Nom d'un chien, nom de dieu et non grata - Marcel Tissot-Dit-Sanfin - E-Book

Nom d'un chien, nom de dieu et non grata E-Book

Marcel Tissot-Dit-Sanfin

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Beschreibung

Un de ces matins où il faut quelques secondes pour remettre le monde là où on l’a laissé la veille.
– Bonjour, dit-elle debout au pied du lit, en enfilant son pantalon.
Je lui réponds que cela reste à voir, en me levant pour me servir un verre d’eau à la cuisine qui se trouve à deux mètres, car j’habite un minuscule studio meublé.
– C’est vrai que tu écris des scénarios pour Hollywood ?
– Hollywood, ça reste à voir ça aussi. Mais, oui, je suis scénariste, et actuellement sur un gros coup…
– Un gros coup oui je sais.
Il y a quelques secondes de silence pendant qu’elle remet son haut.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marcel Tissot-Dit-Sanfin est né en Suisse le 15 octobre 1989. Dans son premier roman, l’auteur nous plonge dans la vie d’un ouvrier trentenaire et aviné, entre prolétaire raté et génie de l’échec. Le personnage envie une réussite artistique, et peut-être, naïvement, une considération intellectuelle. Ce roman à l’humour grisant est un saut dans l’absurde, au côté d’un personnage détestable et touchant à la fois.

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Marcel Tissot-Dit-Sanfin

Nom d’un chien, nom de Dieu, et non grata

 

 

1. Hollywood

Un de ces matins où il faut quelques secondes pour remettre le monde là où on l’a laissé la veille.

– Bonjour, dit-elle debout au pied du lit, en enfilant son pantalon.

Je lui réponds que cela reste à voir, en me levant pour me servir un verre d’eau à la cuisine qui se trouve à deux mètres, car j’habite un minuscule studio meublé.

– C’est vrai que tu écris des scénarios pour Hollywood ?

– Hollywood, ça reste à voir ça aussi. Mais, oui, je suis scénariste, et actuellement sur un gros coup…

– Un gros coup oui je sais.

Il y a quelques secondes de silence pendant qu’elle remet son haut.

– Je t’en ai parlé hier ? M’en souviens pas.

– Ho ça oui, tu faisais que de le répéter en te masturbant pour essayer de…

Je l’interromps en lui disant que cela me revient maintenant.

– Dommage que tu n’aies pas réussi d’ailleurs, j’en avais très envie.

– Désolé.

– C’est à cause de moi ou de l’alcool, que tu n’arrivais pas ?

– De l’alcool.

– Et tu fais ça souvent ? Enfin, je veux dire, te masturber en répétant que tu es scénariste Hollywoodien quand tu n’arrives pas à…

– Hé chérie, dis-je en l’interrompant à nouveau, il y a des choses qui ne se disent pas en état de sobriété.

Elle s’était assise sur le lit pour mettre ses chaussettes, et lève les yeux au ciel en enfilant la deuxième. Je suis en caleçon, appuyé contre la cuisinière. Il se passe encore quelques secondes de silence avant qu’elle ne soit complètement rhabillée. Prête à partir, elle reste un peu plantée là devant moi, comme sans savoir quel air prendre, quel air me laisser.

– On se rappelle un de ces quatre, poupée.

– ça ne se dit pas, « poupée ».

– Je viens de le dire.

– Alors ne nous rappelons pas, dit-elle en choisissant la désinvolture.

– Et si c’est pour me frustrer sexuellement comme tu l’as fait hier soir.

– J’ai dit ça par politesse, tu devrais essayer.

Maintenant l’ascendant installé en elle devant mon ridicule, elle s’approche sereinement pour m’embrasser la joue avant de partir.

Le silence est maintenant présent, comme s’il s’était faufilé dans la pièce juste avant qu’elle ne referme la porte. J’en profite pour m’assoir à la seule chaise du bureau qui est une petite table à manger fixée contre le mur, sous la fenêtre, à deux mètres de l’autre côté du lit. J’ouvre mon ordinateur portable, et l’allume afin d’attaquer une bonne séance de travail.

Mon ex-copine, qui malgré tous les efforts que je lui avais promis de faire, avait quand même souhaité que je quitte l’appartement conjugal deux mois plus tôt, m’a laissé m’en aller avec ce vieil ordinateur qu’elle n’utilisait plus depuis des années. Il constitue l’une des deux seules choses que je possède, avec un vieux fauteuil en faux cuir brun usé jusqu’à la corde que j’ai récupéré dans la rue. Et rapporté péniblement jusque dans ce minuscule studio, meublé presque à l’identique de la cellule de prison où l’on m’a enfermé à tort quelques années plus tôt, pendant trois mois, pour des amendes impayées.

