Onze Chapitres sur Platon - Emile Chartier - E-Book

Onze Chapitres sur Platon E-Book

Emile Chartier

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Beschreibung

Socrate
Protagoras
Parménide
Les Idées
La Caverne
Timée
Alcibiade
Calliclès
Gygès
Le Sac
Er

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ALAIN

 

ONZE CHAPITRES

SUR

PLATON

 

 

 

 

MCMXXVIII

 

© 2022 Librorium Editions

 

ISBN : 9782383835318

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TABLE

Socrate

Protagoras

Parménide

Les Idées

La Caverne

Timée

Alcibiade

Calliclès

Gygès

Le Sac

Er

I.

 

 

ISOCRATE

L’esclave dit que Socrate restait solitaire à l’entrée et ne venait point quoiqu’on l’appelât… Laissez-le, dit Aristodème, c’est sa coutume…

Socrate, assieds-toi près de moi, afin que je profite de cette sage pensée que tu as méditée dans le vestibule…

(Le Banquet.)

 

Il y eut entre Socrate et Platon une précieuse rencontre, mais, disons mieux, un choc de contraires, d’où a suivi le mouvement de pensée le plus étonnant qu’on ait vu. C’est pourquoi on ne peut trop marquer le contraste entre ce maître et ce disciple. La vie de Socrate fut celle du simple citoyen et du simple soldat, telle qu’elle est partout. On sait qu’il n’était point beau à première vue. L’illustre nez camus figure encore dans les exemples d’Aristote. Dans les plis de cette face, je vois de la naïveté, de l’étonnement, une amitié à tous offerte, enfin ce que la politesse efface d’abord. On sait par mille détails que Socrate était patient, résistant, infatigable, et qu’il n’était point bâti pour craindre. Sobre ou bon convive selon l’occasion, et ne faisant point attention à ces choses. D’où l’on comprend une simplicité, une familiarité, une indifférence à l’opinion, aux dignités et aux respects, dont on n’a peut-être pas vu d’autre exemple. Il ne se gardait jamais ; il ne prétendait point ; ses célèbres ruses ne sont pas des ruses ; nous connaîtrons les admirables ruses de Platon. Socrate ne composait point. Les précieux de ce temps-là lui faisaient reproche de ces cordonniers, de ces tisserands, de ces cuisiniers, de ces cuillers de bois, qui toujours revenaient dans ses discours. Le Phèdre nous donne une idée de la poésie propre à cet homme sans élégance. Assurément ce n’est pas peu. Mais concevez ce poète les pieds dans l’eau, enivré de parfums, de lumière, des bruits de nature, et formant de son corps noueux le cortège des Centaures et des Œgipans. Mythologie immédiate, et qui fut sans paroles, dans ce moment sublime où le parfait discours du rhéteur roula dans l’herbe, où le jeune Phèdre, tout admirant, participa à ce grand baptême du fils de la terre. Cette rustique poésie fut alors muette ; mais Platon, dans l’immortel Phèdre, en a approché par le discours autant qu’il se peut. Ô douce amitié, toute de pensée, et presque sans pensée ! Ce sublime silence, Platon s’en est approché, plus d’une fois approché, en ces mythes fameux qui ne disent mot. Il le contourne ; il en saisit la forme extérieure ; et lui, le fils du discours, alors, en ces divins passages, il raconte, il n’explique jamais, tout religieux devant l’existence, évoquant ce génie de la terre et cette inexplicable amitié. Nulle existence ne fut plus paisible et amie de toutes choses que Socrate. Nulle ne fut plus amie au petit esclave, au jeune maître, à l’homme de commerce et de voyage, au guerrier, au discoureur, au législateur. Cette présence les rassemblait inexplicablement.

Socrate était fait pour déplaire aux hommes d’État, aux orateurs, aux poètes ; il en était recherché. C’est dans le Protagoras que l’on verra le mieux comment ces Importants, en leurs loisirs, se jouaient aux poètes, et aussi comment l’esprit plébéien de Socrate renouvelait ce jeu, par cette curiosité sans armes qui lui était propre. Platon jeune l’entendit en de tels cercles. Les contraires l’un dans l’autre se mirèrent. Le jeu devint pensée et très sérieuse pensée. Platon ne s’est pas mis en scène dans ses Dialogues ; mais on peut voir, au commencement de La République, comment ses deux frères, Adimante et Glaucon, mettent au jeu leur ambition, leur puissance, tout leur avenir. Ce sont deux images de Platon jeune.

