Mémoire, ma petite mémoire - Vicky Dubois - E-Book

Mémoire, ma petite mémoire E-Book

Vicky Dubois

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Beschreibung

Dans la peau d'une personne diagnostiquée Alzheimer

Vicky a été diagnostiquée Alzheimer en 2012. À force d’exercices, de sorties et d’activités, elle vit sa maladie sereinement. Son espoir : une stabilisation définitive.

Dans ce livre, elle raconte ses réflexions quotidiennes, la manière dont elle vit son Alzheimer. Parfois, un flash, qu’elle saisit au vol et consigne soigneusement. Elle nous emmène alors sur ses pas, au Zaïre, avec son mari, ou pendant sa jeunesse, comme infirmière chez les prématurés ou encore adolescente, dans le cinéma de ses parents.

Mémoire, ma petite mémoire est un témoignage d’espoir. Parce qu’il y a autant de maladies d’Alzheimer que de patients et que les routines quotidiennes, les exercices, la gentillesse de l’entourage peuvent aider à vivre longtemps dans les meilleures conditions.

Ma petite mémoire, toi et moi, nous sommes un binôme. À la vie, à la mort. Même si nous pleurons, quelquefois, nous nous soutenons l’une l’autre. Tu m’aides à écrire ces pages, tu m’envoies encore quelques flashs, de temps en temps. Parfois, je me dis que je vais arrêter un peu d’écrire. Puis, comme ça me démange, je reprends mon crayon. Petite mémoire, il faut oublier ce grand vide qui nous attend peut-être. Nous ne pouvons pas nous décevoir l’une l’autre. Il n’y a plus qu’une chose à faire, poursuivre l’écriture de ce livre…

Ce livre est publié avec le parrainage d'Alzheimer Belgique.

Un livre poignant pour mieux comprendre la maladie d'Alzheimer

EXTRAIT

Mon amie, ma compagne de toujours, qui m’apportes parfois la jouissance de retrouver les histoires des beaux jours de mon enfance, de mon adolescence. Tu me fais retrouver la joie, l’histoire de ma vie de femme. Celle qui m’a permis de trouver un amour, de former une famille et de l’agrandir.
Tu as mon âge, soixante-huit ans et demi. Comme moi, tu vieillis, tu oublies quelquefois de me rappeler ce que je dois dire. Mais tu es encore là, même s’il t’arrive aussi de chercher tes mots et comment les orthographier. Ces sacrés mots.

Mémoire, ma petite amie, reste encore longtemps avec moi. Tu es mon binôme, tu emmagasines tout ce qui nous arrive. Aujourd’hui, nous sommes le vendredi 24 août 2012, il est 5 h 29 du matin et tu m’éveilles pour me dire ces quelques lignes. Merci petite mémoire. Comme moi, retourne te coucher, tu vas être fatiguée. Mais s’il te plaît, continue de m’envoyer de petits flashs, de temps en temps…
Je t’embrasse dans ma tête. À bientôt…

Ton amie Vicky

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

- « Dans cet ouvrage très personnel et pourtant universel, Vicky raconte ses réflexions quotidiennes, la manière dont elle vit son Alzheimer. Préfacé par Anne Jacquemin et postfacé par le professeur Martial Vander Linden, psychopathologue et neuropsychologue à Genève et à l’Université de Liège, ce livre ouvre une porte sur l’Alzheimer et permet au lecteur de plonger au cœur de ce que cette maladie implique comme désagrément mais aussi comme espoir et optimisme. » (Athéna)

- « Ce livre est un merveilleux message d’espoir pour tous ceux atteints de la maladie d’Alzheimer. » (TSA Magazine)

A PROPOS DE L'AUTEUR

Après une adolescence vécue à Quaregnon (Belgique), Vicky Dubois est devenue infirmière au service des prématurés. Elle a ensuite vécu une dizaine d’années au Zaïre avec son mari. Aujourd’hui, elle partage son temps entre Tenerife et la banlieue de Bruxelles.

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Vickypar Anne Jacquemin, logopède

Avant d’être amies, Vicky et moi étions liées par une relation d’ordre professionnel. Elle était patiente et moi, thérapeute, dans une clinique de la mémoire.

