’administration et le Conseil de direction de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre lors de leur réunion qui s’est tenue au printemps 2017 à Stockholm(4).

14. Le projet a été géré par une équipe dirigée par le Secrétaire général adjoint de la Société, M. Alfons Vanheusden. En sa qualité de rédacteur exécutif du Manuel, il a supervisé et coordonné l’ensemble des activités du projet, a fixé les délais, en étroite coordination avec les conseillers universitaires principaux et était en contact régulier avec les membres du groupe d’experts et les observateurs. Il était assisté de deux rédacteurs adjoints (MM. Marco Benatar et Remy Jorritsma, tous deux membres de l’Institut Max Planck Luxembourg pour le droit procédural) et de deux conseillers auprès de l’équipe de gestion du projet (Capt. Suzanne Appelman du Service juridique de l’armée des Pays-Bas et le Dr Aurel Sari de l’Université d’Exeter). Tous les cinq ont également participé à la rédaction de règles et de commentaires. L’équipe de gestion du projet était assistée de M. Luc De Coninck, membre du Secrétariat général de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre et assistant de rédaction du Manuel. L’équipe de gestion du projet a également bénéficié de l’appui occasionnel de stagiaires.

15. Les conseillers universitaires principaux du projet étaient le Dr Dieter Fleck, ancien directeur chargé des accords internationaux et de la politique internationale auprès du ministère allemand de la Défense et président honoraire de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre ; le Professeur Terry Gill, professeur de droit militaire à l’Université d’Amsterdam ; et le Dr Bill Boothby du Royaume-Uni, Commodore de l’air (à la retraite). Ils ont conseillé et, le cas échéant, aidé à sélectionner des membres qualifiés pour composer le groupe d’experts, spécialisés dans le droit et la pratique des opérations de paix. Ils sont également, avec M. Alfons Vanheusden, les auteurs principaux du Manuel. Ils ont assuré la qualité et la cohérence générale du Manuel, ont donné leur avis sur sa structure et ont participé à la rédaction de ses règles et de ses commentaires.

16. L’équipe de gestion du projet et les conseillers universitaires principaux ont présélectionné des experts afin de constituer le groupe d’experts du projet. Ces experts pouvaient demander à leurs collègues de les aider à préparer leurs contributions au projet mais ils étaient le point de contact unique de l’équipe de gestion du projet et de ses conseillers universitaires principaux. Ces experts ont soumis des contributions de qualité, conformément au calendrier et au cadre prédéfini dans le document de projet.

17. Le Comité consultatif a assisté le groupe d’experts en lui partageant ses points de vue et son avis sur les bonnes pratiques. Il n’a pas approuvé le contenu des règles et ses commentaires mais ses opinions ont été dûment prises en considération.

18. Les gouvernements et les institutions qui ont été remerciés dans le Manuel(5) ont soutenu le processus en prenant en charge les frais de participation des experts ou en organisant des rencontres dans le cadre du projet. Ce soutien a été essentiel. Les budgets annuels de la Société ont contribué au financement additionnel nécessaire pour le développement du projet. En 2017, le projet est entré dans sa « phase de diffusion ». Des efforts soutenus seront déployés en vue de garantir la diffusion, la plus large possible, du Manuel, publié dans sa version originale en anglais, et de sa traduction dans d’autres langues de l’ONU. En cas de contradiction entre les différentes langues de publication, la version originale anglaise fait foi. Cet outil pédagogique pourra ainsi également être utilisé dans les centres de formation au maintien de la paix, dans le monde entier.

19. Tous les revenus de la Société tirés de la publication du Manuel seront utilisés pour la réalisation des objectifs de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre et, en priorité, les activités liées au projet.

20. Le Manuel est composé de 21 chapitres qui résultent tous du travail collectif du groupe d’experts, et non d’auteurs à titre individuel. Le Manuel, y inclus ses commentaires, est un produit de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre. En raison du processus informel par lequel l’ouvrage a été réalisé, de la participation à titre individuel des experts et du statut agréé d’observateurs auprès du projet, les opinions exprimées dans le Manuel ne représentent pas nécessairement celles d’une institution, d’une organisation ou d’un gouvernement auquel, ou à laquelle, les membres du groupe d’experts et les observateurs(6) sont ou ont été affiliés.

