Opération séduction - Tome 01 - Julie St Pierre - E-Book

Opération séduction - Tome 01 E-Book

Julie St Pierre

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Beschreibung

Qu’arrive-t-il lorsqu’on a une imagination trop fertile? On se retrouve dans des aventures impossibles! Julie et Pascale, deux filles bien ordinaires, proposent un nouveau concept d’émission à une chaîne de télévision locale. Surprise! Leur idée est retenue et elles se retrouvent sous les feux de la rampe, sans aucun filet, ni expérience. Leur mission: transformer, en l’espace de douze semaines, cinq gars maladroits en amour en parfaits gentlemans.

Logés dans un loft miteux, en plein centre-ville de Granby, les candidats donnent du fil à retordre aux animatrices en herbe. Guy, Rod, C-A, Simon et Steve ne semblent pas prêts à changer, et encore moins à s’engager.

Le chemin pour trouver l’amour s’annonce ardu et parsemé d’embûches!

Une série d’imprévus et de rencontres plus ou moins catastrophiques découragent les filles à plus d’une reprise, mais Julie et Pascale ne se laissent pas démonter. Leurs cinq ‘’nonos’’, comme elles les surnomment au début, parviendront même à les surprendre malgré leurs nombreux défauts!




À PROPOS DES AUTRICES

Julie St Pierre - Née en 1977, à Magog, Julie a débuté l’écriture vers le milieu de l’adolescence.



Diplômée en Service Social de l’Université de Sherbrooke, en mai 2000, elle a travaillé auprès de diverses clientèles, mais toujours en conservant l’écriture comme loisir.






Granbyenne d’adoption, elle est à l’emploi du même organisme communautaire depuis plus de dix ans. C’est à cet endroit qu’elle a fait la connaissance de Pascale, qui est devenue sa complice d’écriture.







Pascale Bonin - Née à Granby en 1976, Pascale s’est intéressée à l’écriture dès l’âge de douze ans. Elle a suivi des formations en rédaction, en création littéraire et en français écrit et s’est amusée longtemps à rédiger des histoires pour ses collègues de travail. Ses petits textes se sont transformés en romans lorsqu’elle a commencé à écrire en duo avec Julie. L’humour, la simplicité et la légèreté accompagnent chacun de leurs projets.





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Les photographies de la page couverture arrière ont été prises par : Dominique Saint-Laurent et François-Xavier Bérubé

 

Couverture et mise en page : Ecoffet Scarlett

 

Toute représentation partielle ou totale est interdite sans le consentement explicite des auteures.

 

La révision linguistique de cet ouvrage est assurée par Stéphanie Brière.

 

Cette publication est dirigée par :

 

 

Téléphone : 418-271-6578

Courriel : [email protected]

Site Web : editionsenoya.com

 

 

 

 

À mes enfants: Sophie, Francis et Valérie.

 

Et à tous ceux et celles qui un jour nous ont encouragées en riant de nos niaiseries.

 

Pascale

 

 

À mes deux cocos: François-Xavier et Laurianne.

 

À tous ceux et celles qui nous ont inspirées dans nos récits! Ils ne le savent pas… mais ils sont nombreux!

 

Julie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans une entreprise près (ou loin, on ne sait pas) de chez vous

Un matin comme les autres, mais pas tout à fait…

 

 

 

 

 

 

8 h 28

 

Pascale déboula dans le bureau de son amie, un papier dans les mains, l’air énervé :

 

— JULIIIE! REGARDE ÇA! Notre projet débile pour la nouvelle chaîne de télé communautaire a été accepté!

 

— Hein? Voyons donc! On l’avait envoyé pour rire!

 

— Je sais bien, et je n’y pensais plus tellement ça fait longtemps! J’étais sûre que le concours était fini!

 

— Moi aussi! Ils ont vraiment dit oui à notre idée? fit Julie, en retirant son manteau pour l’accrocher à la patère.

 

Pascale lui tendit la feuille à moitié chiffonnée d’avoir passé trop de temps dans sa main: par habitude, elle avait ouvert ses courriels ce matin-là avant de quitter pour le travail et avait eu la surprise d’y trouver un message de la part de la nouvelle chaîne de télévision locale, SOS.TV. Quelques mois plus tôt, les deux femmes avaient participé à un concours : à la recherche d’idées d’émissions originales, les dirigeants avaient demandé l’aide du public. Le gagnant verrait son idée produite par SOS.TV. Convaincues que leur projet était trop exagéré, les deux collègues avaient cependant bien ri en rédigeant leur plan et avaient proposé le tout pour s’amuser.

 

— Tu as dû recevoir le même courriel, toi aussi, dit Pascale, tandis que Julie, incrédule, lisait le message de félicitations.

 

— Je n’en reviens pas! s’exclama Julie. D'après moi, ils n’ont pas dû recevoir beaucoup de propositions, pour accepter la nôtre!

 

La cloche du début de journée sonna, mais, trop excitées, elles restèrent là à commenter et à s’énerver. Éric, leur collègue, arriva à son tour.

 

— Voyons, les filles! Qu’est-ce qui vous arrive? Avez-vous gagné à la loto? se moqua-t-il.

 

— Non, répondit Julie. Demain, on va rencontrer un producteur de télé intéressé par notre proposition d’émission!

 

— Hein? Pas le projet de téléréalité dont tu m’avais parlé?

 

— Exactement!

 

— Ben non, vous me niaisez, je suis sûr! dit Éric, qui péta dans le bureau de son amie avant de se diriger vers le sien.

 

Julie le suivit en évitant de respirer et lui tendit la réponse que Pascale avait fait imprimer.

 

— Ostie… C’est vrai? Vous avez gagné leur concours avec vos niaiseries?

 

Les deux femmes dans la quarantaine, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, haussèrent les épaules, l’air de dire qu’elles n’y croyaient pas non plus.

 

 

Le lendemain soir, en sortant de leur rencontre avec l’équipe de production dans les locaux de la télévision locale, les deux collègues avaient le cerveau plein d’informations, de questions et d’incertitudes.

 

— Ouais, bien je pense qu’on s’est fait avoir un peu, soupira Julie, alors qu’elles marchaient dans le stationnement.

 

— Pas juste un peu… Je ne m’attendais pas à ça du tout! Comment on va faire pour apprendre à animer un show? Je ne regarde même pas la télé, je n’ai aucune idée de comment ça marche!

 

— Moi non plus!Je pensais que le but, c’était juste d’envoyer nos suggestions d’émissions, pas de les animer! dit Julie en ouvrant la portière de sa voiture.

 

Une fois assises, elles se regardèrent et éclatèrent de rire.

 

— Dans trois mois, on va être animatrices à la télévision, ça a l'air! s’esclaffa Pascale. Dire que j’haïs les caméras, en plus!

 

— La bonne nouvelle, c’est que c’est juste un nouveau poste LOCAL, personne ne va nous voir!

 

— Une chance!

 

 

Deux mois plus tard, elles se familiarisaient tranquillement avec les studios et s’exerçaient à animer en s’imaginant des invités. Leurs premiers essais, plutôt pathétiques et maladroits, en compagnie des caméramans, les convainquirent presque d'abandonner le projet, mais la productrice parvint à les calmer et leur donna quelques leçons.

 

— Mais pourquoi vous ne prenez pas de VRAIES animatrices? se plaignit Pascale, pour la troisième fois. On n’est pas même pas bonnes!

 

— Parce qu’on n’a pas un gros budget et que c’est un projet expérimental, répondit patiemment leur nouvelle patronne, prénommée Mélanie. Moi aussi, je commence dans le milieu, donc on va toutes faire notre possible, ok? Votre émission est programmée pour trois mois, si jamais ça ne fonctionne pas, on va l’arrêter au bout de trois-quatre semaines et passer à autre chose. Voulez-vous AU MOINS essayer de faire UN mois?

 

Les deux amies se consultèrent du regard et acceptèrent. Après tout, il s’agissait d’une nouvelle aventure, et, juste à penser à leur concept, elles se trouvaient drôles. Il fallait, pour commencer, apprendre à connaître le milieu… Le reste, en principe, devrait être plus amusant!