C’est dans ce cadre que je l’ai rencontrée, en août 2012 : elle venait d’apprendre par son neurologue qu’elle souffrait d’une maladie dite d’Alzheimer. Contrairement à d’autres patients, elle n’était pas catastrophée par cette annonce. Pourtant, un diagnostic de maladie chronique, réputée dégénérative de surcroît, est susceptible de bouleverser une vie du jour au lendemain. Il n’est pas rare qu’un patient se sente soudain différent, autre, qu’il ne se définisse plus que comme un malade et qu’il craigne pour son avenir. En un instant, il remet en question son identité et sa sécurité. C’est l’impuissance. On se met à craindre le regard de l’autre, on ne se voit plus de la même manière. La maladie dite d’Alzheimer fait peur, les médias n’hésitent pas à la présenter comme un diagnostic de mort annoncée, le premier pas vers une déchéance inéluctable et rapide. Un patient a tôt fait, et c’est compréhensible, de se projeter dans cette image.

Vicky ne l’a pas fait. Elle a regardé la maladie en face, elle l’a « acceptée », comme elle se plaît à le raconter. Mais attention, cette acceptation n’a rien de passif. Vicky a décidé de s’informer et de focaliser tous ses efforts vers l’organisation d’une vie normale, malgré la maladie. Sa devise : prendre du plaisir à la vie. J’aime me dire que Vicky a pris le pouvoir sur sa maladie. Il n’était pas question pour elle de se laisser déstabiliser. Toutes ses ressources, ses habiletés, ont été mobilisées non pas dans l’idée de combattre la maladie, mais de vivre avec elle.

Un journal

Avant de venir me consulter, Vicky avait déjà mis en place des stratégies particulièrement astucieuses destinées à pallier ses difficultés quotidiennes. Elle a par exemple un plat sur lequel elle rassemble les objets qu’elle n’a pas l’occasion de ranger immédiatement, ce qui lui permet de ne plus les perdre. Elle entretient précieusement ses capacités préservées : elle préfère écrire des mails plutôt que de téléphoner, car cela lui évite la gêne du mot qui ne vient pas sur le moment. Elle reste très active socialement, participe à une chorale et vit six mois par an en Espagne où elle revoit des amis, notamment au sein d’un groupe de danse. Elle n’a jamais vraiment eu besoin de mes conseils, d’apprendre de nouvelles stratégies. Son intelligence, ses ressources ont fait « mon » travail. Lorsque je lui demande comment je peux l’aider, elle me demande toujours de la tenir au courant de la recherche, de l’aider à comprendre sa maladie. De ce point de vue, elle compte sur moi pour l’aider.

Vicky n’a pas tardé à me parler de son amour de l’écriture. Par plaisir ou pour sa famille, elle a toujours beaucoup écrit. Dès notre première séance, elle avait apporté un album offert par sa petite-fille et qu’elle s’attache à compléter avec une minutie zélée. Il s’agit d’un ouvrage structuré de manière à ce qu’une grand-mère puisse raconter à ses petits-enfants les moments clés de sa vie. Non seulement Vicky le complète en l’agrémentant de photos retrouvées dans ses archives, mais elle y ajoute du texte bien au-delà de l’espace disponible. En lisant ces histoires, j’ai été touchée et surprise par la qualité de son écriture, l’humour et l’émotion de son style. Dès notre première rencontre, elle a pris plaisir à nous en lire quelques extraits qui nous ont émues, ma stagiaire et moi. C’est de là qu’est venue ma suggestion d’écrire un journal, une autobiographie destinée à sa famille.

Elle n’a pas accepté tout de suite. Remplir son album occupait déjà largement ses journées, que ce soit en écriture ou en recherche de photos. Mais dès la séance suivante, elle me confiait qu’elle avait entamé la rédaction de son journal. À l’époque, il s’agissait avant tout de laisser une trace pour sa famille. À l’issue de cet exercice, qui l’a occupée plus d’un an, elle a entamé la rédaction d’un nouveau témoignage dans lequel elle racontait son vécu de la maladie.