21. Le Manuel a été publié fin 2017 dans sa version originale en langue anglaise par Cambridge University Press. Le Manuel a fait l’objet d’un lancement officiel en février 2018 à New York, en présence des Secrétaires généraux adjoints de l’ONU aux affaires juridiques, aux opérations de paix, et à l’appui opérationnel. Depuis, le Manuel a fait l’objet de nombreuses présentations à travers le monde, devant différents publics internationaux, et notamment lors d’un événement organisé au Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP, mai 2018) ; devant un public ukrainien, en ce compris l’armée ukrainienne, à Lviv (mars 2018) ; à l’Africa Military Law Forum réuni à Oberammergau, avec l’appui de l’US EUCOM ; devant un public italien lors d’un événement organisé à Tarente par le Groupe national italien de la Société (octobre 2018) ; devant un public africain à Yaoundé, au Cameroun (novembre 2018). La présentation du Manuel a également fait l’objet d’un événement spécial, organisé au nouveau siège de l’OTAN à Bruxelles en octobre 2018. Enfin, en juin 2019, le Manuel a été présenté à Séoul à l’occasion du 10th International Symposium on Security and Military Law, organisé par le bureau du juge-avocat général de l’Armée de la République de Corée.

22. La publication de cette édition française du Manuel a été dirigée et coordonnée par Mme Laurence De Graeve, conseillère juridique au sein du ministère belge de la Défense. Cette traduction française a été réalisée avec le précieux appui de volontaires parmi lesquels Col (ret) Robert Remacle, Maj Pierre Degezelle, Capc Pierre Noël Stephane, Mme Miriam Peeters, Mme Virginie Lambotte, Mr Louis Leonet, Mme Alexia Rivière ainsi que le personnel du service de traduction du ministère belge de la Défense.

(1) Pour plus d’informations sur la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre, voy. le site www.ismllw.org.

(2) Voy. l’Annexe I pour une compilation des règles (sans commentaires). L’annexe VIII contient un glossaire des termes utilisés aux fins du présent Manuel.

(3) Voy. les Annexes IV, V, VI et VII pour les aspects de la planification et des politiques de l’ONU, de l’Union africaine, de l’Union européenne et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.

(4) Voy. les Annexes II et III pour la composition des Conseils de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre.

(5) Voy. la partie Remerciements.

(6) Pour la composition du groupe d’experts et d’observateurs, voy. la liste des contributeurs de l’ouvrage.

Partie IIntroduction

1. Champ d’application du Manuel

1.1. Les opérations de paix sont fondées sur trois principes : le consentement des parties, l’impartialité et l’emploi limité de la force

1. Le maintien de la paix des Nations unies (ONU) est traditionnellement fondé sur trois principes de base : le consentement des parties, l’impartialité et le non-emploi de la force, sauf dans le cadre de la légitime défense et de la défense du mandat(1). Les mêmes principes s’appliquent aux opérations de paix menées par d’autres organisations, comme l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

2. Ce Manuel couvre les opérations de paix dites consensuelles qui comprennent à la fois les opérations traditionnelles de maintien de la paix, mais aussi les opérations de paix pluridimensionnelles qui vont au-delà des tâches traditionnelles de maintien du statu quo après le conflit, de la surveillance d’un cessez-le-feu et des accords de redéploiement entre les parties belligérantes mais qui englobent également la consolidation de la paix et la reconstruction post-conflit. De telles opérations se fondent sur le consentement de l’État hôte ainsi que, au départ, sur le consentement, ou du moins l’accord, de toutes les principales parties au conflit antérieur. Lorsqu’elle opère dans des circonstances qui sont couvertes par ce Manuel, une force de paix peut être amenée à employer la force dans des situations de perturbation et d’instabilité temporaires ou lorsque la violence est dirigée contre des civils, mais la force de paix ne deviendra en principe pas pour autant partie au conflit armé et maintiendra son impartialité et emploiera la force contre les fauteurs de troubles, uniquement en dernier ressort, et dans le cadre de la légitime défense et de la défense du mandat. Toutes les opérations des « casques bleus » sont couvertes par ce Manuel, en ce compris les opérations dans lesquelles la force des Nations unies est impliquée dans des hostilités contre des factions opposées suite à une rupture temporaire de la stabilité. Le Manuel traite également des opérations de paix dites « consensuelles » qui sont menées par des organisations et accords régionaux, sur le modèle des opérations des casques bleus.

3. Ce Manuel n’aborde par contre pas les opérations coercitives dirigées contre un État, ni les opérations d’imposition de la paix visant à rétablir la paix à travers la participation de la force, en tant que partie au conflit armé au côté d’un gouvernement, contre un groupe armé adverse. Pareillement, le Manuel ne traite pas de l’imposition, par les armes, d’une solution politique aux parties belligérantes. Les opérations anti-terroristes, de contre-insurrection, de lutte anti-drogue et de lutte contre la piraterie ne sont pas traitées non plus dans ce Manuel. Les situations, comme celle qui implique la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan, sont dès lors exclues du champ d’application de ce Manuel. Les activités militaires classiques menées en temps de paix, comme l’entraînement et les exercices militaires, ne sont pas non plus abordées ici.