 

L’idée était simple : une téléréalité locale qui était un croisement d’« Occupation Double » et de « L’amour est dans le pré ». Sauf qu’il n’y aurait que des hommes célibataires, qu’ils vivraient ensemble dans la même maison et qu’ils devraient apprendre des trucs de séduction et les mettre en pratique lors de leurs sorties hebdomadaires pour rencontrer des femmes. Simple comme tout! Oui, mais…

 

— Bon! Je pense que vous avez compris le principe de l’animation, fit Mélanie. Juste un petit détail : essayez de ne pas rire autant, ça manque de sérieux. Avant que je vous laisse, j’ai une petite surprise pour vous autres! Vous savez, la conseillère en séduction et l’intervenant social que vous vouliez intégrer à votre concept?

 

— Oui, quoi? demandèrent les filles.

 

— On n’en a pas trouvé, alors on a décidé de vous confier ces rôles-là aussi! Ah… et si vous pouviez nous trouver un monteur pour les extraits vidéo et quelqu’un pour aller installer les caméras dans le loft qu’on a déniché, on serait bien contents aussi! Bon bien il faut que j’y aille, moi! On se revoit dans un mois, à la première!

 

— MAIS…, commença Julie.

 

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase : la productrice disparaissait déjà dans le dédale de couloirs de l’arrière-scène.

 

En sortant des studios, les deux filles se demandaient sérieusement dans quoi elles s’étaient embarquées. Elles prirent place dans la voiture de Julie.

 

— Je pense que notre idée de projet niaiseux pour s’amuser est allé un peu plus loin que prévu! dit Pascale, en soupirant exagérément.

 

— C’est fou! Pour les interventions, je peux m’arranger, c’est ma job, et les candidats ne peuvent pas être pires que certains de mes clients, mais…

 

— Ça veut dire que j’hérite du rôle de conseillère? Ouf, ça va être beau! Ah! J’ai une idée! Je vais regarder dans mes livres, j’en ai sûrement quelques-uns qui parlent de séduction! On pourrait se baser là-dessus… et improviser!

 

— Bonne idée! approuva Julie. Hé! On essaie de convaincre Éric pour les montages et les caméras! Ce serait drôle de travailler avec lui!

 

— C’est bon, ça! Bon, bien, on dirait qu’on a réglé nos problèmes, dit Pascale, optimiste, avant de sortir de la voiture pour rentrer chez elle.

 

— Ouais! Reste juste à pas faire trop d’insomnie à cause du stress d’ici à la première!

 

Durant le mois qui suivit, elles passèrent beaucoup de temps à réviser les trucs d’animatrices qu’elles avaient appris avec leurs collègues de travail, qui les trouvèrent un peu bizarres… et fatigantes, aussi!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le jour de la première arriva beaucoup trop vite pour les deux femmes, qui se présentèrent aux studios presque trois heures à l’avance, tel que précisé par l’équipe, histoire de peaufiner les derniers détails.

 

— Es-tu prête, toi? demanda Pascale.

 

— Pff! Tellement pas! Toi?

 

— Moi non plus! J’espère qu’il n’y aura pas trop de monde qui vont nous regarder- en direct en plus, me semble qu’on aurait été mieux d’enregistrer d’avance, comme ça, si on se plante, on aurait pu recommencer!

 

— Ils veulent du spontané… Ça ne pourra pas être plus spontané que ça! répondit Julie. As-tu vu nos candidats?

 

— Non, est-ce qu’ils sont arrivés?

 

— Oui, mais Mélanie ne veut pas qu’on les rencontre avant l’émission. Elle m’a juré qu’ils répondaient à nos attentes, mais je ne sais pas trop ce qu’elle a voulu dire par là.

 

Pascale se souvint du texte qu’elles avaient rédigé pour leur projet et regarda sa collègue, incertaine.

 

— Te rappelles-tu comment on avait décrit les gars qu’on imaginait? demanda-t-elle.

 

— Euh… Je suis sûre qu’on n’avait pas écrit « Beaux et intelligents » en tout cas!

 

— Non, j’ai relu le texte cette semaine et on avait mentionné qu’on imaginait les gars un peu comme un mix de ceux d’ « Occupation Double » et de « Synvain Rénove » : des célibataires incapables de se trouver une blonde, avec un côté tata, pour ajouter de l’humour à notre show!

 

— C’est pas juste la description des gars d’Occupation Double, ça? ricana Julie.

 

Pascale éclata de rire et les deux filles s’imaginèrent les pires sans-desseins pour leurs candidats: Barney dans les Simpson, les deux twits de « La Cloche et l’Idiot », E-Steeve dans l’émission « Synvain Rénove »… Elles pleuraient de rire, assises dans le local de la coiffure. Nerveuses et fatiguées à cause du stress, elles eurent du mal à se calmer pendant que la jeune coiffeuse essayait d’arranger leurs cheveux.

 

Elles passèrent ensuite à l’habillage, n’osèrent rien dire devant les choix vestimentaires douteux du styliste et se laissèrent faire, même si elles trouvaient que les robes choisies ne leur allaient pas très bien. L’étape du maquillage fut passablement désagréable pour… les maquilleuses, puisque Pascale n’arrêtait pas d’éternuer et que Julie trouvait que les pinceaux chatouillaient son visage.

 

Vint finalement le temps d’aller occuper leurs sièges d’animatrices, pour vrai, après s’être pratiquées au moins cent fois avec leurs collègues de travail et leurs enfants.

 

— J’ai déjà chaud, se plaignit Pascale.

 

— Moi aussi… J’espère qu’on ne va pas trop transpirer, ça ne me tente pas de puer devant nos candidats!

 

Pascale se mit à rire, ce qui fit rire Julie, qui imaginait les gars tomber sans connaissance parce que leurs déodorants avaient lâché!

 

« Arrêtez de rire de même! » les avertit le régisseur dans leur oreillette. « Votre maquillage va couler! On entre en ondes dans cinq minutes! »

 

Les filles récupérèrent les petits cartons de notes posés sur la table face à leurs fauteuils. La gorge sèche, les joues rouges malgré le fond de teint, un peu tremblantes, elles révisèrent un peu en tentant de garder leur sérieux. Quand le régisseur annonça qu’il ne restait plus que trente secondes, elles prirent une grande respiration et se dirent que le pire qui puisse arriver était d’avoir l’air folles: elles survivraient!

 

Éric, au montage, avait la responsabilité d’ouvrir l’émission: voix hors-champ, caché dans son bureau (ou plutôt sa garde-robe, vu la grandeur de son local), il prit sa plus belle voix (selon lui) et annonça:

 

« Bienvenue à Opération Séduction, la nouvelle télé-réalité typiquement granbyenne!

Un concept unique en ville, qui a pour but d’aider cinq célibataires à trouver l’amour!

Allons rencontrer nos deux animatrices, intervenantes et professeures de charme, Julie et Pascale. »

 

Les trente-huit spectateurs présents dans la salle, principalement constitués des amis et de la famille des candidats et des animatrices, applaudirent. Certains énervés crièrent et sifflèrent pour encourager les deux filles… qui n’en demandaient pas tant! Leurs fauteuils, bien que confortables, étaient si mous qu’elles se demandaient comment elles allaient pouvoir se relever tellement ils renfonçaient.

 

— Bonsoir, Julie!

 

— Bonsoir, Pascale! Bonsoir, cher public en studio et à la maison! Bienvenue à la toute première d’Opération Séduction!

 

— Ce soir, nous accueillons sur le plateau les cinq concurrents qui ont été retenus pour l’émission, au terme de longues journées d’auditions!

 

— En effet, Pascale, les gars se sont présentés en grand nombre à chacune des journées d’auditions organisées un peu partout à Granbyl’automne dernier! Notre équipe a rencontré trois cent soixante-quatre hommes célibataires, c’est fou! Parmi tous ces tatas- euh! ces beaux messieurs, une première sélection a été faite et les vingt-cinq plus prometteurs ont été rappelés pour une autre série d’auditions, puis des rencontres avec nos experts ont suivi.

 

— Pour finir, poursuivit Pascale, qui avait appris son texte un peu trop par cœur, seulement cinq d’entre eux ont passé haut la main le test du célibataire le plus mal pris en ville.Parce qu’Opération Séduction, c’est ça : nous allons enseigner à des hommes comment charmer les femmes. La partie la plus difficile sera sans doute de leur apprendre comment en garder une plus longtemps qu’une seule nuit, ajouta-t-elle spontanément.