L’ordinateur portable met un tel temps à s’allumer, qu’une fois chose faite, toute forme de motivation à la tâche s’est volatilisée. Ce qui fait que, depuis maintenant deux mois que je me suis lancé corps et âme dans cette carrière de scénariste, je n’ai pas pondu une seule ligne.

Devant ce vieil ordinateur portable qui s’éternise à vouloir me laisser travailler, je me dis qu’un ordinateur correct, pour pouvoir écrire à pleine guise, est l’outil indispensable de tout bon scénariste. Je décide alors d’aller au centre-ville pour m’en acheter un neuf, nous sommes samedi, il est onze heures quand je quitte le meublé.

Sur le chemin du centre-ville qui prend quinze minutes à parcourir, je me dis que c’est de la folie de se rendre dans un magasin un samedi, à cause de tous ces êtres qui y grouillent dans la folie du besoin. Et que de toute façon, je n’ai pas les moyens de m’offrir un ordinateur. Je décide alors d’aller me laisser caresser par le soleil sur la terrasse d’un café.

Une fois installé devant un coca-cola, je m’empare d’un stylo qui a servi à remplir la grille de mots croisés dans le journal sur lequel il est posé à la table d’à côté. Et j’écris sur une serviette en papier.

 

Au ventre ça fait l’effet

De milliers de papillons

Au cœur ça fait l’effet

D’un coup de couteau papillon

Assis là comme un con

J’attends l’effet papillon

Tout en me relisant, je sors quelques pièces de ma poche et les dépose sur la table avant de finir cul sec la moitié du coca-cola restant dans le verre. Puis, à l’aide d’un briquet en ma possession, je mets feu à la serviette qui dégage une fumée noire et la laisse brûler dans le cendrier. En m’en allant, j’entends quelqu’un dire « quel con ce mec ».

Arrivé au meublé, l’ordinateur est allumé. Mais je décide de m’allonger un moment sur le lit pour regarder les oiseaux se taire sur le toit de l’immeuble d’en face. Je me relève pour rouler une cigarette, une partie de moi préfère ne pas la fumer, cette partie de moi prend le dessus, alors je me rallonge sur le lit, regardant la cigarette roulée sur le « bureau ». Je me demande si je vais me relever pour la fumer, et je m’endors.

À mon réveil, que j’estime à un peu moins d’une heure après m’être endormi, je reste allongé sur le lit en fixant le plafond. J’imagine maintenant mon ex avec son nouveau copain, ils baisent quand on interrompt ma retraite en frappant à la porte.

Je me lève pour l’ouvrir et j’aperçois un type d’environ une trentaine d’années, comme moi. Je l’ai déjà croisé dans l’immeuble, on s’est déjà dit bonjour plusieurs fois, un bonjour de vouvoiement, comme des adultes. Il doit être courtier en assurance ou quelque chose comme ça. Il habite certainement deux étages au-dessus, là où il y a des appartements pour ce genre de personnes.

– Bonjour, dit-il avant de prendre un air plus grave et d’ajouter : Vous pleurez ?

– Évidemment !

– Je ne vous dérange pas longtemps alors.

Je ne réponds rien, et attends qu’il accouche.

– Ma femme et moi avons loué le local communautaire de l’immeuble, et organisons un goûter à 17 h 00, pour l’anniversaire des un an de notre fils. Nous avons préparé des cakes, nos familles seront là, et nous invitons les locataires de l’immeuble, afin de faire connaissance, et peut-être, créer des liens d’amitié.

– Désolé, je ne peux rien pour vous, je crois que votre cas relève de la psychiatrie, dis-je avant de refermer la porte, et de m’installer devant l’ordinateur pour écrire : « Il faut un peu plus d’une vie pour trouver le voisin idéal. »

Voilà qui fera une épitaphe rigolote, me dis-je, avant de sauvegarder ce texte dans le dossier concerné.

Puis, je m’allonge à nouveau sur le lit, en angoissant maintenant à l’idée de la mort que je venais de réveiller. Environ deux heures plus tard, la sonnerie du téléphone retentit. Je saisis celui-ci sur la petite table de nuit, et vois le prénom de Miguel s’afficher sur l’écran.

Miguel est un collègue de boulot. Car en dehors de mon métier de scénariste, je travaille quarante-deux heures par semaine comme opérateur dans une usine. Mais je vois cet emploi comme une couverture. Couverture que j’utilise afin de payer les factures courantes et subvenir à quelques besoins, tout en me passant de certains autres.

– Allo.

– Alors ce scénario, ça avance ?

« Pfffff », entends-je dire Louise, (sa petite amie et concubine depuis six ans), en arrière-plan.

– C’est en bonne voie.

– Viens à la plage, on fait un apéro et des grillades. Il y a une collègue de Louise qui doit venir, elle est célibataire, si tu vois ce que je veux dire…

« Pfff », répète Louise en arrière-plan.

– Tu n’as rien besoin de prendre, j’ai tout acheté pour toi.