4. Les opérations traditionnelles de maintien de la paix et les opérations de paix pluridimensionnelles modernes sont fondées sur le consentement de l’État hôte. Elles sont soumises aux principes fondamentaux d’impartialité et d’emploi limité de la force, ainsi qu’au consentement de l’État hôte et au consentement, ou du moins l’accord, préalable de toutes les autres principales parties prenantes. De nombreuses opérations de paix modernes sont menées dans des environnements instables et peuvent mener à l’emploi de la force dans le cadre de l’exécution de leur mandat. De telles opérations sont différentes des opérations coercitives dans lesquelles la force armée est dirigée contre un État et des opérations d’imposition de la paix dont le but est de fournir un appui armé à un gouvernement qui est engagé dans un conflit armé (non international) en cours. Elles diffèrent également des situations d’imposition d’une solution politique aux parties belligérantes, par la force des armes, dans des contextes d’effondrement de l’autorité gouvernementale. Bien que de nombreuses opérations de paix pluridimensionnelles modernes opèrent sur la base d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, et peuvent contenir certains éléments d’imposition de la paix, elles se fondent néanmoins sur le consentement de l’État hôte et sur le consentement, ou du moins l’accord, préalable de toutes les principales parties au conflit antérieur.

5. En termes d’applicabilité du droit international humanitaire (DIH), le maintien de la paix traditionnel n’envisage pas la participation des forces de maintien de la paix, en tant que parties à un conflit armé, qu’il soit international (CAI) ou non international (CANI), et ces forces ne s’engagent généralement pas dans des opérations militaires qui les font devenir parties au conflit. De même, les opérations de paix pluridimensionnelles sont également fondées sur les principes de consentement des parties, d’impartialité et d’emploi limité de la force ne résultant pas sur l’application de iure du droit international humanitaire (DIH). Toutefois, étant donné qu’il existe des situations dans lesquelles les forces de paix sont amenées à employer la force dans le cadre de la légitime défense ou pour défendre le mandat, elles peuvent à tout le moins appliquer les principes du DIH, à titre de politique générale. Par ailleurs, lorsque les critères factuels et juridiques sont remplis pour leur participation en tant que partie à un CANI, les forces de paix sont juridiquement tenues de respecter le DIH aussi longtemps que ces critères sont remplis. Le Manuel aborde ainsi les questions de savoir si et quand une force de paix peut devenir partie à un conflit armé et, dans un tel cas de figure, quelles en seraient les conséquences(2). Il identifie également les lacunes du droit applicable et propose des suggestions en termes de doctrine et de principes de politique générale à appliquer en vue de combler ces lacunes. Le contenu concret du DIH est suffisamment traité dans d’autres ouvrages et ne nécessite donc pas de développements particuliers dans le cadre de ce Manuel.

6. Compte tenu du fait que le droit international des droits de l’homme (DIDH) est par principe applicable en tout temps, aussi bien en temps de paix que lors d’un conflit armé, le Manuel aborde également les obligations des États et des organisations internationales de se conformer aux règles pertinentes par lesquelles ils/elles sont lié(e)s lors d’opérations de paix, ainsi que le devoir de respecter les obligations de l’État hôte en matière de droits de l’homme(3). Il souligne qu’il n’est pas possible de contourner les obligations applicables en matière de droits de l’homme au motif que les autres acteurs impliqués dans la même opération ont des obligations différentes. Il indique également qu’en cas de conflit entre une règle de DIH et une règle de DIDH, la norme la plus spécifique s’applique en principe.

7. Les opérations de paix peuvent aider à combler la période entre la fin des hostilités et celle d’une paix durable, mais seulement à condition que les parties au conflit aient la volonté politique nécessaire pour atteindre cet objectif et qu’elles contrôlent les groupes armés. Initialement conçues comme un moyen de gérer les conflits entre États, les opérations de paix ont de plus en plus été utilisées dans le cadre de conflits intra-étatiques qui se caractérisent souvent par une multitude de factions armées, avec des objectifs politiques différents et des chaînes de commandement fragmentées. Dans ce contexte, les principes de base traditionnels du maintien de la paix se sont développés parallèlement avec l’évolution de mandats pluridimensionnels complexes et d’environnements opérationnels de plus en plus volatils.

(1) ONU, Opérations de maintien de la paix des Nations unies : principes et lignes directrices, 2008, pp. 34 à 39, www.un.org/fr/peacekeeping/documents/capstone_doctrine_fr.pdf.

(2) Voy. Chap. 6.

(3) Voy. Chap. 5.

2. Bref historique du droit des opérations de paix

1. Les opérations de paix, menées pour la première fois au début des années 1920, se sont multipliées peu après la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, encore aujourd’hui, bon nombre d’entre elles doivent « se mettre en place de manière empirique et sous la pression de l’urgence »(1). Une abondante littérature s’est développée en la matière au fil du temps(2). Bien que des principes et des lignes directrices régissant les opérations de maintien de la paix des Nations unies se soient développées en étroite consultation avec les missions sur le terrain, les États membres et de nombreuses autres parties prenantes(3), une réglementation juridique formelle en la matière fait encore défaut. Ceci n’est pas surprenant dans la mesure où cela nécessite de réconcilier une variété de situations conflictuelles, de capacités et d’exigences opérationnelles, et que les principes et règles concernés découlent de plusieurs branches du droit international et des législations internes des États hôtes et des États contributeurs de troupes(4).

