Mémoire d’un chemin vers la guérison - Véronique Ouédraogo - E-Book

Mémoire d’un chemin vers la guérison E-Book

Véronique Ouédraogo

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Beschreibung

À la suite d’un choc émotionnel occasionné par une peine de cœur, Véronique Ouédraogo a trouvé une issue mystique et lumineuse. Elle se souvient, par cet ouvrage, du chemin parcouru dans sa quête de réconciliation spirituelle et plonge le lecteur dans un univers qui ne lui est pas étranger. Elle ouvre ainsi une parenthèse sur sa vie, afin de permettre à tout le monde de questionner ses relations avec autrui, mais surtout avec le divin.

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Seitenzahl: 385

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Véronique Ouédraogo

Mémoire d’un chemin

vers la guérison

Roman

© Lys Bleu Éditions – Véronique Ouédraogo

ISBN :979-10-377-6439-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À toutes nos vies singulières,

qui font de nous des êtres extraordinaires !

Or la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas.

Hébreux 11, 1

Préface

L’écriture et sans nul doute, l’une de mes plus belles passions. De simples mots, couchés sur une page blanche, que le lecteur embrasse d’un seul regard. Là se trouve l’un des objets de mon affection pour le verbe.

D’innombrables fois, je me suis adonnée à m’exprimer de diverses manières, au travers des mots mais mon désir demeurait lettre morte. Je n’y suis jamais réellement parvenue, même si à de nombreuses reprises, j’ai ressenti cet appel à écrire me bousculer. Quoi écrire, comment l’écrire ? Je ne savais le dire. Mais il était évident que l’écriture était aussi une manière d’extérioriser ce qu’il y avait d’enfoui en moi… En somme une sorte d’exécutoire.

Savoir qui je suis vraiment n’a pas toujours été chose aisée. Je n’ai pas l’insolence de parler au nom de tous, mais uniquement du mien. Être honnête et objective vis-à-vis de moi-même, a été une démarche longue et pénible à entreprendre, une quête que je poursuis encore aujourd’hui. Cela m’a pris du temps, du recul mais aussi pas mal de réflexion. Le but ? Analyser mes actes, mes pensées, mes paroles, en somme ma personnalité, et ceci afin d’aspirer à entrevoir une lueur sur ma propre connaissance intérieure.

Qui nous sommes réellement, personne ne peut le dissimuler, même si nous nous appliquons consciencieusement et de diverses manières à le camoufler. Car tout en nous transpire qui nous sommes au plus profond de notre être. Nous sommes l’expression de nos pensées, sans aucune retenue. J’ai eu la prétention de nombreuses fois dans ma vie, de croire que je pouvais tout braver, tout subir sans conséquence. Et cela en me reposant uniquement sur mes propres forces, mon courage et ma seule volonté. En vérité, j’étais loin du compte, je me trompais pour diverses raisons et essentiellement parce que je voyais les choses de manière étriquée, circonscrite.

Je vais dès à présent dévoiler des strates composant certains moments de ma vie. Celles-ci caractérisant mon ignorance, mon arrogance et mon manque d’humilité face à l’existence, furent illuminées et transformées par la Lumière Toute Puissante.

Première partie

L’an deux mille cinq : tempête émotionnelle

Avant la ruine, le cœur de l’homme s’élève ; Mais l’humilité précède la gloire.

Proverbe 18, 12

1

L’âme en peine

Brisée, blessée, esseulée, trois petits mots qui pris dans leur sens littéral, ont de quoi faire frissonner. Traduisant le désespoir et l’anéantissement, ces mots additionnés les uns aux autres eurent sur moi l’effet d’un cataclysme. Voilà dans quel état j’étais en avril 2005, sur le champ de ruines de ma vie, complètement en miettes, déchiquetée en mille morceaux.

Mon corps en sortit estropié d’empreintes visibles à l’œil nu : eczéma géant sur ma chair, suintement de mon cuir chevelu, chute capillaire, acné extravagante sur mon visage, conséquente perte de poids. Et que dire de mon cœur, avec un trou de la taille de Jupiter ? Tous ces signes n’étaient que le reflet minime, des profondes cicatrices de mon âme.

Comment un être pouvait-il basculer à ce point dans le néant, sans savoir à quoi se raccrocher ? Excellente question à mon sens, toutefois cela m’était bel et bien arrivé, car je n’avais pas trouvé de réponse. Je me sentais seule, vulnérable et effrayée.

Pourtant jamais je ne crus possible souffrir autant, que lorsque j’eus perdu ma mère, à mes dix-huit ans. Mais voilà quatorze ans plus tard, la vie m’enseignait que j’avais encore beaucoup à apprendre. Être éduquée dans la souffrance n’est, pour ma part, pas la meilleure façon de recevoir une instruction. Cependant, c’est exactement de cette manière que ma vie fut malmenée.

Séparation, désunion, rupture, trois autres termes cette fois, tous synonymes les uns des autres, qui ne laissent finalement que le goût amer du vide total. Du moins, c’est ce que je pensais à cet instant précis où sept ans et demi de vie commune prirent fin.

À cette époque, tout ce en quoi je croyais fermement, fondé pensais-je sur des bases solides, vola en éclat. J’étais en chute libre, me voyant tomber du haut de la vie surfaite que je m’étais construite. En ce temps-là, dans ma représentation des choses, cette vie bâtie essentiellement sur les apparences et le matériel n’avait rien d’exagéré à mon sens. Pourtant, même si celle-ci n’était pas exactement celle que je désirais, je m’étais contentée de satisfaire un ego surdimensionné.

Généralement, une personne réagira différemment d’une autre, face à une situation similaire. Lorsque je pris conscience que ma relation de couple était terminée, que ma vie telle que je l’avais connue, quasi huit ans durant, n’existait plus. Je perdis totalement pied, me croyant projetée dans un monde parallèle à la réalité. Dans mon esprit, rien n’avait plus de sens, j’étais dénuée de tout discernement.