 

Comme la dernière phrase était improvisée, Julie eut du mal à garder son sérieux, mais elle continua, en fixant son carton pour ne pas éclater de rire.

 

— Tout à fait! Chaque dimanche, nous verrons le résumé de la semaine de nos candidats, qui auront des cours à suivre les lundis et vendredis, et qui seront mis dans un contexte particulier pour tester leurs nouvelles connaissances auprès des femmes. À la fin de chaque émission, vous pourrez voter pour votre candidat préféré via l’application Opération Séduction et celui qui récoltera le plus de votes aura droit à un privilège en vigueur la semaine suivante. En tant qu’animatrices et conseillères, nous accorderons également un privilège de notre choix au gars qui aura démontré le plus d’efforts ou la plus grande amélioration durant sa semaine.

 

— Après la pause, nous rencontrons nos participants. Restez-là!

 

Les deux filles profitèrent des publicités pour discuter:

 

— Es-tu prise dans ton fauteuil, toi? demanda Pascale, qui trouvait le confort du sien plutôt discutable.

 

— J’ai l’impression qu’il est en train de m’avaler le derrière! Je vais avoir de la misère à me relever tantôt!

 

— Avec le cuir des sièges et les spots au-dessus de nous autres, on dirait que je suis en train de fondre!

 

— Je transpire pis ça colle… C’est bien trop chaud, ces lumières-là!

 

— En plus, mon fauteuil fait des bruits de pet chaque fois que je bouge, j’espère que mon micro n'est pas trop proche!

 

Tandis qu’elles échangeaient leurs impressions, les cinq gars, qu’elles n’avaient toujours pas rencontrés, furent amenés sur le plateau et invités à s’asseoir sur le long divan en face d’elles. En les apercevant, les deux animatrices se regardèrent, incrédules: elles n’en croyaient pas leurs yeux!

 

« Les filles! Retour en ondes dans 5, 4, 3…,! »

 

L’air ahuri, Julie murmura à Pascale:« Ne les regarde pas! Il ne faut pas rire! » Pascale répondit à voix basse : « Je sais, mais ce n’est pas évident! Et on ne doit pas trop bouger non plus, on va avoir l’air de péter pendant tout le reste de l’émission! »

 

Le direct reprit et elles s’efforcèrent de rester aussi professionnelles que possible. Sur leurs notes, elles avaient seulement les prénoms des gars, mais ne savaient pas lequel était qui.

 

— Sans plus tarder, voici nos célibataires, annonça Julie.

 

Des applaudissements et des sifflements retentirent dans la salle.

 

— Rodrigue, Guy, Steve, Simon-Yakim et Claude-André, bonsoir! ajouta Pascale, tandis que les messieurs souriaient chacun leur tour.

 

Sur les écrans géants situés au-dessus des gars et des animatrices apparurent les photos des candidats avec leur noms. Quand elles se rendirent compte que le jeune homme à la coupe Longueuil s’appelait Steve, comme le personnage de E-Steeve dans « Synvain Rénove » et qu’il lui ressemblait presque trait pour trait, les deux animatrices en furent déconcentrées pendant quelques secondes. Par chance, les regards et les caméras étaient tournés vers les écrans, sinon leurs visages et leurs fous rires refoulés auraient largement trahi leur manque d’expérience!

 

— On va commencer avec Rodrigue, annonça Pascale, très heureuse d’être assise à deux mètres des participants, car certains d’entre eux ne sentaient pas très bon. Rodrigue, dis-nous ce que tu fais dans la vie, quel âge tu as et pourquoi tu participes à Opération Séduction.

 

Ledit Rodrigue, qui insista pour se faire appeler Rod, se tortilla sur le divan pour décoller son fond de culotte qui lui rentrait dans la craque tout en essayant d’être discret. Ses jeans déchirés, son chandail usé à l’effigie d’un groupe de heavy metal et ses cheveux noirs, frisés et très longs lui donnaient un air de… Otto, le chauffeur de bus des Simpson, et de Bob Binette, défunt personnage des Bleu Poudre, ce que les deux filles n’avaient pas manqué de remarquer. Seul détail qui le distinguait des deux personnages: sa barbe noire striée de poils blancs, longue et fournie, qui n’avait pas dû connaître de coupe depuis plusieurs années, pas plus que ses cheveux d’ailleurs! Il avait le look des rockers des années 80-90, avec une grosse barbe de motard mais un air espiègle qui ne faisait pas très peur!

 

— Je m’appelle Rod. Je travaillais dans un bar, mais là, je suis entre deux jobs. Je profite de mon break pour participer à l’émission. J’ai 38 ans et je me suis dit que de passer à la TV m’aiderait sûrement à me trouver une blonde. Je ne sais pas pourquoi, mais les filles se moquenttoujours de moi quand j’essaye de les cruiser!

 

— On se demande bien pourquoi! ironisa Julie, qui n’aurait certainement pas voulu d’un tel spécimen dans sa vie sentimentale. Ok, Guy,maintenant, présente-toi un peu, que nos téléspectateurs apprennent à te connaître!

 

Guy, la quarantaine avancée, vêtu d’un imperméable beige sur un pantalon brun et une chemise beige et brune, était coiffé comme un monsieur qui essaie de cacher sa calvitie: il avait ramené de côté une mèche trop longue pour camoufler son front dégarni. Nerveux, il repoussa ses lunettes modèle 1985 sur son nez et bafouilla:

 

— Je… Euh… Moi, c’est Guy, et je travaille dans une épicerie pis, euh… je voulais participer à l’émission pour me… trouver une blonde… moi aussi, bredouilla-t-il, en rougissant.

 

— T’es à la bonne place, Guy! intervint Pascale. Après l’émission, les femmes vont tomber à tes pieds, tu peux être sûr! (Et une chance que notre public est assis loin, pensa-t-elle, parce qu’il y en a certainement quelques-unes qui seraient tombées sans connaissance ce soir avec l’eau de Cologne cheap que tu as mise!) Passons maintenant à notre troisième candidat, Steve!

 

Le jeune homme était en train de tripoter un tournevis miniature pour calmer sa nervosité lorsqu’il entendit prononcer son nom. TDAH sévère, il ne suivait pas la conversation, trop occupé à scruter la salle à la recherche de jolies filles.

 

— HEIN? fit-il, en sursautant.

 

Son tournevis lui échappa des mains et alla se ficher dans l’imperméable ouvert de Guy, qui lâcha un cri de… fillette en sentant l’objet pointu le frôler, ce qui provoqua un fou rire généralisé dans l’assistance.

 

— Eh boy! Ça promet! lâcha Julie, qui trouvait ses candidats absolument… parfaits pour l’émission! C’est à ton tour de te présenter, Steve! lui rappela-t-elle.

 

— Ben… Je m’appelle Steve.

 

— Tu fais quoi dans la vie, et quel âge as-tu? redemanda Julie, qui voyait bien que le gars ne suivait pas du tout.

 

— Je travaille dans la concsctruction! Et j’aime ça, faire des rénos! Je suis bon là-dedans, je peux réparer toutes sortes d’affaires! En passant, c’était ma fête la semaine passée, j’ai eu 27 ans et on a fait un ostie de gros party au…

 

— Et pourquoi participes-tu à Opération Séduction, Steve? le coupa Pascale.

 

— Pour me trouver une blonde? répondit-il, pas trop sûr d’avoir la bonne réponse.

 

— Très bonne réponse! exagéra Julie. On l’applaudit, mesdames et messieurs!

 

Le public s’amusait déjà à rire des tatas assis sur le divan, et ce n’était pas fini! Julie s’adressa au quatrième concurrent, un beau jeune homme habillé d’une chemise de soie mauve et d’un pantalon noir brillant. Ses cheveux châtains semblaient faire sa fierté: sa frange, qui lui tombait sur un côté du front, était bien fixée avec du gel coiffant. Son teint foncé trahissait sa dépendance aux salons de bronzage et au fond de teint et ses dents beaucoup trop blanches attiraient l’attention du fait qu’elles étaient quasiment fluorescentes. Ses ongles bien manucurés et peints en vert, ses chaussures stylées en cuir véritable et l'absence de poils sur son visage terminaient le portrait.