2. Ce chapitre aborde largement l’histoire des opérations de paix des Nations unies. Les derniers paragraphes du Chapitre 5 donnent une brève vue d’ensemble des plus importants développements historiques et institutionnels des opérations de paix menées par l’UA (voy. §§ 17-21), l’UE (§§ 22-24) et l’OTAN (§§ 25-30).

3. Les opérations de paix des Nations unies se sont développées en trois phases(5) : (1) pendant la guerre froide, de la fin des années 1940 au milieu des années 1980, le maintien de la paix « traditionnel » ou « classique » est vu comme un nouveau développement, décrit par Dag Hammarskjöld, comme découlant du « Chapitre VI et demi » de la Charte des Nations unies, qui se situe entre le règlement pacifique des différends et les mesures d’imposition de la paix(6) ; (2) pendant la période transitoire qui s’étale de 1987 à la fin de 1991, le Conseil de sécurité a cherché, et réussi partiellement, à utiliser plus activement les opérations de maintien de la paix des Nations unies afin de faciliter le règlement de conflits régionaux de longue durée(7) ; (3) après cette période, le nombre d’opérations de paix a explosé et donné lieu à des missions encore plus robustes qui incluent la neutralisation d’éléments armés et des efforts accrus en faveur de la protection des civils(8). Cependant, des revers et échecs majeurs ont également été enregistrés(9). Les organisations et accords régionaux sont maintenant de plus en plus impliqués dans les opérations de paix et la consolidation de la paix post-conflit est devenue un défi pour les civils et les militaires ainsi que pour les États et la société civile.

4. Le terme « opération de paix » est relativement récent(10). Il va au-delà du maintien de la paix traditionnel et est utilisé dans la terminologie actuelle des Nations unies pour décrire les « opérations de terrain déployées pour prévenir, gérer et/ou résoudre des conflits violents ou réduire le risque de leur récurrence »(11). Au-delà du maintien de la paix, ce terme recouvre « trois activités principales : la prévention des conflits et le rétablissement de la paix ; le maintien de la paix ; et la consolidation de la paix »(12). Largement compris et utilisé comme un moyen informel de contenir efficacement les États belligérants, le maintien de la paix international a été utilisé et soutenu par les États à des fins plus larges : « alors que les forces de maintien de la paix étaient elles-mêmes engagées dans l’atténuation de la violence locale, leur déploiement constituait également un puissant instrument de gestion des relations et de prévention de la guerre d’un genre bien plus catastrophique »(13).

5. Une distinction juridique claire demeure entre les opérations basées et exécutées avec le consentement entier de l’État hôte, et les opérations d’imposition de la paix adoptées sur la base du Chapitre VII de la Charte des Nations unies. Cependant, des tâches de maintien et d’imposition de la paix peuvent exister au sein d’une seule et même opération. Même les opérations dans lesquelles l’élément de contrainte n’est pas l’élément dominant peuvent considérablement varier en termes de mandat, de taille et de durée(14). Bien que toutes les opérations de paix des Nations unies soient exécutées dans le cadre général de la Charte des Nations unies (Chap. VI, VII et VIII), les forces militaires ont souvent été envoyées pour opérer dans des territoires étrangers sans une base juridique explicite, sans un accord spécial tel que visé à l’article 43 de la Charte des Nations unies, et sans impliquer le Comité d’état-major, prévu à l’article 47 de la même Charte.

6. Dans son avis consultatif de 1962 relatif à certaines dépenses des Nations unies(15), la Cour internationale de justice a confirmé, malgré plusieurs opinions divergentes, que lors de la création de la Force d’urgence des Nations unies (FUNU I) et de l’Opération des Nations unies au Congo (ONUC)(16), ni l’Assemblée générale, ni le Conseil de sécurité n’avaient agi ultra vires, la FUNU n’étant pas une action d’imposition au regard du Chapitre VII, mais plutôt une mesure recommandée en vertu de l’article 14 de la Charte ; et que pour ce qui concerne l’ONUC, il était conforme à la Charte que le Conseil autorise le Secrétaire général des Nations unies à sélectionner et à inviter les États membres souhaitant apporter leur aide ; et que dès lors, les dépenses des deux opérations constituaient des « dépenses de l’Organisation » au sens de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte. Au cours des 50 années de pratique, les rapports du Secrétaire général en la matière(17) et les réactions des États membres ont maintes fois confirmé les éléments de base des opérations de paix (consentement de l’État hôte, impartialité des soldats de la paix et emploi limité de la force). Les développements récents, en particulier en Afrique, ont conduit à se demander si le consentement de l’État hôte était toujours un principe clé des opérations de paix contemporaines(18). Le principe de l’emploi limité de la force a été mis à rude épreuve lors de plusieurs opérations de paix(19). Pourtant, tant les États d’envoi des troupes que les États hôtes continuent de souligner l’importance de ces trois principes. Le consentement de l’État hôte, l’impartialité des soldats de la paix et l’emploi limité de la force sont aujourd’hui largement considérés comme des exigences du droit international coutumier pour toutes les opérations de paix, qu’elles soient menées par l’ONU ou par des organisations ou des accords régionaux.