En apparence, j’étais hagarde, seuls mes déplacements physiques témoignaient de mon existence. Car à l’intérieur de moi, je mourais peu à peu. Et les séances de projections nocturnes que je m’infligeais, en ressassant à l’infini ce qui faisait déjà partie du passé, n’eurent de cesse de me détruire davantage.

Comment à un moment donné, n’ai-je pas su faire preuve de suffisamment de lucidité, pour me rendre à l’évidence, et comprendre que tout était terminé ? Comment avais-je pu m’étioler de la sorte, sans rien entreprendre pour me ressaisir ? Au lieu de cela, je persistai à ruminer comme une insensée, c’était incompréhensible.

Mais où était, à ce moment précis de ma vie, quand j’en avais fort bien besoin, ma fameuse volonté de tout braver ? Dans quels lieux se trouvait-elle ? Probablement dans un recoin de mon esprit, à siroter un cocktail soporifique, en attendant des jours plus fastes pour intervenir.

Totalement déphasée, cent quatre-vingt-deux jours furent le temps qu’il me fallut pour admettre mon sort. Après cette période, un orage de divers sentiments tempêtait en moi, et je dois bien avouer qu’il ne s’agissait pas d’émotions les plus nobles. Mon cœur était tantôt enclin à la peine, en passant par le ressentiment et la souffrance. Mais de manière constante, un sentiment singulier me consumait, jusqu’au plus profond de mon être.

J’étais colère, un Hulk1 au féminin, sans changement d’apparence, puisque le mal qui me minait, me transformait de l’intérieur. On aurait pu me surnommer Hulkette, tant mes tendances colériques intérieures étaient surpuissantes. La vérité était telle que, me débattant dans mes difficultés, je luttais contre mon imperfection consciente.

Un immense combat s’engageait entre les deux natures qui sommeillent au fond de tout être. Ma nature supérieure, en prise avec ma nature inférieure, faisait qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul vainqueur. Et ce lauréat me conduira finalement sur la ligne de départ du chemin de ma connaissance profonde.

Ainsi intervint dans mon esprit une nouvelle vision de l’avenir, cependant cette éclaircie fut de courte durée. Un besoin pressant faisant l’objet de mon attention devint une obsession. Je venais à peine d’émerger de ce qui était pour moi inimaginable, que de nouveau j’y retournais séance tenante.

Celui qui est sage de cœur reçoit les préceptes, Mais celui qui est insensé des lèvres court à sa perte.

Proverbes 10, 8

L’objet de ma frénésie causa ma déroute, et pas à pas, ma déchéance… De nouveau, je sombrais, m’immergeant entièrement dans la folie, dans l’incapacité totale de raisonner. Une descente aux enfers que j’eus beaucoup de mal à surmonter, à défaut de faire preuve d’une qualité essentielle à toute démarche, quelle qu’elle soit : la patience. Étant victime de l’impatience, le désir ardent qui brûlait en moi ne fit qu’accroître, car je ne pouvais assouvir une nécessité que j’imaginais vitale.

Recouvrer, récupérer, avoir, trois verbes dont la définition évoque la possession et qui furent ma hantise. Ces mots raisonnent inlassablement dans ma tête, me persuadant de mon bon droit. Droit sur toutes les possessions matérielles que j’avais laissées derrière moi lors de ma séparation. Voilà où était ma convoitise, celle qui me conduisit à me noyer de nouveau, à peine repêchée.

Après les semaines d’autoflagellation que je m’étais infligée mentalement, je finis par faire ce dont le commun des mortels use, poussé dans ses ultimes retranchements : supporter, puis accepter d’avoir tout perdu, au sens large du terme. Car il ne s’agissait plus seulement de biens physiques, mais également de réaliser, qu’en tant que personne, j’étais meurtrie bien au-delà de ma chair.

J’avais pour habitude de mesurer ma qualité de vie, en degré de confort personnel. En réalité, ce qui me fut le plus difficile à admettre, c’est de me dire que j’en étais réduite à moins que rien. L’orgueil avait une emprise certaine sur ma personne en ce temps-là, et je lui cédais avec délectation.

C’est seulement par orgueil qu’on excite des querelles.

Proverbe 13, 10

Je concède aujourd’hui, sans aucune fierté que j’étais une personne suffisante, voire hautaine pour certains. Pourtant, avec détachement on réalise qu’une rupture n’a absolument rien d’une fatalité ni d’une tragédie en soi.

Certes, une séparation peut laisser dans son sillage la saveur de l’amertume, ce à quoi j’ai goûté un certain laps de temps. Néanmoins les nombreuses dissemblances de mon ex, jalonnant ce passage de ma vie n’avaient assurément rien d’un drame. Il nous suffisait ainsi de voir dans la fin d’une histoire, quel qu’en soit le contexte une aubaine, un changement qui nous mène à l’espoir.

Je saisis ainsi l’occasion de pouvoir me remettre en question sérieusement, probablement pour la première fois… Courbée dans l’âme je me mis à analyser point par point mes agissements, mes ressentiments, mes défauts, fouillant jusqu’au plus profond de ma personne, à la recherche de tout ce qui était obscur vil et vide de sens.

Le but de l’exercice étant avant tout de reconnaître, d’accepter que tout ce que j’étais n’était pas comme je le croyais d’une excellence absolue. Il me fallut un certain cran pour porter une autocritique sincère, surtout lorsque l’on avait un tempérament irréductible tel que le mien.

Donc je pris sur moi de faire face à tout ce qui ressortirait de l’analyse que je menais. La conclusion ne m’enchanta guère, elle n’avait rien de très reluisante mais correspondait bien à la réalité des choses. Trois sur dix fut la note hypothétique que je m’étais administrée après ma déduction. J’imagine qu’en lisant ces lignes il était légitime de se demander s’il y avait quelque chose de bon chez moi ?