 

— Je m’appelle Simon-Yakim, dit-il, en éblouissant quasiment les deux animatrices avec son sourire. Je suis ici pour remporter le concours, bien sûr, et pour rencontrer la femme de ma vie. Je suis beau, intelligent et propre, mais les filles ne veulent que rarement passer plus d'une soirée avec moi. Pourtant, elles ne pourraient pas trouver mieux, je suis parfait!

Si les filles restèrent sans voix devant autant d’arrogance, ce ne fut pas le cas du dernier candidat, assis au bout du divan :

 

— C’est sûr, tu ressembles à une fille, avec ton look! En plus, tu es fendant en criss! Demande-toi pas pourquoi tu es célibataire, maudit innocent!       

 

Pascale évita le début d’une chicane en interrompant celui qui venait de s'imposer dans la conversation.

 

— Et voici le dernier et non le moindre, Claude-André! Présente-toi, pour le bénéfice de notre public, Claude!

 

La caméra fit un gros plan : 6’4’’, très musclé, Claude-André avait les cheveux blonds, ondulés et mi-longs, les yeux bleus, une barbe de quelques jours et la tête aussi enflée que ses biceps. Il portait un T-shirt noir au moins deux tailles trop petit et des pantalons de jogging gris foncé, ses cuisses étaient fort possiblement trop grosses pour entrer dans un jean!

 

— Moi, c’est C-A. J’ai 40 ans, mais je sais que je ne fais pas mon âge. On me dit souvent que j’ai l’air pas mal plus jeune! Je travaille dans un gym comme entraîneur et ça fait trois ans que je suis célibataire. Pourtant, je suis un bon gars. Je me suis dit qu’avec l’émission, je deviendrais plus populaire et que je pourrais rencontrer plein de belles filles!

 

-Ah, ça, c’est sûr que vous allez rencontrer beaucoup de femmes! fit Julie, qui ajouta, dans sa tête: « Je ne suis pas sûre qu’elles vont toutes vous trouver de leur goût, mais bon! »

 

« Deux nonos, deux têtes enflées et un coincé… Belle gang de colons! » songea Pascale, qui se demandait comment la production avait fait pour sélectionner leurs concurrents. Ils avaient certainement choisi les pires spécimens, pour le défi que ça représentait, et pour le show aussi!

 

— Après la pause, on découvre le loft! annonça Julie, quelque peu déconcentrée par un mélange tenace de parfum Axe, d’eau de Cologne et de transpiration masculine.

 

Elle ne savait pas encore lequel sentait quoi au juste et ne tenait pas à le découvrir précisément non plus. Pascale réprima un fou rire en se disant que si quelqu’un avait le malheur d’allumer un briquet, le studio risquerait d’exploser tellement le parfum était dense! Elle suspectait le beau Simon pour ce qui était du Axe; l’un des quatre autres dégageait une odeur de dessous de bras, mais lequel?... Guy s’était vraisemblablement aspergé d’eau de Cologne et le mélange de tout ça était un peu écœurant!

 

La coiffeuse et la maquilleuse arrivèrent en catastrophe pour retoucher le fond de teint et les cheveux des animatrices, qui apparemment n’avaient pas encore assez de spray-net, puis elles se sauvèrent en courant dix secondes avant le retour en ondes.

 

Pendant ce temps, les cinq gars s’examinaient les uns les autres, puis Guyleur apprit qu’il avait sorti ses poubelles avant d’arriver sur le plateau, parce que le camion passait très tôt dans sa rue le lendemain matin. M.Muscles arracha le tournevis à Steve, qui s’était remis à jouer avec, et menaça de le lui rentrer dans un œil s'il n’arrêtait pas son manège. Rodrigue commença à roter l’alphabet, ce qui fit rire Steve, et Guy, insulté que personne ne porte attention à son histoire de vidanges, vira au rouge presque mauve parce qu’il n’était pas content.

 

« OK! Retour en ondes dans 5, 4,3…, ! »

 

Les animatrices parvinrent, non sans difficulté, à calmer les candidats, et ordonnèrent à Rodrigue d’arrêter de roter (il était rendu à « K »). Les gars se turent juste à temps avant le retour en ondes et les filles purent entreprendre le dernier segment de la première émission en précisant comment allaient se passer les prochaines semaines.

 

Pascale prit la parole.

 

— Tout d’abord, Julie et moi allons aussi faire office de professeurs : nous allons essayer de former nos hommes à l’art de la séduction à l’aide d’un super livre paru en 1983 : « Comment séduire les femmes ». Chaque semaine, nous aurons un thème différent et les gars auront des défis à relever. De plus, Julie sera disponible en tant qu’intervenante pour aider nos cons… EUH! nos concurrents, à surmonter leurs différents problèmes tout au long de leur parcours.

 

— Oui, tout à fait! renchérit Julie. Maintenant, les gars, êtes-vous prêts à découvrir où vous allez vivre pendant les douze prochaines semaines?

 

Les gars répondirent tous oui (évidemment: ils étaient là pour ça et on leur avait bien spécifié avant de les sélectionner qu'ils auraient à vivre ensemble dans un endroit isolé pour toute la durée d’Opération Séduction). Apparurent alors à l’écran des images d’un logement… bien ordinaire.

 

— La ville vous offre généreusement l’un de ses vieux lofts en plein centre-ville! s’enthousiasma Julie, devant les images qui défilaient.

 

— Bon, c’est pas le grand luxe mais vous allez avoir de l’espace en masse! rajouta Pascale, qui se retenait pour ne pas rire. Il ne faut pas oublier que notre émission n’est pas en ondes à TVA, et que nous n’avons pas le budget d’Occupation Double non plus! Steve, tu vas être content : il y a plein de rénos à faire là-dedans, tu vas avoir de quoi t’occuper pendant tes temps libres!

 

— YESSS! hurla Steve, un peu trop heureux au goût deGuy, qui se renfrogna encore plus.

 

— Est-ce qu’on va avoir Internet? demanda Simon.

 

— Non. L’idée est de vous concentrer sur vous et d’apprendre à vous connaître, pas de passer votre temps à niaiser sur Facebook ou Instagram, répondit Pascale.

 

— Ben là… chiala Rodrigue, déçu.

 

— Vous allez vous installer dès la fin de l’émission de ce soir, leur apprit Julie. Demain etvendredi, Pascale et moi irons vous rendre visite pour vous donner quelques leçons et vous mettre dans le bain!

 

— Comment ça, le bain? demanda Steve, qui n’avait compris que le dernier bout… à moitié. Il n’était pas sûr de vouloir se faire donner un bain par une des animatrices!

 

— C’est une façon de parler, Steve! se reprit Pascale. Ça veut dire qu’on va vous expliquer ce que vous aurez à faire pendant le reste de la semaine!

 

— Ah. Mais est-ce qu’il va falloir qu’on prenne notre bain? redemanda Steve, qui, décidément, ne suivait pas.

 

— Tu n’es pas obligé, tu pourras prendre ta douche à la place! ironisa Julie, qui le trouvait pas mal niaiseux… mais drôle en même temps.

 

— Ah fiou! Parce que je n’aime pas vraiment prendre des bains, moi, et…

 

« Cibole! » pensa Julie. « On va avoir de la job à faire avec lui, il n’y a pas une fille qui va vouloir l’endurer plus que cinq minutes sans l'étriper! »

 

— Vous aurez donc douze semaines pour vous transformer en parfait gentleman! dit Pascale, pour couper court à l’histoire de bain de Steve.

 

— Et notre mission à nous, c’est de vous apprendre comment faire! ajouta Julie, qui voyait l’ampleur de leur « travail » : il leur faudrait vraiment transformer cinq nonos finis en séducteurs?!

 

— Il va falloir se retrousser les manches, ce sera pas facile! commenta Pascale.

 

— Quelles manches? demanda Steve, à voix basse, en parlant àGuy.