7. L’Agenda pour la paix(20), commandité par le Conseil de sécurité lors de sa première réunion au niveau des chefs d’État et de gouvernement(21) et ensuite approuvé par l’Assemblée générale(22), a identifié quatre composantes distinctes du maintien de la paix et de la sécurité internationales, à savoir le rétablissement de la paix, la diplomatie préventive, le maintien de la paix et la consolidation de la paix post-conflit. Défendant l’idée d’un système d’alerte rapide permettant d’identifier les conflits potentiels et d’un « Conseil économique et social revigoré et restructuré », l’Agenda pour la paix a tenté d’établir un système de déploiement préventif dans des situations de crise nationale, d’empêcher les hostilités d’éclater en cas de différends entre États et de prévenir les conflits lors de menaces venant de l’extérieur(23). Trois ans plus tard, dans son supplément à l’Agenda pour la paix, le Secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali(24), a rappelé la nécessité de prendre des décisions difficiles face à l’intensification spectaculaire des activités des Nations unies en raison de la fin de la guerre froide, laquelle a permis au Conseil de sécurité d’utiliser plus largement son autorité en vertu de la Charte.

8. Le Rapport Brahimi(25) élaboré par le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a visiblement écarté la distinction traditionnelle entre maintien de la paix et imposition de la paix et traité des sujets de doctrine relatifs au rétablissement, au maintien et à la consolidation de la paix. Le Rapport constitue une contribution importante en vue d’adapter les trois principes de base du maintien de la paix (à savoir le consentement des parties locales, l’impartialité et l’emploi limité de la force) aux conditions plus complexes des conflits internes dans lesquels le consentement donné par les parties hôtes peut ne pas être fiable, dans lesquels les principes de la Charte sont souvent négligés, au moins par l’une des parties et lors desquels les soldats de la paix doivent opérer dans un contexte sécuritaire plutôt instable. Le Rapport contient des recommandations pratiques, en particulier la formulation par le Conseil de sécurité de « mandats clairs, crédibles et réalisables »(26). Par conséquent, des règles d’engagement (ROE, acronyme anglais de Rules of engagement) (si nécessaires robustes) ont été exigées et adoptées avec des particularités spécifiques pour chaque mission(27).

9. Développée aux fins de définir la responsabilité des États à intervenir dans des situations extrêmes(28), la doctrine sur la responsabilité de protéger (R2P, acronyme anglais de Responsability to Protect)(29) a été présentée par ses auteurs comme « une nouvelle norme internationale en matière de sécurité et de droits de l’homme afin de remédier à l’incapacité de la communauté internationale à prévenir et à arrêter les génocides, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité »(30). Il convient toutefois de poser clairement les limites à cet égard. Dans un souci d’apaiser leurs préoccupations de voir le recours inconditionnel à la R2P déboucher sur une obligation d’intervention en droit international(31), les chefs d’État et de gouvernement, réunis au Sommet mondial de 2005, se sont exprimés de manière prudente en faveur d’une approche plus progressive, en rappelant les trois piliers qui sous-tendent la responsabilité de protéger : (1) la responsabilité de l’État, à travers la prise de moyens appropriés et nécessaires en vue de protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité, y compris l’incitation à commettre ces crimes ; (2) l’engagement de la communauté internationale à aider les États à s’acquitter de leur responsabilité, à travers les Nations unies et conformément aux Chapitres VI et VIII de la Charte ; et (3) la responsabilité des États de « mener en temps voulu une action collective résolue, par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité »(32). La doctrine R2P, qui a ensuite été appelée la responsabilité de prévenir, de réagir et de reconstruire(33), ne constitue pas une nouvelle norme juridique mais plutôt une manière différente et nouvelle de présenter des obligations juridiques préexistantes et des objectifs politiques valables. Cette approche est tout aussi importante pour la doctrine et les pratiques en vigueur et a une incidence incontestable sur les opérations de paix en cours(34). Alors que la pratique des États a confirmé une réticence continue vis-à-vis des interventions militaires(35), l’effet le plus innovateur de la R2P ne porte pas tant sur la prévention et la réponse militaire qui sont déjà clairement régies par le Chapitre VII de la Charte mais plutôt sur la consolidation de la paix post-conflit(36).