Eh bien, figurez-vous que malgré tout ce que je mis à nu me concernant, je pensais sincèrement qu’en ma personne régnait aussi le bien, même si je ne pouvais contester l’évidence de la note que je m’étais attribuée. Je savais qu’au fond de moi on pouvait trouver autre chose que de la noirceur, et ce fut à cet instant-là que je repris confiance, même si celle-ci me paraissait fragile. Elle était sans nul doute à l’image de mon état d’esprit, un instantané de ce moment précis. Je ne saurais dire exactement pourquoi mais j’eus le sentiment qu’une entité, une présenceau-dessus de moi dirigeait mes pas.

2

Une once d’espoir dans la tourmente

Relever, guérir, rétablir, en somme se reconstruire, voilà où se situait à présent le souhait que me dictait mon cœur. Les dégâts causés par ma séparation furent aussi d’ordre matériel, un moindre mal je le concède. Cependant, je venais de changer d’emploi et comme chacun le sait au cours d’une existence en célibataire, ou en couple on acquiert un certain nombre de biens, et je ne dérogeais pas à la règle. Achat d’un appartement, des prêts, se meubler, se véhiculer, etc. Je vous laisse imaginer ce qui peut se produire parfois dans le cadre d’une rupture…

Pour ma part, je n’avais écopé que des désagréments de la situation, quand d’autres bénéficiaient des avantages d’une séparation. Peut-on réellement parler davantage dans ces cas-là ? Il n’en reste pas moins que je fus évincée avec pour quasi seul bagage mes vêtements, et comme cadeau de succession des prêts à rembourser. Quel héritage !

De plus, je venais récemment de changer d’emploi, il m’était donc impossible d’envisager de prendre une location pour l’heure. Mon ex m’avait dépossédé de tous mes biens ainsi que de toutes mes économies. Alors mortifiée il me fallut mettre mon amour-propre de côté et revenir chez mon père…

Après avoir mis tout à plat concernant les traits de mon caractère. Je consentis timidement à saisir la main invisible qui se tenait au-dessus de moi. La détresse me gagna de nouveau lorsque je me mis à réaliser réellement le poids de la charge des traites qui s’imposaient à moi, je pris peur et cette crainte s’enflamma, me rappelant que j’avais tout perdu. J’étais en proie à l’horreur qui paralyse, anesthésiée comme dans un cauchemar. Complètement perdue je ne savais plus quoi, ni comment faire pour me sortir de cette torpeur.

Puis, contrairement à toute attente, je décidai courageusement de faire preuve d’initiative, prenant du recul vis-à-vis de mes problèmes. Je ne pouvais et ne devais plus me comporter comme une écervelée, sous prétexte qu’il ne me restait plus rien. Il y avait des choses bien plus importantes dans la vie. Certains d’entre nous ont vécu des moments plus que pénibles, voire gravissimes et n’ont pourtant adopté aucun comportement dépourvu de bon sens pour autant.

Les mois s’écoulèrent et je survivais à ma tourmente, me plongeant à corps perdu dans mon travail. C’était la seule chose qui restait à flot dans ma vie. Puis un soir en rentrant du boulot complètement éreinté tant physiquement que moralement, dans la pénombre de ma chambre j’éclatais en pleurs, déchirant le silence de l’obscurité. Mon cœur en lambeau saignait atrocement et dans ces moments tout nous revenait en mémoire. Les fantômes de mon passé n’étaient pas si faciles à semer et me submergeaient. Ce fut ce jour que l’esprit en proie aux tourments et le cœur meurtri de peine, je L’appelai le cœur débordant de foi en cette prière sous mes sanglots étouffés :

« Seigneur, viens à mon secours car je n’en peux plus.

Je n’ai plus la force, j’ai perdu tout courage.

Toi qui sondes les cœurs, vois comme le mien est en peine.

Ne m’abandonne pas mon Dieu, mais délivre-moi de mes souffrances par ton Amour.

Il y a tant de choses que mon cœur désire et auxquelles je ne peux aspirer sans toi.

J’ai besoin de toi pour me sortir de tous les problèmes qui me cernent.

Merci, Seigneur, de me donner la santé, de régler mes dettes, de me véhiculer, de me loger et me permettre de rencontrer l’homme qui me convient.

Que tout cela vienne de toi Seul et non de moi.

Beni sois tu Père Tout Puissant maintenant et pour toujours.

Amen. »

Dieu est pour nous un refuge et un appui, Un secours qui ne manque jamais dans la détresse.

Psaume 46, 2

Je priais en ces termes chaque jour, pendant des semaines et des mois. Puis un beau matin sans aucune raison je cessai de prier pour tout cela. Mon esprit commençait à connaître le répit, Dieu avait calmé la tempête au fond de mon cœur.

Je reconnais que rien de ce que j’avais demandé n’avait été exaucé. Mais cela m’importait peu à côté de ce sentiment de calme et de tranquillité qui commençait à se manifester en moi. De confession chrétienne, éduquée dans la tradition catholique j’avoue volontiers ne pas avoir été une pratiquante assidue, et certainement pas un monument de piété. Cependant à cette époque je ressentis le besoin de me rendre à l’église tous les dimanches. Besoin stimulé par le désastre de ma vie cela ne faisait aucun doute.

Mon quotidien en semaine se cantonnait au boulot, maison, dodo, sans jamais rien dans l’intervalle. Le dimanche matin étant consacré à l’église, cette routine était devenue comme un cocon qui me sécurisait. Je n’étais pas encore prête à sortir de nouveau en société.

Au printemps de l’année suivante en mars 2006, soit onze mois après ma séparation ma situation restait inchangée d’un point de vue matériel. À cette même période, il s’avère que le comité d’entreprise de la société pour laquelle je travaillais organisait un voyage à Venise.