– Pas possible. Ce n’est pas en se vautrant dans les plaisirs des apéros à la plage que l’on bouleverse le cinéma.

– Arrête tes conneries, viens ! Tu le bouleverseras demain le cinéma.

– Tu sais ce que je dis toujours, travail et rigueur, ou rigueur et travail.

– Tu n’as jamais dit ça.

Je raccroche et je fais dix pompes, je me branle, je refais dix pompes, me douche et m’habille pour les rejoindre. Une idée de scénario me viendra peut-être en me changeant les idées, et avoir toujours la tête dans le travail, ce n’est pas bon.

Après avoir dévalé les escaliers à toute vitesse, je croise au rez-de-chaussée le courtier en assurance qui tient la porte d’entrée, comme s’il le faisait pour une belle-mère, à une dame qui porte un gâteau.

– Désolé pour tout à l’heure, je n’étais pas dans mon assiette, bonne fête à la petite de ma part.

– Pas de souci, mais c’est un garçon.

– Iel te l’a confirmé ?

– Il a un an.

– Alors pas de conclusion hâtive l’ami, dis-je en profitant de la porte ouverte pour filer vers mon destin.

2. Valery Dalton

Difficile de dire non à Louise, alors je coupe les cornichons pour la salade de patates. Mais si je fais mine de ne pas aimer faire ça, c’est parce que je crains que sinon, elle pense que cela compte pour moi. Car en vérité, j’aime être là avec eux, à couper les cornichons pour la salade de patates. Nous sommes installés sur un banc en béton devant une table du même matériau, à côté d’un grill lui aussi fait de béton, que Louise et Miguel ont réservé par leur présence alternée depuis 13 h 00. Miguel se fait dire par Louise qu’il en est à sa quatrième bière.

 

Debout sur mon siège

Des taches d’eau sur la peau

Brûlent comme un cierge

Tremblant comme l’attente du bureau

 

– Non ! N’écris pas sur mes serviettes en coton ducon, je les réutilise, me dit Louise en m’enlevant la serviette des mains, récupérant par la même occasion son stylo pour noter les points du jeu de cartes auquel elle a prévu de nous faire participer plus tard.

Je ne réagis pas, obnubilé par la beauté en approche. C’est la plus belle femme du monde, de l’univers, et très certainement bien au-delà. Mon ventre est en ébullition, et mes membres me semblent étrangers. Mon esprit suffoque dans ce corps qui n’est pas celui sur lequel je voudrais qu’elle pose son regard en me voyant.

– Coucou tout le monde, dit la beauté suprême.

C’est la collègue de Louise, Mathilde.

– Ferme la bouche, me dit Miguel en se penchant dans la glacière à côté de moi, profitant de nous en servir discrètement une cinquième, en prenant une bière pour Mathilde, et une pour Soane.

Soane est beau, bien plus beau que moi, bien trop beau pour moi. Il accompagne Mathilde, et sont suivis de peu par un couple d’amis des organisateurs de l’évènement, et leur enfant de six ans, genre publicité pour monospace électrique. Mais je ne vois que l’éclairage de Mathilde sur ce sombre vide qui me remplit depuis longtemps.

Une demi-heure plus tard, le gros du groupe discute à la table pendant que je regarde Miguel trifouiller les braises d’un geste important.

– Chaton, amène-moi la viande s’il te plait, les braises sont prêtes.

– Les braises ont-elles besoin que tu les regardes pendant que j’interromps une conversation avec mes amis pour t’apporter la viande ? Que j’ai déjà préparée dans une assiette pour te simplifier la tâche, après avoir passé la journée à penser à tout pour les grillades de ce soir ? Ou tu peux faire deux pas et venir la chercher toi-même, cette assiette ?

Miguel fait un bisou dans la chevelure de chaton en se penchant sur la table pour prendre l’assiette de viande.

– Je l’aime comme un fou Miguel, lui dis-je, pendant qu’il dépose les saucisses sur la grille.

– Elle est pas mal hein, me répond Miguel, quand l’enfant de six ans nous interrompt pour nous demander de jouer avec lui.

– Je ne rigole plus Miguel, c’est elle. C’est la femme de ma vie.

– Tu dis ça tout le temps, elles commencent à être beaucoup.

– Non non non, là c’est vrai de vrai.

– T’emballe pas, me dit-il pendant qu’il manipule les saucisses comme si tout le bonheur du monde en dépendait. C’est une fille sérieuse.

– Personne n’est vraiment sérieuse.

– Va falloir t’accrocher mon pote, Mathilde a appelé Louise juste après que tu m’as raccroché au nez, pour prévenir qu’elle venait accompagnée ce soir. Elles ont discuté un peu au téléphone, il est écrivain, et vient de publier son deuxième roman.

L’enfant nous interrompt à nouveau, et je relance le bâton une trentaine de mètres plus loin. Puis, Miguel poursuit en