10. Au cours des dernières décennies, les opérations de paix internationales ont connu des changements spectaculaires. Le Conseil de sécurité a pris des mesures fermes pour mettre fin à l’agression du Koweït en 1990(37). Il n’a cependant pas rencontré le même succès à imposer la paix en Bosnie-Herzégovine et en Croatie (1992-1995) et s’est heurté à des blocages lors des décisions relatives à l’intervention humanitaire au Kosovo (1999) et aux armes de destruction massives en Iraq (2003)(38). Le Secrétaire général de l’ONU a dû faire face à des problèmes particuliers au Rwanda, en raison de l’inaction du Conseil de sécurité malgré les signes avant-coureurs, et la Belgique a retiré son contingent suite à la mort de ses soldats de la paix. Le massacre systématique d’environ 800.000 hommes, femmes et enfants au Rwanda entre avril et juillet 1994 n’a pas pu être évité ni stoppé et il a fallu des années avant qu’une enquête indépendante sur l’échec des Nations unies soit menée(39). En juillet 1995, après la chute de Srebrenica, assiégée par les forces serbes, environ 8.000 personnes, en majorité des musulmans de Bosnie, ont été tuées dans et autour des zones de sécurité. Des années plus tard, alors qu’il était chargé de présenter un rapport sur cet incident et sur le rôle de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU)(40), le Secrétaire général a expliqué qu’en raison de désaccords entre les États membres, des zones de sécurité avaient été instaurées en Bosnie-Herzégovine sans les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre ; une situation pour laquelle « la communauté internationale tout entière doit reconnaître sa part de responsabilité dans les tragiques événements qui ont résulté de son refus prolongé de recourir à la force durant les premières phases de la guerre »(41). Aucune compensation n’a toutefois été proposée aux victimes et, une décennie plus tard, la répartition entre la responsabilité des États et celle des Nations unies dans cette affaire reste floue(42). En Syrie, après des années de conflit armé interne, toujours en cours, un plan de paix en six points a appelé en vain à la fin des violences, à l’accès des organisations humanitaires en vue de fournir une assistance aux personnes dans le besoin, à la libération des détenus et au lancement d’un dialogue politique inclusif(43). Sur les 23 millions d’habitants que compte environ la Syrie, plus de 4 millions sont réfugiés et plus de 7,6 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays(44). Alors que cette situation tragique continue de se détériorer de manière dramatique, la communauté internationale ne semble toujours pas en mesure d’y mettre fin(45). Les opérations de paix en cours dans le monde sont aujourd’hui gravement remises en cause face aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les poursuites pénales, tant au niveau national qu’international, sont souvent insuffisantes. Les mandats des opérations de paix ont dû mettre en place des mesures solides afin de protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants(46). Les responsabilités qui incombent clairement aux États hôtes et qui sont essentielles au succès de tout processus de paix sont souvent ignorées.

11. Ces dernières années, le nombre d’opérations de paix des Nations unies a explosé, entraînant une multiplication par huit du nombre de membres du personnel déployés(47). Alors qu’ils s’étaient jusqu’alors montrés réticents à fournir eux-mêmes des contingents militaires, les membres permanents composant le Conseil de sécurité ont assoupli leur politique aux fins de pouvoir faire face à la demande croissante de troupes, de démontrer la volonté sérieuse des Nations unies et d’éviter les conséquences négatives qu’entraînerait une opposition à ces opérations de paix(48). Comme l’a déclaré le Secrétaire général dans son rapport annuel de 2009 : « Le domaine du maintien de la paix est aujourd’hui à un moment crucial de son évolution. Il est indispensable de renouveler le partenariat mondial entre les États membres et les partenaires de l’ONU, à l’intérieur comme à l’extérieur du système des Nations unies »(49). Le rapport de 2015 du groupe d’experts de haut niveau sur les opérations de paix contient des recommandations politiques de fond, rappelant que :

La politique doit déterminer la conception et l’exécution des opérations de paix. Il faut faire un usage plus souple de toute la panoplie des opérations de paix de façon à répondre à l’évolution des besoins sur le terrain. Il convient d’établir pour l’avenir un partenariat au service de la paix et de la sécurité plus solide et plus ouvert. Il faut que le Secrétariat donne davantage la priorité aux opérations sur le terrain et que les opérations de paix fassent une plus grande place aux activités en faveur des populations(50).

En soulignant cette « attention renouvelée accordée à la prévention et à la médiation ; à l’importance de partenariats régionaux-mondiaux plus solides ; et à de nouvelles méthodes de planification et de conduite des opérations de paix des Nations Unies pour les rendre plus rapides, plus réactives et plus correspondantes aux besoins des pays et des personnes en conflit », le Secrétaire général a appelé, de manière convaincante, à un « effort commun du système ainsi qu’à l’engagement actif et au soutien de l’ensemble des membres » sans lesquels il ne serait pas possible de relever les défis auxquels font face les opérations de paix dans un contexte sécuritaire mondial en constante évolution(51).