Platon, descendant des rois, puissant, équilibré, athlétique, ressemblait sans doute à ces belles statues, si bien assurées d’elles-mêmes. Il faut un rare choc de pensées pouranimer ces grands traits, formés pour la politesse et pour le commandement. Leur avenir est tracé par cette sobre attention qui veille aux intérêts, aux passions, à l’ordre, et qui est gardienne et secrète. Les intimes pensées de Protagoras, que Platon nous découvrira, ne sont point de celles que l’on s’avoue à soi-même ; encore moins de celles qu’on dit. Le jour où Platon, par le choc du contraire, les reconnut en lui-même, il fut perdu pour la république. Il faut qu’un homme d’État se garde, par cet art qui lui est propre de plaider toujours contre soi. Ces jeux d’avocats, qui sont toute la pensée dans le gouvernement populaire, forment pour tous comme un monde extérieur à tous et assez consistant, discours contre discours, à la manière des choses, où l’obstacle fait soutien. Mais l’homme d’État, architecte de cet ordre ambigu, plaide d’avance et en lui-même ; il plaide en vue de deviner ; il pense comme l’autre ; et jamais il ne réfute tout à fait, parce qu’il faut bien que toute pensée trouve son remède. Tel est le fond de l’art sophistique, trop méprisé, non assez craint. Platon le percera à jour ; c’est que c’’était son propre art, et tout l’avenir pour lui en sa quinzième année. Or, ce Jeu intérieur et en partie secret, Socrate le joue au dehors et de bonne foi. Il pense comme l’autre et avec l’autre ; et cela même il l’annonce à l’autre. « C’est toi qui le diras », voilà le mot le plus étonnant de cette Maieutique, art d’accoucheur, qui tire l’idée non pas de soi mais de l’autre, l’examine, la pèse, décide enfin si elle est viable ou non. Cela fut imité souvent depuis, essayé souvent ; mais on n’a vu qu’un Socrate au monde. Celui qui interroge en vue d’instruire est toujours un homme qui sait qu’il sait, ou qui croit qu’il sait. Oui, même dans le monologue Platonicien, Socrate est plus souvent maître que disciple ; Socrate sait très bien où il va ; et le disciple, en ce dialogue que l’on peut nommer constructeur, répond toujours : « Oui, certes », ou « Comment autrement ? » Nous aurons à suivre cet aride chemin. Socrate ici revient des morts, et sait qu’il sait. Au lieu que Socrate vivant savait seulement qu’il ne savait rien. Il accordait tout ce qu’il pouvait accorder ; Il se fiait au discours, prenant tout à fait au sérieux cette langue qui lui fut mère et nourrice, où discours est le même mot que raison. Il suivait donc discours après discours, et ne s’arrêtait qu’en ce point de résistance où le discours se nie lui-même. Tu dis que le tyran est bien puissant et je te crois ; tu dis qu’être puissant c’est faire ce que l’on veut, et je te crois ; tu dis qu‘un fou ne fait point ce qu’il veut, et je te crois ; tu dis qu’un homme qui galope selon ses désirs et ses colères ne fait point ce qu’il veut, et je te crois. Maintenant tu dis que le tyran, qui galope selon ses désirs et ses colères, est bien puissant, et ici je ne te crois point, mais plutôt tu ne te crois point toi-même. « C’est toi qui le diras. »

Je ne pense pas que Socrate vivant soit allé bien loin dans cette voie. Platon, en ses développements les plus hardis souvent nous laisse là, par une pieuse imitation, à ce que je crois, du silence socratique. Au reste on comparait Socrate à la torpille marine, qui engourdit ceux qui la touchent ; aussi à ces joueurs d’échecs qui bouchent le jeu. Certainement Socrate vivant n’était pas pressé de savoir. « Sommes-nous des esclaves, ou avons-nous loisir » ? Ce trait du Thééthète sonne vrai. Vrai aussi ce mouvement de Socrate après les premiers discours de La République, lorsqu’il veut s’en aller. « Trop difficile, dit-il ; trop long ; vous m’en demandez trop. » Il lui suffit, à ce que je crois, que le discours butte contre le discours. Il lui suffit que la machine à discours, arrogante et gouvernante, grince et soit bloquée. Dispensé maintenant de respecter, lui qui obéit si bien, il s’en va. Ceux qui le retiennent par son manteau, ce ne sont point les orateurs, comme Gorgias, Polos, Protagoras ; car ce sont des hommes bientôt fatigués, qui se retirent l’un après l’autre de la scène. Et peut-être ces hommes de ressource ne tiennent-ils pas tant à avoir raison. Non. Ceux qui le retiennent par son manteau, ce sont les auditeurs naïfs, dont Chéréphon est le type, naïfs comme lui, dupes depuis leur naissance, et qui admirent cet autre pouvoir qui refuse pouvoir. Ou bien ce sont les lionceaux, Adimante, Glaucon, Platon lui-même, ambitieux à leur départ, et qui cherchent, comme Christophore, le maître le plus puissant.