 

Guyhaussa les épaules. Il n’avait pas compris le rapport lui non plus, mais ne voulant pas avoir l’air épais, il fit semblant d'écouter les deux animatrices et ignora les questions et les remarques que Steve ne cessait de passer. Ce qui était plutôt difficile car le jeune et très énergique candidat accompagnait ses paroles de grands gestes, manquant chaque fois de frapper les deux candidats assis à ses côtés!

 

— BUUURP! Oups, excusez! fit Rodrigue, qui manquait probablement d'attention… Hé! C’est le fun avec un micro, ça résonne bien!

 

Le culturiste assis au bout du divan ne le trouva pas drôle et Guynon plus : il avait passé l’âge de se faire roter dans les oreilles. Par contre, Steve était hilare et les filles s'efforcèrent de… ne pas rire en faisant leur possible pour terminer les dernières minutes de l’émission.

 

— Bon! Eh bien, je pense que la semaine va être fort intéressante, n’est-ce pas, Julie? dit Pascale, qui se redressa quelque peu pour éviter de disparaître dans le fond de son immense siège.

 

FRRRRROOOUUUT! fit le fauteuil. « Ah! Maudit! » pensa Pascale, tout à coup fort embarrassée. Julie la regarda avec de grands yeux étonnés.Rodrigue, qui avait très bien entendu, s’exclama:

 

— HAHAHA! TU AS PÉTÉ EN DIRECT À LA TV!

 

Steve et Rod étaient morts de rire, tandis que Guy voulait disparaître en dessous du divan. Simon-Yakim resta sérieux (pour ne pas défaire son fond de teint) et Claude-André, lui, profita de ce moment de confusion et de fous rires pour faire craquer son gros cou, raide de s’être trop entraîné la veille pour paraître encore plus musclé à la télévision.

 

— C’est mon fauteuil…, essaya de se défendre Pascale, qui regarda Julie, découragée.

 

— HÉ! s’exclama Rodrigue. Est-ce qu’on pourrait en avoir des pareils dans notre loft? C’est trop drôle, je veux essayer!

 

L’émission se conclut avec un gros plan sur la face des animatrices, qui avaient totalement perdu le contrôle et qui ne savaient plus du tout quoi faire pour ramener l’ordre.

 

Deux des caméramans s’offrirent pour les aider à s’extirper de leurs fauteuils, qui émirent des « Frout! » et des « Prouuuut! » jusqu’à ce qu’elles parviennent à se relever. L’équipe de la production jugea préférable de laisser les sièges aux gars pour meubler leur loft, et de fournir des chaises normales aux animatrices pour la prochaine émission!

 

Les cinq gars récupérèrent leurs sacs et furent dirigés vers le stationnement, où un autobus les attendait pour les conduire à leur nouvelle demeure temporaire.

 

En chemin vers la sortie, après leur départ, Pascale soupira.

 

— Je sens que ça ne sera pas évident! Il n’y a rien à faire avec ces gars-là, ils sont vraiment morons!

 

Julie éclata de rire.

 

— Je te rappelle que c’était ton idée, ce projet-là! Ils sont épais, mais c’est sûr que l’émission va être divertissante!

 

— Mets-en! Surtout qu’ils vont être obligés de vivre ensemble pendant trois mois! J’ai hâte de voir ça!J’ai l’impression qu’il va y avoir des flammèches, surtout entre les deux « frais chiés »!

 

— Ouais! Surtout qu’ils n’ont pas l’air d’avoir trop le sens de l’humour! Dire qu’on va être obligées de les côtoyer pendant trois mois, nous aussi!

 

— J’espère qu'ils n'auront pas l’idée de NOUS séduire!

 

— Arrrk! Une chance que c’est écrit dans les règlements qu’on n’a pas le droit de fréquenter nos candidats! Ils n’avaient pas besoin de nous le préciser, il n’y a pas de danger que ça arrive!

 

 

 

Dimanche soir 22 h 15

 

 

Le bus s’arrêta devant le bar « Chez Fernand ».

 

— COOL! On va finir la soirée ici? s’exclama Steve, en se levant de son siège.

 

— Bien non, épais! Notre loft est en haut! rétorqua Claude-André, en le suivant.

 

— C’est donc bien le fun! On va pouvoir descendre, des fois, quand même? poursuivit Steve, qui stoppa net devant la porte du véhicule, pour admirer une demoiselle en mini-jupe qui sortait justement de l’établissement.

 

— Allez, avance! s’impatienta C-A, en manquant lui foncer dedans. Non, on ne peut pas sortir du loft, sauf quand on va avoir des activités de prévues. Tu n’as pas écouté quand ils nous l’ont expliqué, après-midi?

 

Steve sortit du bus et avoua candidement qu’il n’avait pas « tout écouté » lors de leur rencontre avant l’émission. Simon-Yakim repéra l’escalier, situé sur le côté de la bâtisse, et les gars montèrent à sa suite.

 

— Tabarnak! Ça fait donc bien dur! s’exclama Claude-André, alias M.Muscles, en laissant tomber son sac à dos dans l’entrée.

 

Un peu partout dans le loft, sauf dans la salle de bain, des caméras plus ou moins cachées avaient été installées pour capter les réactions des gars. Assises bien confortablement chez elles, Julie et Pascale avaient accès en tout temps et en direct aux images grâce à leur collègue Éric, qui avait travaillé fort sur le système de surveillance les jours précédents. Pour le résumé du dimanche, il devrait piger dans les meilleurs moments de la semaine pour réaliser ses montages. Julie n’avait pas eu trop de mal à le convaincre de travailler sur ce projet un peu fou avec elles.

 

— Ce n’est pas du tout comme sur les photos qu’ils nous ont montrées à l’émission! se plaignit Simon-Yakim. C’est sale et poussiéreux!

 

— En tout cas, c’est quand même « plusse » propre que chez nous, je trouve, dit Steve, en haussant les épaules.

 

— On ne dit pas « plusse » le reprit Simon, qui cherchait un endroit pour déposer son sac. Il faut dire « plus » sans prononcer le « s ».

 

— Voyons, toi! répliqua Steve aussitôt. Penses-tu qu’on va se mettre à jaser avec la bouche en cul de poule, nous autres?

 

— Ouais, ta gueule, man! renchérit Rodrigue.

 

Dernier à entrer, Guy marmonnait dans son semblant de barbe. Il savait déjà qu'il n’aimait pas les autres gars, que le loft puait et que l’émission serait plate. Mais comme son but était de se trouver une femme, il lui faudrait bien endurer les mauvaises manières des deux twits (selon lui, Rod et Steve), du gars qui avait l’air d’une fille (Simon-Yakim- il trouvait que même son nom sonnait prétentieux) et la grosse tête de l’autre niaiseux qui pensait juste à ses muscles. « J’espère au moins qu’ils ne ronflent pas- une chance que j’ai pensé à m’apporter des bouchons d’oreilles! », se dit-il, en s’avançant pour examiner la pièce qui leur servirait de chambre.

 

— Les gars! On va pouvoir s’entraîner! Il y a un vélo, un tapis roulant et des barres d’haltères icitte! s’écria M. Muscles, tout heureux.

 

— Il faut dire « ici », pas..., commença Simon.

 

— Hé, toi! Je ne t’ai pas sonné! le rabroua Claude-André. Si tu m’obstines encore, je t’arrache tes beaux petits cheveux un par un, c’est clair?

 

Simon se renfrogna et alla explorer la chambre à son tour. Guy avait déjà choisi le lit le plus près de la fenêtre et il testait le matelas en s'asseyant dessus à répétition. « Je vérifie si ça craque », expliqua-t-il. Simon, de son côté, se pencha et examina le dessous des lits, les matelas et la literie avec attention, à la recherche de punaises de lit, de coquerelles ou de toute autre bibitte indésirable. Tout était neuf et propre, du moins dans la chambre. Même pas de moutons de poussière qui roulaient sur le plancher!

 

— Fiou! Au moins, on va pouvoir dormir tranquilles, déclara-t-il, en se relevant.

 

Dans leur salon, chacune chez elle, Julie et Pascale les observaient. Les gars ne savaient pas encore que des micros et haut-parleurs étaient dissimulés dans tout le loft, ils avaient été avisés pour les caméras, mais ils ne s’attendaient certainement pas à ce qui allait suivre…

 

— LES GARS! IL EST 22h30! entendirent-ils.