12. Le système des forces et moyens en attente des Nations unies (UNSAS, acronyme anglais pour UN Standby Arrangements System) lancé en 1994 et fortement recommandé par le rapport Brahimi(52) s’engage à combler le « fossé existant entre l’engagement et les capacités » et à accroître la capacité opérationnelle de déploiement des troupes. Sur un premier niveau, le système fournit aux Nations unies une compréhension des forces et des autres capacités à disposition d’un État membre par rapport à un niveau de préparation convenu. Le deuxième niveau contient des informations techniques détaillées en vue de faciliter la planification, la formation et la préparation, d’une part, des États membres participants, et des Nations unies, d’autre part. Sur le troisième niveau, l’UNSAS fournit à l’ONU non seulement une connaissance approfondie de l’État du matériel et des équipements nationaux disponibles, mais également un engagement conditionnel des États à participer sur demande à une opération après avoir, dans tous les cas, obtenu une approbation gouvernementale. Les planificateurs des Nations unies ont désormais la possibilité de mettre en place sur la base d’un protocole d’accord (PA) des stratégies d’urgence et de repli lorsqu’ils anticipent des retards ou qu’un ou plusieurs membres renoncent à participer à une opération. Il n’y a pas encore eu jusqu’à présent de conclusion d’un engagement spécifique contraignant (accord de niveau 4). Des recommandations ont été formulées aux fins d’affecter des capacités de déploiement à des opérations militaires autres que les opérations d’imposition de la paix (par exemple, des missions de conseil, d’action préventive et de protection des civils, de maintien de la paix, les opérations de police, de consolidation de la paix et d’assistance humanitaire)(53). Elles encouragent les États membres à participer à l’UNSAS auquel un cinquième niveau (contenant les spécifications en termes de personnel et de ressources que les gouvernements sont disposés à engager dans des opérations plus exigeantes basées sur le Chapitre VII de la Charte) ainsi qu’un sixième niveau (engagement renouvelé au regard de l’article 43 de la Charte et l’utilisation de l’UNSAS en tant que mesure transitoire importante facilitant cet objectif) pourraient être ajoutés. Afin de mettre en pratique ces procédures, il a été progressivement envisagé de créer un service d’urgence des Nations unies qui serve de capacité de réaction rapide(54) et qui serait composé de volontaires de l’armée, de la police et de civils, et qui serait complété par les États membres. Les États-Unis ont déposé une proposition de loi visant la création d’une force de police et de sécurité onusienne pour les déploiements rapides (en anglais UN Rapid deployment Police and Security Force), constituée d’au moins 6.000 volontaires recrutés dans le monde entier et directement employés par l’ONU en tant que force permanente. Afin de répondre aux impératifs liés aux manques de temps, de formation et de volonté politique, ces unités composées de militaires et de policiers, professionnelles et bien formées, seraient en mesure de répondre à une crise dans les quinze jours suivant l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité(55). Des défis similaires existent au niveau régional : au niveau de l’Union africaine, après plusieurs retards, un ultimatum a été fixé en 2015 aux cinq régions d’Afrique (Afrique de l’Est, de l’Ouest, du Centre, du Nord et du Sud) en vue de créer leurs propres brigades en attente, composées de militaires, de policiers et de civils. Seules les deux premières régions avaient rempli leur obligation en octobre 2016. En juillet 2015, le Système de préparation des capacités de maintien de la paix des Nations unies (PCRS, acronyme anglais pour Peacekeeping Capability Readiness System) a remplacé l’ancien UNSAS. Le PCRS cherche à établir un processus d’interaction, plus prévisible et plus dynamique, entre le siège des Nations unies et les États membres, afin de garantir la disponibilité et le déploiement de moyens de maintien de la paix de haute qualité, dans les délais impartis. Il tend à améliorer l’efficacité dans la gestion des engagements, à accroître le degré de préparation et de prévisibilité grâce à une approche plus durable et collaborative entre le siège des Nations unies et les États membres, et à offrir à plus long terme un dispositif unique de sélection des pays contributeurs de troupes à déployer. En fonction de critères et d’étapes correspondantes clairement prédéfinis, le nouveau système reflétera les engagements réels des États membres(56). Le PCRS fait partie intégrante du processus de génération des forces au niveau stratégique et constitue la première étape à suivre lors de tout processus de génération des forces et une passerelle de collaboration entre l’ONU et ses États membres afin de les aider à acquérir les connaissances et les capacités nécessaires pour participer aux opérations de paix.

