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Qui n'a pas remarqué les mots détournés, "hair" et "tif" en particulier, ou les sonorités à double sens qui s'affichent sur les enseignes des salons de coiffure ? Cet album est une dédicace aux coiffeuses et aux coiffeurs. Les enseignes de leurs salons, originales, distinguées, prosaïques ou tirées par les cheveux, nous invitent à une petite devinette et à sourire quand nous les lisons en passant. Elles permettent aussi de raconter des histoires.
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Seitenzahl: 41
Veröffentlichungsjahr: 2018
" C'est le dernier et furtif coup de peigne qui donne à ma
coiffure, à ma personne, sa grandeur incertaine."
(extrait de L'essentielle inutilité)
Préface
Epilogue
ANNEXE : Le mot du personnage
Remerciements aux coiffeuses et coiffeurs de
Qui n'a pas observé les mots détournés, "hair" et "tif" en particulier, ou les sonorités à double sens qui s'affichent sur les enseignes des salons de coiffure?
Nous nous en étions fait tous les deux la remarque un après-midi d'automne, assis devant une bière, à la terrasse d'un bistrot lyonnais. D'énumérer alors toutes les enseignes qui avaient surppris notre regard! Ce fut l'occasion d'un ravissant babillage cousu d'épi'têtes, de diminu'tifs et d'imagin'hair. Des clients se joignirent à notre conversation, tous avaient remarqué, admiré ces enseignes singulières ou en avaient souri. Quel joyeux moment COLLEC' TIF!
Nous avons décidé sur le champ de traîter le sujet! Rien, depuis, ne nous a paru plus sérieux... C'est vous dire!
Fallait-il se limiter à exposer une série de clichés? Les trouvailles sont surprenantes . Pas toujours. Un expert aurait pu aussi se joindre à nous et apporter, avec grandiloquence, un éclairage savant sur cette coutume paradoxale, aussi originale que standardisée. Un sociologue aurait analysé cette manière particulière qu'ont les professionnels de la coiffure d'afficher leur sympathie, leur créativité ou leur distinction. Il aurait pu argumenter, mais on le sait déjà, que ces enseignes dépassent la simple désignation du métier et tentent de créer un espace de communication « au-delà », qu'ainsi la ville essaie, laborieusement, de rehausser sa ligne de flottaison sémantique. Bien sûr...
Nous avons préféré nous arrêter sagement sur les petits clins d'œil de façade, tels que nous pouvons les recevoir en circulant parmi le flot des autos, en baguenaudant sur les trottoirs. Notre intention : fixer l'instant de la lecture par le passant que nous sommes, montrer que ces enseignes appartiennent à notre quotidien de citadins. Et puis nous avons choisi d'écrire une histoire, avec un personnage qui se raconte, lui aussi, une histoire... Esprit simple et noble, sorte de Don Quichotte en quête de surnaturel, notre héros saura replonger le monde urbain dans la magie des oracles et des divinations. Il révèlera ainsi le secret oublié des salons de coiffure!
En annexe, les étonnantes arcanes de l'écriture.
Bien des années plus tard, face au numéro 49 de la rue des Trois Chapeaux, il devait se rappeler cette matinée lointaine où sous la pluie d'octobre une fillette vêtue d'un imperméable jaune courait sur le trottoir alors qu'au sol une ligne du même jaune faisait comme un jalon brisé. L'enfant s'en séparait pour rejoindre le parapluie des grands. Il semblait quitter pour toujours la couleur ensoleillée de l'enfance, le temps s'enfuyait avec lui. C'est alors que le regard d'Ernest s'était porté sur la devanture qui servait de décor à la scène et qu'il avait lu : "F.M Hair".
Cet épisode fut le premier d'une série qui devait le poursuivre tout au long des années passées dans cette ville qui rechigna longtemps à devenir la sienne. Trois jours plus tard, sur le chemin du retour après sa journée de labeur, de lourds nuages assombrissaient le ciel et une odeur de terre mouillée se répandait dans l'air, Ernest hâta le pas. Un coup de tonnerre alors fracassa le silence pendant qu'au loin une enseigne s'illuminait : "Axel'hair"... Aussitôt il se mit à courir et parvint à temps sous la corniche de la vitrine pour se garder des trombes d'eau.
C'est à partir de ce nouvel épisode que commença à germer dans son esprit une idée insolite : il avait passé une grande partie de sa vie à chercher des avis, à glaner des préceptes pour mener au mieux son existence, en écoutant ci et là les paroles de personnes soi-disant autorisées; il avait découvert que la philosophie ne faisait pas toujours bon ménage avec les religions. Dieu était mort, oui, mais Il n'avait pas disparu. Ernest n'était pas dupe et s'était moqué de cette présomption de penseur torturé en se répétant pour lui-même : "Je suis athée, Dieu merci!" Cette phrase imparable de Lichtenberg, le physicien bossu de Göttingen, lui était apparue imprimée sur une estampe un dimanche qu'il fouinait dans le vide-grenier de son quartier. On l'avait fait bachoter sur Sartre quand il avait seize ans, il n'avait pas été attiré par ce binoclard qui faisait la révolution depuis les banquettes de Saint Germain-des-Prés. Il possédait un livre d'Albert Camus