Au fil des séances, elle était de plus en plus gênée par son orthographe qu’elle sentait déficiente. Afin qu’elle ne se décourage pas, je lui ai proposé de corriger son texte. C’était une nouvelle aventure : cette fois, Vicky avait décidé de s’adresser au grand public. En partageant son expérience, elle donnait sens à la maladie.

Vicky a pris un plaisir profond à écrire ce nouveau livre, jour après jour. Pour elle et moi, c’est un bonheur de voir aboutir ce projet, de partager des larmes d’émotion et de joie. C’est la preuve que, contrairement aux idées reçues, une maladie de type Alzheimer est compatible avec la réalisation de projets, quels qu’ils soient.

Prendre plaisir à la vie

La décision prise par Vicky de publier son journal est avant tout une démarche altruiste. Elle souhaite que les personnes atteintes comme elle par une maladie de type Alzheimer comprennent que cela n’empêche pas de profiter de la vie. La clé : continuer à prendre du plaisir en se concentrant sur les activités qui pimentent le quotidien : danser, bien manger, rencontrer des amis. Dès le début, Vicky a informé son entourage, sans honte, sans faux-semblant, des difficultés qu’entraîne sa maladie : l’orthographe qui devient hésitante, un mot qui reste sur le bout de la langue et qui interrompt le fil de ses idées, des recettes qu’elle ne parvient plus à réaliser, des objets égarés, des prénoms et des noms disparus dans les limbes… Je ne peux que lui donner raison : il n’y a aucune honte à être malade.

Si Vicky a été capable d’écrire ce journal, c’est avant tout parce que l’écriture est une activité qu’elle pratique intensivement et depuis toujours. Elle est ancrée dans sa vie et dans ses neurones. L’écriture n’est pas la panacée : d’autres patients s’épanouiront dans le jardinage, la natation, les promenades, le tricot, le plaisir de lire, de cuisiner, de faire des mots croisés et tant d’autres passions ou loisirs qui donnent, jour après jour, sens à la vie. Si Vicky a pris plaisir à écrire, d’autres patients resteront les grands jardiniers ou les cordons-bleus qu’ils ont toujours été. Il ne faut donc pas voir l’écriture de ce livre comme un miracle, pas plus que comme une activité que chaque patient serait capable d’accomplir. C’est une habileté individuelle qui a été entretenue.

Alzheimer(s)

Vous l’aurez peut-être remarqué, je préfère parler de maladie « dite d’Alzheimer ». Ce terme, employé de plus en plus fréquemment dans la littérature scientifique, exprime qu’il existe autant de formes de cette maladie que de patients. Ces différences influent fondamentalement sur son évolution. À l’heure actuelle, on ne parvient pas à la prédire correctement. On peut, tout au mieux, isoler des facteurs déterminants : âge d’apparition, présence d’autres pathologies organiques ou psychologiques associées, réseau social et familial, hygiène de vie (e.g. alimentation et activité physique), etc.

On ne peut donc envisager la prise en charge de patients dans une clinique de la mémoire que de manière individualisée. L’objectif premier est d’aider le patient, autant que faire se peut, à conserver une qualité de vie optimale malgré et surtout, avec la maladie. Les objectifs sont définis avec le patient. Il s’agit souvent de réalisations concrètes : réapprendre et mémoriser les prénoms de proches, restructurer des recettes de cuisine afin de les rendre à nouveau utilisables, programmer une machine à laver à l’aide d’un mode d’emploi simplifié, reprendre un hobby délaissé par manque de confiance en soi. Souvent, la lecture devient difficile en raison de la perte des informations en mémoire au fil de la lecture. Là encore, des techniques peuvent être proposées au patient. Une patiente suivie par l’un de mes collègues aimait ainsi tricoter et ne pouvait envisager d’arrêter à cause de sa maladie. Le travail, dans ce cas, fut d’adapter le modèle de tricot afin de permettre à la patiente d’utiliser ses facultés préservées et d’offrir un pull à sa petite-fille.