Passionnée de voyage je m’étais inscrite, émettant cependant une certaine réserve. En effet ayant côtoyé principalement les membres de ma famille depuis le retour au nid paternel, je me refusais de voir toute autre personne, à l’exception de mes collègues de travail que je voyais au bureau car je n’en avais pas le choix. Je me sentais trop humiliée pour voir qui que ce soit, et détestais l’idée de les voir s’apitoyer sur mon sort.

Alors lorsque je pris la décision d’entreprendre ce voyage, je savais que je devais en assumer tous les aspects. Venise était la ville du romantisme par excellence, cette décision ne ferait-elle pas resurgir en moi de vieux démons, dont certains encore bien présents ? Mais ma soif d’avancer de nouveau, ne serait-ce que par l’intermédiaire d’une escapade avait eu raison de mes craintes. D’ailleurs, j’avais effectué durant cette année 2006 un triplé, six mois après Venise, je me rendais à Séville et dans l’intervalle en juin au Burkina Faso !

Puis, un week-end, trois semaines après mon retour de Venise, alors que je flânais en pensée je fus agréablement surprise de constater que l’une de mes prières avait été exaucée. Assise sur le balcon, goûtant à la timide chaleur des rayons du soleil en ce début de printemps. Je réalisais que l’état de mon corps était totalement restauré. J’avais alors laissé éclater ma joie, cette démonstration étant pour moi synonyme d’assurance.

L’aspect de mon corps ne subit pas cette métamorphose comme par magie, simplement parce que je venais de m’en rendre compte. Je n’avais clairement pas fait cas des transformations qui s’étaient opérées au fur et à mesure du temps. Et ce jour-là ayant probablement atteint un certain degré de sérénité en moi, mes yeux s’ouvrirent pour constater ce résultat.

Dieu avait répondu à mon appel au secours. Il avait tendu son oreille et prêté attention à ma prière. Ce que cela représentait pour moi était énorme car sans m’en rendre compte, j’entends par là sans en avoir eu réellement conscience. Ma santé physique et mentale fut nettoyée par Son grand amour.

Certes, si physiquement je me portais à présent comme un charme, sachant que tous mes maux énumérés plus tôt ne laissaient plus de marques apparentes. Je savais que mentalement il y avait encore du chemin à parcourir car je sentais la vulnérabilité encore bien logée en moi. J’étais certaine que mon état psychologique était quelque peu épuré, j’en ressentais d’ailleurs les effets et cela ne pouvait d’être que l’œuvre du Très-Haut.

Alors m’appuyant sur tout ce que je venais de constater. J’avançais doucement mais sûrement sur le chemin de la vie renonçant fermement à me laisser abattre. Je compris par la révélation de ma guérison que Dieu était le soutien de mon existence. Ainsi en juin de cette même année, me sentant encouragée j’osais partir de nouveau pour un pays qui m’était inconnu. C’est ainsi que je passais trois semaines dans mon pays d’origine. Ma vie semblait prendre un tournant même si ma vie sociale, elle, n’avait pas évolué. J’étais consciente que je me cachais maintenant derrière de prétextes. Cela me rassurait et cette attitude demeura encore des mois durant.

Mon état d’esprit s’affirmait de plus en plus en quiétude. Lorsque je ne travaillais pas, je passais le plus clair de mon temps à écouter de la musique, méditer sur ce que je souhaitais vraiment dans la vie, me remettant en question sans cesse car beaucoup de mes croyances s’étaient révélées infondées, voir erronées. Qui que j’aie pu être je le laissais à présent derrière moi. Je devais trouver quelque chose de supérieur, quelque chose de plus fort que ce qui me dévorait.

J’étais à la cherche de fondations solides pour ma vie et j’adoptais le comportement qui y correspondait. La plupart du temps, recluse dans la solitude, je m’interrogeais sur la personne que j’étais. Les pourquoi et les comment valsaient bon train dans mon esprit. Un des plus grands malheurs à mon sens pour tout être est la perte de son identité. Ne savais-je plus qui j’étais ?

J’admets que mes questions avaient de quoi me troubler ou me désorienter. Une question en entraînant une autre, sans jamais avoir forcément de réponse. Mais c’était un passage nécessaire, qui me poussait à mettre en évidence tous les traits de caractère qui me faisaient défaut. J’avais dans ces réflexions l’opportunité de choisir à présent celle que je voulais vraiment être, après avoir découvert qui j’étais auparavant. On m’avait offert une seconde chance. Nul besoin de cogiter pendant mille ans pour en saisir l’occasion, j’avais fait mon choix.

À présent, l’été avait fait place à la grisaille hivernale, et la lumière blanche du soleil de décembre aux réjouissances de fin d’année. Mon être tout entier était animé d’un sentiment profond de paix. Toute la famille était réunie pour fêter Noël dans la joie et la bonne humeur. En cette fin d’année deux mille six, il ne restait que l’ombre des chagrins que j’avais connus. La douleur que me causait le souvenir de ma vie de couple n’était quasiment plus présente en moi.

J’avais remporté la première bataille, avec pour arme une main souveraine. Cette main divine m’avait débarrassé du mal qui me rongeait, remise debout, pour enfin me faire exister à nouveau. Oui, vingt mois après le début de la fin de mon histoire de couple, je déclarais haut et fort que Dieu m’avait GUÉRIE, RELEVÉE et RÉTABLIE.

Je t’exalte, ô Éternel, car tu m’as relevé, Tu n’as pas voulu que mes ennemis se réjouissent à mon sujet.

Psaume 30, 2

Le gain de ce premier combat, face à l’atteinte physique et psychologique dont je fis l’objet m’avait galvanisé. Je me sentais enfin prête à faire mon comeback2 dans une vie socialement équilibrée, j’en avais vraiment envie. D’ailleurs, je commençais, après tout ce temps à en éprouver le besoin. Cela dit, il y avait un hic je n’avais aucune idée de la manière dont je devais m’y prendre.