 

— Ostie de câlisse de tabarnak! Qu’est-ce que c’est que ça, ciboire? s’exclama Rodrigue avec beaucoup de… vocabulaire.

 

— OUPS! BON, IL VA FALLOIR AJUSTER LE VOLUME, C’EST UN PEU TROP FORT, JE PENSE! dit Pascale.

 

— OUI, EN EFFET! ajouta Julie, qui riait parce que leurs candidats venaient de faire un méchant saut. LES GARS, DEMAIN MATIN ON VA ÊTRE LÀ À 8 h 30, DONC NE VOUS COUCHEZ PAS TROP TARD!

 

— Où est la manette pour le son? s’énerva Steve, qui avait mal aux oreilles tellement le volume était fort.

 

— IL N’Y EN A PAS, C’EST NOUS QUI AVONS LE CONTRÔLE! lui apprit Pascale, qui trouvait ça drôle.

 

Guy, lui, affichait un semblant de mini-sourire. Debout dans le cadre de la porte de chambre, il avait mis ses bouchons. Pour lui, le son était tout à fait… endurable!

 

— Criss, man! Le lustre au plafond shake à force que c’est fort! constata Rodrigue, impressionné. Et il y a des bouts de plâtre qui sont tombés du mur!

 

— ROD! SURVEILLE TON LANGAGE!l'avertit Julie, en faisant tomber involontairement un autre amas de poussière au-dessus du comptoir de la cuisine.

 

La première soirée des gars se termina une heure plus tard, après qu’ils eurent tous choisi leur lit. Curieusement, seul Simon-Yakim alla prendre une douche. Il occupa la salle de bains exactement quarante-deux minutes, vida le réservoir d’eau chaude et laissa sur son passage quantité de produits de beauté, crèmes, shampooings et autres tubes et bouteilles. Trois serviettes et deux débarbouillettes mouillées jonchaient le lavabo et le plancher lorsqu’il sortit enfin dans un nuage de Axe pour aller se coucher. L’odeur du parfum fit tousser Claude-André, mais comme il était trop fatigué pour se fâcher, il se retourna dans son lit en s’enfouissant la tête sous ses couvertures.

 

Puisqu’il manquait encore des meubles, l’endroit était plutôt écho : ils entendaient les bruits provenant du bar, la musique et les voix des clients, mais ils se disaient que la soirée finirait par se calmer.

 

Alors qu’ils commençaient à s’endormir, le party commençait à peine chez Fernand. À 23 h 00, la musique résonnait si fort que les objets que les gars avaient posés sur leurs tables de nuit - réveille-matin, bouteilles d’eau, livres, portefeuilles- tombèrent l’un après l’autre sur le sol, à cause des vibrations provenant du bar.

 

— TABARNAK DE CÂLISSE! sacra Claude, bien réveillé à présent. On ne pourra jamais dormir avec ce bruit-là!

 

— Ça n'aidera pas si tu chiales en plus! marmonna Simon-Yakim. Guy! As-tu d’autres bouchons pour les oreilles?

 

Les autres gars approuvèrent son idée et Guy leur distribua des bouchons, qu’il avait apportés en quantité quasiment industrielle. Le plancher vibrait toujours, mais une fois les accessoires retirés de leurs tables et leurs oreilles bouchées, le bruit était un peu plus endurable. Les gars se dirent qu’ils pourraient enfin dormir et se calèrent le plus confortablement possible dans leurs lits. À peine trente minutes plus tard, la sonnette retentit.

 

— MAUDIT CALVAIRE! s’énerva Rodrigue, en se levant pour aller voir qui était l’épais qui osait sonner à cette heure tardive. Il ouvrit la première porte, qui donnait dans la galerie arrière, et s’aperçut assez vite qu’il devait AUSSI descendre l’escalier pour aller ouvrir la porte du bas, afin que la personne arrête de sonner.

 

— Salut, man! As-tu du pot? lui demanda un jeune homme ivre qui chancelait, la main appuyée sur la sonnette.

 

— Quoi?

 

— Du pot, man, il t’en reste-tu?

 

— On ne vend pas de drogue ici et ôte donc ta main de sur la sonnette, tu vas réveiller tout le monde en haut!

 

Rod dut s’obstiner quelques minutes avec le visiteur, qui voulait voir un certain Ghislain pour lui acheter de quoi fumer. Il lui expliqua que personne de ce nom n’habitait là et finit par lui fermer la porte au nez parce que l’autre, trop intoxiqué, ne comprenait pas. Il remonta, de mauvaise humeur, et se laissa tomber sur son lit en soupirant.

 

De toute évidence, les anciens locataires fournissaient la clientèle du bar en cannabis et autres drogues, car certains clients pas encore au courant de leur déménagement vinrent sonner à quelques reprises, ce qui déclencha la colère des candidats, qui se promirent d’en parler aux animatrices. Les gars eurent donc droit à une nuit fort mouvementée et furent réveillés à… 6 h 30 par l’alarme de C-A, qui s’entraînait toujours tôt le matin.

 

 

 

 

 

 

 

Lundi

 

 

 

 

 

— Ferme ton ostie de cadran, man! chiala Rodrigue, en pestant en même temps contre les rideaux qui étaient tout sauf opaques.

 

— Ah! Ne commencez pas la journée dans la chicane, les gars! fit Simon-Yakim, en s'asseyant sur le bord de son lit, les cheveux ébouriffés. Il faut se lever, de toute façon, les deux folles vont arriver tantôt!

 

— QUI TRAITES-TU DE FOLLES?

 

La voix de Julie résonna dans la chambre et le volume tira de leur lit Steve, qui dormait toujours, et Guy, qui, malgré ses bouchons, avait très bien entendu!

 

— AAAAH! Je voulais dire FILLES, excusez-moi! se défendit Simon, qui avait complètement oublié que les deux animatrices pouvaient entendre et voir tout ce qui se passait dans le loft.

 

Malgré le manque de sommeil, C-A se rendit dans l’espace salon et commença à faire des séries de pompes et de redressements assis sans s’occuper des autres, qui étaient encore à moitié endormis. Simon s’empressa de s’enfermer dans la salle de bains, prit une autre douche, y resta dix-huit minutes, se sécha les cheveux, les passa au fer plat, s’enduit le visage avec une crème anti-rides, puis étala une bonne épaisseur de fond de teint, se fit les sourcils et… fit sacrer et enrager Rod, Steve et même Guy, qui attendaient leur tour pour aller faire pipi! Lorsqu’il sortit enfin des toilettes, les gars en étaient presque à se battre pour savoir lequel irait en premier faire ses besoins!

 

— Calvaire, man! Tu es pire qu’une fille! s’exclama Rodrigue, en passant devant les deux autres. Je suis certain que toutes mes anciennes blondes ensemble n'avaient pas autant de bouteilles et de produits que toi!

 

— Pff! Tu sauras que c’est important de prendre soin de ses cheveux et de sa peau! répondit Simon, à travers la porte que Rod venait de refermer.

 

— Je ne pense pas que ce soit nécessaire de mettre autant de beurrage, moi! dit Steve, en se tortillant dans ses boxers usés à motifs de Bob l’éponge.

 

Simon-Yakim fit semblant de ne pas l’avoir entendu et alla inspecter les armoires à la recherche d’un pot de café pendant que C-A continuait sa routine d’exercices en levant la barre d’haltères et en grognant comme un ours. Guy succéda à Rodrigue dans la salle de bains et Steve, tanné d’attendre, alla faire pipi dehors, sur le bord de la galerie, en oubliant qu’il pissait directement sur la terrasse du bar! Tandis que Simon préparait le café, Steve, Rod et Guy s’installèrent à table.

 

— Qu’est-ce qu’on mange, ce matin? demanda Guy.

 

— On fait chacun notre déjeuner et pour le dîner on a des sandwichs et de la soupe. Pour le souper, on devra s’arranger chacun notre tour pour préparer des repas pour tout le groupe, les informa Simon, alias M. Parfait. C’est écrit sur les feuilles que la production nous a remises hier.

 

— Et qui va s’occuper de cuisiner, ce soir? demanda Rodrigue, en passant ses doigts dans sa longue crinière frisée - et jamais peignée- pour défaire un nœud.