Dans le cas de Vicky, une plainte récurrente concernait sa difficulté à trouver ses mots, gênante au quotidien. Lors de conversations, l’idée est présente en tête, mais le mot refuse de sortir. C’est une situation anxiogène, qui stresse, qui énerve, qui bouleverse. Vous n’en remarquerez rien dans son texte : tel qu’il se présente, le journal de Vicky est fluide, sans blancs. Vous ne verrez plus les traces de gomme, témoins de ses hésitations. Certaines lignes ont été retravaillées des dizaines de fois, à plusieurs jours d’intervalle, attendant que le stress s’estompe et que le mot juste accepte de se révéler.

L’anxiété est l’ennemi juré du langage et de la mémoire. Aussitôt que la mémoire montre ses faiblesses, un patient peut être bouleversé aux larmes. Et plus il s’irrite, moins la mémoire accepte de travailler. À l’écrit, ce délai d’attente n’est pas gênant pour le lecteur. Nous connaissons tous les effets de la fatigue sur nos performances : on devient plus lent, nos mots sont moins riches, moins recherchés au cours d’une conversation. Cet effet est d’autant plus fréquent et prononcé que l’on souffre d’une maladie qui touche le cerveau.

À la lecture du journal de Vicky, vous trouverez sans doute certaines phrases moins recherchées que d’autres. C’est normal, et en large partie causé par une fatigue attentionnelle accrue. Vicky a marqué son accord pour que l’on corrige son orthographe, mais rien de plus. Elle a souhaité que ses faiblesses lexicales — comme la difficulté à trouver de jolis synonymes ou les mots exacts correspondant à ses idées —, syntaxiques — ses phrases souvent courtes, témoins d’une mémoire à court terme déficiente qui rend trop difficile l’écriture d’une phrase complexe — restent telles quelles dans le texte. Son objectif est de témoigner avec honnêteté, pas de livrer une œuvre artistique. Ces difficultés font partie de la maladie. Les éluder, les corriger empêcherait Vicky de se montrer telle qu’elle est, avec sa force, sa joie de vivre, mais aussi ses limites. Vicky craint d’être jugée par ses lecteurs selon de mauvais critères. Elle le répète volontiers : « Je ne suis pas un écrivain. »

Vivre avec une maladie chronique n’est pas de tout repos. C’est une épreuve quotidienne. Le livre de Vicky est le témoignage de son expérience particulière. Il n’est pas forcément représentatif de ce qu’un autre patient pourrait penser, vivre et percevoir. Chacun vit sa maladie comme il l’entend, comme il le peut, en fonction de ses ressources et de ses talents. Vicky a choisi l’écriture pour communiquer son vécu, ses joies et ses peines. Partager, c’est un de ces mots qui caractérisent admirablement la vie de Vicky, bénévole depuis toujours pour les causes qui lui sont chères.

Pour finir

Ce n’est pas parce qu’une maladie dite d’Alzheimer vous touche que tout est perdu. Le patient reste l’être humain qu’il a toujours été. Bien entendu, il y a des modifications, mais les habiletés, les passions ne disparaissent pas. Il faut les cultiver tant que le patient en ressent l’envie. C’est le rôle du thérapeute d’accompagner et de favoriser ce mouvement.

Vicky a choisi pour son journal un titre interpellant : Mémoire, ma petite mémoire. À travers ses textes, elle s’adresse à sa propre mémoire, qu’elle voit comme une amie bienfaisante qui lui envoie ponctuellement des flashs, des moments de bonheur ou de tristesse de sa vie passée. Sa petite mémoire est la garante de son passé, son double. Ce n’est pas plus un fantôme qu’une hallucination, même si Vicky la voit, matériellement, assise à côté d’elle au moment de lui envoyer ses flashs.

On dit souvent des patients qui ont reçu le diagnostic d’une maladie dite d’Alzheimer qu’ils souffrent de troubles de la mémoire. Ce n’est pas correct. On devrait plutôt parler de troubles d’apprentissage : ce sont les nouvelles informations qui ne sont plus correctement assimilées. Les anciennes, elles, sont toujours présentes. Les flashs de Vicky sont ses souvenirs anciens qui reviennent à la surface comme autant de madeleines de Proust, suscités par un indice, une situation, une saveur furtive.