Il faut dire que je m’étais mise en quarantaine près de deux ans. Il était inadmissible de ma part de blâmer mon entourage qui n’eut de cesse de m’encourager à sortir, ne serait-ce que pour me changer les idées. À présent, je ne pouvais décemment pas revenir vers eux la bouche en cœur, sachant que j’avais décliné un nombre incalculable d’invitations.

Alors il ne me restait qu’une chose à faire prendre mon audace à deux mains et me lancer seule dans l’arène comme une grande. Ce que je fis et j’eus grand plaisir à me balader, faire du shopping, flâner çà et là redécouvrant les ruelles de ma ville. En effet, native d’Aix-en-Provence, j’aimais cette commune de sentiments sincères avec ses 130 fontaines publiques et privées, dont sa station thermale, son amour pour l’art et l’histoire.

J’étais consciente qu’il y avait un monde entre faire des promenades et avoir une vie sociale active. Cependant pour moi ce fut une excellente entrée en matière. Me mêler à mes congénères, n’attendant rien d’autre en retour que le plaisir procuré par des visages joyeux et souriants. J’avais trouvé cela très divertissant et agréable.

Toutefois, la vie me réservait une surprise et celle-ci allait incontestablement chambouler la conception de ma vie sociale actuelle.

Deuxième partie

L’an deux mille sept : vers une vie nouvelle

L’ami aime en tout temps,

Et dans le malheur il se montre un frère.

Proverbe 17, 17

3

Choix d’une analyse

critique objective et constructive

Rencontre, festivité, allégresse, ces trois mots furent le cadeau que me réservait l’existence cette année-là. La fabuleuse surprise qui avait révolutionné et embelli ma vie sociale. Mais j’aurais tout aussi bien pu synthétiser tout cela avec un simple prénom.

Courant deux mille sept, ce fut à cette période énoncée que ma vie telle que je la vivais jusque-là commença à se métamorphoser. La manière dont les évènements s’étaient enchaînés me paraissait impensable.

Au départ rien de nouveau pour moi dans ma vie en général, j’en étais toujours plus ou moins au même stade. Cela dit avec une certaine amélioration puisque je m’ouvrais désormais au monde extérieur, même si cela se faisait avec une approche très personnelle.

En faisant le point sur les divers aspects de ma vie je pus mesurer à quel niveau je me situais pour chacun d’entre eux. Ainsi j’avais répertorié mon existence en cinq classes distinctes, afin d’établir une courbe d’appréciation de ma position actuelle, pour la confronter à celle de 2005.

Bien que la note chiffrée de cette introspection fût passable, je m’en contentais. Car des faits pris dans leur ensemble ne parlent pas nécessairement d’eux-mêmes. Les apparences souvent trompeuses ne reflètent pas toujours la réalité, contrairement à une inspection détaillée et attentive des évènements.

J’aurais pu comparer ce résultat à un verre à moitié vide ou à moitié plein. Le choix occasionné par une personne pouvait déterminer : soit son optimisme en pensant que le résultat était semblable à un verre à moitié plein, soit son pessimisme en songeant que le verre était à moitié vide. En réalité dans la vie tout était une question de choix.

Le mien s’était fixé sur ma détermination à observer les choses positivement. C’est ce que je m’étais efforcée de faire en jaugeant le premier aspect de ma vie celui de la famille. Yep, yep, yep ! Les familles du vingt et unième siècle, débarrassez la surface et il n’y a qu’une cavité sans fonds d’infidélité, de désillusion et d’hypocrisie.

Fort heureusement pour moi ce n’était pas le cas dans ma famille composée de cinq enfants. J’étais l’aînée de trois sœurs et d’un frère. Notre mère nous fut enlevée, fauchée par la mort au printemps de sa vie de femme, d’épouse et de mère à l’âge de 35 ans, en 1991. Notre famille ne comportait à présent plus que 6 membres. En fait, le chiffre est inexact puisqu’en 2004 la famille avait souhaité la bienvenue à deux nouveaux arrivants, les enfants de mes deux plus jeunes sœurs.

Dans mon esprit, la famille avait toujours eu une grande importance aussi loin que je m’en souvienne. Nous avions ensemble vécu des instants que jamais nous n’aurions pu croire surmonter. J’avais des tas d’éblouissants souvenirs plein la tête mais aussi des moments plus ombrageux ainsi va la vie ! Quoi qu’il en soit, mon père ainsi que mes sœurs Mireille et Lamoussa avaient fait bloc pour me soutenir, et m’encourager lors de ma descente aux enfers survenue après ma séparation.

Je n’eus donc aucune difficulté à l’issue de ma réflexion, pour statuer envers une relation familiale plus soudée, et je rendais grâce au ciel d’appartenir à un tel foyer !

Vint ensuite l’heure d’exposer mon point de vue sur le second aspect de ma vie, et pas des moindres puisqu’il s’agissait de ma vie sentimentale. J’aurais pu aisément en faire un condensé en la décrivant comme étant totalement inexistante. C’était du moins ce que l’ancienne femme que j’avais été aurait pensé.

Mais je décidai de voir les choses autrement même si sentimentalement parlant c’était le désert de Gobi. Il n’en restait pas moins que j’avais des perspectives bien déterminées dans ce domaine précis. Certes, j’étais célibataire mais le célibat a ses avantages, surtout après une rupture, si l’on sait en saisir l’à-propos. Il me permit de me centrer sur moi-même, de pousser plus avant mes réflexions sur les obstacles existentiels que nous rencontrons ce qui dans mon for intérieur était très important. Certains disaient : « mais tout de même, deux ans, c’est long ! ».