 

— Hé! Fais pas ça à table, c’est dégueulasse! s’écria Steve. Tu vas laisser des cheveux dans notre manger!

 

— Dans notre nourriture, Steve, le corrigea Simon en sortant le lait du frigidaire.

 

Guy soupira. Ce n’était pas l’histoire des cheveux à table qui le tourmentait, mais bien de savoir QUI lui ferait à manger! Chez lui, c’était toujours sa mère qui lui servait son déjeuner le matin, son dîner le midi et son souper le soir, mais il n’était quand même pas pour avouer ça aux autres gars! Il savait à peine comment fonctionnait un grille-pain!

 

C-A, qui venait de terminer son heure d’entraînement (et qui propageait une très désagréable odeur de sueur dans le loft par le fait même), se dirigea vers la salle de bains pour se laver. Pendant que Guy examinait le grille-pain en se demandant s'il serait capable de se faire des toasts sans les brûler, Steve dénicha une boîte de céréales dans un placard. Le très prétentieux Simon, lui, entreprit de se confectionner une omelette aux légumes avec des patates et du jambon. Steve et Rod, envieux, espéraient qu’il leur en offrirait, mais le cuisinier en fit seulement pour lui en leur rappelant que le déjeuner, c’était chacun pour soi! Mécontents, les trois autres se contentèrent des céréales- c’était ce qu’il y avait de plus facile à manger sans faire de gaffe!

 

-HÉ, LE FRAIS CHIÉ! entendirent-ils tout à coup, alors que le silence régnait à travers les « crunch crunch » des bouchées de céréales. Tu as bouché le trou de la douche avec tes cheveux et tu as vidé le réservoir à eau chaude! Il a fallu que je me lave à l’eau froide les deux pieds dans le bain à moitié rempli! Et tes petites bouteilles prennent toute la place sur le comptoir!

 

C-A venait de sortir des toilettes, les cheveux mouillés et le bassin recouvert d’une petite serviette rouge (histoire de bien montrer sa musculature aux autres… et en espérant aussi avoir ses cinq minutes de gloire si jamais cet extrait-là passait dans le résumé du dimanche à la télévision!) et il n'était pas content! Rod manqua de s'étouffer avec son café en l’entendant gueuler et Steve, aucunement impressionné, ni par le corps ni par la mauvaise humeur de C-A, déclara, en terminant son bol, qu’il irait arranger le bain bouché dès qu’il aurait le temps.

 

— Mais pour l’eau froide et les bouteilles partout, ça, je peux rien faire par exemple! rigola-t-il en regardant Simon-Yakim, qui s’apprêtait à rouspéter.

 

Alors que le grand blond soufflé aux stéroïdes (selon Steve) allait s’habiller, la sonnette retentit. Et retentit encore… et encore. DING! DONG! DING! DONG!

 

— Voyons, câlisse! C’est donc ben fatigant, cette affaire-là! s’exclama Rodrigue, en se levant pour aller répondre. J’espère que c’est pas encore les ostie de dopés de cette nuit qui cherchent du pot!

 

Heureusement, il ne s’agissait pas de drogués en manque, mais de deux livreurs qui leur apportaient les fauteuils péteurs pour meubler un peu plus leur salon. Content, Rod les laissa passer et remonta derrière eux.

 

— Ah! Salut! Il va falloir arranger la sonnette, le piton est coincé! les informa l’un des deux hommes, en montant le premier siège dans la galerie arrière avec son collègue.

 

Pressés, ils redescendirent aussitôt chercher le deuxième dans le camion.

 

Pendant ce temps, la sonnette, elle, n’arrêtait pas de sonner et Steve n’arrêtait pas de rire parce que Rodrigue, au lieu d’aider, se jetait sur le fauteuil pour entendre le « FRRRROUUUUUT » qui l’avait tellement fait rigoler la veille.

 

— Les gars! Franchement! s’indigna Simon. Vous pourriez pas entrer la chaise au lieu de sauter dessus comme des débiles ? Pis à part de ça, fermez donc la porte, y fait frette!

 

Guy, pas très bavard en temps normal, ne put s’empêcher de relever la faute de M. Parfait.

 

— On dit : « À part de ÇA, il fait froid », Simon.

 

Claude-André, qui croyait avoir entendu son surnom (C-A), lui demanda ce qu'il voulait, en sortant de la chambre en culottes de jogging, sans chandail et pieds nus.

 

— Rien, je voulais juste le corriger, répondit Guy, en pointant Simon.

 

C-A sourit. Il n’aimait pas Simon-Yakim, et il était d’accord avec n’importe qui voulait le niaiser! Même si c’était le beige du groupe, avec ses pantalons en corduroy brun élimés et sa chemise carreautée grise décolorée! Il trouvait que Guy était franchement ennuyant, qu’il s’habillait en pépère et qu’il n’avait pas de conversation, mais une chose était sûre : il était pas mal moins tata que Steve et il ne passait pas son temps à sacrer et à roter l’alphabet comme Rodrigue! Comme les deux épais ne semblaient pas pressés de rentrer les fauteuils, maintenant sur la galerie, il décida de prendre les choses en mains:

 

— Hé, les deux twits! Envoyez en dedans, je vais les rentrer, moi, les chaises! Yakim a raison, il fait froid, la porte ouverte! Toi, M. « Je-suis-bon-en-rénovations », va donc arranger la maudite sonnette en bas avant que le son me donne envie de te l’étamper dans la face!

 

— M’étamper quoi? La sonnette ou le son? demanda Steve, pas pour le niaiser, mais parce qu’il n’avait pas vraiment… écouté.

 

Le fauteuil dans les bras, Claude-André le traita de maudit épais en passant devant lui tandis que Rodrigue réprimait un fou rire. (Il se retenait, pour éviter de recevoir la chaise de plein fouet - M.Muscles n’ayant pas l’air particulièrement patient!) Steve, lui, alla s’habiller vite fait et descendit arranger la sonnette, car le DING! DONG! ne semblait pas vouloir se taire de lui-même!

 

Julie et Pascale arrivèrent ensemble au moment où Steve arrachait le fameux piton, situé en bas des escaliers, à côté de la première porte. Se sentant pris en faute, il tenta d’expliquer, avec les fils qui pendaient entre sa main et le mur :

 

— Euh! Ben, le piton était collé pis il arrêtait pas de sonner en haut - ben, pas le piton, là, c’est à cause des deux gars qui ont apporté les chaises, il y en a un qui a sonné et là… ben ça n’arrêtait pas de faire dong dong en haut et ça tombait sur les nerfs!

 

Il leur sourit de ses belles dents bien alignées mais… jaunes et brunes. Il donnaun bon coup de tournevispour finir d’arracher la sonnette qui ne s’était toujours pas tue : il entendait encore le maudit DING! DONG! qui provenait de l’intérieur. Comme il n’avait pas envie que le gros musclé lui enfonce le piton dans le front, comme il avait dit, il y mit toute son énergie et l’intégralité de la sonnette lâcha, avec une partie de la planche de clapboard dans laquelle elle était vissée. Emporté par son élan, il se retrouva sur les fesses, juste devant les deux animatrices médusées. Heureusement pour lui, sa chute fut amortie par un des coussins des fauteuils, resté en bas, sinon il se serait sans doute fracturé le coccyx en tombant aussi raide!

 

— Ayoye…, se lamenta-t-il, tandis que les deux filles riaient de lui sans gêne.

 

Il se releva trop vite, glissa dans une flaque d’eau et de boue, perdit l’équilibre et se cogna le front sur le bord de la rampe de fer forgé. Comme ladite rampe était un peu lousse, la vibration résonna jusqu’en haut. Julie et Pascale, qui regrettaient de ne pas avoir fait installer de caméras à l’extérieur du logement, décidèrent d’aider le pauvre nono avant qu’il ne se fasse encore plus mal en essayant de les impressionner!

 

— Es-tu correct? lui demanda Julie, en lui tenant un bras.

 

— Oui, oui, j’ai la tête dure! répondit Steve, tout en se frottant le front, quand même un peu étourdi. (Le « dong! dong! » résonnait maintenant… dans sa tête!)