13. Les questions de recrutement de personnel, d’équipement et de financement posent de plus en plus de difficultés. Pour de nombreuses opérations de paix, le Conseil de sécurité doit s’appuyer sur des groupes d’États et sur des organisations ou accords régionaux qui exercent le commandement et le contrôle sur leurs forces(57). Les Nations unies collaborent étroitement avec d’autres organisations, tel que l’UA(58), l’UE(59) et l’OTAN(60). Les opérations multinationales sont devenues un élément clé des opérations de paix. Si ce développement a permis de renforcer les opérations de paix et contribué à leur efficacité, il a également engendré des problèmes d’interopérabilité, lesquels nécessitent une attention constante et des activités conjointes afin d’être solutionnés.

14. Bien comprendre la relation qui existe entre les opérations de paix et la consolidation de la paix reste un défi pour les organisations internationales, les États d’envoi et les États hôtes. La Commission de consolidation de la paix des Nations unies, qui a été créée comme un conseil consultatif intergouvernemental suite à l’adoption de résolutions concurrentes de l’Assemblée générale(61) et du Conseil de sécurité(62), est toujours dans sa phase de développement, malgré des débuts prometteurs(63). La réussite du maintien d’une paix durable dépend du soutien d’une multitude d’entités et il convient dès lors d’envisager des stratégies appropriées sollicitant l’engagement d’acteurs très différents au travers d’une coopération constructive. Les forces armées et de police, la diplomatie gouvernementale et les activités informelles, les incitants économiques et la pression politique sont autant de moyens réalistes susceptibles d’influencer les États et les acteurs non étatiques vers une consolidation de la paix. Ces moyens ne remplacent cependant pas un processus de réconciliation mené sur la base de négociations directes. La concrétisation d’une paix durable exige de vouloir et d’être capable de coopérer et d’associer d’anciens adversaires dans la réalisation d’objectifs communs(64). Il est primordial de faire correspondre les ressources avec les mandats des opérations afin de pouvoir agir sur des domaines tels que le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) et de lier les aspects militaires d’une réforme du secteur de la sécurité avec des fonctions publiques essentielles, les services sociaux et l’emploi(65). Il convient d’accorder une plus grande attention à la nécessité d’appuyer les acteurs civils dans leurs efforts en vue d’instaurer un État de droit, d’assurer une bonne gouvernance et de promouvoir le redressement économique et social, l’égalité en matière de genre et l’inclusion de toutes les composantes de la société civile dans le processus de paix. Des propositions pertinentes en vue d’une approche plus holistique de mobilisation des ressources et de création d’incitants visant la réalisation de résultats concrets sur le terrain, doivent encore être mises en œuvre.

15. Ce rôle d’appui aux opérations de paix n’est toujours pas clairement défini. Les droits et obligations incombant aux États hôtes vis-à-vis des soldats de la paix sont souvent aléatoires en raison de leur manque notoire de ressources et de leur absence de contrôle politique effectif dans des contextes de post-conflit. On peut toutefois affirmer qu’aucune opération de paix ne peut aboutir sans le soutien de l’État hôte et qu’aucun État hôte ne peut effectivement établir un environnement stable et paisible sans une solidarité internationale importante. Cela nécessite un soutien accru de la communauté internationale et un meilleur partage des responsabilités entre l’État hôte, les États d’envoi et de transit, et les autres États concernés.

16. Ce bref aperçu des opérations de paix des Nations unies illustre un domaine de la coopération internationale qui n’est pas totalement réglementé (et échappe souvent à la réglementation), mais qui est influencé par différentes branches du droit international. Un examen plus approfondi de ces différentes branches du droit et de leur interaction est souhaitable afin de mieux comprendre les possibilités et les limites actuelles dans le domaine des opérations de paix internationales :

1. les opérations de paix sont devenues des instruments internationaux bien acceptés, qui sont fondés sur des principes fondamentaux spécifiques (par exemple le consentement de l’État hôte, l’impartialité du personnel de maintien de la paix et l’emploi limité de la force). Les opérations de paix menées par des organisations régionales (ou des accords régionaux) sont régies par les mêmes principes. Ces principes peuvent aujourd’hui être considérés comme relevant du droit international coutumier ;

2. la réglementation interne des Nations unies ou d’autres organisations ou accords régionaux peuvent régir d’autres comportements plus spécifiques, lesquels ne sont donc pas directement influencés par les États ;

3. les « bonnes pratiques » répondent à des exigences en constante évolution ;

4. les droits et obligations des États hôtes nécessitent une attention particulière ;

5. il convient de davantage développer les principes et les règles relatives au partage de responsabilité entre les États d’envoi, les États hôtes, les États de transit et les autres États concernés ;

6. bien que la mise en œuvre des principes et des règles pertinentes ait évolué au fil du temps, il n’existe toujours pas de réglementation juridique exhaustive des opérations de paix. Toutes les parties concernées sont invitées à mettre en œuvre les principes et les règles existants et à coopérer en vue de leur développement futur malgré le fait qu’une réglementation exhaustive ne soit peut-être pas souhaitable.

17. UA