Comme je l’ai déjà évoqué, tout était une question de choix, le mien fut de voguer en solo pour deux raisons essentielles. La première résultante d’un examen objectif et sincère m’a conduite à la conclusion que je n’étais pas prête à entamer une relation amoureuse avec qui que ce soit. D’ailleurs si on y regardait de plus près j’étais incapable de me mêler aux autres, si ne n’était que par le biais de virées dans les ruelles d’une ville. Alors un tête-à-tête c’était impensable ! Cela avait probablement dû sembler pathétique à certaines personnes autour de moi, faisant un trop plein d’empathie à mon égard.

Intérieurement, je saluais leur belle attention mais je n’éprouvais aucun chagrin dans le fait de n’avoir rencontré personne, à l’instar de ce que certains pouvaient penser. Mais ce fut la deuxième raison qui avait le plus d’importance à mes yeux. Cette conviction intime qui me possédait et que je n’aurais échangée pour tout l’or du monde. Cette certitude profonde de l’intervention directe de notre Seigneur là où le bât blesse. Ma décision mûrement réfléchie était inflexible.

Nul n’est comme toi parmi les dieux, Seigneur, et rien ne ressemble à tes œuvres.

Psaume 86, 8

Je pouvais donc affirmer sans conteste que dans ce domaine précis de ma vie il n’y eut aucune progression concrète depuis l’année 2005, cela était l’évidence même. Mais, ma foi, cette décision de vie était délibérée et m’appartenait. De plus, je comptais bien m’en tenir conformément à la prière que j’avais faite à ce propos, il y avait maintenant deux ans… Laisser Dieu agir !

Le troisième aspect concernait le domaine professionnel, avec un changement entre deux dates des plus satisfaisants. Je n’eus donc aucun besoin d’épiloguer, préférant faire preuve d’abstinence cérébrale dans la description de l’évolution de cet aspect. Cela se passait de commentaires !

J’avais ensuite considéré le côté financier comme le quatrième aspect de ma vie. Celui-ci n’avait pas avancé d’un pouce depuis 2005. Ma situation de ce point de vue était en léthargie complète. J’avais toujours les remboursements de mes prêts qui me collaient aux basques…

Certes, le capital restant dû s’était amoindri pour autant j’en avais toujours la charge. Je limitais mes achats au strict nécessaire, afin de ne pas empiéter sur la partie réservée aux paiements de mes dettes. Celles-ci représentaient plus de 65 % de mon salaire. Bien heureusement pour moi, vivant chez mon père je n’eus pas à faire face à de grosses dépenses comme cela aurait été le cas si j’avais eu un habitat en solo.

Dans ces conditions contraignantes, il y avait tout de même un côté positif ! Puisque cela m’a permis d’apprendre de manière plus efficace à gérer mon budget et mes comptes. Mais cela m’a également enseigné que je n’aurais plus jamais recours à un prêt de ma vie, m’offrant ainsi une nette amélioration de ma gestion financière. Cependant, je n’étais aucunement au bout de mes surprises et d’autres évènements m’attendaient sur le chemin de cette nouvelle vie.

4

Mais qui es-tu donc ?

Enfin, j’évaluais l’aspect social de ma vie, qui comme je l’ai déjà expliqué était pour certains des plus monotones. Toutefois jamais et j’insiste lourdement sur le jamais je n’eus cru possible que dans mon environnement professionnel se dissimulait un personnage aussi surprenant, pour qui j’aurais plus tard autant d’affection.

Il fut souvent porté à ma connaissance que les rencontres fortuites faisaient de belles histoires. Eh ben, j’étais à mille lieues d’imaginer à quel point, même avec mon imagination des plus fertiles.

En fait, tout avait commencé à Venise une bonne année plus tôt, en mars 2006, lors du séjour organisé par le comité d’entreprise de ma société que j’évoquai précédemment. À cette époque, je n’étais aucunement prompte à quoi que ce soit comme je l’ai déjà indiqué. Et il me fallut un certain temps avant de décider si je devais entreprendre ce voyage. Finalement, je franchis l’obstacle de ma peur, pour passer des moments plus qu’étonnants dans ce lieu culte.

Prenaient part à ce voyage, en dehors de ma personne quatre collaborateurs de mon service. On ne se connaissait que par le biais du travail du moins avec ma récente ancienneté c’était mon cas. Mais il y avait entre mes quatre collègues une entente que je qualifiais de particulière, ce qui me laissait présager des instants des plus intéressants.

J’avais gardé de ce séjour un certain nombre d’anecdotes, comme quand nous décidâmes de jouer à cache-cache tous les cinq à l’intérieur de la même chambre d’hôtel, dans l’obscurité la plus totale. La situation était inénarrable et personnellement je fus ravie de renouer avec des jeux de mon enfance. Il y eut encore beaucoup d’autres aventures, toutes plus insolites les unes que les autres.

Cependant parmi notre groupe de cinq l’une d’entre elles m’intriguait. Je devais avouer me poser pas mal de questions à son sujet. J’avais pu constater, depuis un certain temps déjà que lorsque cette personne se trouvait dans mon champ de vision, je ne pouvais m’empêcher d’épier ses moindres faits et gestes.

Je ne savais comment l’expliquer mais j’étais attirée par elle comme par un aimant. Lorsqu’elle apparaissait dans le même espace que le mien, je cessais toute activité pour me fixer sur elle un laps de temps. Je savais qu’agir de la sorte n’était pas bien mais je ne pouvais m’en empêcher. Mon attitude était totalement incompréhensible lorsque je voyais cette personne.

Cela me perturba fortement car jamais auparavant je n’avais ressenti cela à l’égard d’un semblable et de surcroît un inconnu. Pourtant même si ce fut de manière distante je côtoyai cette personne tous les jours au bureau depuis deux ans. J’étais intriguée par elle pour autant je ne désirais pas forcément m’en approcher. Le sentiment qui m’habitait était étrange tantôt chaud puis froid. Je ne savais plus comment me positionner vis-à-vis d’un tel être.