J’ai beaucoup appris en accompagnant Vicky dans sa démarche d’écriture. Professionnellement, bien sûr, mais humainement avant tout. Aujourd’hui, une confiance mutuelle profonde s’est installée. Entre nous, il n’y a jamais eu de faux-semblants pas plus que de faux espoirs. Vicky n’est plus ma patiente depuis près d’un an désormais, mais elle est devenue et reste une amie très chère. Son travail est unique et admirable. Il mérite toute notre estime.

Anne Jacquemin

À mes quatre petits-enfants que j’aime tant,À tous mes amis, tous ceux qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, en leur disant qu’on peut encore vivre une belle vie. Même si on ne sait plus écrire, qu’on perd l’orthographe, même si on oublie des mots, qu’on ne sait plus calculer, qu’on oublie l’heure ou qu’on s’arrête au milieu d’une phrase et qu’on dit un mot à la place d’un autre. Tout cela ne fait rien, il y aura toujours quelqu’un pour vous aider.Vicky

Avant-propos

Il y a quelques années, j’ai eu un cancer. J’ai eu de la chance, il est passé comme un train devant mes yeux. À peine avais-je réalisé que j’étais malade qu’il était parti.

Ensuite, après avoir subi tous les examens de contrôle, j’ai prié. Mon Dieu, si Tu dois encore m’envoyer une maladie grave, donne-moi Alzheimer plutôt qu’une maladie qui me laisserait handicapée, dans un état végétatif. Au moins, je pourrais encore profiter de la vie aussi longtemps que possible.

J’ai été exaucée. Je le dis sans amertume ni cynisme. Je suis convaincue que j’ai été entendue. Un jour, j’ai vu apparaître à mes côtés une nouvelle amie. Je la voyais comme je vous vois, le visage bienveillant, mais personne d’autre ne la voyait. J’ai cru que je perdais la tête. Peut-être. En attendant, elle était là. Elle restait là, silencieuse, m’apparaissant de temps à autre.

Ensuite, il y a eu Anne, qui m’a accueillie à l’hôpital, à la clinique de la mémoire. Dès le premier jour, elle s’est occupée de moi. À l’occasion d’une de nos séances, elle m’a suggéré de rédiger mes souvenirs anciens, les flashs de l’histoire de ma vie.

Dès ce jour-là, mon amie invisible s’est mise à me parler. J’ai compris que c’était ma mémoire ancienne, ma petite mémoire, sortie de mon corps et incarnée à mes côtés. À la fois proche et distante. Depuis, elle me raconte nos aventures, par épisodes. Nos histoires de vacances, de famille, d’enfance. Elle est comme mon ange gardien qui, derrière mon épaule, me souffle nos histoires, nos peines et nos joies. Elle ne me quitte pas, elle est assise, tranquillement, à côté de moi, au moment où j’écris ces mots. Ce livre est le résultat de nos longues conversations.

Vous nous suivez ?

Mémoire, mémoire

Mon amie, ma compagne de toujours, qui m’apportes parfois la jouissance de retrouver les histoires des beaux jours de mon enfance, de mon adolescence. Tu me fais retrouver la joie, l’histoire de ma vie de femme. Celle qui m’a permis de trouver un amour, de former une famille et de l’agrandir.

Tu as mon âge, soixante-huit ans et demi. Comme moi, tu vieillis, tu oublies quelquefois de me rappeler ce que je dois dire. Mais tu es encore là, même s’il t’arrive aussi de chercher tes mots et comment les orthographier. Ces sacrés mots.

Mémoire, ma petite amie, reste encore longtemps avec moi. Tu es mon binôme, tu emmagasines tout ce qui nous arrive. Aujourd’hui, nous sommes le vendredi 24 août 2012, il est 5 h 29 du matin et tu m’éveilles pour me dire ces quelques lignes. Merci petite mémoire. Comme moi, retourne te coucher, tu vas être fatiguée. Mais s’il te plaît, continue de m’envoyer de petits flashs, de temps en temps…

Je t’embrasse dans ma tête. À bientôt…

Ton amie Vicky

PREMIÈRE PARTIE : FAMILLE

25 août 2012

Ma petite mémoire, il est 10 h 45 et j’ai une grande nouvelle à t’annoncer. Je commence un journal ! Tu sais, j’en ai déjà tenu un dans ma jeunesse. Tu m’aideras ? Hier après-midi, je suis allée à la consultation, chez mon médecin traitant. J’ai reçu les résultats de mes examens neurologiques. Plus de doute, c’est bien Alzheimer que j’ai. Je m’en doutais. À nous deux, on s’aidera.