 

Une fois à l’intérieur, les deux animatrices multifonctions s’installèrent à un bout de la table et invitèrent les gars à prendre place - enfin, pour ceux qui n’étaient pas encore assis! Elles leur demandèrent s’ils avaient bien dormi, n’ayant pas vérifié les caméras depuis la veille au soir, et elles s’attendaient à toutes sortes de réponses, sauf au concert de chialage qui suivit. Les gars se plaignirent du bruit du bar, de la musique trop forte et des fatigants qui les avaient dérangés au moins cinq fois pour avoir du cannabis ou des cigarettes.

 

— Bon, euh… Pour la musique, on n’y peut rien, mais je pense que ça serait peut-être une bonne idée de faire mettre un tapis dans votre chambre, ça devrait aider à insonoriser un peu, suggéra Julie, prise au dépourvu par l’humeur et les jérémiades du gang.

 

— On va s’arranger pour que vous ayez des bouchons pour vos oreilles aussi, ajouta Pascale. Même si Guy en a apporté, on va vous en fournir.

 

— Pour les clients du bar qui vous dérangent la nuit, on va aller en parler au proprio plus tard, histoire qu’il avertisse son monde, termina Julie.

 

Une fois le moment « chialage » passé, les filles en vinrent au but principal de leur visite:

 

— Cette semaine, pour commencer, on va y aller avec la base, les informa Pascale. Si vous voulez prendre des notes, vous avez des feuilles et des crayons dans le bureau, là-bas.

 

Évidemment, aucun des gars ne jugea utile d’écrire quoi que ce soit, puisqu’ils étaient convaincus qu’ils arriveraient à retenir toutes les informations nécessaires. Après tout, ils n’avaient sûrement pas tant d’affaires que ça à apprendre, non?

 

— Première leçon, l’hygiène! les informa Julie. On a remarqué qu’il y avait juste deux d’entre vous qui avaient pris une douche. Guy, Rodrigue et Steve, vous ne vous êtes pas lavés, ni hier soir, ni ce matin. Pourquoi?

 

Fier, Simon-Yakim se félicita intérieurement. Il s'apprêtait à passer un commentaire désobligeant, mais Pascale lui fit signe de ne rien dire, du moins pour le moment. Guy regarda les deux autres « fautifs » et attendit que l’un d’eux réponde, ce que Rodrigue ne tarda pas à faire.

 

— Hier soir, j'étais trop fatigué, et ce matin, je n’ai pas eu le temps. De toute façon, j’aime mieux prendre ma douche le soir, d’habitude.

 

— Moi, je me lave quand je pue! déclara Steve, en levant le bras pour sentir son aisselle. Là, je ne sens rien!

 

« Eh cibole! » pensa Julie, alors que Rodrigue semblait trouver sa réponse bien comique. Guy, voyant que les filles le regardaient, finit par dire:

 

— Ben moi… Je prends mon bain le vendredi.

 

— Mets-tu de la mousse dedans? se moqua Claude-André.

 

— Ben oui… Comme ça, j’ai pas besoin de savon pour sentir bon, rétorqua Guy, qui trouvait que sa réponse avait de l’allure et qui ne comprenait pas pourquoi les autres gars rigolaient.

 

« Ouf! On part de loin, là! Ils sont pires que je pensais! », se dit Pascale, découragée par ce qu’elle entendait.

 

« Quand je vais conter ça à Éric, il ne me croira jamais, c’est sûr! J’espère qu’il est en train de regarder les caméras! », pensa Julie.

 

— Bon, les gars, là, il faut vraiment travailler là-dessus cette semaine! déclara Pascale. Premièrement, les filles n’aiment pas les gars qui ne sentent pas bon!

 

— Mais je ne sens rien! répéta Steve, qui s’adressa à Rodrigue assis à côté de lui en lui présentant son dessous-de-bras : trouves-tu que je sens le swing?

 

— Euh… non, répondit Rod, qui n’osa cependant pas s’approcher pour sentir de trop près. Toutefois, pour être sûr de lui-même, il se pencha en levant son bras, histoire de vérifier si lui-même ne puait pas!

 

— Maudit que vous êtes caves! s’exclama Simon-Yakim. Franchement! Tout le monde sait qu'il faut se laver trois fois par jour!

 

— Trois fois par jour, c’est pas une émission, ça? demanda Steve.

 

— Avec la belle Marilou! répondit Rod.

 

— LES GARS! Vous changez de sujet, là! les coupa Julie, qui se demandait si elle arriverait à leur faire comprendre quelque chose. POUR COMMENCER, NON, ce n’est pas nécessaire de prendre trois douches par jour, Simon!

 

Incrédule, Simon-Yakim, qui avait pourtant l’habitude de se laver matin, midi et soir depuis des années, se demanda si les filles n’exagéraient pas un peu. Julie se leva et inscrivit sur le tableau blanc derrière elle la base de l’hygiène selon leur livre-ressource: « Comment séduire les femmes ». Puisque les gars ne semblaient pas vouloir prendre de notes, autant mettre leurs leçons du jour en gros sur le tableau!

 

 

 

QUOTIDIENNEMENT:

 

— Prenez une douche

— Appliquez un désodorisant

— Brossez vos dents

— Lavez vos cheveux

— Changez vos sous-vêtements1

— Voilà! dit Julie. Avez-vous des questions?

 

 

 

En se retournant vers les gars, elle comprit qu’il serait probablement difficile de leur faire entrer cette leçon- et les suivantes!- dans la caboche! Steve se décrottait le nez avec son pouce, Rod avait renversé la salière et traçait un chemin dans son dégât avec le manche d’une cuillère, Guy lisait la boîte de céréales ( il se demandait si ce serait déplacé de se resservir maintenant que les filles étaient là), Simon-Yakim se limait les ongles et Claude-André plissait les yeux pour essayer de lire ce qu’elle avait écrit au tableau- il ne voyait pas grand-chose sans ses lunettes, mais il ne voulait rien savoir de les porter pour ne pas défaire son look! Pascale, lorsqu’elle s’aperçut que Steve, assis à côté d’elle, se fouillait dans le nez, lui sacra une claque derrière la tête en le traitant de cochon, ce qui le sortit de son occupation.

Steve leva les yeux, vit le tableau et demanda (par hasard, parce qu’il n’avait aucunement compris la question):

 

— Euh, qu'est-ce que ça veut dire, quoti… ma ment?

 

— Ça veut dire à tous les jours, maudit gnochon! répondit Claude-André, qui s’emmerdait solide.

 

— Ça veut dire qu'il faut que je change mes caneçons tous les jours? demanda Steve.

 

Julie et Pascale se regardèrent en soupirant.

 

— Oui, Steve, exactement! rétorqua Julie, qui commençait à sentir la moutarde lui monter au nez.

 

— Les gars! Vous voulez apprendre à séduire les filles ou pas? reprit Pascale, qui constatait que sa patience diminuait à chaque minute passée avec eux.

 

Des grognements et des « Ouais, ouais… » retentirent autour de la table, suivis d’un « Hé! On a une télé! » de la part de Rod, qui venait d’apercevoir l’écran en partie caché par une immense plante verte.

 

— Bon! Donc, pour cette semaine, on va vous juger sur ces points-là, leur rappela Julie. On commence tranquillement, ça ne devrait pas être trop difficile! Faites-vous un horaire pour la douche et essayez de le respecter pour éviter la chicane!

 

— Et ne touchez pas à mes produits! ajouta Simon-Yakim, qui paniquait un peu à l’idée de ne pas se laver autant qu’à son habitude.

 

— Pas de danger que je touche à ça, c’est pour les filles, tes affaires! rétorqua C-A.

 

— Pas du tout! Tu sauras que…, commença Simon, insulté.

 

— BUUUUURP! fit Rodrigue, pour leur changer les idées.

 

Guy devint mauve et Steve riait tandis que les deux belligérants continuaient de s’obstiner. Julie et Pascale, qui avaient mal à la tête, ramassèrent leurs cahiers et leurs crayons et se dirigèrent vers la porte.

 

— Ouf!... Éric va avoir de la job cette semaine! fit remarquer Julie, en descendant l’escalier.

 

— Mets-en! Il a déjà de la matière pour une heure de show pis on est juste lundi matin! Je ne sais pas comment il va faire pour résumer la semaine au complet en vingt minutes!