Car pour être sincère cette personne me fascinait au plus haut degré et cela en devenait gênant. C’est inouï ! Comment un être pouvait-il piquer la curiosité d’un autre au point de le dérouter ? C’était exactement ce que j’éprouvais et pourtant je ne lui adressais pour ainsi dire quasiment jamais la parole, hormis pour des traitements d’ordres professionnels exclusivement. En dehors de ce cadre je ne lui pipais pas mot.

Je dois bien avouer que cette personne avait un côté plutôt effrayant dans sa manière d’être, mais j’étais totalement subjuguée…

Je finis par comprendre ce qui m’empêchait de m’approcher d’une telle âme, malgré une certaine envie que j’avais du mal à taire. Il est absurde de croire que l’on connaît du bout des doigts un individu pour l’avoir pratiqué dans un milieu donné. Néanmoins, notre manière d’être unique à chacun exprime infailliblement qui nous sommes, nul besoin de savoir lire entre les lignes pour décrypter certaines personnes.

Je n’ai nullement la prétention de dire que je pouvais lire en ce personnage, comme dans un livre ouvert. Loin de moi cette pensée ! Néanmoins, je pus déceler en cette personne affublée d’un caractère herculéen une touchante émotivité. Étrangement, sa prestance m’avait happée au détriment de ma raison me poussant à refréner mes ardeurs, m’obligeant à y aller sur la pointe des pieds.

J’étais réellement curieuse de voir cette personne dans un autre contexte que celui du bureau, où elle semblait parfaitement toujours tout maîtriser. Mon vœu fut comblé lorsque je sus qu’elle faisait partie du voyage à Venise. Je ne m’attendais à rien en particulier car je n’étais plus aussi expéditive dans mes jugements qu’il fut un temps.

Sincèrement, je souhaitais connaître plus amplement ce spécimen rare, et ce voyage m’en donnait l’occasion car il s’agissait de divertissement et non plus de boulot. De plus, je rêvais de voir si la posture qu’elle affichait au bureau était maintenue, quel que soit le lieu où elle se trouvait.

Je reconnais que si j’en avais parlé autour de moi ou encore si une personne autre que moi avait pénétré mon esprit, pour y entrevoir mes pensées. On aurait pu croire que j’en étais éprise mais il ne s’agissait en rien d’amour fusionnel ou encore passionnel entre deux êtres de sexe opposé ni de même sexe, qu’occasionne un sentiment amoureux.

J’éprouvais le besoin d’être proche de cette personne comme si je la connaissais d’un passé plus ou moins lointain. Cependant, cette démarche me semblait abrupte pas tant dans la manière d’y remédier mais plutôt par une réticence qui me freinait. Et cela était dû au fait que malgré mon inclinaison à aller vers elle, je savais d’après ce que j’avais pu observer que beaucoup de choses nous opposaient.

Et plus particulièrement, l’une d’entre elles était son absence de discrétion que j’avais du mal à saisir. J’ai toujours eu pour principe qu’au bureau tout ce qui était d’ordre privé était chasse gardée et totalement hors d’atteinte. Cependant, le fait de savoir que ce personnage était frappé de diarrhée verbale m’incommodait réellement.

Je ne voulais pourtant pas me laisser abuser par si peu car en fin de compte, je n’étais pas à sa place et que savais-je de sa vie ? Je me devais de réserver mon jugement en allant au-delà des apparences. Et le meilleur moyen fut de me laisser l’opportunité de découvrir cet être tel qu’elle était.

J’admets avoir reçu une bonne leçon de l’existence, qui m’enseigna que malgré les différences visibles et manifestes d’un être à l’autre. Les choses pour la plupart du temps ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être car généralement il ne s’agit que d’une façade. Il est donc sage adopter la bonne attitude en tentant de comprendre ce que nos yeux perçoivent, avec toute l’amabilité dont on dispose en soi.

L’homme dont le regard est bienveillant sera béni, Parce qu’il donne de son pain au pauvre.

Proverbe 22, 9

J’optai pour cette façon d’accepter les différences de chacun, en la mettant rapidement en pratique au cours de mon séjour à Venise. Et là, force fut de constater que parmi les grosses différences qui pouvaient séparer deux individus. On pouvait jovialement être médusé-e-s de se trouver des points communs. Ce fut précisément ce qui nous était arrivé lors d’une sortie à une exposition d’art contemporain.

En effet durant notre séjour nous avions eu vent de l’exposition permanente de la collection Peggy Guggenheim au palais Palazzo VENIER dei Leoni. Celle-ci présentait l’une des plus belles collections d’art moderne d’Europe. Nous voilà donc tous les cinq en route pour ce palais dont la construction initiée en 1748 par l’architecte Lorenzo BOSCHETTI, se situait au bord du Grand Canal.

En entrant dans les lieux, on pouvait ressentir l’atmosphère enivrante de la passion, qui avait animé le doigté de tous ces artistes. Ces toiles présentées comme des mets exquis s’offraient à nous comme une dégustation divine. J’étais dans une totale folie devant tant d’éclat en une même enceinte.

Comme une abeille butine de fleur en fleur, je papillonnais de toile en toile, ne fixant aucune limite à mon imagination. Je me laissai aspirer par ces œuvres d’art, qui m’insufflaient la vérité par leur beauté.

A priori, mon sentiment ne fut pas partagé par tous puisque trois de mes collègues déclarèrent forfait assez rapidement. Ils ne prêtaient plus guère attention aux fabuleux cadeaux qui les entouraient et las décidèrent de s’éclipser.

Je me retrouvais donc en compagnie de la dernière personne à qui je pensais. Aussi incroyable que cela puisse être je terminais de contempler les tableaux exposés du musée avec l’être que j’espionnais. C’était la première fois en deux ans, quel qu’en soit le lieu que je me retrouvais seule en sa présence.