En attendant, je vais continuer à compléter le livre de ma grand-mère, ce cahier que m’a offert ma petite-fille Aurore pour mon anniversaire et dans lequel je dois inscrire mes souvenirs, pour elle. Il me reste encore quelques textes à écrire, à imprimer et à coller.

26 août 2012

Sept heures du matin. Toc toc, c’est toi, petite mémoire, qui es déjà réveillée pour me dire qu’il pleut. Quelle poisse, ces changements de temps. Il fait froid puis il fait chaud, si chaud, et maintenant la pluie… Allons, ne nous plaignons pas ! Il est déjà neuf heures et demie, je dois filer à l’église car nous devons répéter les chants avant la messe. Heureusement, Alain, mon mari, m’y conduit chaque semaine. Je suis toujours la première arrivée.

Petite mémoire, sois en forme pour m’aider à chanter ! Tu le sais, je n’arrive plus à lire les partitions, alors je regarde les feuilles imprimées mais sans distraction, bien dans l’ordre, sans m’arrêter. Et aussitôt qu’on mélange les chants et les refrains, je suis perdue. Heureusement, mes amies choristes m’aident discrètement à m’y retrouver quand elles me voient en difficulté. Heureusement qu’elles sont là…

Petite mémoire, voudrais-tu stocker nos chants dans ton disque dur spécial, celui qui ne s’efface pas ? Jusqu’à présent, tu l’as toujours bien fait. Grâce à toi, je connais souvent les chants par cœur et je ne dois pas regarder ma feuille.

À demain petite mémoire, je t’embrasse.

27 août 2012

Ma petite mémoire, je suis remplie de joie. Cette dernière semaine du mois d’août, mes petites-filles viennent nous rendre visite. Aude, ma petite-fille de huit ans, est venue seule aujourd’hui car sa sœur Aurore est à la mer pour la journée, avec son parrain.

Ce matin, nous avons joué toutes les deux à LPS, une petite ferme avec tout ce qu’il faut d’animaux et d’équipements. Ensuite, elle m’a montré sa console de jeux et m’a expliqué qu’elle devait soigner les animaux marins : baleines, requins, dauphins, tortues de mer et otaries. Elle était triste parce qu’un sac en plastique jeté par un vilain bonhomme étouffait sa tortue de mer.

Mémoire, ma petite amie, demain, j’aurai bien de l’ouvrage : nous avons invité des amis pour un barbecue. Nous serons huit. Ouvriras-tu tes neurones pour que je n’oublie pas trop de choses à table ? La dernière fois, j’avais oublié les petites saucisses et la sauce barbecue faite maison…

30 août 2012

Ma petite mémoire, j’espère que tu ne m’en veux pas. Je t’ai délaissée. Pour me faire pardonner, je serai tes yeux désormais. Voyons, que s’est-il passé ces derniers jours ? Mes petites-­filles ont ouvert un salon de beauté, j’ai eu droit à une manucure. Mes deux esthéticiennes ont épilé leur papy et leur mamy. Aude avait revêtu sa robe rose de princesse et son diadème dans l’espoir de trouver son prince charmant.

Ensuite, le téléphone a sonné. C’était mon fils Alexis qui me demandait si tout allait bien. Il me racontait que ses deux grands enfants, Gabriel et Samuel, étaient bien revenus de leurs vacances en Italie.

Après, c’est le méli-mélo dans ma tête, petite mémoire. M’aideras-tu à retrouver ce qui s’est passé depuis lundi ?

31 août 2012

Ma petite amie, si tu voyais comme mes quatre petits-enfants ont grandi. Gabriel a eu quinze ans, Samuel, treize. Aurore aura bientôt douze ans et Aude, que tu connais, a eu huit ans au début de l’été.