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Ombres portées Les paysages sont sages, les rues sont des temples, les intuitions et les idées sont noires, il y a des sourires, on aime les fanfares, l'écriture est vaine : Les « Ombres portées » ne posent pas de limites. Sujets divers, en apparence hors-champ les uns par rapport aux autres. La vertu de ce recueil naît justement de leur assemblage sans hiérarchie. Comme s'assemblent et se dispersent en nous les vents contraires du vécu.
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Seitenzahl: 45
Veröffentlichungsjahr: 2015
Du même auteur :
Absence, suivi de Blancheur et 10 poèmes
Méridienne
L'Atelier
Parole d'oiseau
Ecriture
Ecrire
Ecrire (2)
Lecteur
Lecteur (2)
Dé
Les mots
Les mots (2)
Lettres volées
Tribulations
Diagnostic
Eloge au défilé
La vie à vélo
Eloge au défilé
Trottoir et Paso
Procession
Petites proses
La caresse du ciel
Casa Boulieu
Aubrac
Aubrac (2
)
El lobo
La casse
Alameda
La Puebla del Río
Sierra Morena
Les Alpes
Ministres!
Le monastère
Elle avance en ligne
Nous fait baisser la tête
Les mots défilent en beaux soldats
C'est la vie rognée
C'est l' affiche toujours périmée.
C'est une feuille oblongue qui se déroule à l'est.
Sa texture serait satinée s'il n'y avait pas ces petits grains contrariants qui l'éclaboussent comme une vérole.
Jamais blanche, elle vole devant nous, bâillonne l'horizon.
Elle va nous dévorer.
Nous ne pouvons la saisir, ce serait mortel, rapidement. Nous pourrions l'ignorer si notre respiration encore possible parvenait à nous dissoudre, à nous éthérer. Alors, et à condition de ne jamais suspendre notre souffle cahotant, nous pourrions assurer notre survie, le regard toujours au-delà, nos milliards d'iris fixés sur l'informe présent en fuite.
Soudain la plume se penche au dessus du trou, elle n'a plus pied, l'abysse lui fait peur. Elle plonge dans une eau opaque, sa pointe ouvre aux poissons la maille, des écailles ont lui mais il est trop tard pour les rattrapper.
Lance imprécise, bataille au fond des mers.
J'aime que tu me lises, que tes cils caressent l'épiderme hérissé de ma ligne... ces fourmis, qui rampantes, qui debout, défilent sans drapeau sur le grain blanc, évitant prudemment de sombrer dans l'abîme de la tranche.
Fourmis pleutres qui suivent leurs soeurs qui, pleutres, suivent leurs soeurs... Laquelle est à la tête de ce lacet prisonnier des pages?.. Qui guette le moment de nous serrer le cou.
Merci d'accompagner le cortège, ta lecture devine mon index qui s'est agité comme un tachygraphe, pressé de repousser le suicide inéluctable de l'écriture.
Tout au bout les bestioles s'entassent en un monceau ridicule que, le jour venu, les imprimeurs cachent sous la carpette. C'est là, lecteur, que tu nous laisses, petites fourmis mortes pour la patrie.
Lecteur, prenons garde. Tu as ouvert ces pages et te voici sur le qui-vive... Ce récit va-t-il combler tes attentes? Vas-tu trouver là un répit à ta vie tourmentée? Ou lire ce que tu sais mais ne peux dire toi-même? Ou encore participer à une exhumation de secrets enfouis? Ou peut-être rire, te laisser berner par une histoire extraordinaire?
Je me méfie car tu épies. Et moi à ton insu je te tends un piège, cent pièges, à chaque ligne, à chaque crissement de mon stylo sur le papier. On se guette tous les deux. Si ma souffrance était si terrible, ma félicité si parfaite, je serais bien incapable de les coucher l'une et l'autre sur le papier dans le but que tu y prennes part. Et si tu étais en ce moment suffisamment sûr de tes joies, de tes peines, tu ne viendrais pas fouiner chez moi. Tous deux interlopes. Imposteurs?
En outre, tu vas te délecter ou subir, scrutant style ou maladresse, t'interroger sur la résonance de ces phrases. Tu t'arrêteras à l'encoignure des mots comme je me suis tû au moment où ils sombraient dans leur mystère. Leur vérité que nous n'aurons ni l'un ni l'autre atteinte se trouvant juste là où tu ne peux lire, juste là où je ne peux écrire. On va jouer comme ça pendant des siècles, avec des airs de connaisseurs meurtris. Ce sont ces airs-là qui me déplaisent.
Mais que faire? Artaud et quelques autres ont refusé.
L'autre jour, de grosses vagues roulaient nos enfants sur la plage. Belle pagaille et chevelures mouillées. Les voix éclatantes de tous les mômes chantaient la vie comme mille ans de littérature ne pourront jamais y parvenir. A cet instant j'ai pensé à toi et t'aurais voulu là, je t'aurais pris dans mes bras, pris comme témoin. Mais nous voilà contraints au différé, aux réminiscences toi et moi.
Ta manière de faire tiennes mes impressions, de t'accaparer mes doutes me déplaît. Je n'aime pas mon habitude à te les confier. Nous serons sans fin à côté du ruisseau qui coule. Il doit y avoir quelque chose pourtant qui nous pousse à ce manège, je pressens quelque intérêt sournois, un troc sous cape d'impuissances mutuelles. Ou la main d'un dieu ennuyé? Eucharistie de boudoir.
Pire encore si tu paies monnaie sonnante pour obtenir le droit de trébucher avec moi. Et si moi je prends.
Je peux te raconter par exemple une journée de vacances, une autre :