Je sentis une pression monstrueuse monter en moi. Pourquoi ? Je n’en avais aucune idée du moins au départ. Mais en faisant preuve d’honnêteté vis-à-vis de moi-même, je consentis à admettre que j’étais impressionnée. Cette personne que j’observais dans un cadre bien déterminé, en l’occurrence le bureau, était restée fidèle à elle-même. Sa ligne de conduite ne trahissait pas ce qu’elle était, quel que soit l’endroit où elle se tenait.

J’étais en admiration devant le fait qu’elle assumait parfaitement ce qu’elle était en tout temps, sans compromis. Il y avait très longtemps qu’un individu ne m’avait scotché ainsi, cela force le respect. Et je me retrouvais là, à ses côtés admirant et échangeant des points de vue sur des œuvres surréalistes ou abstraites. Pour moi, c’était la situation entière qui me semblait complètement irréelle.

Vraiment, je pouvais m’attendre à partager sur le domaine de l’art avec bien des personnes. Pourtant ce fut celle avec qui je m’y attendais le moins qui s’était présentée. Je compris là que j’avais porté un jugement injuste, malgré ce que je m’étais interdit de faire. Et que cet a priori m’avait conduite à penser qu’une telle personne ne pouvait apprécier l’art.

J’avais mal agi en pensant de la sorte et je regrettais sincèrement de l’avoir condamnée en me basant sur les apparences. À compter de cet instant, je mis un point d’honneur à faire de mon mieux pour ne plus avoir de préjugé sur autrui.

Comment peux-tu dire à ton frère : Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère.

Luc 6, 42

La visite du musée touchait à sa fin que nous continuâmes à débattre des impressions qu’évoquaient certaines toiles sur nos sens. Certaines interprétations étaient sombres, quand d’autres étaient marquées d’un esprit fantasque. Mais la gaieté, ton prédominant de notre entrevue avec le 3e art était à l’effigie de toutes les aventures que nous allions vivre mutuellement.

Ainsi débuta à l’issue de ce voyage une tout autre forme de relation entre nous. Je n’eus plus de regard médusé vis-à-vis de cette personne comme j’avais coutume d’avoir. D’une part car je pouvais désormais l’aborder directement et d’autre part car j’étais enclin à me dévoiler davantage mais pas sans aucune prudence. À mon sens, cette relation débutait sous les meilleurs auspices.

Je pus constater au cours de nos diverses conversations que nous avions plus de points communs que je ne pouvais l’imaginer. Je ne faisais pas allusion aux traits de nos caractères qui étaient somme toute différents, mais plutôt aux vécus des évènements, qui ont sillonné nos existences individuelles. Cet être aussi connut très jeune la perte d’un parent et venait de vivre une séparation de couple des plus pénibles.

Je pus totalement m’y identifier pour avoir essuyé les mêmes déflagrations qu’avait imposées la vie sur ma personne. Je comprenais parfaitement ce qu’elle vivait, quand tous ceux qui l’entouraient ne pouvaient même pas imaginer, ni même soupçonner ce qu’elle ressentait. Ainsi je compris la chose suivante : on ne pouvait prétendre comprendre ou encore imaginer ce qu’avait vécu un autre si nous n’en avions pas nous-mêmes fait l’expérience.

Car même en bénéficiant de la plus sincère empathie celui qui en témoigne ne fait qu’effleurer du doigt le mal rongeant intérieurement celui qui la reçoit. Je ne souhaitais à personne de vivre une situation similaire, afin de comprendre ce que son prochain pouvait ressentir. Sauf si l’on fait abstraction de la douleur, alors dans ce cas tout serait bien plus simple. Malheureusement pour l’heure l’humanité ne peut s’empêcher de comprendre et d’apprendre autrement qu’à travers la souffrance.

Quoi qu’il en soit, après l’avoir entendu dépeindre certains passages du récit de sa vie. Je ressentis le besoin énigmatique et submergeant de prendre soin de cette personne. Car finalement l’être très libre qu’elle était en apparence dissimulait son emprise à une captivité plus que palpable.

Au fur et à mesure, des mois après notre retour de ce voyage, que j’avais qualifié de mémorable pour avoir été à l’origine d’une histoire fantastique. Je pus me confier à mon tour relatant toutes les émotions qui m’avaient asphyxiée, et la manière dont je les avais plus ou moins surmontés au cours de ces deux dernières années.

Notre relation prenait de plus en plus d’ampleur et de hauteur, chaque fois que nous avions l’occasion de discuter ensemble. Je ne voyais pas cette personne en dehors de l’agence, et cela se déroula ainsi jusqu’au début de l’été de l’année suivante.

Ainsi de mars 2006 à juin 2007, seize mois durant nous avions appris à faire connaissance, notamment au travers de nos expériences passées nous confiant réciproquement. Mais je me révélais avec précaution. Cependant cette méthode prudente de se confier à une personne extérieure à notre environnement personnel avait eu un côté thérapeutique bienfaisant.

5

Une vie d’électron libre

Et puis en une superbe journée de juin, sur un seul coup de fil ma vie sociale passa de trépas à vie. Il est certain qu’en prononçant un seul mot j’aurais pu tout changer. J’avais hésité un laps de temps avant de décider oui ou non. Mais l’auteur de l’appel était tellement persuasif qu’en fin de compte je me laissai convaincre, d’assister à une soirée au Country Club Aixois.

Soirées qu’on désignait comme tendances et incontournables à l’époque. Imaginez-moi ermite depuis vingt-quatre mois, ne me souciant de rien qui n’ait trait de près comme de loin à l’aspect physique, me rendant à une soirée comme Cendrillon avec ses haillons ! Car j’étais vraiment à mille lieues d’une personne qu’on pouvait décrire comme une fashion victime3.

De là naquit mon hésitation à communiquer ma réponse. Cependant passant outre j’acceptai la proposition, uniquement pour passer un bon moment de détente. Et la tenue que j’allais porter à cette occasion n’avait que peu d’intérêt, du moment que mes vêtements étaient propres et présentables le reste m’importait peu.